Voyages chez les différentes nations sauvages de l’Amérique septentrionale - John Long - E-Book

Voyages chez les différentes nations sauvages de l’Amérique septentrionale E-Book

John Long

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Beschreibung

Voyages au cœur de l’Amérique !

Ce livre renferme des détails curieux sur les mœurs, usages, cérémonies religieuses, le système militaire, etc. des Cahnuagas, des Indiens des Cinq et Six Nations, Mohawks, Connecedagas, Iroquois, etc., des Indiens chippeways, et autres Sauvages de diverses tribus… avec un état exact des postes situés sur le fleuve Saint-Laurent, le lac Ontario, etc.

John Long, interprète de langue indienne, est engagé pour les besoins de sa profession, à vivre longtemps au milieu des Indiens ; doué de cet esprit d’observation nécessaire à celui qui visite des climats habités par les hommes de la nature, il ne s’est pas borné à des détails de commerce, quoique fort intéressants par eux-mêmes : son journal est rempli d’instructions utiles sur les mœurs, usages, opinions religieuses et politiques, les cérémonies, les jeux de diverses tribus de ces peuples parmi lesquelles il a vécu. On y lira, non sans beaucoup d’intérêt, l’histoire simple de ces hommes qui doivent à l’orgueil des nations de l’ancien continent, plus peut-être qu’à leur vie grossière, le nom de Sauvages, et dont la plupart démentent souvent par des actions nobles et touchantes, cette injurieuse dénomination.

Découvrez la collection Pérégrination de La Découvrance : de courts récits de voyageurs à travers le monde et le temps...

EXTRAIT

Ayant pris, fort jeune encore, l’engagement de me rendre dans l’Amérique septentrionale en qualité de commis, je quittai Gravesend le 10 avril 1768, à bord du Canada, capitaine Smith, chargé pour Québec et Montréal. Notre voyage fut agréable jusqu’au moment où nous touchâmes les côtes d’Amérique. Le temps devint alors contraire, et nous fûmes obligés de relâcher à Terre-Neuve où nous restâmes quatorze jours. Il ne nous y arriva rien de remarquable, si ce n’est qu’une partie de nos gens étant allée à terre pour chasser. L’un d’eux, M. Jourdan, passager chargé pour Montréal, qui se trouva très fatigué, resta dans les bois. Les autres revinrent à bord vers le soir, non sans inquiétude sur le sort de leur compagnon. Après quatre jours d’une pénible attente, ne pouvant avoir aucune nouvelle de lui, nous perdîmes toute espérance de le revoir ; et comme la neige était fort épaisse sur terre, et le nombre des bêtes féroces, très considérable, nous présumâmes, ou qu’il était mort de froid, ou qu’il avait été dévoré par les animaux. À l’instant où le capitaine se disposait à remettre à la voile, vint à bord un Indien auquel nous nous efforçâmes d’expliquer notre embarras. Il parut nous comprendre, et nous fit signe que son intention était d’aller à la recherche. Nous lui donnâmes quelques coups de rhum pour l’encourager : il descendit dans son canot et rama vers la terre. Le capitaine différa de quelque temps, par humanité, de poursuivre le voyage ; mais l’Indien ne revenant point, nous quittâmes Terre-Neuve, et après une ennuyeuse traversée de près de onze semaines, nous arrivâmes à Québec, capitale du Canada.

À PROPOS DE L’AUTEUR

L’auteur anglais, John Long, commença par travailler pour la Hudson’s Bay Company en 1768. Trafiquant de fourrure, il circula ensuite pendant près de vingt ans parmi les Indiens d’Amérique du Nord.

Jean-Baptiste Billecocq (1765-1869), le traducteur, était avocat et écrivain parisien. On lui doit des traductions de voyageurs britanniques essentiellement.

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CLAAEFrance

L’auteur anglais, John Long, commença par travailler pour la Hudson’s Bay Company en 1768. Trafiquant de fourrure, il circula ensuite pendant près de vingt ans parmi les Indiens d’Amérique du Nord.

Jean-Baptiste Billecocq (1765-1869), le traducteur, était avocat, écrivain parisien. On lui doit des traductions de voyageurs britanniques essentiellement.

Voyages chez les différentes nations sauvages de l’Amérique septentrionale

Renfermant des détails curieux sur les mœurs, usages, cérémonies religieuses, le système militaire, etc. des Cahnuagas, des Indiens des Cinq et Six Nations, Mohawks, Connecedagas, Iroquois, etc., des Indiens chippeways, et autres Sauvages de diverses tribus… avec un état exact des postes situés sur le fleuve Saint-Laurent, le lac Ontario, etc.

John Long, trafiquant et interprète de langue indienne

CLAAE

2014

Traduit de l’anglais par Jean-Baptiste Billecocq

Titre original : Voyages and travels of an Indian interpreter and trader

© CLAAE 2015

Tous droits réservés. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

EAN eBook : 9782379110214

CLAAEFrance

Préface du traducteur(1794)

Nous avons une collection nombreuse d’écrits publiés sur l’Amérique septentrionale. Sans parler des voyages de Lahontan, de l’Histoire de la Nouvelle-France par le père Charlevoix, et du Journal de son voyage dans l’Amérique septentrionale qui y fait suite ; du Supplément à l’histoire de la baie d’Hudson et du Mémoire du capitaine Best, insérés dans Voyages de Robert Lade, et de tant d’autres descriptions, journaux récits des missionnaires et de différents voyageurs ; il existe un récit d’observations plus récentes, de faits plus rapprochés de nos jours, connu sous le titre de Relation historique de l’expédition faite en 1764, contre Indiens de l’Ohio, par le colonel Henry Bouquet. Il existe un Voyage dans les parties intérieures de l’Amérique fait par un officier anglais pendant la dernière guerre, et dont le C. Le Bas a donné en 1792 une bonne traduction. Quelque soit le mérite de ces divers ouvrages, l’étendue et la variété des détails qu’ils renferment, j’ose assurer que les voyages dont j’offre aujourd’hui la traduction au public, ne sont pas moins dignes de son attention. Un Européen sorti, dès sa jeunesse, du pays qui l’a vu naître, pour aller trafiquer avec les Sauvages ; engagé, par les besoins mêmes de sa profession, à vivre longtemps au milieu d’eux ; doué, d’ailleurs, de cet esprit d’observation si nécessaire à celui qui visite des climats habités par les hommes de la nature, cet Européen, dis-je, n’a pu composer qu’un journal singulièrement curieux. L’objet seul de ses courses longues et périlleuses, l’état qu’il avait embrassé l’a mis à portée d’acquérir et de répandre des connaissances tout à fait neuves sur le commerce des pelleteries et fourrures qui se fait avec les Indiens de l’Amérique septentrionale ; et son ouvrage aurait déjà, sous ce rapport, des droits à la curiosité publique. Mais John Long ne s’est pas borné à des détails de commerce, quoique fort intéressants par eux-mêmes : son journal est rempli d’instructions utiles sur les mœurs, usages, opinions religieuses et politiques, les cérémonies, les jeux mêmes de diverses tribus de ces peuples parmi lesquelles il a vécu. On y lira, non sans beaucoup d’intérêt, l’histoire simple de ces hommes qui doivent à l’orgueil des nations de l’ancien continent, plus peut-être qu’à leur vie grossière, le nom de Sauvages et dont la plupart démentent souvent par des actions nobles et touchantes, cette injurieuse dénomination. On admirera dans les idées de plusieurs de ces peuples, nés bons, et qui ne deviennent féroces que dans l’excès d’une liqueur, présent fatal des Européens, dans la simplicité de leurs hommages à la divinité et du culte par lequel ils honorent sa puissance, dans l’éducation de leurs enfants, dans leur amour de l’indépendance, dans leur magnanime mépris des tourments et de la mort ; enfin, dans presque toutes les circonstances de leur vie, des principes purs, des effets sublimes qui rendent plus sensible encore le contraste remarqué depuis longtemps entre les lumières et les mœurs des nations civilisées.

Plusieurs écrivains, je le sais, notre voyageur lui-même, nous représentent ces peuples sauvages, altérés de sang, vindicatifs à l’excès et goûtant un plaisir barbare dans les souffrances des vaincus. Je ne prétends pas les justifier de ce reproche : je dirai seulement qu’on doit attribuer ces habitudes déplorables, ces affreuses jouissances à la liqueur dont ils s’abreuvent pendant des semaines entières, à l’enthousiasme qui les anime lorsqu’ils marchent au combat et que leurs chansons de guerre sont bien propres à rendre plus aveugle et plus terrible, et davantage encore à l’idée qu’ils se forment des maux que leur préparent leurs ennemis : d’où j’infère qu’ils semblent proportionner leur vengeance à celle qu’ils se persuadent qu’on eût exercée envers eux. Car ces peuples ont, en général, de grandes idées de justice ; mais privés des avantages de la civilisation, privés, surtout, des maximes admirables de la charité universelle qui prescrivent le pardon des injures, qui conseillent de rendre le bien pour le mal, il n’est point étonnant qu’ils fassent, de leurs idées de justice, une si fausse application.

Je n’essayerai point non plus de présenter comme une vertu l’étrange compassion qui porte quelques autres de ces peuples à donner la mort à leurs vieillards et aux in firmes. Je dirai cependant que le principe qui les dirige dans cet acte d’une humanité barbare, la cérémonie religieuse qui l’accompagne, les prières qu’ils adressent à leur divinité, les vœux qu’ils forment pour le bonheur futur de celui qu’ils envoient dans un autre climat, le désir qu’ils ont d’éprouver un fort parti, quand les mêmes maux ou le grand âge en feront des êtres inutiles, à charge de leurs frères, sont autant d’hommages rendus par ces peuples à l’existence de Dieu et à l’immortalité de l’âme. Pénétrés de ces deux principes fondamentaux de toute religion, la mort qu’ils donnent à leurs parents, à leurs amis, n’est, à leurs yeux, que le dernier témoignage de leur affection ; en accélérant le terme d’une vie que l’âge où les souffrances commençaient à rendre insupportables, ils n’ont pour but que de hâter l’instant de leur délivrance et leur passage à une existence éternellement fortunée. La raison seule, cette législatrice puissante des sociétés humaines, nous a appris que rien ne justifie un pareil meurtre, que le vrai courage consiste à supporter les maux de la vie. Elle nous a appris à mieux répondre aux intentions de la nature qui nous impose le devoir sacré d’aimer nos parents, de tendre à leur vieillesse une main secourable, et de leur rendre, à cette époque de leur existence, où les misères humaines les assiègent en foule, tous les soins qu’ils nous ont prodigués à notre entrée dans la vie. Mais la raison, mais la lumière bienfaisante de la saine philosophie n’ont point éclairé ces peuples, et sans être méchants, ils se livrent à des cruautés qui révoltent et font frémir la nature.

Observer, tel est l’intérêt de tout homme qui voyage : être vrai, tel est le devoir de celui qui écrit après avoir voyagé. Le journal dont je donne ici la traduction, peut être annoncé comme un modèle de simplicité. Il faut bien se garder de le juger d’après l’avis préliminaire de son modeste auteur. En le lisant, il sera facile au contraire de se persuader que John Long a été injuste envers lui-même, et l’on avouera qu’un voyageur aussi judicieux mérite une place parmi ces hommes rares, ces citoyens du monde dont la généreuse audace, le zèle ardent pour le progrès des connaissances humaines ont droit au suffrage des contemporains et de la postérité. Son style est toujours celui qui appartient au sujet qu’il traite ; ses descriptions pittoresques comme les lieux mêmes, ses discussions remplies d’intérêt. La morale, la politique, l’histoire naturelle, tout est de son ressort : toujours quelque anecdote, touchante ou récréative, est entremêlée au récit de ses voyages. Souvent encore, il s’arrête et fixe l’attention du lecteur, par des réflexions pleines d’une douce morale, qui reposent l’âme et plaisent à l’esprit. En un mot, il raconte comme il a vu, s’exprime comme il a senti, sans prétention, sans exagération, observateur attentif, écrivain sincère et n’usant jamais, suivant l’ingénieuse expression de la célèbre Émilie Wortley Montagne, du privilège des voyageurs.

Enfin c’est aussi un zélé partisan des droits des hommes, un ami de la liberté et de la vérité.

John Long commença ses voyages en 1768, et les termina en 1787. Son ouvrage parut au commencement de 1791, et l’on a lieu de s’étonner qu’il n’ait point été traduit en français dès les premiers moments de sa publication. L’auteur qui, à la profession de trafiquant, joignait celle d’interprète de langues indiennes, a fait suivre son journal d’un vocabulaire de langue chippeway, des noms de fourrures et pelleteries en anglais et en français, d’un recueil de mots en langages iroquois, mohégan, shawanése, esquimau, enfin d’une table servant à démontrer l’analogie qui existe entre les langues algonquine et chippeway. Ce recueil qui forme une suite considérable à son voyage est très curieux. Je n’ai, cependant, pas cru nécessaire de le publier. De telles connaissances, recherchées avidement par les savants, n’ont rien d’intéressant pour le reste des lecteurs. Tous aiment à s’instruire des détails qui regardent les mœurs, les usages, le commerce : un très petit nombre seulement s’attache à l’étude du langage. Je renvoie à l’original ceux dont ce travail particulier de l’auteur pourra piquer la curiosité. Je dois présumer que ceux-là n’ont pas besoin d’une traduction, et possèdent assez à fond la langue anglaise, que leur amour pour les sciences porte à s’instruire des langues mêmes des Sauvages et de leur analogie soit entre elles, soit avec les langues européennes.

J’ai recueilli dans les divers auteurs dont j’ai parlé plus haut, ainsi que dans beaucoup d’autres, les éclaircissements qui m’ont paru nécessaires. J’en ai formé des notes. La conformité de détails, souvent même d’expressions, prouvera mieux encore la fidélité de notre voyageur. Dans d’autres notes, je me suis livré à des réflexions qui naissaient du sujet même. Je me suis également attaché à rendre, dans toute leur simplicité, les différents discours prononcés par les Sauvages dans leur rencontre avec le trafiquant anglais, ou adressés par lui à quelques tribus de ces peuples. Ses réponses, surtout, prouveront combien il connaissait leur génie, leurs inclinations, et avec quelle adresse il savait les adoucir, les intéresser et les amener à son but. Enfin je n’ai rien épargné pour donner une traduction, digne en même temps de l’ouvrage et du public.

1

Ayant pris, fort jeune encore, l’engagement de me rendre dans l’Amérique septentrionale en qualité de commis, je quittai Gravesend le 10 avril 1768, à bord du Canada, capitaine Smith, chargé pour Québec et Montréal. Notre voyage fut agréable jusqu’au moment où nous touchâmes les côtes d’Amérique. Le temps devint alors contraire, et nous fûmes obligés de relâcher à Terre-Neuve où nous restâmes quatorze jours. Il ne nous y arriva rien de remarquable, si ce n’est qu’une partie de nos gens étant allée à terre pour chasser. L’un d’eux, M. Jourdan, passager chargé pour Montréal, qui se trouva très fatigué, resta dans les bois. Les autres revinrent à bord vers le soir, non sans inquiétude sur le sort de leur compagnon. Après quatre jours d’une pénible attente, ne pouvant avoir aucune nouvelle de lui, nous perdîmes toute espérance de le revoir ; et comme la neige était fort épaisse sur terre, et le nombre des bêtes féroces, très considérable, nous présumâmes, ou qu’il était mort de froid, ou qu’il avait été dévoré par les animaux. À l’instant où le capitaine se disposait à remettre à la voile, vint à bord un Indien auquel nous nous efforçâmes d’expliquer notre embarras. Il parut nous comprendre, et nous fit signe que son intention était d’aller à la recherche. Nous lui donnâmes quelques coups de rhum pour l’encourager : il descendit dans son canot et rama vers la terre. Le capitaine différa de quelque temps, par humanité, de poursuivre le voyage ; mais l’Indien ne revenant point, nous quittâmes Terre-Neuve, et après une ennuyeuse traversée de près de onze semaines, nous arrivâmes à Québec, capitale du Canada.

Lorsque les Espagnols (qui, les premiers découvrirent ce climat septentrional) firent voile passé le cap Rosiers, à l’entrée du fleuve Saint-Laurent, les montagnes appelées aujourd’hui Monts de Notre-Dame, étaient couvertes de neige. Un pareil aspect, en été, leur donna la plus désavantageuse opinion du pays. Ils renoncèrent à monter le fleuve, supposant le terrain trop stérile pour récompenser sur-le-champ leurs peines, ou leur faire espérer quelques avantages pour l’avenir. Ce fut cette première idée qui les porta à l’appeler Capo di Nada, ou Cap de Rien, nom par lequel il est désigné dans leurs cartes, et dont, par corruption de langage, est dérivé celui de Canada qu’il porte aujourd’hui.

Le fleuve Saint-Laurent prend sa source dans le lac Nipissin*1, au nord-est du lac Supérieur, à deux mille milles environ de Québec. Sa largeur est de quatre-vingt-dix milles à l’entrée : il est navigable l’espace d’environ cinq cents milles depuis la mer.

L’île d’Orléans, à une petite distance de la ville, est une belle portion de terre d’à peu près vingt milles en longueur et six en largeur. La fertilité du sol en fait un jardin utile et de rapport. Il fournit la capitale de grains et de plantes en abondance. Le village de Beauport, qui est en face, charme aussi la vue et relève beaucoup la scène qui est riche, majestueuse et romantique.

La chute d’eau de Montmorency attira particulièrement ma curiosité. C’est, peut-être, la cascade naturelle la plus agréable du monde. Quoiqu’elle ne présente, ni dans sa hauteur, ni dans sa largeur, un aspect aussi imposant à beaucoup près que l’étonnante cataracte de Niagara, c’est une merveille qui atteste la puissance de l’architecte de l’univers. Ses effets sont plus agréables que ceux de la dernière : en produisant la surprise et le plaisir au suprême degré, elle n’affecte pas le spectateur par des idées aussi terribles.

Comme notre vaisseau était chargé pour Montréal autant que pour Québec, et que j’étais sous la direction du capitaine, il ne me permit point d’aborder en cette dernière ville. Mais au bout de quelques jours, j’eus la satisfaction d’arriver à bon port, à Montréal, lieu de notre destination définitive.

Montréal, anciennement appelé Ville-Marie, ne renferme aujourd’hui rien de remarquable ; jadis elle était célèbre par une grande foire qui durait près de trois mois. C’était le rendez-vous des Indiens qui y venaient de plusieurs centaines de milles pour échanger leurs pelleteries contre des marchandises anglaises. Le lecteur partagera sans doute l’intérêt avec lequel nous apprîmes que M. Jourdan avait été trouvé dans les bois deux jours après notre départ de Terre-Neuve. La rigueur du froid lui avait ôté l’usage de ses pieds. Un vaisseau l’amena depuis à Trois-Rivières, où il s’établit dans une fonderie de fer.

Trois-Rivières est ainsi nommée de la jonction de trois courants qui se déchargent dans le fleuve Saint-Laurent. À une lieue environ de la ville, se trouve une fonderie de fer, établie par des particuliers en 1737, et cédée ensuite au roi. D’abord, on y fondit des canons et des mortiers : mais elle est aujourd’hui spécialement destinée à la fabrication des chaudrons où l’on fait bouillir l’eau pour le linge, et de ceux où on la met pour faire le thé. On prend la mine à une petite distance des travaux. Une rivière coule en bas de la fonderie dans le fleuve Saint-Laurent. Elle procure aux propriétaires la facilité d’envoyer, dans des bateaux, leurs objets manufacturés par tout le pays d’alentour, à des conditions très peu onéreuses.

Cette ville, située à moitié chemin entre Québec et Montréal, avait autrefois un commerce considérable de pelleteries. Elle était la seconde foire du Canada. Mais dans la suite des temps, les habitants de Montréal trouvèrent le moyen d’attirer à eux presque tout le commerce de fourrures ; et quoique ceux de Trois-Rivières vivent de leur commerce avec les Sauvages, et en manufacturant des canots de bouleau, la ville a perdu cependant le rang et l’importance dont elle jouissait autrefois. L’avantage de posséder une fonderie de fer, leur procure pourtant quelques dédommagements, et ils vivent, après tout, aussi heureux qu’aucun peuple du Canada. Les habitants de Trois-Rivières étaient autrefois très incommodés de puces qui fourmillaient en grande quantité, et, suivant la remarque plaisante de Lahontan, occasionnaient chez eux une insupportable mobilité dans la conversation.

À mon arrivée à Montréal, je fus confié aux soins d’un respectable marchand, pour apprendre le commerce de l’Inde, qui est le principal soutien de la ville. Je sus bientôt le nom de chaque article de commerce en langues iroquoise et française. Comme j’avais aussi beaucoup de penchant pour les Sauvages, je fis, de jour en jour, des progrès dans leur langue, au grand contentement de mon patron. Il fut charmé de mon zèle, et désirant me voir assez habile dans le langage mohawk, pour pouvoir commercer avec les Indiens en son absence, il m’envoya à un village nommé Cahnuaga, ou Cocknawaga, situé à neuf milles environ de Montréal, au midi du fleuve Saint-Laurent, chez un chef nommé Assenegethter, pour m’y instruire dans la langue. Je retournai alors chez mon patron où je voulais avancer dans le français. On ne parle pas généralement cette langue en Canada ; mais la connaissance en est d’une telle nécessité dans les relations commerciales avec les naturels du pays, qu’il serait impossible à celui qui ne la posséderait pas, de jouir de la société des plus respectables familles où, d’ordinaire, on ne sait pas la langue anglaise.

2

Les Sauvages de cette nation, appelés les Indiens priants, parce que leurs chefs portent des crucifix, et parcourent les rues de Montréal avec leurs chapelets, en demandant l’aumône, se sont séparés, depuis un grand nombre d’années, des Indiens mohawks et des Indiens de la Rivière. Longtemps après leur séparation, ils continuèrent un commerce frauduleux entre Albany et Montréal. Le village contient environ deux cents maisons. Quoique bâties principalement en pierres, elles ont une apparence sale et misérable. Le nombre des habitants monte à environ huit cents, et (ce qui est contraire aux observations générales sur la population des Indiens) il s’accroît continuellement. Ce village est regardé comme le plus respectable de tous les villages indiens. Le peuple y est parvenu à un degré éminent de civilisation et d’industrie. Il sème du blé, et n’est pas réduit, comme d’autres nations, à exister de la chasse ; mais, en même temps, il a peu d’ardeur pour les ouvrages pénibles qui, dans son opinion, ne conviennent qu’à des hommes moins libres. Ce qui lui reste de sa valeur et de son indépendance primitives, suffit pour qu’il attache l’idée d’esclavage à tout emploi domestique. Les terres de chasse de ces Indiens sont dans les États-Unis, à une distance considérable du village, aux environs du fort George, de Ticonderago et de Crown-Point, où ils tuent le castor et le daim, mais en moins grande quantité qu’autrefois le pays étant mieux habité, et les animaux féroces étant forcés, depuis l’état présent de la population, de chercher des retraites plus éloignées et plus sûres. Les pelleteries qu’ils se procurent sont ordinairement apportées à Montréal. Elles y sont ou vendues pour de l’argent, ou échangées contre des marchandises. Il est probable que, dans peu d’années, il n’y aura pas, parmi eux, un grand nombre de bons chasseurs. Ils sont passionnés, jusqu’à la folie, pour la parure, surtout pour celle du genre le plus coûteux. Les profits qu’ils retirent des terres louées par eux aux Canadiens leur permettent de satisfaire leur goût pour ce luxe. Il contribue à les rendre plus paresseux ; et comme leur indolence et leur mollesse augmentent en proportion de leurs vaines inclinations, la chasse est sur le point d’être tout à fait abandonnée. Leur religion est la catholique. Ils ont un prêtre français, ou, (selon l’expression de l’Indien chippeway) l’homme du Maître de la vie, qui les instruit, et fait le service divin en langue iroquoise. Leur dévotion fit sur mon esprit une impression trop puissante pour la passer sous silence. Elle me porte à observer qu’on doit de grands éloges à leurs pasteurs. Par un zèle infatigable, par l’exemple même de leur vie, par leurs entretiens, ils ont converti de l’idolâtrie au christianisme une race de sauvages, et leur régularité augmente le respect de ces pieux Indiens pour eux et pour leur culte. Exemple bien digne d’imitation ! et qui prouve sans réplique que la nature, dans son état le plus dégénéré, peut toujours être réformée par des efforts sincères, des mœurs douces, et une conduite dirigée constamment par les mêmes principes. Il est à espérer, il est à désirer surtout, que leur caractère sauvage puisse être plus dompté encore avec le temps ; que leur impétuosité naturelle soit adoucie et réprimée, qu’ils soient guéris enfin eux-mêmes de ce malheureux goût pour l’usage des liqueurs fortes auquel ils se livrent avec une déplorable facilité qui entraîne souvent les suites les plus tristes et les plus funestes.

3

Je vais donner présentement une connaissance particulière des Indiens des cinq et six Nations, et des motifs de cette dénomination, afin de mettre le lecteur à portée de se former une idée de leur importance sous le point de vue politique, ainsi que sous le rapport de la traite des fourrures. Le voisinage des terres américaines depuis la Georgie jusqu’à la Nouvelle-Angleterre, procure aux États-Unis un immense pouvoir et une vaste influence. L’avantage de cette situation les rend plus redoutables que ne le furent jamais les Français dans le plus haut degré de leur puissance en Amérique, dans le temps même où, de l’aveu général, leur crédit parmi les Sauvages était tel que ces derniers ne leur donnaient pas d’autre nom que celui de Pères. Il existe encore, au reste, d’assez fortes traces de ce crédit : car ils ont conservé une prédilection marquée pour les commerçants d’origine française établis parmi eux.

En l’année 1603, époque où les Français s’établirent dans le Canada, une partie des cinq et six Nations habitait l’île de Montréal, et était en guerre avec les Adirondacks (qui demeuraient sur l’Uttawa, ou grand fleuve conduisant à Michillimakinac). Ceux-ci considéraient les cinq Nations comme des adversaires tout à fait nuls et incapables de se défendre avec vigueur. Ils les traitaient avec autant de dérision que les Delawares qu’ils avaient coutume d’appeler Vieilles femmes, ou les Shawanèses, (demeurant sur le fleuve Wabach) qui furent longtemps obligés de porter des jupes, en signe du mépris qu’on faisait de leur manque de courage, et comme une preuve de leur avilissement et de leur lâcheté. Mais aucun peuple ne supporte qu’on regarde la faiblesse et la poltronnerie comme son caractère national. Les chefs résolurent d’éveiller le courage de leurs jeunes gens, et de les exciter à rétablir leur réputation, ou à s’en faire une. Ils leur inspirèrent des sentiments d’héroïsme, les conduisirent à la guerre contre les Satanas ou Shaoünous, qu’ils domptèrent sans peine. Ce succès ranima leurs esprits abattus. Ils oublièrent combien de fois ils avaient été défaits par les Adirondacks, et commencèrent des hostilités contre eux. Profitant aussi de l’opinion peu honorable que leurs ennemis avaient conçue de leur valeur, ils les vainquirent dans plusieurs combats, enfin ils portèrent des armes triomphantes au sein même de leur pays, et forcèrent ces hommes qui les avaient vaincus jadis, à fuir de leur terre natale, et à chercher un asile sur le territoire où Québec est situé aujourd’hui.

Bientôt après que les Français furent arrivés et établis à Québec, ils formèrent une alliance avec les Adirondacks contre les Cinq Nations. La première action fut décisive pour les Adirondacks. Ils furent redevables de ce succès à l’usage des armes à feu introduites parmi eux par leurs nouveaux alliés, et que les Indiens des Cinq Nations n’avaient jamais vues auparavant. Cette alliance et la défaite qui en fut la suite, loin de soumettre ou de décourager les Cinq Nations, parut plutôt augmenter leur ardeur. Ces peuples suppléaient par le courage et la ruse à ce qui leur manquait en connaissances militaires ou en armes propres à leur défense. Quoique les Français eussent remporté sur eux plusieurs avantages dans le cours de plus de quinze années, ils se trouvèrent cependant heureux à la fin de mettre un terme à leurs querelles, et de faire la paix avec eux.

Cela prouve que les Sauvages des Cinq Nations ne sont pas faciles à dompter, et démontre la nécessité de les conserver dans nos intérêts aussi longtemps que la politique nous fera regarder comme avantageuse la possession du Canada. Rien ne peut en conséquence conduire mieux à ce but que de conserver des barrières qui puissent nous mettre à portée de leur assurer protection, et de les fournir d’armes, de munitions et des autres choses nécessaires dans les moments de crise.

Les Indiens qui habitent au nord de Philadelphie entre les provinces de Pennsylvanie et les lacs, consistent en trois confédérations distinctes, dont les Sénekas, les Mohawks et les Onondagoës (Onondagas) appelés les Pères, composent la première : les Oneidoës (Oneidas), les Gayugas, les Tuscororas, Conoys et Nanticokes qui sont une tribu, forment la seconde, et ces deux confédérations constituent ce qu’on appelle les Six Nations. La troisième est composée des Wanamis, Chihokockis ou Delawares, des Mawhiccons (Mohicans), Munseys et Wapingers auxquels on peut joindre les Mingoës. Les Cowetas ou Indiens creeks sont aussi unis d’amitié avec eux.

M. Colden dit que les nations qui sont liées ensemble par une confédération ou ligue à l’instar des provinces unies de Hollande, sont connues sous les noms de Mohawks, d’Oneidoës, d’Onondagoës, de Cayugas et de Senekas ; que chacune de ces nations est subdivisée en trois tribus ou familles que l’on distingue par les noms de Tortue, d’Ours et de Loup ; et que les Tuscororas, après la guerre qu’ils soutinrent contre le peuple de la Caroline, se réfugièrent au milieu des Cinq Nations, et s’incorporèrent avec elles, de sorte que, dans le fait, elles composent Six Nations, quoiqu’elles conservent toujours le nom des Cinq Nations. Cette réunion est si ancienne qu’il reste, à peine, quelques traces de son origine.

Lahontan prétend que les Iroquois ne sont réellement qu’une nation divisée en cinq districts qu’il divise de la manière suivante : les Tsonnonthouans, les Goyogans, les Onontagues, les Oneyouths et les Agnies qui, tous, étaient établis à trente lieues environ les uns des autres près le grand lac Frontenac, nommé aujourd’hui l’Ontario.

Les Mohawks ou Maquas sont la plus belliqueuse des cinq nations, et comptent près de sept cents guerriers. Les Français les appellent Agnies ou Annies. Ils étaient établis originairement sur le FleuveFrançais ou grand fleuve qui conduit à Michillimakinac d’où, par la suite, ils se retirèrent au fleuve Mohawk près Sehenectady, à seize milles environ d’Albany dans l’état de New York. Depuis la guerre de 1757, ils se sont séparés ; une partie de leur nation est fixée sur le grand fleuve de Niagara, et le reste derrière la baie de Quenty ou Kenty, environ à quarante-huit milles au-dessus de Cataraqui, capitale des établissements royalistes sur le fleuve Saint-Laurent.

Cataraqui, ou le fort Frontenac, est bâti près de l’endroit où le lac Ontario se décharge dans le fleuve Saint-Laurent. Il fut construit par le comte de Frontenac pour arrêter les incursions des Iroquois et intercepter le commerce de pelleteries que faisait ce peuple avec les habitants de New York1. Ceux-ci se les procuraient des Sauvages en échange d’autres marchandises, à bien meilleur compte que les Français ne pouvaient les leur fournir.

Le fort Cataraqui était, d’abord, construit en bois et en gazon, et entouré de piquets fort élevés. Pendant le temps de la mission du père Hennepin2, on y fit une bâtisse en pierres, sous les ordres du sieur Cavelier de La Salle, et son étendue en circonférence se portait à plus de sept cents verges. Le bassin dans lequel il est placé peut contenir un nombre de vaisseaux d’un port considérable. Il y a aujourd’hui une petite garnison avec un commandant. Elle exerce une inspection sur tous les bateaux qui passent, soit pour les nouveaux établissements, soit pour les postes supérieurs.

Les Oneidoës (Oneidas), ou Onneyouts, les Onondagoës (Onondagas), Cayugas, Senekas ou Tsonnonthouans et les Tuscaroras qui habitent avec les Oneidoës et les Onondagoës, sont établis à une distance d’environ trente lieues les uns des autres ; aucune de ces nations n’est éloignée de plus de cent cinquante milles du fleuve Mohawk. Elles emploient toutes, pour exprimer la paix, la métaphore d’un arbre dont elles disent que la cime s’élèvera jusqu’au soleil, et que les branches s’étendront au loin, non seulement afin qu’on les aperçoive d’une grande distance, mais encore pour qu’on puisse trouver sous leur ombrage, un abri et le repos.

Les Cinq Nations occupent toute la partie méridionale du fleuve Saint-Laurent jusqu’à l’Ohio, et en bas de l’Ohio jusqu’au Wabach, à l’ouest de l’état de Pennsylvanie, près des frontières de la Virginie : à l’ouest elles s’étendent jusqu’aux lacs Ontario et Érié, au fleuve Miamis, ainsi qu’aux bords orientaux du lac Champlain et aux États-Unis.

La force de cette confédération, la grande étendue de terrain qu’elle embrasse, le nombre de braves guerriers qu’elle produit, le courage indomptable et l’habileté qui distinguent ses membres dans leurs guerres, tant avec les Européens qu’avec les Sauvages ; tout concourt à prouver l’utilité politique d’une alliance avec elle. Un fait incontestable, c’est qu’en cas de guerre avec les Américains, les postes ne seraient qu’une faible résistance sans ses efforts, et privé une fois de ce fort, le pays perdrait bientôt l’avantage de la traite des fourrures.

Je vais considérer la situation et l’utilité de ces barrières sous le point de vue commercial. Je tâcherai de démontrer combien il nous importe de prendre possession des postes malgré la stipulation expresse du traité de paix conclu avec les États-Unis par laquelle ils doivent leur être cédés. Il n’est guère présumable à la vérité que les Américains rempliront de leur côté, les conditions du traité, de manière à pouvoir former raisonnablement une demande, c’est-à-dire une prétention telle que le gouvernement ne puisse se dispenser d’y faire droit.

Le premier poste dont je parlerai est Oswegatche, sur le fleuve Saint-Laurent, à cent cinquante milles environ au-dessus de Montréal, à l’embouchure de la Rivière Noire. Une centaine de Sauvages le visite de temps à autre. On les appelle Indiens d’Oswegatche, quoiqu’ils fassent partie des tribus des Cinq Nations. Les habitants de la Nouvelle-Angleterre peuvent facilement transporter des marchandises à ce fort pour en fournir aux Mohawks, aux Cahnuagas, aux Connecedagas, aux Indiens de S.-Regis et à quelques traîneurs indiens messesawgers qui habitent près le détroit. Ils les leur donnent à bien meilleur marché qu’ils ne pourraient se les procurer des marchands à Québec ou à Montréal. Mais c’est, surtout le rhum dont ils font un grand débit parmi ces Sauvages. Le rhum est devenu aujourd’hui un objet essentiel et même indispensable dans tous les traités avec ces peuples. Ils se plaignaient autrefois assez souvent, (comme il le paraît par le langage de leurs chefs en conseil) de ce que les trafiquants introduisaient parmi eux des liqueurs fortes dont l’usage était dangereux pour les jeunes gens, et cependant ils n’ont pas pris encore, jusqu’à présent, le parti de se les interdire. Ils s’en sont même fait une telle habitude, une telle nécessité, qu’ils regardent comme chose indispensable dans tout échange, de s’enivrer, et se livrent d’avance aux charmes de cette ivresse avec un extrême plaisir.

L’île de Carleton est plus élevée au-dessus du fleuve. Elle procure, par cette situation, de plus grands avantages qu’Oswegatche. Elle a un bon port, avec des fortifications respectables et une nombreuse garnison. Elle fournit d’excellents matériaux pour la marine, et peut être considérée, sous ce rapport, comme le magasin général de Niagara et des autres postes. Des vaisseaux d’une charge considérable se rendent continuellement de ce lieu à Niagara, Oswego, etc. Il y a aussi un commodore des lacs dont la résidence est sur l’île.

Le fort Oswego, sur le lac Ontario, appelé autrefois lac Frontenac, est bien fortifié, et peut contenir six cents hommes. Ce poste est d’une importance majeure : on le regarde comme le chef des États-Unis, et comme maître du passage à la rivière du nord ou d’Hudson. Il protège, d’ailleurs, la traite avec les Indiens qui habitent sur les bords du fleuve Saint-Laurent et de toute l’étendue de la grande nappe d’eau près de laquelle il est placé, étendue qu’on estime d’environ quatre-vingts lieues en longueur, et de vingt-cinq à trente, en largeur, dans quelques endroits.

Lorsque les Anglais étaient en possession des colonies, Albany était maître de la traite avec les Indiens. Tout le monde est d’accord qu’aucune place en Amérique ne fournissait une aussi grande quantité de fourrures et de pelleteries, pas même les établissements de la baie d’Hudson dont le commerce, dans son étendue la plus reculée, est, de beaucoup, inférieur en produits au gain qu’on fait à Albany. Ces pelleteries et fourrures venaient du Canada ; elles étaient apportées au fort Oswego par les Indiens qui en traitaient avec les commissionnaires envoyés par les marchands d’Albany. De plus, les marchandises indiennes peuvent être transportées d’Albany au fort Oswego, à beaucoup meilleur marché que de Montréal aux nouveaux établissements à Cataraqui et au haut de la baie de Kenty. Il a aussi beaucoup moins de risques à courir, parce que le courant du fleuve Mohawk n’est pas si fort que celui du fleuve Cataraqui, entre le lac et Montréal, et qu’il y a moins de chutes d’eau.