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"Vivre en marge" s’adresse à tous ceux qui portent en eux le feu de la scène. À ceux qui rêvent de devenir comédiens, de prêter leur voix aux auteurs et d’habiter pleinement chaque mot. Le théâtre est un acte de foi, un espace de liberté absolue où l’on ose tout dire, tout vivre, devant tous. C’est un appel à être vrai, intensément, passionnément.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Richard Lapalus, comédien de talent, incarne la simplicité et l'authenticité. Tout au long de sa carrière, il a su surmonter les défis imposés par une santé fragile et un environnement professionnel exigeant. Dans cet ouvrage, il nous dévoile, avec sincérité et humilité, l'univers du théâtre, ses enjeux, mais aussi les difficultés inhérentes à un métier aussi fascinant que complexe.
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Seitenzahl: 134
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Richard Lapalus
Vivre en marge
Témoignage
© Lys Bleu Éditions – Richard Lapalus
ISBN : 979-10-422-7001-8
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Quand je reviens dans cette région que j’aime bien, on l’aperçoit de loin, il domine toute la plaine du Roussillon jusqu’à la mer. Le Canigou – Son front altier et ses neiges éternelles le situent comme le maître absolu de ces Pyrénées orientales qui viennent mourir dans cette Méditerranée, en ayant dispersé quelques petits bijoux qui ont pour nom Collioure, Banyuls, Port-Vendres, Cerbère qui annonce l’Espagne. D’ailleurs, on a nommé cette côte : la côte vermeille.
Voici le décor dans lequel je vins au monde, dans cette Cerdagne, jadis espagnole puis rattachée à la France. J’ai donc passé les 3 premières années de ma vie sur les pentes du Canigou.
Le hasard a voulu que nous habitions Prades, petite ville charmante nichée dans cette vallée de la Têt où mon père devait procéder à l’électrification du chemin de fer d’intérêt local qui allait de Perpignan à Font-Romeu, paradis actuel des skieurs, mais qui à l’époque était une simple station locale.
La villa qu’occupaient mes parents était très belle et le propriétaire qui la louait tenait absolument à son appellation qui était celle de son fils François. Ça plaisait moyennement à ma mère qui avec son esprit romanesque a ajouté premier. Et c’est ainsi que je naquis « villa François 1er ».
Nous étions en 1938 et les bruits de la guerre qui s’annonçait semblaient bien loin du calme de ces Pyrénées, dont, comme le dit Vigny « le front est de glace et le pied de gazon ».
De cette période ainsi que de la guerre qui a suivi, il ne m’est resté que quelques images qui sont ancrées dans ma mémoire. Nous voici à Béziers, en 1942, en pleine occupation dans les bras de ma mère qui m’emmenait chez le docteur Causses – image d’un homme très grand, équipé d’une lampe frontale qui n’a pu faire autrement que de m’opérer d’une mastoïdite à l’oreille droite. Moment difficile qui m’a sûrement laissé quelques séquelles. Nous verrons cela plus tard.
Une dernière image de cette époque tourmentée. Moi, j’avais 7 ans, épuisé, effondré sur une valise. Nous étions revenus à Béziers. Béziers, la ville de Pierre Paul Riquet, fondateur du canal du Midi, Béziers, où j’allais passer les 10 prochaines années.
J’entrais donc au Lycée Henri IV à Béziers où j’allais rester 4 ans. L’ordre des classes était beaucoup plus simple qu’il ne l’est devenu par la suite.
Il est temps que je vous parle de moi, du tout jeune adolescent que j’étais devenu. Lors de mon entrée au Lycée, j’étais un garçon timide, introverti. Je me sentais déjà incompris par mes parents, par ma famille, mes quelques camarades. 4 années de lycée, 4 années où je n’ai jamais trouvé ma place, que ce soit avec mes « camarades » comme avec mes propres parents. Ma mère était une rêveuse, elle peignait de belles toiles avant son mariage puis bien sûr elle avait arrêté une fois mariée. Mon père était le pilier du ménage. Il s’occupait de « tout ». Nous donnions l’image d’une famille heureuse. Mon père dirigeait une entreprise d’électricité qui était florissante. Nous ne manquions de rien, une petite maison démontable pour l’été, pour les vacances à Valras-Plage et l’hiver nous vivions bien. Notre univers, et donc le mien, avait pour horizon la ville de Béziers, appelée à cette époque « capitale du vin ». J’allais avec ma mère en promenade au plateau des poètes, très agréable jardin où nous retrouvions des amies.
Les allées Paul Riquet étaient l’endroit où je retrouvais des copains du lycée. Nous allions avec mes parents régulièrement au cinéma. Tout était dans un périmètre abordable. Le dimanche, nous allions passer la journée chez mes grands-parents maternels dans un petit village à une vingtaine de kilomètres de Béziers.
Ah ! les séjours chez ma grand-mère. Les plats faits avec amour réchauffant sous la braise. Une image sera toujours présente à ma mémoire. Les soirées – il n’y avait bien sûr pas la TV – avec mes grands-parents de chaque côté de l’âtre lisant elle un magazine, lui le journal, et moi attablé à la grande table leur tournant le dos chauffé par le feu de bois. C’est là que j’ai dévoré avec curiosité et délectation tout Jules Verne, tout Alexandre Dumas dont les romans développaient en moi mon besoin et mon envie de rêve et d’ailleurs.
Voilà le tableau qui m’a vu grandir et devenir un jeune homme. Mon père veillait à ce que nous ne manquions de rien. Et c’est vrai… l’évolution de notre situation familiale ne présentait aucune faille pour qui la voyait de l’extérieur sans se poser de questions. Je grandissais mal, très mal dans ma peau. Seulement, voilà, c’était une période où les questions psychologiques n’existaient pas ou n’étaient pas dans le questionnement de l’éducation d’un jeune homme.
Mon père était un homme simple qui aurait pourtant dû se poser des questions, et notamment quand il m’est arrivé l’incident de mon premier « malaise ». Nous étions en cours de gymnastique, dans la cour du lycée, et nous courrions les uns après les autres un 60 m. Quand ce fut mon tour, que m’est-il arrivé ? Je me le demande encore aujourd’hui. Tout en courant, mes jambes n’ont pas répondu, et je me suis retrouvé par terre, les 2 genoux couronnés. Ce malaise, en apparence anodin, allait entraîner des répercussions sur ma vie et ma carrière.
Mon père ne s’est soucié que de l’aspect purement physique : examens de toutes sortes, sans aucun résultat, alors que je n’étais pas au mieux psychologiquement. Je quittais le lycée à la fin de la seconde avec seulement le B.E.P.C. en poche, obtenu de justesse. Durant ces années de Lycée où j’étais devenu le souffre-douleur de toutes les classes, j’étais si différent de tous que mon père faisait un barrage contre tous ces déchaînements en allant voir le proviseur ou même en faisant le coup de poing pour me protéger. Nous n’avons pas pu échanger comme doivent le faire un père et son fils. La politique ne m’intéressait nullement. Nous étions en pleine guerre d’Algérie, le putsch d’Alger, le retour de de Gaulle au pouvoir, le référendum… tout cela s’est passé sous mes yeux dans la plus grande indifférence. J’aurais dû échanger avec mon père sur son action pendant la guerre mais il eut fallu que je sentisse son besoin à lui d’en parler. Je vivais avec mes « malaises » et ça me suffisait car j’étais déjà un cas. Le seul résultat positif de ce problème fut leur utilisation pour éviter de partir au service militaire… et surtout en Algérie.
Mon père avait construit de ses mains une maison tout en bois qu’il montait l’été dans la station de Valras, dans un terrain vague que nous cédait un brave ouvrier italien qui habitait en face. Par conséquent, chaque été, durant deux mois et demi, nous nous transportions à Valras-Plage, petite station balnéaire qui accueillait l’été un nombre très important de biterrois. Béziers était distant seulement de 11 kms, ce qui permettait à mon père qui continuait son travail pendant ce temps-là de profiter de la plage et des bains de mer. Il n’y avait pas encore l’autoroute ni le TGV et le grand public n’avait pas encore découvert « la Floride française ».
Pour moi qui étais déjà un solitaire timide et réservé, le temps à la plage était long ; aussi une année, mes parents décidèrent de m’envoyer en colonie de vacances à un lieu-dit La Blanque, au-dessus de St-Pons, dans les premiers contreforts des Cévennes. À contrecœur, je suis parti tout seul au milieu d’un tas d’adolescents comme moi mais qui avaient tout de même l’air mieux dans leur peau. Je me sentais si mal que j’ai écrit à mes parents pour venir me rechercher.
C’est dans le même ordre d’esprit que mon père, toujours à la recherche de solutions qui pourraient me convenir, avait essayé de me faire intégrer une équipe de scouts. J’ai tenu bon un week-end, une sortie et on ne peut pas dire que la nuit sous la tente, dans une promiscuité que j’avais du mal à supporter m’ait réussi. L’expérience n’a pas été renouvelée. Mon père faisait tout ce qu’il pouvait pour m’aider mais je dois reconnaître que c’était à contre-courant et personne ne voyait que tous les évènements qui avaient marqué mon enfance et ma préadolescence avaient besoin surtout d’être sondés. J’aurais aimé que l’on comprît ce qu’il y avait déjà en moi et me permette tout comme l’Aiglon de prendre mon envol « intérieur ». Tant de choses s’agitaient en moi et parfois contredisaient ce que l’on voulait que je fusse.
Mais revenons un tout petit peu en arrière. Le mot « vocation » est un mot un peu prétentieux, mais il dit bien ce qu’il veut dire. Il est des êtres dans la vie qui sont voués à quelque chose, et il ne faut pas les contrecarrer. Mon père dans ce sens m’a facilité la tâche – je ne peux pas le nier – mais j’avais un tel manque de confiance en moi et j’étais si gauche, si maladroit, si « emprunté » que je l’ai souvent laissé agir pour moi.
Au sortir du lycée, j’étais dans un nuage, comme je l’ai été très souvent dans ma vie. Je n’ai pas conservé un très bon souvenir de mes années d’études au début des années 50. Ma timidité naturelle me tenait en limite de cette vie qui s’ouvrait devant moi. Je savais inconsciemment qu’il y avait autre chose qui m’attendait. Cet autre chose, cet ailleurs s’appelait THÉÂTRE. Ce nom, ce monde ne m’était pas encore familier mais il existait. Après quelques moments d’hésitation, j’ai plongé dedans sans réfléchir, tête baissée.
Pour un premier plongeon, il faut qu’on vous donne le signal du départ. Ce signal, c’était un monsieur qui se trouvait là au moment où je découvrais les merveilles du théâtre et des textes classiques que j’avais tant repoussés et même détestés au Lycée. Ce Monsieur s’appelait René Marly, avait été élève de Maurice Escande, alors administrateur de la Comédie-Française. Monsieur Marly, mon premier professeur, avait un cours d’art dramatique à Béziers et me trouvait des qualités dithyrambiques, je ne me rendais pas compte des exagérations qui lui étaient coutumières. M. Marly était une relation de mon père et il lui parlait de moi et de mes premières prestations de cours en des termes si élogieux que je me voyais déjà au conservatoire et pourquoi pas ? engagé à la Comédie-Française. Je venais de participer au concours de fin d’année, au théâtre municipal, et j’avais collectionné toutes les médailles. Un détail qui me paraissait assez lointain et secondaire à l’époque : René Marly était homosexuel…
En commençant ma deuxième année à son cours, je dois dire que je me sentais des fourmis dans les jambes et je brûlais de me frotter à… Paris.
Le THÉÂTRE ! Avez-vous remarqué que la première lettre du mot Théâtre est la même que celle du mot TRAVAIL ? Quand un comédien part à son travail, il dit qu’il va jouer. Comme un enfant ! C’est pour cela que beaucoup de comédiens restent toute leur vie dans un état d’esprit, un raisonnement et pour certains une façon d’être enfantins. Ça me convenait parfaitement. Je n’ai jamais été un « travailleur », une bête à concours. La culture pour moi s’acquiert tout au long d’une vie et nous devons être toujours en demande à ce sujet. Être sanctionné, jugé sans cesse, ne forme pas l’être humain mais le brise et l’arrête dans son élan. J’ai donc quitté ma province qui, dans mon esprit, se situait à l’époque loin, très loin de Paris.
PARIS ! Me voici à Paris en ce début 1957. Tout me paraît grand, tout est beau, nouveau. Les stigmates de la guerre dans certains quartiers sont toujours présents, mais je n’y fais guère attention.
Je me suis inscrit au cours Simon, l’un des grands cours d’art dramatique du moment. Mes 6 premiers mois à Paris ont été une découverte fabuleuse et du théâtre et du compagnonnage et bien sûr des premiers émois amoureux.
Nous voici assis tous deux bien sagement sur un banc de l’avenue de Breteuil. Elle s’appelait Danièle. Elle était très jolie et notre rencontre a été celle d’un simple flirt, mais quand on a 18 ans et que l’on est proche l’un de l’autre dans le soir qui descend sur Paris, les parfums, les effluves, le cœur qui s’emballe mais aussi car on n’est pas très à l’aise, l’appel à un autre personnage, à un autre soi-même.
Il faut bien que le théâtre nous vienne en aide.
Mes camarades s’appelaient Marie-José Nat, Jean-Jacques Debout… Je travaillais très sérieusement, mais surtout j’emmagasinais, j’engrangeais. Tous les lundis soir, le patron René Simon tenait un cours-conférence qui était une véritable mine de richesses et de culture. Je me revois dans un coin de cette salle qui n’était pas très grande où tous les élèves s’entassaient.
Et puis René Simon était ainsi, de temps à autre il nous ménageait une surprise. Je me souviens surtout de ce lundi soir, en principe jour de relâche de beaucoup de théâtres, où nous avons vu entrer François Perrier qui jouait alors tous les soirs Bobosse d’André Roussin. Merveilleux souvenir que ce moment où nous avons passé 2 heures assis en cercle autour de ce grand acteur à lui poser des questions, à l’écouter, nous narrer des anecdotes, nous parler de Théâtre simplement.
Après mes 6 premiers mois à Paris, je suis revenu à Béziers. Mon père s’inquiétait à juste titre des difficultés de ce métier, bien qu’il n’en connût pas plus que moi tous les rouages et il me souhaitait voir intégrer une troupe, une compagnie où j’aurais pu avoir une durée de travail. Tout cela est dans l’absolu, dans l’inconnu car il n’existe pas de CDI dans ce métier.
Ainsi donc, une troupe tentait de voir le jour à Perpignan, dirigée par un certain Jean Collomb. C’était un comédien, un metteur en scène avec un certain talent qui se démenait comme un beau diable pour faire reconnaître sa compagnie par les pouvoirs publics.
Il faisait chaud, très chaud en cet été 1957. Perpignan est réputé pour être la ville la plus chaude de France, et nous répétions une pièce de Lorca : Mariana