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Un ouvrage collector pour en apprendre davantage sur l'univers de l'un des jeux vidéo les plus mythiques !
Pour fêter les 30 ans de la série de Nintendo The Legend of Zelda, Third Editions se propose de rendre hommage à cette saga de légende, l’une des plus prestigieuses du monde vidéoludique. Découvrez donc cet ouvrage, chroniquant l’intégralité des titres de la série, du premier épisode à Hyrule Warriors 3DS, et qui décrypte l’ensemble du contenu de ces jeux à travers des analyses poussées et des réflexions.
Plongez dans ce recueil unique, présenté sous la forme d’un vieux grimoire, qui ravira tous les amoureux d’aventure pour enfin découvrir la fabuleuse légende de Zelda !
EXTRAIT
Pour mettre en place le monde du futur Zelda, Miyamoto va s’inspirer de son expérience personnelle : enfant et adolescent, il adorait explorer la forêt, se perdre dans des environnements inconnus et découvrir tantôt un lac, tantôt une grotte, tantôt une maison abandonnée. C’est sa propre sensation d’émerveillement qu’il a voulu retranscrire dans Zelda, allant jusqu’à dire qu’il souhaitait faire de ce jeu une sorte de « jardin miniature » que le joueur pourrait visiter à sa convenance. Lorsque Miyamoto visite un endroit inconnu, il aime, paraît-il, le découvrir par lui-même, sans chercher au préalable d’indications quelconques : sans doute faut-il y voir la raison pour laquelle, dans Zelda, une fois dans un donjon, Link doit d’abord traverser de nombreuses salles avant de mettre la main sur la carte et la boussole qui lui permettront de s’orienter jusqu’à la sortie. Pour l’univers de son jeu, Miyamoto a affirmé s’être inspiré du film Legend de Ridley Scott (1985), mettant en vedette le jeune Tom Cruise. Le scénario de ce long-métrage s’appuie sur un imaginaire de fantasy : sorte d’elfe sylvain proche de la nature, Jack n’est pas le seul à désirer la belle princesse Lily, que convoite également le seigneur des Ténèbres, véritable incarnation du Mal, qui veut faire s’abattre l’obscurité sur le monde en tuant le couple de licornes garant de la paix du royaume.
À PROPOS DES AUTEURS
Passionnés depuis l’enfance par la presse papier, Nicolas Courcier et Mehdi El Kanafi n’ont pas tardé à lancer leur premier magazine, Console Syndrome, au cours de l’année 2004. Après cinq numéros à la distribution limitée à la région toulousaine, ils décident de créer une maison d’édition du même nom. Un an plus tard, la petite entreprise sera rachetée par Pix’n Love, éditeur leader sur le marché des ouvrages consacrés au médium du jeu vidéo. Au cours de ces quatre années dans le monde de l’édition, Nicolas et Mehdi auront édité plus de vingt ouvrages consacrés à des séries phares, dont ils auront eux-mêmes rédigé un grand nombre : Métal Cear Solid. Une œuvre culte de Hideo Kojima, Resident Evil. Des zombies et des hommes ou encore La Légende Final Fantasy VII et IX. Depuis 2015, ils poursuivent leur démarche éditoriale articulée autour de l’analyse des grandes sagas du jeu vidéo au sein de la nouvelle maison d’édition qu’ils ont cofondée : Third.
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Seitenzahl: 365
Veröffentlichungsjahr: 2017
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Zelda. Chronique d’une saga légendaire. Volume 1de Nicolas COURCIER et Mehdi EL KANAFIest édité par Third Éditions10 rue des Arts, 31000 [email protected]
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Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission, même partielle, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite du détenteur des droits.Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit constitue une contrefaçon passible de peines prévues par la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992 sur la protection des droits d’auteur.
Le logo Third Éditions est une marque déposée par Third Éditions, enregistré en France et dans les autres pays.
Édition : Nicolas Courcier et Mehdi El Kanafi Textes : Nicolas Courcier et Mehdi El Kanafi Chapitre « La musique dans Zelda » : Damien Mecheri Relecture et mise en pages : Thomas Savary Couvertures : Nicolas Courcier et Mehdi El Kanafi Montage des couvertures : Frédéric Tomé
Cet ouvrage à visée didactique est un hommage rendu par Third Éditions à la grande série de jeux vidéo Zelda. Ses auteurs se proposent de retracer un pan de l’histoire des jeux vidéo Zelda dans ce recueil unique, qui décrypte les inspirations, le contexte et le contenu de ces titres à travers des réflexions et des analyses originales.
The Legend of Zelda est une marque déposée de Nintendo. Tous droits réservés.
Édition française, copyright 2024, Third Éditions.Tous droits réservés.ISBN numérique : 979-1-09472-373-9
Nicolas COURCIER
Mehdi EL KANAFI
ZELDA
CHRONIQUE D’UNE SAGA LÉGENDAIREVOLUME 1
Pour Yuna et Isia B.
ZELDA
CHRONIQUE D’UNE SAGA LÉGENDAIREVOLUME 1
EN FÉVRIER 2016, la saga Zelda fête ses trente ans. Plus d’un quart de siècle après ses débuts, la série culte de Nintendo continue à faire office de véritable porte-étendard de la marque, aux côtés de l’emblématique Mario. Créée par Shigeru Miyamoto en 1986, la saga conserve auprès des joueurs une aura particulière, et chaque titre bénéficie d’une connotation d’exception, héritage d’un prestige rarement remis en cause. Déclinée sur tous les supports développés par la firme de Kyoto, cette licence phare de Nintendo est aussi une vitrine du savoir-faire du développeur.
Le premier épisode de Zelda a dès sa sortie marqué les esprits, inaugurant une nouvelle approche du jeu d’action-aventure. Les volets de Zelda se succéderont sans jamais faillir, témoignant d’une constance dans la qualité que seules de rares sagas peuvent revendiquer. Si la licence a bien sûr connu maintes déclinaisons sur divers supports (manga, série animée, produits dérivés), elle a surtout su inspirer d’autres jeux l’ayant pris pour modèle. Ces titres, qu’il s’agisse d’Ôkami, de Darksiders, d’Alundra ou de 3D Dot Game Heroes, véritables héritiers des concepts originaux mis en œuvre par Miyamoto, contribuent à diffuser et à prolonger la vision du jeu vidéo défendue par le créateur nippon.
Qu’est-ce qui avant tout définit la série des Zelda ? On pourrait commencer par citer son univers, Hyrule, ainsi que ses trois personnages principaux : Link, la princesse Zelda et le maléfique Ganon. On pourrait encore mentionner la Triforce, cet artefact magique attisant toutes les convoitises. Dans une approche se voulant plus méthodique et analytique, on préférera mettre en avant son système de jeu novateur en 1986, liant le développement de nouvelles compétences par le héros à la découverte et à l’acquisition de nouveaux et précieux objets. Ainsi, pour mener à bien sa quête, Link devra visiter des villages, explorer des donjons et affronter des boss dans le cadre d’une structure bien définie, qui se répétera d’épisode en épisode.
On peut tout aussi bien avancer que l’essence de Zelda réside avant tout dans le savoir-faire de Nintendo, qui à travers ces jeux a choisi d’exprimer sa propre vision de ce que devrait être un jeu d’aventure : un mélange harmonieux d’action, d’aventure et de jeu de rôle (dépouillé des lourdeurs inhérentes au genre) présentant un caractère à la fois d’évidence et de simplicité. Cette construction originale témoigne d’une certaine philosophie du jeu vidéo, que concrétise à l’écran ce personnage de Link si attachant quoique tellement silencieux.
Comme avec les jeux Mario ou Donkey Kong, dès qu’il commence un Zelda, le joueur se retrouve immédiatement en terrain connu. Cette impression de familiarité va en réalité bien au-delà des sensations visuelles, elle se vérifie manette en main, avec un contrôle qui paraît aussitôt naturel et immédiat. Qui replonge dans cet univers peut alors goûter une nouvelle fois à cette science du gameplay si particulière, où chaque élément (scénario, level design, difficulté) concourt efficacement à ce but unique qui est de faire le bonheur du joueur.
DANS LE ROYAUME D’HYRULE se perpétue une légende depuis la nuit des temps : artefact mystérieux que symbolisent trois triangles dorés assemblés de manière à former un quatrième triangle, la Triforce posséderait des pouvoirs mystiques. Aussi n’est-il pas étonnant qu’au fil des siècles cet objet légendaire ait été convoité par de nombreux hommes avides de pouvoir. Prince des Ténèbres dont l’ambition est d’asservir le monde, le maléfique Ganon dirige un jour ses armées contre le paisible royaume. Il réussit à s’emparer de l’un des fragments de la Triforce, le triangle de la force.
Fille du monarque d’Hyrule, la princesse Zelda est effrayée à la perspective de voir les armées de Ganon fondre sur le monde ; elle se saisit à son tour d’un fragment de la Triforce, le triangle de la sagesse, qu’elle choisit de briser en huit morceaux qu’elle disperse ensuite de par le monde et dissimule pour empêcher Ganon de se les approprier. Après quoi elle ordonne à sa fidèle nourrice Impa de partir à la recherche d’un guerrier assez courageux pour s’opposer à Ganon.
Alors qu’Impa arpente Hyrule dans l’espoir de découvrir un tel sauveur, Ganon est informé des plans de Zelda et la fait enfermer, avant de lancer ses hommes aux trousses de la nourrice. Rattrapée par ces êtres sans foi ni loi, et au moment où tout semblait perdu, Impa est sauvée par un jeune garçon prénommé Link. Tout incroyable que cela puisse paraître, Link a été choisi par le triangle d’or du courage : ainsi détient-il lui-même une partie de la Triforce. Convaincue d’avoir enfin trouvé là le sauveur du royaume, Impa s’empresse de lui raconter son histoire. C’est sans hésiter que Link accepte la mission de secourir Zelda ; avant de s’opposer à Ganon, il lui faudra toutefois d’abord réunir les huit fragments du triangle de la sagesse, qui seuls lui donneront accès au donjon où se terre le prince des Ténèbres, situé dans les montagnes de la Mort. La quête ne fait que commencer.
La Légende de Zelda sort au Japon le 21 février 1986 sur Famicom Disk System, une extension qui se plaçait sous la console japonaise pour lui permettre de lire des jeux sur disquette. Pourtant, c’est bien sous le format cartouche que le premier volet de la saga Zelda débarque sur la Nes l’année suivante aux États-Unis et en Europe. La suite, tout le monde la connaît : ayant marqué les esprits comme rarement, ce jeu recueillit un succès critique et public incroyable, avec plus de 6,5 millions d’exemplaires vendus ; il fut à l’origine de l’une des séries de Nintendo les plus prestigieuses, qui aujourd’hui encore continue de faire rêver les joueurs.
Comme un certain Super Mario Bros., autre grand succès de la Nes, Zelda a été créé par Shigeru Miyamoto. C’est grâce à son père, ami du président de Nintendo, Hiroshi Yamauchi, que ce designer industriel de formation a été embauché par la firme japonaise. D’abord chargé du design de bornes d’arcade, Shigeru Miyamoto se voit confier, en 1981, la tâche de réaliser Donkey Kong, jeu promis à un large succès. Suivront bientôt Mario Bros. (1983) et Super Mario Bros. (1985), avant que Miyamoto s’attelle à Zelda, qu’il entend doter d’une structure très différente de celle de Super Mario : l’idée est de proposer un environnement ouvert que le joueur pourrait explorer à sa guise. Mais revenons un peu en arrière afin de bien comprendre la genèse de ce premier épisode de Zelda.
1984 : deux jeux de rôle font sensation. Signé Namco, le premier s’intitule The Tower of Druaga et embrase les salles d’arcade. Le second, Hydlide, est un RPG très populaire de T & E Soft. Comme ses confrères, Miyamoto est fan de The Tower of Druaga, au point de se faire livrer une borne du jeu directement à son bureau ! Cet action-RPG va inspirer toute l’industrie du jeu vidéo japonais : Miyamoto et son futur Zelda n’y échapperont pas. En décembre 1984, alors que Devil World et Excitebike viennent de sortir, Miyamoto enchaîne tout de suite avec deux nouveaux projets. Le premier mettra en scène un plombier aussi moustachu que sautillant. Le second, alors nommé Adventure Title, est destiné aux salles d’arcade. Oui, c’est bien cet Adventure Title qui deviendra le premier chapitre de la saga Zelda. Comme dans The Tower of Druaga, il n’est encore question que d’explorer les étages d’une citadelle. À ce stade du projet, il n’a pas été envisagé de faire sortir le joueur à l’air libre. Cela dit, le jeu s’articule déjà pour une bonne part autour des énigmes. On pouvait même parler de puzzle en deux dimensions : « Le jeu s’est de plus en plus orienté vers les énigmes, témoigne Miyamoto dans le guide officiel d’A Link to the Past, à tel point que je me demandais parfois s’il s’agissait encore d’un jeu d’aventure. » Des modes random et edit sont même envisagés, qui verraient les donjons générés aléatoirement par la console ou bien créés par le joueur respectivement.
Dès les premières semaines de travail se dessine le personnage de Link : le héros d’Adventure Title se voit déjà pourvu d’un glaive, de bombes et d’un arc. Venant compléter un arsenal qui deviendra caractéristique, de nombreux objets sont prévus, tels que des clefs, des bougies, des fioles, une lampe de génie et des rondins. Hormis les deux derniers accessoires, nous constatons que déjà sont posées les bases de l’équipement.
Au fil des semaines, toutefois, le projet évolue, les ambitions se transforment. C’est ainsi qu’Adventure Title ne sera plus destiné aux bornes d’arcade, mais au Disk System de la Famicom : pour Miyamoto, la réinscriptibilité des données permise par le nouveau périphérique de Nintendo permettra à tout joueur de créer ses propres donjons pour ensuite proposer aux autres de les résoudre.
Anecdote amusante : il aura été un moment question, alors que Miyamoto cherche à exploiter un peu toutes les possibilités s’offrant à lui, d’utiliser le Zapper ainsi que le micro de la manette de la Famicom. Les faibles ventes du pistolet à infrarouge de même que l’absence de micro sur les versions occidentales du matériel de Nintendo porteront un coup fatal aux idées singulières de Miyamoto et Tezuka. Personnalité de Nintendo méconnue mais ô combien importante, ce Takashi Tezuka est alors le bras droit de Miyamoto, codirecteur des premiers épisodes de Mario et Zelda.
Nous l’évoquions, l’autre jeu ayant grandement influencé Miyamoto s’intitule Hydlide. Pour permettre au futur Zelda d’être dans l’air du temps, Miyamoto intégrera de nouvelles idées s’inspirant en droite ligne du titre de T & E Soft. C’est ainsi qu’Adventure Title va commencer à se parer d’atours bien différents de ceux du projet d’origine. Le jeu était conçu initialement comme une série de donjons souterrains autour d’un lieu destiné à devenir culte : la montagne de la Mort. Cependant, nous allons le voir, le futur Zelda va rapidement s’émanciper de ce schéma et des influences.
Ce qui sera nommé par la suite la plaine d’Hyrule est né du désir de Miyamoto d’offrir plus qu’une succession de donjons. L’envie du créateur de s’écarter des canons commence à se faire sentir. Les 128 ko offerts par les disquettes du Disk System vont permettre aux hommes derrière The Legend of Zelda de faire sortir de terre leur héros en proposant en quelque sorte un « monde ouvert ». Miyamoto et Tezuka se lancent alors dans la conception de ces vastes contrées.
Pour cela, ils vont tous deux dessiner à la main, sur de grandes feuilles quadrillées, les moindres détails de cette immense carte : « Nous voulions mettre en scène un monde au-dessus des donjons ; nous avons donc ajouté des forêts et des lacs, et c’est ainsi que la plaine d’Hyrule a pris forme petit à petit », déclare Miyamoto dans l’ouvrage Hyrule Historia. L’exploration devient ainsi le cœur de l’expérience de Zelda. Pour Miyamoto, « c’est un jeu où l’on va soi-même explorer les endroits suspects ». « L’état d’esprit d’un enfant qui entre seul dans une cave : le jeu doit le capturer. En y pénétrant, il faut qu’il sente le souffle froid qui l’entoure. Il doit découvrir un embranchement et décider de l’explorer ou non. Parfois, il se perdra », confie-t-il aussi au magazine Rolling Stone en janvier 1992. Nous parlions à l’instant et avec quelque retenue de « monde ouvert » : il est certain en tout cas que Miyamoto a réellement souhaité offrir une expérience plus libre que les autres jeux de l’époque. Transposer ce sentiment de découverte, telle était son ambition — au point qu’il choisit de brouiller les pistes quant au but à atteindre dans son jeu. Ce qui ne fut pas sans provoquer la stupéfaction du président de Nintendo, Hiroshi Yamauchi : « On ne va pas vendre un jeu dans lequel le joueur ne sait pas où se situe son objectif ! »
Miyamoto décida alors de convaincre son supérieur en mettant en scène le début de l’aventure avec un héros totalement désarmé et seul. Dans une telle situation, le joueur comme son avatar sont sans repères, dans l’obligation de chercher, de découvrir une solution par eux-mêmes. Il n’en fallait pas moins guider un tant soit peu le joueur, aussi plaça-t-il dès le premier écran de jeu « une grotte impossible à rater ». C’est aussi « à ce moment-là que le film L’Histoire sans fin a vraiment connu le succès. Il s’agissait d’un monde s’ouvrant sur un message du style “Tiens, petit, prends cette épée”. En un mot, c’était simple », reconnaît Miyamoto dans un « Iwata demande ». Nous pouvons supposer que c’est en ayant ce schéma en tête qu’il a imaginé l’amorce de son jeu.
Pour mettre en place le monde du futur Zelda, Miyamoto va s’inspirer de son expérience personnelle : enfant et adolescent, il adorait explorer la forêt, se perdre dans des environnements inconnus et découvrir tantôt un lac, tantôt une grotte, tantôt une maison abandonnée. C’est sa propre sensation d’émerveillement qu’il a voulu retranscrire dans Zelda, allant jusqu’à dire qu’il souhaitait faire de ce jeu une sorte de « jardin miniature » que le joueur pourrait visiter à sa convenance. Lorsque Miyamoto visite un endroit inconnu, il aime, paraît-il, le découvrir par lui-même, sans chercher au préalable d’indications quelconques : sans doute faut-il y voir la raison pour laquelle, dans Zelda, une fois dans un donjon, Link doit d’abord traverser de nombreuses salles avant de mettre la main sur la carte et la boussole qui lui permettront de s’orienter jusqu’à la sortie. Pour l’univers de son jeu, Miyamoto a affirmé s’être inspiré du film Legend de Ridley Scott (1985), mettant en vedette le jeune Tom Cruise. Le scénario de ce long-métrage s’appuie sur un imaginaire de fantasy : sorte d’elfe sylvain proche de la nature, Jack n’est pas le seul à désirer la belle princesse Lily, que convoite également le seigneur des Ténèbres, véritable incarnation du Mal, qui veut faire s’abattre l’obscurité sur le monde en tuant le couple de licornes garant de la paix du royaume.
L’attaché de presse de l’équipe va proposer à Miyamoto l’édition d’un petit ouvrage d’illustrations destiné à présenter cet univers de façon plus précise : l’occasion de montrer en images les personnages du jeu, mais aussi et surtout de lever le voile sur la beauté de la princesse à sauver. C’est à cette occasion que l’attaché de presse évoque l’exemple de Zelda Fitzgerald, épouse du célèbre écrivain américain Francis Scott Fitzgerald. « Ce projet de livre ne m’intéressait pas du tout, mais j’adorais le prénom Zelda, donc je lui ai demandé si on pouvait juste prendre le prénom. Il m’a dit oui, et c’est ainsi qu’est né The Legend of Zelda », confie Miyamoto. Coïncidence sans doute, il est amusant de noter que Zelda est une forme abrégée du prénom italien Griselda, lui-même probablement d’origine germanique, qui signifierait guerrière grise.
Zelda est le premier jeu de Miyamoto à présenter un générique de fin. Avant l’arrivée des disquettes, la Famicom ne disposait pas d’affichage en mode texte et proposer un générique façon long-métrage n’était donc pas possible. On sera supris de ne pas y voir figurer le nom de Miyamoto ! Cependant, on peut voir en bonne place un certain « Miyahon ». Second membre du duo de ce Zelda, Takashi Tezuka se voit quant à lui nommé « TenTen ». Dissimuler de la sorte les patronymes des créateurs était une pratique courante à l’époque, visant à prévenir les débauchages.
Quant au processus de création du personnage de Link, ce n’est que très tardivement que Miyamoto a accepté de fournir des éclaircissements. En novembre 2012, le journaliste français William Audureau a directement interrogé le créateur japonais au cours d’un entretien pour le site Gamekult : « En réalité, le sprite de Link a été dessiné par M. Tezuka. À l’époque, comme vous le savez, la Nes était très limitée, et nous n’avions droit qu’à trois couleurs différentes. Et pourtant, nous voulions un personnage reconnaissable. Ce que je souhaitais avant tout, c’était qu’il utilise soit son épée, soit son bouclier, et que ce soit visible. Nous lui avons donc fait de grosses armes pour qu’on les reconnaisse à l’écran. Il fallait ensuite créer un héros que l’on arrive à distinguer de ses armes, malgré sa petite taille. Nous avons alors pensé à un long chapeau et de grandes oreilles. Cela nous a évoqué un personnage féerique, donc nous sommes partis dans la direction d’un elfe. À l’époque, qui disait personnage avec des oreilles pointues disait aussi Peter Pan et, comme j’aime beaucoup Disney, nous avons commencé à nous en inspirer. Pas complètement, évidemment, sinon ça n’aurait pas été super… À partir de là, je me suis dit que le vert de Peter Pan lui seyait parfaitement. Or, comme nous étions limités à trois couleurs et qu’il y avait beaucoup d’environnements forestiers dans le jeu, vert sur vert, cela convenait plutôt bien, donc nous avons poursuivi cette piste. »
Maintenant que le rapprochement avec Peter Pan est officialisé et apparaît comme le souhait assumé des concepteurs, on est d’autant plus fondé à voir des analogies supplémentaires avec l’œuvre de James Matthew Barrie. Relevons par exemple que le peuple des Kokiris dans Ocarina of Time est constitué d’enfants eux aussi habillés en vert et qui ne grandissent pas. À l’instar de Peter Pan et de sa tribu des enfants perdus, ils restent donc éternellement jeunes.
Au journaliste qui poursuit l’entretien en demandant d’où vient le nom du personnage, Miyamoto répond : « C’est une anecdote qui n’est pas très connue, mais à l’époque, quand on a commencé la conception de The Legend of Zelda, on s’imaginait que les fragments de la Triforce seraient en fait des puces électroniques ! Il devait s’agir d’un jeu vidéo qui se passerait à la fois dans le passé et dans le futur. Comme le héros faisait le lien entre l’un et l’autre, on l’a appelé Link, lien en anglais. Mais finalement Link n’est jamais allé dans le futur, et c’est resté un jeu d’heroic fantasy. On peut même dire qu’il n’a absolument rien eu de futuriste ! [rires] » L’idée sera abandonnée, non pas du fait d’impératifs du scénario, mais pour des considérations plus prosaïques : ce monde futuriste aurait demandé la création d’un univers de science-fiction entièrement inédit.
Enfin, notons que la seconde quête doit son existence uniquement à une erreur de Tezuka. Ce dernier, en créant l’ensemble des donjons du jeu, n’avait utilisé que la moitié de la mémoire disponible. C’est pour utiliser les cinquante pour cent restants que Miyamoto a donc eu l’idée de cette seconde quête.
The Legend of Zelda vous plonge dès le début de la partie en plein royaume d’Hyrule, qui prend la forme d’un monde ouvert. Vous y incarnez Link, jeune héros habillé de vert dont la mission consiste donc à sauver la princesse Zelda. Chose remarquable pour l’époque, le jeu adopte une vue aérienne autorisant ainsi les déplacements selon deux dimensions. Le joueur progresse de tableau en tableau de manière libre, pouvant à tout moment revenir sur ses pas ; en tout, le monde d’Hyrule dans ce premier volet se compose de cent vingt-huit écrans. Pour avancer dans l’histoire, Link devra reconstituer le triangle de la sagesse après en avoir retrouvé les huit morceaux, cachés dans différents donjons où il lui faudra triompher de l’adversité. De nombreux objets qu’il découvrira faciliteront son avancée : par exemple, le radeau lui permettra d’accéder aux terres entourées d’eau, tandis que d’autres trouvailles auront pour effet d’accroître sa force. Aussi bien dans les donjons qu’à l’extérieur, l’essentiel du gameplay s’articule autour des combats — rappelons que l’idée initiale de Miyamoto était que les donjons fussent les seules zones jouables de Zelda : l’idée d’une carte du monde reliant entre eux ces donjons n’est apparue que dans un deuxième temps. Cette dimension de jeu d’action est toutefois pondérée par celle de jeu d’aventure-exploration : le joueur doit en effet constamment observer son environnement et rester à l’affût d’éventuels passages secrets ou de mécanismes permettant l’ouverture de portes dérobées.
L’année 1986 voit naître deux monstres sacrés. Sans le savoir, les deux éditeurs japonais Nintendo et Enix ont chacun de leur côté travaillé à la conception de jeux s’articulant autour d’un monde ouvert. Ces deux développements parallèles vont donner naissance à Zelda et à Dragon Quest respectivement, soit deux propositions différentes à l’origine des branches distinctes de ce qu’on appellera plus tard le genre du J-RPG (Japanese role-playing game, jeu de rôle japonais).
Miyamoto d’une part, le binôme Horii-Nakamura d’autre part ne nourrissaient pas de fait les mêmes ambitions : tandis que Zelda s’est construit autour de l’idée d’exploration, Dragon Quest a quant à lui manifestement été pensé en réponse aux jeux de rôle américains, et plus particulièrement à Sorcellerie (Wizardry) sur Apple II, que Yôji Horii et Kôichi Nakamura avaient découvert avec enthousiasme en 1983 dans le cadre de l’Applefest de San Francisco. Si pour Enix l’heure était donc à la recherche de l’inspiration du côté des jeux de rôle sur micro-ordinateurs, la démarche de Nintendo allait se révéler à la fois plus personnelle et plus viscérale. Bien que Shigeru Miyamoto, nous l’avons vu, n’eût pas lui-même échappé à toute influence, son souci premier était de donner corps à une vision intérieure, étroitement liée à son expérience personnelle. À peine le genre du J-RPG naissait-il que déjà s’affirmaient deux orientations bien distinctes. D’un côté, Dragon Quest proposait une quête épique dans le cadre de laquelle le joueur allait devoir contrôler une équipe. C’est en combattant des monstres que les héros acquéraient l’expérience nécessaire à leur progression. Ces joutes faisaient appel à une représentation à l’écran différente de celle de la phase d’exploration sur la carte ; elles survenaient en outre de façon aléatoire. Dans le titre d’Enix, en somme, la montée en puissance de l’équipe se traduisait en chiffres : l’expérience accumulée permettait de changer de niveau, ce qui se traduisait par l’augmentation des points répartis dans une longue liste de caractéristiques (vie, magie, force, défense, etc.). De son côté, Zelda lie la montée en puissance de Link à l’acquisition d’objets, sans passer par une traduction en chiffres.
L’accessibilité est le second point qui va différencier les deux productions. Dès 1986, Miyamoto fait preuve d’une patte éminemment singulière, qui n’en accède pas moins bientôt à l’universalité, reconnue aujourd’hui par la planète entière. Zelda est extrêmement ambitieux pour l’époque, nous l’avons dit. Ses mécaniques n’en demeurent pas moins d’une extrême simplicité, qui les rend immédiatement assimilables, même par les plus jeunes. Au contraire de son « concurrent », Zelda ne fournit aucune information au joueur sur les coups donnés ou reçus : la lecture de l’action est limpide. Sur ce volet, Dragon Quest fait preuve quant à lui d’une richesse considérable, en proposant différents menus et moult possibilités pendant les combats — autant d’éléments que Miyamoto n’a pas jugé bon d’inclure dans Zelda : exit donc le système de navigation destiné à gérer les statistiques des héros, leur évolution, leur équipement, etc. ; il en ira de même lors des phases se déroulant dans les villages et les boutiques, où toutes les interactions se voient réduites à leur plus simple expression. Il ne fait pas de doute que cette accessibilité facilitera par la suite l’exportation du jeu, contribuant à son succès planétaire — fortune que n’a d’ailleurs pas connue le premier Dragon Quest, car même si les ventes de ce dernier furent excellentes au Japon (1,3 million d’exemplaires), le succès à l’étranger ne fut pas au rendez-vous. La série adopta d’ailleurs aux États-Unis le titre de Dragon Warrior, et la franchise n’atteindra les étals européens qu’à partir… du huitième volet.
Qu’on n’aille cependant pas croire que Zelda et Dragon Quest furent les premiers jeux de rôle sur console. Par exemple, Advanced Dungeons & Dragons : Cloudy Mountain et sa suite Advanced Dungeons & Dragons : Treasure of Tarmin sont sortis sur Intellivision en 1982 et 1983. Il n’en demeure pas moins que les créations respectives de Horii et Miyamoto sont les premiers représentants du J-RPG ayant accédé à la célébrité et connu une longue descendance. Si Dragon Quest se voit de plein droit décerner le titre de mètre étalon du genre, Zelda apparaît de son côté comme le jeu ayant ouvert le sillon de ce que l’on nommera bientôt l’action-RPG : un genre qui perdurera en influençant nombre d’éditeurs, qui dans cette même veine auront donné naissance à des titres comme Secret of Mana, Secret of Evermore, Illusion of Time ou bien, plus récemment, Kingdom Hearts.
Héros de la saga Zelda, Link présente son aspect et ses traits de caractère définitifs dès le premier volet : il s’agit d’un jeune garçon habillé de vert à l’aspect évoquant celui d’un elfe, et dont le courage constamment vanté lui a valu d’obtenir le triangle correspondant de la Triforce. À aucun moment il n’est possible de voir s’exprimer le personnage, alors que les épisodes suivants permettent de comprendre qu’il interagit pourtant bien avec les différents habitants d’Hyrule ; simplement, ses paroles ne sont en fait jamais directement retranscrites (que ce soit à l’écrit ou à l’oral), hormis quelques brèves interjections. Dans ce premier Zelda, Link a tout du héros de jeu vidéo classique, altruiste et brave, mais dépourvu de véritable fond. Seule particularité notable : il est gaucher ! Comme il est encore de coutume à l’époque, sa personnalité est à peine esquissée, son caractère apparaît plutôt simple — pour ne pas dire stéréotypé —, et son objectif, limpide, consiste tout bêtement à secourir sa princesse. On s’inscrit dès lors dans les canons de ces années-là (Super Mario Bros., Ghosts’n Goblins…). À noter qu’afin de favoriser l’attachement du joueur à son avatar il était alors possible de choisir son nom — ainsi du reste que dans Dragon Quest.
Si le personnage de Link se révèle encore n’être qu’une ébauche, il ne s’en inscrit pourtant pas moins d’emblée dans une mythologie assez fournie. Au centre d’un conflit perpétuel, l’artefact mythique de la Triforce symbolise trois valeurs (force, sagesse et courage) correspondant chacune à l’un des personnages principaux : respectivement Ganon, Zelda et Link. Cette lutte a pour cadre le monde d’Hyrule, aux environnements très variés (lacs, forêts, montagnes…), inspiré des récits de fantasy, avec notamment la présence de fées et de monstres. On a vu du reste que, par son aspect, Link évoquait la figure de l’elfe, même si celle-ci n’est jamais explicitement mentionnée.
L’origine, l’aspect ou le rôle de l’elfe dans la mythologie demeurent en grande partie méconnus. Dans les mythes germaniques, par exemple, il n’était jamais réellement décrit, tout en faisant constamment « partie du décor ». Dans la mythologie nordique, les elfes résident même dans leur propre territoire, Álfheim. Si l’étymologie du mot elfe fait l’objet d’hypothèses et d’interprétations diverses, le terme est généralement rattaché à la racine indo-européenne *albh, signifiant blanc. L’elfe est considéré comme un être bienfaisant, doté de pouvoirs surnaturels — notons à ce propos que la mandragore, plante traditionnellement attachée à des rituels magiques, se dit en allemand Alraune, mot dont les racines protogermaniques signifieraient secret des elfes. Le caractère vertueux et les oreilles pointues des elfes ont manifestement été à la base du personnage de Link. Toutefois, le bonnet porté par le héros compte plutôt parmi les attributs des lutins. La fée appartient quant à elle au folklore de l’Occident médiéval. L’imagerie traditionnelle romane et celtique la représente comme jouant un rôle de protectrice, d’amante, voire d’épouse ; réputées pour des agents du destin, les fées apparaissent étroitement liées aux notions de rêve et de destinée, que désigne en latin le terme d’origine grecque phantasia. Mêlant fréquemment traits zoomorphes et anthropomorphes, les fées sont souvent associées à la couleur blanche (symbole du surnaturel) et considérées comme des figures tutélaires : on raconte qu’elles choisiraient un être humain pour en devenir l’amante et prendre en charge son destin.
Hyrule est présenté comme un petit royaume. Dans la mesure où cependant ni le roi ni son armée n’apparaissent dans ce premier épisode, Zelda seule, que l’on suppose être la fille du monarque, incarne l’autorité. À de rares exceptions près (quelques vieux sages ou marchands), Link n’aura pas l’occasion dans ce premier épisode de rencontrer quelque habitant bien disposé à son égard que ce soit ; il ne traversera du reste aucun village. Ses principales interactions se limiteront donc aux combats livrés contre les divers ennemis, chaque donjon se concluant par l’affrontement contre un adversaire emblématique, gardien d’un fragment de la Triforce — dragon, araignée géante, dinosaure…
Le motif du chevalier luttant contre le tyran dans un univers où se côtoient elfes et fées renvoie évidemment tant à l’heroic fantasy qu’au genre littéraire du conte. D’abord de tradition orale, le conte se situe lui-même « hors du temps » et rejette la vraisemblance. Ainsi est-il rare que les contes livrent la moindre information relative à la temporalité ou à la localisation de l’histoire narrée ; mais ils font montre généralement d’une importante préoccupation esthétique. Visant l’universalité, le conte s’articule souvent autour de conflits manichéens où sont mis en avant des archétypes tels la belle princesse ou le prince courageux, qui invitent l’auditoire à concentrer son attention sur l’action. Si souvent il véhicule un message ainsi que des valeurs, le conte a pour but premier de divertir. Tout ce que nous venons de dire s’applique à merveille à Zelda, même si le titre du premier volet semble vouloir rattacher le jeu davantage à la légende qu’au conte. À la différence des contes traditionnels, qui relèvent de l’oralité, la légende est d’abord un récit rédigé (legenda signifie en latin à lire) ; le contenu d’une légende reste tout aussi fictif, mais il s’y mêle communément des éléments réels. De fait plus soucieuse du détail que le conte, la légende est souvent centrée sur un lieu, un personnage ou un événement en particulier — autant d’éléments que l’on retrouve dans la série The Legend of Zelda.
Une bouillie de pixels ! Voilà comment en résumé pourraient être décrits les graphismes proposés par les jeux de la Famicom ou des machines concurrentes de l’époque. Pourtant, c’est le cœur serré que les joueurs des années quatre-vingt se remémorent avec nostalgie les expériences vidéoludiques d’alors : simples étaient les scénarios ; pauvre, la qualité graphique ; inexistante, la mise en scène. Néanmoins, transcendant ces limites, l’imagination des joueurs transformait ces aventures en de véritables contes interactifs. C’est ainsi dans nos têtes que prenait vie l’essentiel des jeux de l’époque. L’architecture des histoires était semblable d’un type de jeu à l’autre, si bien qu’au bout de quelques heures les tenants et aboutissants apparaissaient comme autant d’évidences. Encore une fois, cependant, là n’en résidait pas l’intérêt. L’absence de détails aussi bien narratifs que graphiques stimulait en réalité l’imaginaire et permettait à chacun de façonner son propre monde. Les jeux vidéo de la génération Famicom/Nes, Master System et consorts jouaient bien davantage sur la suggestion et l’évocation que ne le font les titres contemporains : tirant parti de l’évolution du médium, ces derniers font la part belle à la démonstration et au spectaculaire, quand ce n’est pas au grandiloquent.
On peut considérer cette frange de jeux 8 bits comme située à la frontière entre littérature et cinéma. La première convie le lecteur à élaborer un univers mental à travers la prose d’un auteur, alors que le second offre au spectateur d’embarquer pour un voyage visuel enivrant. À mi-chemin entre ces deux modes d’expression, le jeu vidéo des années quatre-vingt impose une imagerie simple, faite de couleurs et de situations, qui n’en laisse pas moins le champ libre à l’interprétation personnelle. On pourrait développer l’analogie avec le septième art en comparant les jeux vidéo de cette époque au cinéma muet : ce dernier guide lui aussi le public au moyen de la musique et de l’image, tout en laissant l’imaginaire libre de combler les lacunes inhérentes au médium. Le cinéma de Keaton ou de Chaplin repose de fait sur une grammaire similaire à celle des jeux vidéo de l’époque de la Nes. Interprétée en direct par un orchestre ou un pianiste pour accompagner l’action, la musique des premiers films trouve un écho dans celle de ces jeux vidéo, conçue pour conduire les pas du joueur. Les dialogues du premier Zelda s’apparentent quant à eux aux cartons des films muets, justifiant ainsi le rapprochement avec les œuvres des premières décennies du cinématographe. Que dire enfin du héros du jeu, Link, qui dépourvu de voix ne s’exprime que par le geste, sinon qu’il représente bel et bien une passerelle entre récit et film muet ?
La possibilité de laisser libre cours à son imagination renforce le sentiment de liberté déjà appuyé par la conception même du jeu. Au début de l’aventure, le héros, et par extension le joueur, est désespérément seul — seul, mais donc libre d’aller où il le souhaite. Dès ce premier volet, Zelda s’affranchit ainsi des balises retenant captifs les joueurs dans des niveaux fermés, de ces cloisons qui par exemple obligent Mario à aller de l’avant sans jamais s’arrêter, par le biais d’un défilement d’écran dynamique créant un sentiment d’urgence. Alors que le but des deux jeux est le même (libérer une princesse), l’urgence dans Zelda ne se fait pas sentir, car sauver la princesse captive n’est pas en réalité ce qui motive le joueur : ce qui l’électrise et le passionne, c’est l’aventure, la vraie, la seule, celle qui nous confronte à nous-mêmes en nous abandonnant à notre destin. Le jeu n’est rien moins que dirigiste : dès la première seconde, le monde d’Hyrule nous est en grande partie ouvert. L’idée de réaliser Grand Theft Auto n’avait pas encore germé dans l’esprit des créatifs de DMA Design que, dès cette époque, Zelda proposait déjà une vision du monde ouvert. Bien évidemment, celle-ci était encore à mille lieues de ce que le terme évoque aux jeunes joueurs actuels. Il faut néanmoins reconnaître à Nintendo le mérite d’avoir su donner naissance à travers ce jeu à un vrai sentiment de liberté.
Aujourd’hui, pour raconter une histoire, le jeu vidéo a le choix de s’exprimer à travers ses propres codes ou bien à travers ceux du septième art. Au milieu des années quatre-vingt, tout était à bâtir. C’est ainsi que les productions de l’époque reflètent cette émergence d’un nouveau mode de narration, encore balbutiant et maladroit. Nous l’écrivions, c’est à Zelda et à Dragon Quest qu’il revient d’avoir commencé à défricher la réflexion au Japon sur la manière de faire vivre une belle aventure à travers le jeu vidéo. Dans les faits, la fable contée dans Zelda n’est pourtant pas beaucoup plus ambitieuse que l’exploit accompli par Mario en sauvant la princesse Peach. Le nouveau titre de Nintendo n’en affichait pas moins un caractère plus épique ; et même si l’intrigue proposée est au fond tout aussi simpliste que celle du jeu de plates-formes, le joueur incarnant Link devait se sentir habité par la bravoure. Pour les concepteurs, le défi fut de taille, car il fallut évidemment composer avec les ressources très limitées des machines de l’époque. Les capacités de la Famicom et son Disk System ne permettaient évidemment pas de poser une intrigue à coups de plans larges ou serrés. La solution la plus évidente pour l’équipe fut d’afficher un résumé succinct de l’histoire sur l’écran de titre du jeu, après une courte attente. Seules les grandes lignes y étaient énoncées. Du reste, rien n’obligeait le joueur à lire ce synopsis, preuve que la dimension narrative n’entendait pas prendre le pas sur le jeu brut, vrai cœur de l’expérience. Les premières secondes de Zelda exposent clairement le vocabulaire avec lequel va jouer Nintendo : sans plus d’éclaircissements, Link est projeté au sein d’un monde ouvert, vaste et hostile. Entièrement libre, le héros pourra prendre le temps qu’il veut pour accomplir sa mission. Une telle liberté d’action serait presque impensable aujourd’hui : même si le joueur aspire à s’affranchir de toute barrière, il n’en aime pas moins être soutenu par une histoire consistante qui le guidera et lui donnera un objectif.
Pour pallier le déficit de puissance brute empêchant les créateurs de s’exprimer à loisir, ces derniers n’avaient d’autre choix que de se tourner vers cet objet détenu par tous ceux s’étant procuré le jeu : la notice ! Aujourd’hui complètement délaissé, ce petit fascicule était alors un support vital permettant de transmettre des indications absentes du programme lui-même. Les mécaniques de Zelda n’ont rien de comparable à celles des jeux actuels. La séquence jouable du tutoriel visant à inculquer les règles fondamentales n’existait pas encore. Lire la notice était donc un passage quasiment obligé pour une bonne prise en main du jeu. Les développeurs en profitèrent pour en faire un outil de narration à part entière. Au fil des pages du livret accompagnant la cartouche, le joueur pouvait ainsi découvrir les détails de l’intrigue, aux côtés d’illustrations présentant les différents protagonistes de l’aventure. Prolongement indispensable du jeu, ces quelques feuilles permettaient ce qui était alors irréalisable sur les consoles. Outre la notice, Nintendo choisit d’inclure à la boîte du jeu une carte d’ensemble des terres d’Hyrule. Objet concret, cette carte était un autre moyen de fournir au joueur des informations essentielles n’apparaissant pas dans le jeu ; mais surtout il s’agissait, dans ce contexte précis, d’un relais entre le joueur et le jeu. La cartouche Zelda était en effet équipée d’une puce de sauvegarde (une première) ; toutefois, à chaque nouveau lancement comme à chaque game over, le joueur devait reprendre au point de départ du jeu — rubis et objets glanés étaient enregistrés, mais non le lieu de la mort. Il fallait donc constamment retourner par soi-même à l’endroit souhaité et, sans carte, la tâche se serait révélée ardue. Celle fournie par Nintendo trouvait donc ici sa pleine utilité. On ne peut certes pas encore parler de transmédia, ce dernier relevant d’une démarche systématique, théorisée au début des années 2000, consistant à combiner plusieurs médias pour développer en synergie un univers de fiction. Il est toutefois intéressant de noter la vogue récente du retour à l’objet, avec notamment un jeu comme Ni no Kuni : ce RPG signé Level-5 fournit ainsi avec sa version DS un véritable ouvrage, sous la forme d’un grimoire qui sonne comme en écho au choix de Nintendo pour The Legend of Zelda.
Au terme du texte déroulé s’affichant à la suite de l’écran de titre, les développeurs de Nintendo invitaient le joueur à lire la notice pour en apprendre plus sur l’univers de Zelda. Dans les faits, ce vecteur du livret restait malgré tout un outil de narration facultatif : ne pas le lire ne compromettait pas la progression dans l’aventure. Rappelons qu’en ce temps l’histoire formant le soubassement d’un jeu vidéo était somme toute secondaire : le marché visait essentiellement les enfants, et la nouveauté du médium focalisait l’attention quasi exclusivement sur l’aspect ludique de l’expérience. Ayant de l’imagination à revendre, les jeunes esprits pouvaient s’appuyer sur les grossiers pixels colorés de leur télévision à tube cathodique pour se raconter à eux-mêmes leur propre aventure et en faire un conte merveilleux.
Comme pour de nombreuses licences Nintendo qui des années durant feront le succès de la firme, ce premier volet des aventures de Link fait figure d’épisode fondateur ; il va en effet déterminer précisément toute la lignée des Zelda. D’emblée, toutes les bases sont posées. L’univers d’Hyrule, la Triforce et l’association Link-Zelda-Ganon serviront de socle à une grande partie des scénarios des épisodes à venir, qui inlassablement relateront les luttes opposant les différents protagonistes au sein du royaume, à conquérir pour l’un, à protéger pour les autres. Le gameplay, ensuite, conservera l’association étroite entre action et exploration, en même temps (pour les épisodes en 2D) que cette vue de dessus emblématique — exception faite du deuxième épisode. La musique, enfin, marquera les joueurs, avec le fameux thème dû au compositeur Kôji Kondô que chaque fan espère retrouver dans le prochain Zelda. Terminons en évoquant un ensemble de petits détails jalonnant ce Legend of Zelda qui vont devenir indissociables de la série : les réceptacles de cœur à dénicher pour augmenter la jauge de vie ; l’assignation des objets aux boutons de la manette de façon visible à l’écran ; les rubis utilisés comme monnaie locale (même si l’on parle alors de rupee en version originale) ; la boussole et la carte qui indiquent la configuration d’un donjon ainsi que l’emplacement du boss ; et enfin les indispensables arc, bombes, boomerang, bouclier et autres accessoires significatifs.
Le premier épisode de Zelda fit lors de sa sortie une très forte impression. Il proposait en effet une aventure colossale au regard des jeux de son époque, imposant au joueur l’exploration d’un univers gigantesque — sans compter qu’une fois l’aventure menée à terme, ou en choisissant « ZELDA » comme nom pour le héros, le joueur pouvait prendre part à une nouvelle quête, avec une carte du monde légèrement modifiée et des donjons différents. La présence d’une pile de sauvegarde (une première à l’époque) témoigne bien de l’ampleur de la tâche qui attendait les aventuriers en herbe. La montée en puissance de Link, assurée par la collecte de nouveaux objets, donnait réellement le sentiment de vivre une quête épique, rythmée par des combats dans des donjons toujours plus retors. Si aujourd’hui le gameplay a bien évidemment vieilli et que la narration paraît abrupte, on ne peut nier la force de l’attrait que continue à exercer ce premier volet. N’oublions pas toutefois de relever la difficulté de l’aventure. Le créateur Eiji Aonuma avoue même ne pas avoir terminé cet épisode : « En fait, je ne l’ai jamais fini. Je pense qu’il n’existe pratiquement aucun jeu qui soit plus difficile que celui-là. Chaque fois que j’ai essayé d’y jouer, je récoltais de trop nombreux game over et je finissais par abandonner. Après avoir joué au Zelda original pour la première fois, je n’ai même pas imaginé avoir envie de faire un jeu comme ça », rappelant ensuite que c’est le plaisir lié à la sensation d’exploration ressentie dans le troisième Zelda qui l’a fait accrocher à la série. Miyamoto affirme quant à lui que ce premier épisode est son favori. Si, dans ce volet, il n’est pas toujours facile de savoir où se rendre pour le joueur contemporain — trop habitué à être pris par la main —, avec un peu de persévérance il est encore tout à fait possible de prendre du plaisir en rejouant à ce classique intemporel de la console 8 bits de Nintendo.