Vie et réflexion d'un homme chanceux - Patrick Hirtz - E-Book

Vie et réflexion d'un homme chanceux E-Book

Patrick Hirtz

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Cet essai est un récit de la vie d’un homme amateur de Philosophie et d’Histoire, né en 1955, où la chance y est omniprésente malgré les épreuves et échecs. Une scolarité chaotique, un Service national original au sein de l’Armée de l’Air, boursier salarié pour obtenir le diplôme de Docteur en pharmacie, acquisition d’une officine sans apport en 1984, vivre en Provence pour y construire une maison et créer une grande pharmacie en 2000 … tout cela en voyageant dans plus de soixante pays, telles sont les principales étapes avec en filigrane des réflexions sur la condition féminine, l’athéisme et l’intérêt de s’intéresser à l’histoire de la franc-maçonnerie; et surtout la chance de vivre en Amour !.

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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PATRICKHIRTZ

Vie et réflexions d’un homme chanceux

ESSAI

À Colette, ma mère

À Claire et Sylvie, mes grands Amours

À Carole et Éléonore, mes filles adorées

Les Chances de ma vie.

Être chanceux

Plusieurs études, enquêtes et articles ont été publiés sur les personnes chanceuses. Je retiendrai un article qui résume assez bien les raisons d’être un homme chanceux, article de Grégory Rozières / HuffPost paru en 2013, en incluant quelques réflexions personnelles.

Première raison : «Cueille lejour»

Les gens chanceux utilisent leur temps au mieux, ils ne laissent pas les opportunités filer en se promettant de recommencer le lendemain. La procrastination est un handicap pour saisir sa chance. Comme l’écrit le psychiatre Mark Banschick : « Un évènement que vous remettez à plus tard est un évènement qui ne se reproduira jamais - au grand jamais. Il y aura peut-être une opportunité similaire dans le futur, mais ce ne sera pas la même opportunité - et vous ne serez pas la même personne. Le temps nous transforme ». L’autre avantage de ne pas reporter au lendemain ce que l’on peut faire le jour même est le gain de temps; une journaliste qui s’étonnait des multiples activités de son invité s’est vu répondre : « Le jour où j’ai compris qu’il fallait m’astreindre à effectuer les tâches les plus ingrates, celles qui vous poussent à les reporter au lendemain, mon emploi du temps s’en est trouvé allégé; gain de temps donc plus d’activités ».

Deuxième raison : «Considérez-vous comme quelqu’un de chanceux»

Les gens qui pensent qu’ils sont chanceux abordent les situations avec un plus grand optimiste et plus d’ouverture. Ce faisant, ils se retrouvent dans une meilleure position pour accepter les surprises que réserve la vie comme des hasards heureux. Sans tomber dans la méthode d’Émile Coué, pharmacien, cela fait du bien de se dire que l’on a de la chance !

Troisième raison : «Ne confondez pas la chance avec le hasard»

Il est important de ne pas penser qu’un résultat dû à un hasard défavorable relève d’une forme profonde de malchance. Les gens chanceux ne semblent pas prendre en compte les choses négatives qui leur arrivent - et ils ne s’y identifient certainement pas. Personnellement, je n’ai jamais considéré un échec comme un handicap rédhibitoire (et j’en ai connu !), mais comme une expérience qui permet de rectifier le tir et de rebondir.

Quatrième raison : «Soyez concentrés»

Le professeur de psychologie Richard Wiseman, auteur de «Le facteur chance», constate que les gens qui se considèrent comme chanceux sont plus perspicaces que ceux qui s’identifient comme malchanceux. Le facteur d’anxiété fait toute la différence. Les soi-disant malchanceux ont tendance à être plus anxieux, ce qui est associé à la difficulté de concentration - particulièrement quand il s’agit de situations imprévues. J’ai rarement ressenti un grand stress, celui qui vous paralyse; de l’appréhension oui, mais je serais plutôt enclin au stoïcisme !.

J’y ajouterai une étude faite par une équipe anglaise sur six cents personnes se considérant comme chanceuses, analysant leurs profils. Leur point commun était un réseau important d’amis, de copains, de relations professionnelles ou non, leur apportant ainsi plusieurs avis, opportunités, solutions à leur éventuel problème … encore faut-il avoir l’intelligence ou l’intuition de faire le bon choix !.

Il est évident que l’époque, le lieu de notre naissance et le milieu familial définissent le potentiel de chance d’une vie épanouissante, illustré par la belle chanson de Maxime Le Forestier «Né quelque part».

Et dernière raison pour être chanceux à mes yeux fondamentale : «Aimer la vie !»

Information importante : ce livre a été écrit par une intelligence humaine sans l’aide d’uneIA.

Les chanceux sont ceux qui arrivent à tout.

Les malchanceux sont ceux à qui tout arrive.

–Eugène Labiche

Chance d’être un boomer français

Je suis né le 22 juin 1955 à 17 h10, à Belfort. Je n’ai jamais connu la guerre contrairement à mes parents, ni celle d’Algérie et les 28 mois, voire 30 mois de service militaire obligatoires; Michel, mon père né le 26 mars 1934 à Belfort et Colette, ma mère née le 27 novembre 1936 à Saint-Laurent (Vosges) ont subi l’occupation allemande, car de condition modeste, leurs familles sont restées dans la région est de notre pays.

Il est intéressant d’évoquer leur jeunesse, car une succession de tragédies a marqué mes parents, tragédies difficilement imaginables à notre époque. Mon grand-père paternel, Léon Hirtz, de religion juive, possédait un des plus grands magasins de vêtements belfortains. Marié, il a eu comme maîtresse ma grand-mère, Renée Mouret, belle femme, catholique, travaillant dans le magasin. De leur amour naquit mon père en 1934, élevé jusqu’à l’âge de 5 ans par sa mère sans aucune relation avec la famille de Léon Hirtz, le communautarisme religieux faisant loi. En 1939, ma grand-mère tombe à nouveau enceinte de mon grand-père Léon. Sa mère, mon arrière-grand-mère Marguerite Mouret née Bamberger, prend la lourde responsabilité de pratiquer un avortement sur sa fille à l’aide d’aiguilles à tricoter ! … Mon père perdit sa mère le 24 mai 1939 et sa grand-mère fut condamnée à un an de prison, peine effectuée à Metz. J’ai connu mon arrière-grand-mère, décédée le 25 novembre 1978 à l’âge de 90 ans. Visage dur, marqué à jamais par la culpabilité, je me forçais à l’embrasser, appréhendant le contact des poils rêches de son visage, l’odeur forte des personnes âgées vivant seules. Elle a eu le mérite d’élever mon père sans soutien, ayant perdu son mari, Irénée Mouret mort pour la France le 14 octobre 1915 à l’âge de 26 ans (à noter que tous les hommes de leur famille partis pour la guerre de 14-18 moururent au front). Pendant le second conflit mondial, Marguerite Mouret a caché à plusieurs reprises mon père dans une malle à la cave de peur qu’il soit raflé par les nazis à cause de son nom même s’il n’était pas circoncis et élevé dans la religion catholique. Ces séjours dans une malle ont fragilisé sa colonne vertébrale d’où plus tard l’obligation de choisir d’être pilote d’hélicoptères et non d’avion de chasse, car trop risqué en cas d’éjection du siège. Le 27 février 2000, mon père a offert à ma fille aînée, Carole, son cahier scolaire mensuel datant d’octobre 1941 à mai 1945, témoignage d’une très bonne scolarité.

Ma mère a souffert comme la majorité des Français des privations (Tickets de rationnement, sabots remplaçant les chaussures en cuir, froid par manque de charbon …), mais c’est l’absence de son père, Eugène Gehin, qui fut pour elle une vraie souffrance. En 1949, il part au Canada avec l’illusion qu’il va y faire fortune pour ensuite faire venir ma grand-mère, Marthe Gehin née Perrin, ma mère et son frère cadet, André Gehin. Il ne leur donna plus de nouvelles, revenant qu’une fois en France bien plus tard grâce à l’argent de ses sœurs, mon oncle étant le seul à vouloir le rencontrer. Outre le traumatisme de l’absence du père, ma mère dans les premières de sa classe fut dans l’obligation de quitter l’école à l’âge de 14 ans, âge maximum de l’instruction obligatoire en 1949. Son premier travail à l’usine «Lustucru» consistait à casser des œufs toute la journée avec pour conséquence un mauvais panaris lui laissant une cicatrice au pouce. Mon grand-père maternel mourra à Montréal à 64 ans le 26 janvier 1973, enterré dans une fosse commune réservée aux indigents. De fait, je n’ai jamais connu mes grands-pères, mon père ayant coupé ses liens avec Léon Hirtz jusqu’à la mort de ce dernier le 25 janvier 1980 à Draguignan (Var).

En comparaison, ma jeunesse fut un long fleuve tranquille avec la chance non seulement de vivre au sein d’une famille aimante, mais également appartenant à la classe moyenne surfant sur la vague des «Trente Glorieuses». Dès l’âge de 3 mois, je changeais de ville, mon père étant dans l’Armée de l’Air. Au fil des mutations nous avons connu Auxerre (Ville de naissance de mon frère cadet Jean-Marc, né le 4 octobre 1956), Friedrichshafen située sur la rive du lac de Constance dans le sud de l’Allemagne (Ville de naissance de ma première sœur Véronique, née le 12 avril 1959), Salon-de-Provence, Fribourg-en-Brisgau en Forêt-Noire dans le sud-ouest de l’Allemagne, Saint-Dizier en Haute-Marne (Ville de naissance de ma deuxième sœur Marie-Hélène, née le 11 novembre 1967, logique pour une fille de militaire !, avec l’avantage que le jour de son anniversaire sera toujours férié), Metz, Massy en région parisienne … Aux vacances scolaires d’été, nous partions faire du camping, mon père fumant au volant de sa Renault Dauphine blanche, la galerie du toit chargée de la grande tente bleue aux deux chambres; nous avions, avec Jean-Marc et Véronique, nos jambes à l’horizontale faute de place … et bien sûr, pas de ceinture ! Destinations : le sud de la France (Cavalaire, la Corse), l’Italie (Rimini), l’ex-Yougoslavie, l’Espagne … Pour moi, la perspective de quitter l’appartement pour faire du camping en plein air, souvent au soleil, était source de plaisirs intenses; cela commençait dès les préparatifs en aidant mon père à essayer de mettre tout le matériel dans la voiture, car à l’époque nous partions à minima pour 3 semaines; Renault Dauphine blanche au début puis, pouvoir d’achat évoluant lorsque mon père montait en grade, Peugeot 404 grise métallisée pour finir avec la Peugeot 504 blanche. Après la naissance de leur quatrième enfant, Marie-Hélène, mes parents abandonnèrent le camping pour la location de maison ou appartement, en France ou à l’étranger.

Mon père, ignorant la famille de mon grand-père, nous rendions visite aux seuls grands-parents connus de nous, les enfants : ma grand-mère maternelle Marthe, mariée en seconde noce avec André Ruelle, né à Paris qui restera pour moi mon grand-père de cœur. Ma grand-mère était une femme discrète, mais au caractère bien trempé forgé par les vicissitudes de la vie. Elle vouvoyait mon père, n’hésitant pas à le contredire malgré son statut d’officier. Par exemple sur les voyages à l’étranger que nous faisions aux vacances d’été : « Pourquoi vous allez si loin, alors qu’il y a tellement de beaux endroits en France ! »; elle n’avait pas tort. C’est ainsi que mes grands-parents ont sillonné notre beau pays en long et en large malgré des revenus modestes. Quand mon père n’était pas là, elle le surnommait sur un ton taquin «le Nénès», en référence au troisième prénom «Ernest» de mon père. Quel bonheur quand nous allions les voir à Offemont, petit village près de Belfort où l’on pouvait observer des animaux à la ferme toute proche, chercher le lait avec le bidon en aluminium, se rendre à la petite épicerie «Chez Anne» acheter des rouleaux de réglisse, des caramels à un centime … . Ils louaient un des deux petits rez-de-chaussée, dans une maison individuelle en bordure de route, l’étage étant occupé par les propriétaires. L’appartement se composait d’une cuisine, de leur chambre et d’une pièce au fond servant de salle à manger pour les grandes occasions, les fenêtres donnant sur le jardin. Les WC étaient sur le palier, sans chauffage d’où des séjours très courts en hiver !, et toujours sur le même palier une porte donnant sur un escalier en bois assez raide permettant d’accéder à la cave, à l’odeur si caractéristique où étaient entreposés les galets de charbon pour la cuisinière et les bocaux de confitures, de quetsches, mirabelles, haricots verts, tomates … préparés par ma grand-mère, car ils avaient un grand potager source d’émerveillement pour nous venant de la ville. Pour la toilette, la cuisine se transformait en salle de bain avec la bassine d’eau chaude près de la cuisinière, les deux portes de la pièce fermées pour l’intimité. Je garde en mémoire ce moment où mon grand-père, en marcel, s’appliquait de la mousse à raser devant la glace pour ensuite avec son coupe-choux raser dans un crissement régulier ses poils drus. Il me demandait ensuite un bisou pour me montrer que je ne devais plus avoir d’appréhension à l’embrasser ! Il enfilait sa salopette bleu foncé d’ouvrier pour partir à la pêche taquiner le goujon, mon frère et moi agrippés aux rebords de la remorque tirée par son cyclomoteur Peugeot BB bleu ciel. Il nous a initiés à la pêche au bord de la Savoureuse, la rivière qui traverse Belfort, nous surveillant d’un œil bienveillant, car nous n’étions pas les derniers à faire des bêtises; « ne pas faire de bruit ! » tel était son mot d’ordre pour avoir des chances de prendre un poisson, souvent des goujons, quelques fois une truite. De retour à la maison, il préparait les poissons pour nous servir une friture accompagnée de frites, pour terminer avec des quetsches au sirop … que du bonheur ! L’après-midi après sa sieste, il nous emmenait au bistrot du village situé à une centaine de mètres pour siroter un diabolo menthe et mettre une pièce dans le juke-box et ses 45 tours vinyle. Souvenirs nostalgiques des séjours passés seul avec mes grands-parents maternels, avec deux épisodes marquants : le premier, à l’âge de sept ans, voulant me faire plaisir, ils m’ont emmené au petit cinéma du village voir «Voyage au centre de la Terre» à l’origine d’un cauchemar une fois couché … j’ai fini la nuit blotti entre les deux, rassuré ! Le deuxième souvenir se passa pendant l’été 1977 où j’avais décidé de partir à Offemont pour préparer au calme mes examens de pharmacie; ils m’ont fait la surprise de commander un taxi (Une Mercedes !) pour m’inviter au restaurant à Belfort, toujours très attentionnés. Mon grand-père était ouvrier spécialisé chez Peugeot à l’usine de Sochaux; n’ayant pas le permis, il prenait matin et soir le car de l’entreprise pour travailler à la chaîne de montage des voitures qu’il n’a jamais eu le plaisir de conduire. Usé, il est mort à soixante ans au cours du premier été de sa retraite pendant sa sieste, à Carcès dans le Var. Ma grand-mère, femme de ménage, l’a suivi peu d’années après, de chagrin et de solitude quotidienne. Ils reposent au petit cimetière d’Offemont, pas loin de la maison où ils vécurent tranquilles, loin du tumulte de la ville.

Mes premiers souvenirs d’enfance remontent à l’époque bénie où nous habitions à Salon-de-Provence, ville où vécut et mourut Nostradamus. Mes parents louaient une des petites maisons collées les unes aux autres le long d’une petite rue d’un quartier calme près du centre-ville, maisons d’un étage avec au niveau de l’entrée une cour donnant sur la chaussée, un jardin à l’arrière. À l’âge de six ans, cette cour me paraissait très grande alors qu’en réalité elle était de taille modeste comme j’ai pu m’en rendre compte en y revenant trente ans plus tard … on devrait éviter les pèlerinages sur nos lieux d’enfance, la déception est souvent au rendez-vous. Un jour, un troupeau de moutons en transhumance a envahi la rue; nous avions laissé le portail ouvert et les uns après les autres, les moutons sont entrés dans la cour pour en suivre la configuration et en ressortir à notre plus grande joie, car nous les observions depuis l’étage. Inutile de vous décrire l’état de la cour et de la rue après leur passage, parsemées de crottes que nous appelions des «guéguelles». La rue était notre terrain de jeu avec les autres enfants du quartier. Parties de billes, apprentissage du vélo, des chamailleries quelques fois ou une entraide comme la fois où Jean-Marc, mon frère, et moi nous nous sommes mis dans l’idée d’aider la «Zagatte» (en fait Agathe !) pour réparer son vélo. Nous profitions également du jardin à l’arrière de la maison pour essayer d’attraper des lézards; au fond du jardin, se trouvait une petite dépendance où se trouvais la cuve de fioul, repère des scorpions d’où l’interdiction absolue de notre mère d’y aller. Il faut avouer qu’elle avait fort à faire pour nous surveiller, en plus de ma jeune sœur Véronique âgée de deux ans, car nous avions mon frère et moi que treize mois d’écart, cela stimule pour faire des bêtises. J’ai le souvenir d’avoir maintenu ma mère à distance avec un balai en haut de l’escalier pour m’éviter une fessée imaginaire ! En mai 1961, mon frère, qui mettait à sa bouche tout ce qu’il trouvait à manger même dans la rue, a été hospitalisé un mois pour une péritonite aiguë; de bonne constitution, il s’en est sorti grâce aux nouveaux antibiotiques, mais il s’en est fallu de peu qu’on le perde d’après le chirurgien gastro-entérologue.

J’aimais me rendre en famille au centre-ville de Salon-de-Provence, admirer la Fontaine Moussue, observer les gens boire leur pastis à l‘extérieur des bistrots à l’ombre des platanes, attiré par ses nombreux petits commerces bien avant le déferlement de la laideur des centres commerciaux périphériques, repérer les bonnes pâtisseries ou glaciers locaux ! Omniprésence du soleil accompagné quelques fois du mistral qui donnait lieu à des courses effrénées pour rejoindre l’école ou le domicile, le vent poussant notre cartable que nous portions sur le dos. Me reste en mémoire aussi ces balades dans les Alpilles avec mon père et mon frère … odeurs de thym, de romarin, de lavande avec ces massifs colorés de genêts, d’anthémis, de chardons, de matricaires, bref un paradis perdu de ma jeunesse avec la ferme volonté de revenir vivre en Provence plus tard à l’âge adulte, ce qui se réalisa !.

Mes parents formaient un couple classique, répondant aux standards de l’époque. Ils se marièrent jeunes à cause de ma venue prématurée (je peux dire que j’ai assisté à leur mariage, ma mère étant enceinte de trois mois !). Ce fut un mariage d’amour dans tous les sens du terme; il suffit de voir les photos où ils sont ensemble, mon père vingt ans, ma mère dix-huit ans, très belle, eh oui !, c’est ma mère ! Ensuite schéma classique de la répartition des tâches au sein du couple : mon père au travail ramenant la solde, souvent absent dont deux séjours d’un an, Polynésie en 1969 et Tchad en 1973; ma mère au foyer pour élever ses quatre enfants, préparer les repas quotidiens de la famille, des fêtes familiales, des visites des amis, des réceptions des supérieurs de mon père pour faciliter son avancement, faire les courses, le ménage, la lessive, la vaisselle, nous emmener chez le coiffeur, le médecin, le dentiste, aller voir les enseignants avec la boule au ventre pour ses deux fistons à la scolarité compliquée … c’est tout ?!; j’ai dû oublier des tâches qui m’ont échappé ! Et toujours son Amour pour nous, indéfectible.

Quand ce funeste 1er janvier 2018, Véronique, ma sœur, m’a téléphoné pour m’annoncer le décès de ma «Petite Maman», un flot de larmes s’est mis à couler le long de mon visage comme si tout son Amour me quittait, qu’il m’était impossible de le retenir. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de l’importance fondamentale qu’elle a eue dans mon existence, me transmettant sa force, sa résilience devant les accidents de la vie. On a beau dire ce que l’on veut, l’amour et le soutien maternels sont de sérieux atouts pour aborder sa vie d’adulte sereinement, et ressentir du respect pour les femmes. Ce qui ne fut pas le cas pour mon père privé de l’amour de sa mère expliquant en partie son attitude de domination psychologique et surtout physique sur les femmes dont ma mère d’où mon absence de chagrin le jour de sa mort le 20 septembre 2020. Je ne m’étendrai pas sur les raisons pour lesquelles j’ai conseillé à ma mère de quitter mon père, on ne tire pas sur une ambulance, a fortiori sur un cercueil, mais c’était la seule solution pour échapper à l’emprise de ce mâle alpha. Ce qui est paradoxal, c’est que mon père en tant qu’officier était très apprécié par ses subordonnés comme j’ai pu le constater pendant mon service militaire, et en privé par ses amis.

Je fais partie de cette génération privilégiée, les baby-boomers nés après guerre, les plus chanceux étant ceux nés entre 1950 et 1960. Une adolescence sans sida, pas d’incorporation pour aller à la guerre, pas de chômage de masse, une planète avec seulement 3,5 milliards d’humains; nous pensions, inconscients, que le monde était «no limit» malgré la mise en garde de René Dumont, ingénieur agronome ridiculisé lors de la campagne présidentielle de 1974, oiseau de mauvais augure nous mettant en garde sur les futurs problèmes d’eau, de climat, d’immigration et de surpopulation; puis ensuite, adultes, au moment d’investir dans l’immobilier ou l’outil de travail, une inflation nous aidant, pour ceux qui ont eu la bonne idée de faire des emprunts à taux constant, choix le plus courant. Et pour finir, une retraite au taquet même si la déception est souvent au rendez-vous quand on découvre son montant … toujours plus difficile de s’adapter à une baisse du train de vie d’où l’intérêt d’anticiper au plus tôt cette baisse par divers stratégies d’épargne, si on peut épargner !.

Il y a quelques années déjà, ma fille aînée Carole m’a fait une réflexion qui m’a interpellée : « J’aurais bien aimé vivre ta jeunesse ! » … Pourtant, elle bénéficiait d’un niveau de vie supérieur à celui que j’ai connu à son âge, mais visiblement consciente que les temps nouveaux offraient des perspectives peu réjouissantes pour les générations futures, le climat et la surpopulation étant les problèmes cruciaux à résoudre au plus tôt … sans parler des guerres hybrides, religieuses, économiques provoquées par l’hubris des dirigeants de la Russie, Turquie, Iran, Inde et Chine contre notre modèle démocratique occidental; même si nous pouvons admettre comme Winston Churchill : « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes ! ».

Nous avons une lourde responsabilité ma génération et celle de nos parents sur l’état actuel de la planète. Quand nous habitions dans le quartier réservé aux familles des militaires étrangers basés à Fribourg-en-Brisgau, je regardais avec envie les Américains débarquer de leurs grosses voitures des grands sacs de courses provenant de l’économat de la base américaine; grandes boîtes de Kellogg’s, grandes boîtes de Tropicana … tout était surdimensionné; ils importaient leur «American Way of life» en Allemagne que la plupart des autres pays adoptaient également. Nous avons eu la naïveté d’y croire sans en mesurer les conséquences écologiques, passant sous les fourches caudines de la finance anglo-saxonne à la cupidité frénétique d’où une économie virtuelle 3 à 4 fois supérieure à l’économie réelle ! En 1918, Victor Segalen a cette lucidité tragique en écrivant : « Bientôt le Divers aura succombé, il ne restera plus rien, sinon le mode de vie américain étendu aux dimensions de la planète - autant dire moins que rien ». J’ai un profond mépris pour cette partie de l’humanité qui nous mène droit dans le mur, qui détruit toute forme de vie, accumulant les richesses grâce aux milliards d’esclaves économiques, et ce n’est pas les quelques supers riches réclamant une imposition plus forte, conscients de l’immoralité de leur patrimoine, qui va résoudre la situation, car la cupidité ou l’impuissance des dirigeants persistent. Une lueur d’espoir dernièrement : le PDG de Michelin, Florent Meneaux au salaire de 1,1 million d’euros plus une prime variable à 150 % maximum (soit 1 650 000 euros quand même !) souhaite appliquer un salaire décent pour ses salariés : « Quand vous êtes dans la survie, vous ne vous préoccupez ni d’autrui ni des questions environnementales, vous êtes réduit à l’instinct animal. » Bonne analyse de la situation, encore faut-il avoir les moyens de l’appliquer sans braquer les actionnaires avides de dividendes …; comme l’a dit le célèbre Bernard Madoff, Bernie pour les intimes, avec cynisme confirmant une évidente réalité : « Le concept de base de Wall Street que les autorités de régulation et les théoriciens perdent parfois de vue est que c’est une activité à but lucratif. En avantageant quelqu’un, vous désavantagez quelqu’un d’autre … ». D’où les cracks boursiers (octobre 1929, octobre 1987, septembre 2008 ou Crise des Subprimes, mai 2010 ou crack éclair …) détruisant la vie de millions de familles !.

En octobre 2016, nous avons sympathisé avec Marie et Breandàn au cours d’une croisière organisée par l’hebdomadaire «L’EXPRESS». Irlandais de Dublin, ils étaient abonnés à cette revue d’où leur présence sur le bateau. Francophiles, Marie, ancienne enseignante de notre langue, Breandàn importateur retraité de vins français, ils nous ont facilité grandement nos conversations !. J’ai demandé à Breandàn, âgé de soixante-dix ans, depuis quand il connaissait la France et pourquoi son intérêt pour notre pays. Il m’a répondu qu’à l’âge de vingt ans, il a débarqué au Havre en commençant par manger des huîtres pour finir à Marseille avec une bouillabaisse et à chaque département traversé, il découvrait de nouvelles spécialités locales … il hallucinait ! Je lui ai rétorqué qu’à Londres où il faisait des études à l’époque, il devait trouver un tas de restaurants variés; certes m’a-t-il répondu, mais en dehors de Londres c’était le désert !. D’un humour très fin, quand je lui ai demandé s’il y avait un plat ou une préparation culinaire qu’il n’aimait pas du tout, il m’a répondu : « La crème anglaise ! », réponse logique venant d’un irlandais !. Me définissant épicurien hédoniste, tendance Lucrèce (!), j’ai l’immense chance d’être né en France, pays de cocagne avec l’Italie pour apprécier la gastronomie et autres plaisirs. Et pour rien au monde, je ne souhaiterais vivre ailleurs qu’en France, mes nombreux voyages confirmant cette certitude. Oui, être un boomer français est une chance.

Chance d’être bachelier contre toute attente

Mon parcours scolaire fut, on peut le dire, chaotique; à ma décharge, les déménagements m’obligeant à m’adapter avec plus ou moins d’efficacité à la nouvelle école et aux nouveaux copains. Côté positif : je n’ai plus d’appréhension à me confronter à de nouvelles situations. J’ai connu pratiquement toutes les structures d’enseignement, publiques et privées, à l’exception des classes non mixte bien qu’en CM2 nous étions trois garçons sur vingt-neuf élèves ! … et sur les trois, nous étions deux à se prénommer Patrick, prénom très tendance chez les baby-boomers dans les années 50.

En primaire, à Salon-de-Provence puis à Fribourg-en-Brisgau, ma scolarité s’est bien passée avec des instituteurs ou institutrices à l’ancienne comme Mademoiselle Bourguignon qui nous mettait au piquet ou nous taper sur les doigts joints avec sa règle, le but du jeu étant d’écarter les doigts au dernier moment pour avoir moins mal ce qui énervait passablement Mademoiselle Bourguignon !. Il est évident qu’aller en classe sous le soleil provençal était plus agréable que sous le ciel plombé allemand. À l’établissement scolaire français de Fribourg-en-Brisgau, au début j’ai été confronté à la méchanceté enfantine à cause de mon nom d’origine juive. «Sale juif», «Sale youpin» étaient les insultes qui déclenchaient des coups de poing de ma part, même si j’avais une tête de moins; et surtout je ressentais cela comme une injustice, car élevé dans la religion catholique. Après quelques beignes, cela s’est calmé, mais plus tard, de retour en France, sachant que je venais d’Allemagne des lycéens m’ont insulté à nouveau en me traitant cette fois-ci de «sale boche», «sale chleuh» … comique !. À nouveau bourre-pif, mais avec une expérience qui aurait pu mal finir, car je me suis bagarré une fois avec un judoka qui m’a envoyé valser sur un revêtement d’asphalte, ma tête la première, heureusement sans conséquence physique. Ne ressentant aucune douleur, je me suis relevé en lui décrochant un uppercut, car il était plus grand ce qui a mis fin à notre rixe. Leçon : dans la vie il vaut mieux être un loup qu’un agneau.

Une anecdote traumatisante pour ma mère quand nous habitions à Fribourg-en-Brisgau en 1963 : notre appartement se situait au troisième étage, la porte d’entrée avait en son centre une vitre épaisse opaque. Ce jour-là, ma mère était en conversation au premier étage avec une voisine. Mon frère et moi, nous commençâmes à nous chamailler au niveau de la porte d’entrée; étant à l’extérieur, j’ai voulu retenir la porte au moment où mon frère la refermait de l’intérieur … mauvais plan, car j’ai glissé sur le paillasson et mon bras gauche a traversé la vitre. Curieusement je n’ai ressenti aucune douleur même en voyant mon pouce à moitié sectionné au niveau de l’articulation et une méchante entaille de 4 cm de long à l’intérieur du poignet. Jean-Marc était paralysé en voyant tout ce sang couler de ma main. Très calme, je lui demande d’aller me chercher une serviette et de prévenir notre mère. Plus tard, elle me raconta qu’elle a eu l’impression que le temps s’était complètement dilaté, qu’elle arriverait trop tard pour me sauver, car Jean-Marc lui avait dit dans l’affolement que je n’avais plus de main ! Heureusement, le dispensaire de la base aérienne n’était pas trop loin, mais le médecin militaire a confirmé que j’avais eu de la chance, qu’au niveau du poignet le système veineux n’avait pas été sectionné, seul le derme manquait.

En sixième au Lycée Saint-Exupéry de Saint-Dizier, mon père m’avait promis un vélo à Noël si je terminais dans les cinq premiers de la classe, déçu par mon dernier classement mensuel : vingt-troisième sur trente-deux; objectif atteint en terminant troisième ce qui montre, je l’avoue, une certaine fumisterie de ma part !. Il faut dire qu’au Noël précédent mon père, à l’humour sarcastique, m’avait offert un guidon … ça motive à faire un effort pour avoir le complément !.

En 1968, je redouble la 5e au Lycée Saint-Exupéry de Saint-Dizier, occupé à envoyer des tomates (il n’y avait pas de pavés !) sur les CRS au lieu de me concentrer (… de tomate bien sûr !) sur mes devoirs. Je faisais partie de la grande cohorte d’élèves au commentaire de fin d’année « Peut mieux faire avec plus de travail et d’assiduité ». Avec une moyenne de 9,6, c’était mon premier échec scolaire, sans possibilité d’appel, à la grande déception de mes parents à la scolarité excellente.

Anecdote dont je ne suis pas fier : en 68, nous habitions au 8e étage d’une HLM située au quartier du Vert-Bois à Saint-Dizier. J’avais décidé d’observer la métamorphose de têtards que j’avais capturés et mis dans un saladier déposé sur le balcon du salon. En fin d’un après-midi d’été, le ciel s’obscurcit, le vent commença à se lever. Voulant mettre les têtards à l’abri, j’eus la mauvaise idée d’ouvrir les portes-fenêtres donnant sur le balcon … violente bourrasque qui les projeta contre les rambardes pulvérisant les vitres ! Sur le moment, j’ai cru vivre un mauvais rêve, passant mes mains à travers les fenêtres pour me persuader de la réalité de l’évènement ! Dépité, j’ai pris le saladier direction les toilettes, les têtards dans la cuvette et j’ai actionné la chasse d’eau !… Les pauvres bêtes, ce plongeon de huit étages fut certainement la dernière expérience de leur courte vie, sans connaître le bonheur de se transformer en grenouille ! Inutile de dire que lorsque mon père rentra le soir, je n’en menais pas large !

Jusqu’en 3e, je passe beaucoup de temps à la MJC (Maisons des Jeunes et de la Culture) de Saint-Dizier, excellente structure créée par un ancien résistant et ministre de de Gaulle, André Philip. Je m’initie aux échecs entre autres activités. Aux beaux jours, avec mon frère, nous allions à l’entrée de l’usine Miko, la grande marque des crèmes glacées qui a inventé les fameux cornets. Ils soldaient les glaces ayant des défauts de fabrication, une aubaine pour nous qui avions un argent de poche limité. Puis nous les mangions au bord du canal, heureux et rassasiés ! À l’origine de cette belle entreprise, Luis Ortiz Martinez, émigrant espagnol; il s’installe à Saint-Dizier en 1921 pour créer dans un premier temps la société des Glaces Ortiz, vendant les glaces en triporteur, puis en 1951 Miko; depuis 1994 cette société appartient à Unilever, groupe anglo-néerlandais.