Vers le soleil levant - Logan Gosselin - E-Book

Vers le soleil levant E-Book

Logan Gosselin

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Beschreibung

Et toi, quels sont tes rêves ? On ne saisit l’immensité du monde qu’en l’arpentant, tout comme on ne se découvre vraiment qu’en se confrontant à soi-même. Ce récit est celui des premiers pas de l’auteur en tant que vagabond, une quête où chaque horizon franchi est une conquête de ses rêves. Seul avec son sac à dos, il a plongé dans l’inconnu, cherchant à donner un sens à son existence. Entre rencontres et liberté, ce voyage l’a porté aux confins du monde, toujours à la poursuite du soleil levant.

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Seitenzahl: 259

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Logan Gosselin

Vers le soleil levant

© Lys Bleu Éditions – Logan Gosselin

ISBN : 979-10-422-6849-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Le monde des ombres

C’est quand on marche vers le soleil que notre ombre nous suit.

Inversement, si on a la folie de la suivre, on ne la rattrapera jamais.

À l’aube comme au crépuscule, elle peut nous accompagner.

Et c’est au zénith qu’on la distingue à peine.

Elle est raccrochée à moi et définit ce que je suis mais ne fait pas partie du même monde.

C’est pourquoi je vois le passé comme mon ombre.

Je suis à l’apogée de ce que je voulais être, je m’en vais renaître.

Prologue

J’ai souvent pensé que la vie n’avait de sens que si l’on réalisait ses rêves. Certains le font en dépit d’évènements tragiques ou bien par simple force d’esprit et de travail. D’autres se laissent à la tentation du courant qui emporte d’innombrables âmes égarées. Peut-être parce qu’elles ne savent pas quoi faire ou par peur. Dans chacun des cas, il n’est pas bon de juger cela. Car nous ne pouvons connaître les défis et les obstacles que d’autres doivent braver. En revanche, nous pouvons leur offrir de quoi imaginer. Nous pouvons leur offrir une humble petite flamme d’espoir qui permettrait d’accéder à nos rêves. Et pourquoi pas… les réaliser ?

Pourquoi penser à ça maintenant ? Et puis, où suis-je ? J’ai comme l’impression d’un vide autour de moi. Une apesanteur indescriptible. Je me tiens debout, immobile, avec l’impression de flotter comme du pollen. Un silence de mort où l’on perçoit chaque battement de son cœur, chaque pulsation de son sang dans les veines. Je sais, malgré mes paupières fermées, qu’il fait sombre, presque aveuglé par une noirceur totale et pourtant… Et pourtant je peux y voir clair. En ouvrant les yeux, je ne constate rien, un vide. Le vide que l’on peut apercevoir dans les abysses ou dans l’espace. Mais l’oxygène y règne. Je peux me sentir vivre, respirer et pourquoi pas courir. Chacun de mes sens est perturbé par l’espace infini et le lourd silence résonne comme un cri. Un lieu paradoxal où sérénité et chaos peuvent s’entrechoquer dans une danse artificielle. Des énergies qui me stimulent comme de vieilles rencontres. En réalisant mes premiers pas, je vois ma voûte plantaire s’installer contre un vide matériel. Mes pieds se sentent caresser comme par des filaments d’eau traversant chaque partie jusqu’au creux de mes orteils. Cette délicate sensation me pousse à marcher vers un but inexistant. Un sentiment de bien-être se dégage soudain, laissant place à une mélancolie extrême. Ces sensations opposées m’enveloppent comme une mélodie me donnant des frissons jusqu’à accélérer mon cœur. À cet instant, je n’en pense pas grand-chose. L’envie de continuer me dévore et mes perceptions s’intensifient. L’excitation d’apercevoir un éden ou une sorte de paradis m’encourage. Je ne comprends ni la situation ni les sentiments que j’éprouve. Je ne sais pas si je vis, si je suis ce que je crois être mais peu importe. Mon pouls commence sérieusement à accélérer. Je ressens presque une présence, du moins une ombre. Grande. Non, petite. Les deux ? Je suis peut-être maintenant à deux cents mètres de cette puissante attirance où deux univers ont l’air de se croiser. Un point minusculement insignifiant avec la force gravitationnelle d’un soleil. Peut-être suis-je dans un trou noir qui m’entraîne dans sa douce inconnue qu’est le néant. Après tout, je n’ai nulle part d’autre où aller et je ne ressens aucun signe de peur ou de danger. C’est étrange mais je me sens presque soulagé d’être dans cette situation. Dans ce « monde paradoxe ». J’ai comme l’envie de tendre les bras tout en fermant les yeux et d’apprécier les sensations. Une douce chaleur effleure ma peau. Pourtant, aucune source de lumière n’est visible. Une brise légère s’y mêle, me portant presque sans effort. En rouvrant les paupières, je n’ai eu le temps que de voir une silhouette, l’apesanteur me fait brutalement tomber dans un vide sans fond. J’ai eu l’impression de tomber pendant des années et j’ai pourtant atterri très vite. Mon cœur bat si fort qu’il résonne dans tout mon corps, comme un bruit infernal. À genoux, je lève la tête et tout s’arrête. Tout était en suspens. Mon rythme cardiaque était comme éteint, les sensations balayées d’un coup de vent et le silence épais revenu. En un instant, je me suis retrouvé immobile, paralysé, quand mes yeux fixaient les siens…

Un bleu océan, noyé dans les larmes des dernières tristesses. Un regard à la fois perdu et insouciant. Son regard se plonge dans le mien et me lance d’un coup bref une onde de choc très mystérieuse. Ce choc révélateur m’a tout de suite fait comprendre qui je suis et qui il est. Mon âme entière se souvient de chaque instant, chaque émotion, chaque visage. Étant très perturbé par ce qui venait de se passer, je dois reprendre mes esprits et décrocher mon regard afin de mieux voir son visage. Il n’y a aucun doute, cette chevelure blonde et cet air perdu sont bien ceux que je connais le mieux. Il est grand temps que je me relève et discute un peu avec lui. J’ai tant de choses à lui dire et à lui apprendre. Je pose alors ma main sur son épaule et lui dit ces quelques mots :

— Tu vas bien ? Ça fait un petit bout de temps !

— Qui es-tu ? J’ai peur !

— Ne t’en fais pas, tout va bien. Tu es en sécurité.

— Où sommes-nous ? Je ne comprends pas.

— Je n’en ai vraiment aucune idée, mais je suppose qu’on pourra difficilement en sortir.

— Je veux partir d’ici ! Je n’aime pas être ici !

— Calme-toi, je ne sais pas comment nous nous sommes retrouvés ici ni le pourquoi. Mais ce qu’on peut faire c’est attendre que quelqu’un vienne nous aider.

— Et si personne ne vient ?

— Quelqu’un viendra forcément, soit patient. Trouvons plutôt une activité pour passer le temps.

— Il n’y a rien à faire ici.

— Détrompe-toi, nous pouvons échanger quelques mots si tu en as envie.

— Je n’ai pas envie de te parler ni de savoir qui tu es.

— Tu préfères compter les secondes en regardant le vide noir et infini ?

— De quoi voudrais-tu qu’on parle déjà ?

— Je pourrais te raconter les aventures du vagabond que je suis. Qu’en penses-tu ?

— Si ça peut passer le temps, alors vas-y.

— Alors, assieds-toi confortablement ! Je vais te raconter l’histoire d’un jeune fou qui voulait parcourir le monde sans une seule pièce de monnaie !

Premier jour

Au premier jour de ma seconde vie,

Je plongeai lourd au fond du puits.

En pleine eau trouble, se suivit

Un doux fluide sombre azur.

Le froid mordant, au pied du mur,

Me montre la voie d’un air pur.

Sous le ciel gris, je souris,

Pour l’épopée de ma vie.

Et l’univers qui est ma lumière

Me libère de ces solides fers.

Et rendre fiers tous mes frères

Me libère de ma guerre.

Chacun des pas est bénédiction.

Sous les rayons, je m’endors.

Renaissance en inflation.

Je veux sourire le jour de ma mort.

Première nuit

Le voyage que j’ai entrepris n’allait pas être celui que je pensais. Je voulais fuir d’un monde qui ne me plaisait pas. Mais en réalité, le chemin allait prendre une tout autre tournure. J’ai commencé ce voyage dans le tout petit pays où je suis né, la Belgique. Les premiers jours étaient sûrement les plus incertains et les plus fatidiques. Un peu comme tes premières années à t’entourer d’autres personnes d’ailleurs. Il faut tenir bon, se fier à son instinct, à son cœur. Chaque choix, aussi petit soit-il, peut faire basculer ta vie dans une direction que tu n’as pas choisie. J’ai toujours été curieux de connaître mes autres futurs, si j’avais emprunté d’autres chemins. Peut-être serais-je déjà mort ou bien, pire, innocent de toute valeur. C’était à mon tour de choisir mon destin, faire le bon choix à chaque embranchement. La vie est tout de suite plus simple quand il n’y a qu’une seule route. Pas de doute, pas d’hésitation. Il faut marcher et tenir bon. Mais quand plusieurs chemins se posent devant toi et que tu ne connais pas leur destination, ça devient tout de suite plus complexe. Alors il faut sauter dans le vide et croire en soi-même. Voilà dans quel état d’esprit j’ai fait mes premiers pas.

— Tu n’as pas eu peur de partir seul dans l’inconnu ?

— Mourir sans avoir réalisé mes rêves m’effrayait bien plus, si cela répond à ta question. La peur était camouflée par l’excitation, l’inconnu. Elle est à la fois la faiblesse et le moteur de l’Homme. Si tu ne la contrôles pas, elle peut te dévorer mais si tu la supprimes, tu peux te dévorer toi-même. Alors j’ai marché. J’ai marché sans savoir où j’allais passer ma première nuit. Je voulais déjà tout savoir, tout connaître mais chaque jour avait son lot de surprises. Et en particulier cette première journée. Mon sac était plus lourd que ce que j’aurais pu croire, mais il me rassurait et me protégeait. Avec lui sur le dos, je me sentais déjà comme libre d’aller vivre n’importe où. J’avais tout ce dont j’avais besoin pour survivre, peu importe la difficulté. Cette sensation de liberté me donnait force et courage. J’étais déjà plus apaisé que jamais. Après avoir marché une ou deux heures, j’organisais des pauses dans des églises ou des chapelles. C’était pour moi des lieux de refuge où je me sentais au calme et en sécurité. Pourtant je n’ai jamais eu foi en quoi que ce soit. Mais j’aimais errer dans les lieux de culte. Suivant l’aiguille de ma boussole, accrochée à mon sac, c’est d’église en église que j’avançais vers l’est. Et c’est dans l’une d’entre elles que j’ai trouvé mon premier repas, une conserve de pêche. Des paniers remplis de nourriture étaient entreposés dans le bâtiment. On peut y voir un signe ou un simple vol mais j’aime donner lieu au destin. J’aurais, certes, pu prendre bien plus mais ça n’aurait pas été très vaillant de ma part. J’ai juste pris de quoi me remplir l’estomac en laissant un petit mot de remerciement derrière moi. Je me suis remis sur la route en commençant par chercher où dormir avant la tombée de la nuit. Cela allait devenir mon premier défi. Le tout premier obstacle à franchir. Je ne savais ni comment ni où trouver un endroit pour me reposer et attendre l’aube du lendemain. J’ai continué à marcher sans trop m’en soucier. Mais une goutte tomba sur mon visage et m’obligea à m’abriter plus tôt que prévu. En plein milieu des champs, je ne voyais qu’une option : une ferme à quelques dizaines de mètres. J’y jetai un coup d’œil, mais personne n’était présent. Alors je décidai de m’abriter sous la grange où se trouvaient un tracteur et sa remorque. La pluie ne paraissait pas vouloir s’arrêter et il était beaucoup trop tôt pour dormir. Avec l’espoir de voir les propriétaires de cette ferme, je suis resté quelques minutes à attendre sous cette grange, la pluie battante. En ce mois de janvier, la nuit tombait très vite et le froid l’accompagnait. Me vint alors l’idée de préparer ma première nuit dans cette grande remorque. J’étais à la fois protégé de la pluie, du vent et du regard d’autres personnes. Toutefois, je devais rester discret et silencieux. Ce qui n’était vraiment pas simple une fois dans l’obscurité. Heureusement, j’avais dans mon sac une lampe torche pour m’éclairer. Mais la lumière pouvait signaler ma présence, je devais limiter son utilisation. Monter dans cette remorque de quelques mètres de hauteur avec mon sac était déjà une première épreuve. Heureusement que j’ai toujours aimé grimper vers les hauteurs. Mon sac de couchage déballé, le reste en guise de coussin et ma conserve comme repas. Tout était digne d’une première nuit de vagabondage. Mais… la nuit fut longue. Sans que je le sache, une tempête arriva et le vent commença à faire rage. Le propriétaire rangea ses machines sous la cacophonie des aboiements de son chien. Les éclairs commençaient à taper le sol et la pluie devenait de plus en plus forte. Une plaque en métal qui devait traîner, accrochée à un mur, faisait grincer le sol à répétition sous ce vent violent. Et pour couronner le tout, mon corps tremblait de froid dû au manque de vêtement chaud et à la surface en acier sur laquelle je dormais. J’étais comme acculé par ce que ce voyage pouvait déjà me faire ressentir. Je me répétais que je devais tenir mentalement et que le lendemain serait meilleur, mais cette nuit-là m’avait déjà épuisé. C’est dans ces moments-là que l’on se souvient brusquement du confort que l’on nous octroie. Dehors, sans chauffage ni lit douillet, la vie est rude. Sans autre choix que de survivre jusqu’à l’arrivée des beaux jours. Il ne m’aura fallu qu’une nuit pour me remettre les pieds sur Terre et comprendre dans quoi je m’embarquais. Mais en aucun cas je pouvais renoncer. Mon ego me poussa à prendre sur moi et encaisser lentement ce mauvais moment. Et c’est après plus de dix heures dans cette remorque que le froid m’obligea à replier bagage et à reprendre la route à trois heures du matin. Cela me permettait de quitter les lieux sans me faire voir et de me réchauffer tout en avançant. Je ne sais pas réellement si j’ai pu dormir ne serait-ce qu’une minute. Mais la fatigue était bien là. La tempête s’était arrêtée et j’étais seul en pleine nuit sur la route mais étrangement soulagé d’avoir passé cette première nuit atroce. Une nuit dont je garderais le souvenir.

— Et après ça, tu n’as pas pensé à abandonner ?

— Abandonner après une seule nuit n’était même pas dans mes options, peu importe la difficulté de celle-ci. Certes, une fois le jour levé, mon moral était au plus bas. Manger quelque chose était une torture, tellement ma gorge était nouée par ce mal-être. Mais je me l’obligeais car il me fallait prendre des forces. Une fois posé, et nourri par une partie de mes rations, je suis allé en direction d’une gare ferroviaire. Cette deuxième journée devait être plus bénéfique pour moi. Je ne voulais absolument pas revivre le même calvaire que la veille. Il me fallait une motivation, je devais avancer. J’ai donc fraudé le train en espérant tomber dans un lieu des plus intéressants. Une grosse ville était pour moi une bonne idée et j’ai décidé de me rendre à Namur, une grande ville belge ; en tout cas, proportionnelle à la taille de la Belgique. Mais étant fatigué et très pensif, je rate le changement de train et je décide alors de descendre au prochain arrêt. Sans le savoir, l’univers m’emmenait vers un destin beaucoup plus agréable. Comme récompense après avoir résisté à la nuit dernière, j’ai atterri à la capitale de l’Europe qu’est Bruxelles où je fis ma première rencontre.

— Ces premiers jours ont dû être vraiment difficiles pour toi.

— Ils l’ont été, tout comme les premiers jours d’enfance n’ont pas été simples non plus. Du plus loin que je me souvienne, je n’ai pas eu beaucoup d’amis ni beaucoup de soutien. Le monde me détestait et j’ai détesté le monde pour finalement me détester moi-même. Quelle ironie pour quelqu’un qui a pour but de changer le monde ! J’étais un petit garçon naïf qui ne trouvait pas sa place. Et qui, par rejet des autres, s’est coincé dans un monde propre à lui. Comme si personne ne pouvait avoir la clé de cette différence que j’avais au fond de moi.

— C’est vrai, toi aussi ? Je me sens aussi un peu seul dans mon monde parfois.

— Ne t’en fais pas, ça finira par changer.

— Mais comment je peux faire pour m’en sortir ?

— Tes amis. Tu as connu beaucoup de personnes malveillantes mais n’en fais jamais une généralité. Ta différence, ton incompréhension du monde fera de ton enfance un calvaire. Ta vision des choses fera rire les autres. Tes émotions te mettront dans des situations effrayantes pour un enfant. Mais selon moi, tu ne peux devenir fort qu’en tombant jusqu’à devenir amovible. Et un jour, une personne semblera différente avec toi, moins agressive. Tu ne le comprendras pas tout de suite mais tu rencontreras ton premier ami comme j’ai été accueilli par ma première rencontre de voyage. Certaines personnes t’accompagneront dans le seul but de te faire avancer. Ils se comptent sur les doigts de la main mais te donneront une puissance inhumaine. Ils seront ta famille, ton sang, ta fierté, ta détermination. Ce que j’essaye de te dire c’est que même après une sale nuit à trembler de froid, la chaleur ne se trouve jamais très loin. C’est grâce à mes amis que j’ai commencé mon voyage, à marcher sans regarder en arrière. Ma boussole pointait l’est tout comme mes yeux. Et c’est avec la force qu’ils m’ont transmis que je n’ai pas craint de marcher seul vers le soleil levant.

Comme une famille

Sous une bienveillance fraternelle,

Je me surprends, doucement,

À contempler la lune éclatante.

Et à lui sourire bêtement.

Car tout en y repensant,

Nés de parents différents,

Nos veines ne portent pas le même sang.

Nous ne rentrons pas non plus dans les rangs.

Puis aussi dans des familles,

À qui je peux dire merci,

D’avoir fait danser ma vie

Au rythme d’une vraie poésie.

Car c’est en ouvrant mon âme

Que j’ai trouvé le sens du mal.

Et en explorant ce vaste monde,

J’ai trouvé des réponses à mes questions.

Nous ne sommes pas du même sang

Et pourtant…

Nous sommes comme une famille.

Rencontre

Le vagabondage dans les rues de Bruxelles me donnait un petit aperçu du quotidien que pouvait être ce voyage. J’étais passé par plusieurs paysages, plusieurs scènes. D’abord par les rues malfamées de la ville où alcool et prostitution décoraient la ville. Puis par les grandes places où les amoureux s’embrassèrent sous une grande roue. Jusqu’au métro qui était un lieu de repos pour moi. Durant l’après-midi, j’ai profité de mon passage dans une épicerie pour demander une simple pomme. C’était la première fois depuis mon départ que je demandais à quelqu’un de la nourriture. Il fallait bien que je me mette quelque chose dans le ventre pour affronter cette nouvelle journée. Le gérant a gentiment accepté et j’ai continué ma route, pomme à la main. Je ne savais pas exactement où aller ni quoi faire, alors j’ai suivi ma boussole. Espérant, peut-être, rencontrer une personne bien aimable qui m’aiderait à accomplir cette deuxième nuit qui arrivait lentement à moi. Sous la pluie incessante, je devais impérativement trouver un abri correct. De plus, j’avais déjà marché une bonne partie de l’après-midi et de la nuit à demander aux passants une nuitée mais rien de très concluant. À vrai dire, je n’étais pas très à l’aise avec l’idée de demander ce genre de service. Mais dans cette capitale, je n’avais pas d’autre choix que de me trouver un lit au chaud. Je me suis donc efforcé de prendre contact avec certains passants dont j’avais un bon pressentiment. De base, je suis quelqu’un de plutôt réservé. Voire misanthrope. J’aime être seul et solitaire. Mais dans ce nouveau monde que je m’imposais, j’ai vite compris que je ne pouvais pas avancer seul, parce que c’est grâce à cet épicier que j’ai pu manger, tout comme c’est grâce à une simple rencontre que je pourrais dormir confortablement. Mes épaules et mes pieds ont commencé pour la première fois à me faire mal et les heures défilaient de plus en plus vite. Heureusement, une grande ville vit aussi la nuit. Le métro était alors pour moi la solution la plus intéressante. Cela me permettait de reposer mon corps et d’avancer vers un endroit peut-être meilleur. Mais le terminus me força à sortir assez tôt. Et en sortant de la bouche de métro, plus aucun passant. Seulement des voitures et un pont. Je ne savais plus quoi tenter ni quoi penser. Je me sentais bloqué. Mes nerfs étaient tendus, ce qui n’arrangeait en rien la situation et le désespoir prenait place. En regardant autour de moi, je cherchais désespérément une personne à qui parler. Mais ma seule compagnie était le son des voitures. Enfin non, pas tout à fait. Alors que je pensais devoir vivre une deuxième nuit longue et froide, c’est en tournant ma tête que je vis une personne assise sous la pluie devant la sortie de métro. Il était ma seule option, ma dernière chance de trouver un abri pour la nuit. En pensant d’abord qu’il était à la rue, je lui demandai si lui aussi n’avait pas d’endroit où dormir pour ce soir. Dans l’espoir qu’il m’indique un lieu plus adapté pour dormir en sécurité. Complètement déboussolé, je n’avais pas remarqué qu’il exposait en fait ses dessins et qu’il n’était donc pas sans domicile. Cette personne, qui vendait son art pour arrondir ses fins de mois, a bel et bien été ma première rencontre. Ma première « pépite humaine » comme je les appellerais plus tard. Et sans lui, mon voyage aurait pu ne jamais se faire jusqu’au bout. C’est là qu’on se rend vite compte que sans personne à ses côtés, la vie peut être très cruelle. J’en avais vite fait les frais. Mais très vite, ce jeune homme qui attendait patiemment sous la pluie m’a pris sous son aile et m’a demandé de lui raconter ma situation. J’ai alors pu calmement lui fournir les détails afin qu’il comprenne mieux l’aide dont j’avais besoin. Sans avoir pu trouver d’autres solutions, il m’a gentiment laissé passer la nuit chez lui. Je n’avais qu’un bout de canapé pour me reposer mais c’était un luxe si confortable. Ne pas ressentir le froid ni la dureté du sol était si réconfortant. J’avais pu enfin reprendre des forces après deux jours dans les rues. Le lendemain, je pensais devoir de nouveau continuer ma route mais des liens s’étaient créés durant la veille et il accepta de me loger encore un ou deux jours. En fait, il voulait surtout me former dans cette nouvelle vie. Car il avait bien plus d’expérience que moi dans la débrouille. J’ai donc passé les deux jours suivants avec lui. La nuit, il vendait toujours ses dessins dans les rues de Bruxelles. Là où il y a du passage. Moi, j’étais chargé de trouver de quoi manger. Je m’efforçais d’avoir des interactions sociales jusqu’à ne plus avoir peur de ça. Le reste du temps, je me contentais d’écouter ses conseils et son vécu. Nous avons même mangé un délicieux repas chez ses parents ; que demander de plus ? En fait, sans m’en rendre compte, cet individu m’avait mis sur une route qui m’empêcherait de tomber. Durant une soirée à discuter tous les deux, j’ai pu en apprendre plus sur lui et rencontrer ses faiblesses et ses maux. J’ai vu un homme triste, désemparé. Le même homme qui m’avait rendu pourtant plus fort qu’avant. Faire face à soi-même est parfois dangereux. Et c’est dans ce but précis que je veux partir le plus loin possible. Connaître mes faiblesses et mes forces. Jusqu’à peut-être y trouver ma place afin d’accomplir mes rêves. Je le ferai grâce à cette personne qui a cru qu’un simple petit gars pouvait parcourir le monde sans argent. Et que tu le crois ou non, toi aussi tu auras un jour des gens qui croiront en toi !

— Vraiment ?

— Comme je te l’ai dit, certaines personnes apparaîtront dans ta vie et complèteront l’homme que tu essayes de devenir. Elles ne seront pas parfaites tout comme toi mais te guideront sur les bons chemins. Au début, tu prendras ça comme une rivalité car ils t’émerveilleront par leur simple présence. Tu essayeras d’être plus intelligent, plus drôle, plus fort, plus ouvert d’esprit, plus courageux ou encore plus sensible au monde qui t’entoure. Mais tu n’y arriveras jamais, car ils sont la source même de qui tu es. Une fois que tu auras accepté cela, tu seras plus en paix avec toi-même. Bien entendu, à certains moments, tu devras les soutenir, les calmer, les rassurer et les relever comme ils le font pour toi. Ce ne sera pas simple mais le temps fera les choses.

— Mais si j’échoue ?

— L’échec n’est que l’abandon de soi-même. Sois présent pour eux et tu n’échoueras pas.

— Toi aussi, tu as des amis ?

— À ce stade, ils ont dépassé le statut d’ami. Ils sont ma famille. Je n’ai certes pas le même sang qu’eux mais rien ne me fera dire le contraire. Si je veux découvrir le monde, ce sera pour leur montrer les plus belles fresques de l’imaginaire. Leur raconter à quel point les choses sont belles quand on les voit de plus près. Si je deviens riche, ce sera pour leur donner ma fortune. Si je deviens célèbre, ce sera pour les mettre sous la lumière. Et quand je réaliserai l’intégralité de mes rêves, je les aiderais à réaliser les leurs. Tu comprends ? Ils seront très importants pour toi aussi.

— Je pense, oui. Cette première rencontre a comme été ton premier ami de voyage en fin de compte.

— Effectivement, mais très loin d’être le dernier ! Après cette rencontre marquante, je me dirigeais déjà vers un destin tout aussi exceptionnel. Après avoir aidé ce nouvel ami quelques jours pour le remercier de son hospitalité et de sa panoplie de conseils, nous avons pris le train. Par chance, il devait aller rendre visite à un vieil ami à lui dans le beau village de Celles, près des Ardennes. Il m’a généreusement payé le ticket pour que je puisse l’accompagner sans encombre. Les Ardennes sont un endroit que je voulais visiter en Belgique. Arrivé sur place, cet ami nous a accueillis très vite chez lui pour passer une petite soirée avec lui et sa femme. J’ai pu manger à ma faim et rire avec eux durant ce moment agréable. Tous ces gens, je ne les aurais jamais connus autrement qu’en me lançant vers l’inconnu. Ces moments que j’ai créés en à peine quelques jours étaient déjà uniques et irremplaçables. Alors après avoir vécu ça, qu’est-ce qui pourrait me faire renoncer à cette aventure ? Plus grand-chose. Après le repas, il me fallait encore trouver un abri. Mais étant un jeune couple, ces gens qui m’avaient accueilli ne pouvaient pas me laisser passer la nuit chez eux. Néanmoins, ils connaissaient une dame plus âgée qui pourrait potentiellement me venir en aide. Heureusement, cette dame a accepté ma présence et j’ai pu y trouver une nuitée au chaud. Quant à mon ami de Bruxelles, il était l’heure de lui dire au revoir. Je l’ai remercié pour tout car il était la source d’un départ bien plus enrichissant. Nous nous sommes alors dit au revoir après la promesse de manger, à mon retour, les succulentes frites de Bruxelles. Il a pris son train pour retourner chez lui et j’ai pris la route vers ma chambre. Avant de dormir, j’ai regardé, quelques instants, la lune espérant vivre autant de belles choses le lendemain.

— Te voilà de retour livré à toi-même.

— Oui mais déterminé à rencontrer, à nouveau, d’incroyables personnes. La nuit fut courte mais excitante car l’inconnue était de retour. Au petit matin, la dame m’avait déjà préparé de quoi prendre le petit déjeuner. Elle en profita pour m’annoncer qu’elle connaissait une famille dans les Ardennes qui a pour habitude d’accueillir de la main-d’œuvre en échange d’une literie et de couvert. Conseil no 1 de mon ami : se fixer de plus petits objectifs. Ce lieu était donc ma prochaine destination. Je ne savais pas encore très bien où j’allais finir. Mais si ça me permettait d’avancer en plus d’y trouver refuge, alors c’était parfait. La femme m’a conduit alors très gentiment sur place en me souhaitant bonne continuation. Sous une pluie constante, j’espérais vite trouver le lieu exact. L’endroit était en réalité une sorte de ferme, où chevaux et moutons se promenaient. J’ai sonné une première fois mais personne ne répondait. J’ai ensuite contourné le bâtiment mais pareil, aucune présence. La situation me rappelait très vite ma première journée, ce qui ne m’encourageait point. Mais cette fois j’ai pensé à enfiler mon poncho imperméable qui était dans mon sac, pensant rester sous la pluie un bon moment. Après avoir parlé à un homme qui promenait son chien, il me conseilla de retenter ce même bâtiment. Je m’y suis appliqué et j’ai sonné une seconde fois. Et par chance, cette fois-ci, une femme ouvrit et vit à sa porte un jeune voyageur muni d’un long poncho noir trempé par la pluie.

— Ces gens n’avaient pas peur de faire rentrer un inconnu chez eux ?

— Je pense bien qu’il y a une part de doute en eux, ce qui est normal. Mais comment veux-tu vivre de nouvelle chose en gardant ta porte fermée ? Certaines personnes sont si bienveillantes qu’elles ne veulent pas croire à la malveillance.

— Cette famille t’a donc accueilli ?