William James - Émile Boutroux - E-Book

William James E-Book

Émile Boutroux

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Beschreibung

Extrait : "William James naquit à New York City le 11 janvier 1842. Il était le fils aîné du Révérend Henry James, de Boston, célèbre comme théologien et comme écrivain. Physiquement il ressemblait à son père d'une manière frappante."

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● Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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WILLIAM JAMES 1842-1910

Phot. Pach Studio. Cambridge, Mass.

Introduction

L’illustre philosophe américain enlevé le 26 août dernier à sa patrie et au monde, le professeur William James, était si remarquable comme homme, indépendamment de ses doctrines, qu’il serait du plus grand intérêt d’étudier pour elle-même sa vie intérieure, son âme, son caractère, son esprit, sa parole et son style, en un mot sa personnalité. Puisse le grand écrivain Henry James, son frère, qu’il aimait si tendrement, et à qui, jusqu’à sa dernière heure, il prodigua un dévouement admirable, tracer, avec son cœur, sa puissance d’analyse et son art, ce précieux portrait ! Il nous aiderait grandement à comprendre la doctrine du philosophe. Car si, chez certains hommes, la personne et l’œuvre sont très réellement séparables, en sorte que, pour bien entendre celle-ci, il convient, sinon de se passer, du moins de se défier des indications que celle-là nous fournit, il en est tout autrement de William James. Il professait qu’une philosophie a sa racine dans la vie, non dans la vie collective ou impersonnelle de l’humanité, abstraction d’école, selon lui, mais dans la vie concrète de l’individu, la seule qui existe véritablement. Et, comme la fleur séparée de sa tige ne tarde pas à se flétrir, James pensait que la philosophie, jusque dans ses plus hardies spéculations, devait conserver son attache avec l’âme du penseur, si elle ne voulait dégénérer en un vain assemblage de mots et de concepts, dépourvu de contenu réel.

Si nous ne pouvons, nous, prétendre à faire revire la belle figure de William James, essayons, du moins, de noter quelques traits de sa physionomie ; surtout abandonnons-nous de bonne grâce à l’impression si vive que sa personnalité produit d’elle-même sur qui l’approche, de manière à communier avec lui par la sympathie, et, par là même, à lire, en quelque mesure, dans l’intérieur de son âme.

Vie et personnalité de William James

William James naquit à New York City le 11 janvier 1842. Il était le fils aîné du Révérend Henry James, de Boston, célèbre comme théologien et comme écrivain. Physiquement il ressemblait à son père d’une manière frappante. Le Révérend Henry James alliait curieusement la gaieté à la gravité, une réflexion pénétrante et une grande profondeur de sentiment à un esprit amoureux de saillies et de plaisanteries. Et ces traits, également, se retrouvent chez William.

Les préoccupations du Révérend Henry-James se portaient principalement sur les questions religieuses. Il était, à ce point de vue, attaché avec ferveur aux doctrines du grand savant suédois Swedenborg.

Le point de départ de ces doctrines fameuses, dont un Kant fut si vivement frappé, c’était la conviction qu’avait acquise Swedenborg, en étudiant le règne animal, de l’existence d’une constante influence mutuelle entre le mental et le matériel, entre le spirituel et le naturel. De là Swedenborg s’était élevé, par l’étude de la religion, telle qu’elle est décrite dans l’Écriture, à l’idée d’une relation entre les êtres terrestres et les êtres du monde spirituel, d’où résultait la possibilité de connaître directement les vérités religieuses, et de dériver de cette connaissance un christianisme purifié, sur lequel devait reposer la Jérusalem nouvelle.

William James reçut, dans ses premières années, une vive impression des enseignements paternels. Non seulement il acquit une disposition remarquable à l’analyse ; mais il se pénétra de l’esprit swedenborgien, si bien qu’il semble avoir conservé toute sa vie une secrète prédilection pour les doctrines du grand mystique.

Les études de William James ne furent pas précisément régulières. Son père ayant été amené à vivre pour un temps en Europe, William James s’y familiarisa de bonne heure avec les langues et la culture européennes. Il reçut les leçons de maîtres particuliers, à Londres et à Paris. En 1857-8 il fut élève du collège de Boulogne-sur-Mer ; et en 1859-60 il fréquenta l’Université de Genève. Puis, pendant l’hiver 1860-61, il travailla la peinture, sous la direction de William M. Hunt, à Newport, dans l’État de Rhode Island en Amérique.

Cependant le goût de la science prédominait en lui. En 1861, à l’âge de dix-neuf ans, il entra à l’École scientifique Lawrence, à Harvard. Il y étudia, pendant deux ans, la chimie et l’anatomie. Puis, en 1863, il devint élève de l’École de Médecine de Harvard. Bien qu’il se proposât de passer le doctorat en médecine, il ne s’astreignit pas à suivre la série normale des cours. En avril 1865 il prit part, avec Louis Agassiz, à l’expédition Thayer qui se rendait au Brésil, et il resta plus d’un an dans ce pays. Pendant l’hiver 1867-8 il étudia la physiologie à l’Université de Berlin, puis il travailla avec Agassiz au Muséum de Zoologie comparée de Harvard. En 1869, il fut reçu docteur en médecine à Harvard. Il continua à travailler à sa guise, sans remplir de fonctions, jusqu’en 1872, en partie par suite de sa mauvaise santé, en partie à cause de sa curiosité d’esprit, avide de connaissances diverses, sans parler d’une certaine répugnance instinctive à l’égard des besognes officielles.

En 1872 commença, à Harvard, la carrière académique de William James, laquelle devait se poursuivre tout entière dans cette même Université. Il débuta comme instructeur de physiologie. Puis, de 1873 à 1876, il fut instructeur d’anatomie et de physiologie. Dès 1875, il offrait aux élèves gradués un cours sur les rapports entre la physiologie et la psychologie. Il dirigea des recherches expérimentales dans un local de l’École scientifique Lawrence : ce fut là, peut-on dire, le premier laboratoire psychologique organisé en Amérique. En 1879-80, il fit un premier cours proprement philosophique, dont le sujet était : « La Philosophie de l’Évolution ». Il n’enseigna plus, par la suite, l’anatomie et la physiologie.

Il devint, en 1880, professeur assistant de philosophie. Quelques années après, en 1884, il contribua à la fondation de la Société américaine de recherches psychiques (The American Society for Psychical Research). En 1885 il fut nommé professeur de philosophie, et, en 1889, il passa dans la chaire de psychologie.

C’est à cette époque que se place la composition de son grand ouvrage : Principles of Psychology, 1890, en deux gros volumes, dont l’importance fut tout de suite reconnue dans le monde entier, et qui suffirait à lui assurer une place de premier rang dans l’histoire du mouvement philosophique de notre époque. En 1892, il publia, de ce traité, un abrégé : Psychology, Briefer Course, ou A Text-Book of Psychology, qui continua de répandre par le monde son nom et son influence, et qui fut bientôt adopté universellement comme manuel de psychologie dans les collèges américains.

Il abandonna la direction du laboratoire de psychologie en 1892, et échangea son titre de professeur de psychologie contre celui de professeur de philosophie, qu’il devait garder jusqu’à la fin de sa vie. Son fameux article : La Volonté de croire (The Will to Believe) est de 1896. Et son recueil de conférences intitulé : Causeries à l’adresse des maîtres sur la psychologie, et à l’adresse des étudiants sur quelques-unes des fins idéales de la vie (Talks to Teachers on Psychology, and to Students on some of Life’s Ideals), qui eut, tout de suite, un succès extraordinaire, et qui, aujourd’hui encore, est lu avidement dans le monde entier, date de 1899.

Cependant sa santé, qui avait toujours été délicate, s’altérait profondément, en cette même année 1899. Un excès de fatigue, occasionné sans doute par une excursion aux monts Adirondack, détermina une faiblesse du cœur, qui le tint éloigné de l’Université pendant les années 1899-1901.

La période qui s’étend de cette époque jusqu’à sa mort n’en a pas moins été, peut-être, la plus productive et la plus brillante de sa carrière. En 1901 et 1902 il donna à Édimbourg, comme conférencier de la Fondation Gifford, ses fameuses conférences sur Les Variétés de l’Expérience religieuse, qui, publiées en 1902, furent le signal d’un mouvement d’idées considérable dans le domaine de la psychologie religieuse, et qui, une seconde fois, firent apparaître William James comme un initiateur.

En 1906 et en 1907, il fit, à l’Institut Lowell, à Boston, et à l’Université Columbia, à New York, des leçons sur le « pragmatisme », qui, publiées en 1907, eurent également un très grand retentissement.

Enfin il se préoccupait, à la demande générale des professeurs et des élèves, de rassembler ses idées et de les présenter dans leur coordination logique, en un manuel ou Text-Book analogue à celui qu’il avait composé pour résumer sa psychologie. Il n’avait écrit qu’une partie de cet ouvrage, quand il partit pour l’Europe, afin d’y consulter des spécialistes sur l’état de sa santé, qui avait empiré.

Voyage pénible, douloureux, où la gravité du mal devint de plus en plus évidente, où, pourtant, William James sut prodiguer à ses amis, comme s’il eût été dans son état normal, les trésors de son esprit et de son cœur !

À peine rentré en Amérique, à sa rustique villa de Chocorua dans le New Hampshire, il eut une défaillance du cœur ; et il mourut, au bout d’une huitaine de jours, le 26 août, à l’âge de soixante-huit ans.

*
**

La vie du professeur James s’est passée tout entière à étudier, expérimenter, observer, lire, réfléchir, chercher, enseigner, causer, exhorter et écrire. Il savait beaucoup, grâce à sa vive curiosité d’esprit, à sa mémoire puissante et précise, à sa connaissance des langues, à son amour des livres, à ses innombrables relations en tout pays. Mais il n’appréciait que les connaissances tirées immédiatement de l’observation des réalités et contrôlées incessamment par cette observation même. Les formules qui ne pouvaient pas se traduire en faits d’expérience lui paraissaient négligeables. Un mot revenait constamment sur ses lèvres, exprimant la manière de penser qui lui était chère : le mot direct. Il ne lui était pas désagréable de lancer les faits, l’expérience brutale, la vie, le bon sens, les choses basses, communes et familières chères à Pascal, à travers les savants systèmes, les grands mots, les traditions sacro-saintes de la scolastique ancienne et moderne.

Parmi les étudiants qui se pressaient à ses cours, plusieurs y venaient chercher principalement des réponses toutes prêtes en vue de leurs examens : il n’avait cure de les satisfaire. Il donnait à son auditoire, avec sa vivacité et sa verve primesautières, le résultat de ses recherches et de ses réflexions personnelles sur les problèmes qui le passionnaient, sans se souvenir qu’il existât un programme académique. En sorte qu’un jour un de ses auditeurs l’interrompit par ces mots : To be serious for a moment : « Soyons sérieux, pour une fois ».

Ce très habile et éloquent professeur professait aussi peu que possible. Il n’eût pu se plier aux règles de la pédagogie officielle. Il mettait dans sa parole sa pensée toujours en travail, son âme ardente, tout son être, soit qu’il enseignât dans sa chaire, soit qu’il fit, par le monde, quelque conférence, soit qu’il causât familièrement avec des amis. La spontanéité de son discours était saisissante. Tout ce qu’il disait débordait de sens et de suggestions, et ce n’était jamais dans une forme convenue, abstraite et impersonnelle qu’il s’exprimait. C’était toutes vivantes et imprégnées de sa personnalité, que ses idées sortaient de son cerveau : les expressions les plus inattendues, les plus ingénieuses, les plus amusantes, tombaient naturellement de ses lèvres, et se fixaient aisément dans l’esprit de ses auditeurs, surpris, charmés, et sommés de réfléchir eux-mêmes. Jamais ne s’appliqua plus exactement le mot trop prodigué de Pascal : On est ravi lorsque, s’attendant de voir un auteur, on trouve un homme.