À l’ombre des croyances… - Marie Odile Nicolas-Lafont - E-Book

À l’ombre des croyances… E-Book

Marie Odile Nicolas-Lafont

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Beschreibung

Peut-on vivre heureux sans croire ? Quels outils avons-nous à notre disposition pour construire notre être avec bonheur et joie ? Faut-il absolument être croyant pour sentir la vie en soi, exister dans ce qui est son réel et être fondamentalement libre dès à présent ? Nous devons donc accepter de porter un regard « neuf » sans rester dans une représentation binaire de notre raison. Aussi, il est important de pouvoir quitter une idéologie ou une croyance, de relire son parcours et d’en mesurer toute la complexité. Telle est l’invitation que fait Marie Odile Nicolas-Lafont au lecteur de À l'ombre des croyances...


À PROPOS DE L'AUTEURE


Psychothérapeute et psychanalyste, Marie Odile Nicolas-Lafont se remet en cause, ceci dans le but d’accompagner et soigner les personnes en grande détresse ou en recherche d’elles-mêmes. Elle nous propose des pistes et des outils de réflexion qui permettent de vivre une vie basée sur notre être, plutôt que sur des dogmes religieux ou idéologiques.

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Marie Odile Nicolas-Lafont

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À l’ombre des croyances…

Essai

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Marie Odile Nicolas-Lafont

ISBN : 979-10-377-6842-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En hommage à mon père, Henri Nicolas

 

 

 

 

 

L’humanité s’est toujours préoccupée, et cela, depuis des millions d’années, de trouver des réponses aux mystères de la vie. Pour répondre à ce qui échappe à leurs connaissances limitées, à leurs compréhensions du moment, les hommes ont observé, cherché, créé. Dans chaque coin du monde, des philosophies, des sciences, des cultures, des psychologies, et des religions différentes ont émergé. Mais aussi beaucoup d’illusions ont vu le jour et se sont incrustées dans les esprits. C’est dans ce monde que j’ai grandi.

J’ai aujourd’hui 73 ans. Je suis mariée, mère de quatre enfants, grand-mère de treize petits-enfants, psychanalyste et psychothérapeute. J’étais – jusqu’à relativement récemment – catholique pratiquante, très engagée dans l’Église, y travaillant avec toutes mes capacités et avec tout mon cœur.

Mon métier de psychothérapeute et de psychanalyste m’a conduite à me questionner personnellement pour accompagner, soigner les personnes en grande détresse ou en recherche d’elles-mêmes.

J’ai aussi beaucoup lu : des philosophes, des sociologues, des théologiens de diverses religions, des humanistes.

 

J’ai pris l’habitude de faire une relecture de ma vie, analysant ce à quoi je croyais et ce à quoi je ne pouvais croire. J’ai essayé de comprendre ce qui m’avait enfermée, ou au contraire, ce qui m’avait grandement stimulée, pour aller sur « mon » chemin, en toute cohérence, vérité, simplicité, ouverture et liberté.

Après de très nombreuses discussions, également, et voyant comment notre monde évolue, j’ai réalisé que notre société était vraiment toujours en grand désarroi. Malaise multiforme, multidirectionnel : sociologique, relationnel, religieux, politique, économique, écologique…

 

J’ai aussi mieux pris conscience que, sans le vouloir, nous transmettons notre inconscient personnel et l’inconscient collectif du milieu dans lequel nous vivons ; cela s’appelle la tradition, la culture.

Je me suis aperçue que, ce que à quoi j’avais cru comme étant une vérité absolue et donc, non critiquable dans la religion tout particulièrement, n’était en fait qu’illusions, manipulations, mensonges, une manière d’asseoir des pouvoirs. Ceci étant, bien sûr, certaines valeurs transmises sont des idées justes et importantes à garder absolument. Simplement, elles ne sont l’apanage ni d’une religion ni d’un dieu. Ce sont des valeurs humanistes. On les retrouve de tout temps et en tout lieu. On pourrait plutôt les appeler, comme le fait Nietzsche, des « nécessités permanentes ».

Devant la multitude des réponses humaines – tellement différentes – pour essayer de mieux vivre, ou de moins souffrir, il m’est apparu important de trouver des pistes et des outils de réflexion qui permettent de vivre sa vie à partir, non pas de dogmes religieux ou idéologiques, mais à partir de qui l’on est.

Il me fallait trouver des outils qui ont déjà été expérimentés, mais ni inventés ni imaginés. Ceux qui ont été les plus utiles dans la mesure où ils ont été réfléchis, pensés avec la raison et ajustés depuis les débuts de l’homme, en tenant compte de l’évolution du monde. Car l’homme fait corps avec celui-ci, comme le vent fait partie de l’air. Il n’a pas de frontières, il est façonné par ce qu’il expérimente, par ce qu’il sait, par ce qu’il ressent.

 

Quels sont ces outils que nous pouvons utiliser pour ne plus vivre dans la ou les peurs ? Pour moins souffrir, réellement ? Pour vivre dans le bonheur, « ici et maintenant », même lorsque tout a l’air d’aller très mal : difficultés de santé, carences affectives, murs qui se présentent à nous, incompréhensions face à la société, à la guerre, à la souffrance, à l’injustice, aux épidémies, etc. Mais surtout, surtout, in fine, face à la mort ! « Tous les chemins mènent à Rome »… et à la mort. Ceci dit, les djihadistes ont su faire de la mort volontaire un but à atteindre, cette mort ne faisant pas peur puisqu’elle donnera le bonheur et la sainteté absolus.

 

Le désir d’écrire ce livre arrive maintenant. Comme le dit très bien Kong Zi (Confucius) : « Le sage réfléchit pendant dix ans et agit comme la foudre ». Il répond au désir qui m’habite de transmettre, car transmettre c’est donner à quelqu’un une possibilité de vivre sa propre vie. Je suis convaincue d’ailleurs que c’est là un des grands bonheurs facilement accessibles et à notre portée.

 

Ce livre n’est pas une étude spécifique. C’est un partage de réflexions à partir du vécu d’une vie bien remplie. Il est aussi le fruit de mes nombreuses lectures. J’ai voulu, tout d’abord, à partir d’expériences personnelles, de mon itinéraire intellectuel et spirituel, montrer comment, ce que chacun vit, simplement, peut être source de questionnements.

Ce livre n’est pas non plus un ouvrage historique, ni théologique, ni philosophique, ni encore un recueil de savoirs. Il serait plutôt un instrument de réflexion à la disposition de chacun. Il ne veut pas être une réponse, mais une invitation à connaître des pistes, plutôt que des réponses toutes faites. Je ne cherche d’ailleurs nullement à déstabiliser le lecteur croyant ou non croyant de quelque religion que ce soit.

 

Accepter de porter un regard « neuf » sans rester dans une représentation binaire de sa raison, accepter de quitter une idéologie ou une croyance, accepter de relire sa vie et d’en mesurer toute la complexité. Telle est l’invitation que je fais au lecteur de ce livre.

Je souhaite lui proposer de s’ouvrir à d’autres pensées, à une remise en question de ce qui semble relever d’une croyance positive et inébranlable selon laquelle, sans la foi religieuse point de salut, sans la religion impossible de vivre heureux. Parvenir à une vie pacifiée au regard de valeurs humanistes.

 

Peut-on vivre heureux, sans croire ? Quels outils avons-nous à notre disposition pour construire notre être, avec bonheur et joie ?

Faut-il absolument croire pour sentir la vie en soi, se sentir vivre dans ce qui est son réel ; pour vivre en vérité et être fondamentalement libre, dès à présent ? Parce que c’est notre vie.

 

Que chacun s’empare de ce livre et en fasse ce qui lui plaît !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Première partie

 

 

 

 

 

Prises de conscience

 

 

 

I. Le vécu revisité

 

I.1 L’écoute de soi

 

Chacun a besoin de certitudes, de celles enseignées, surtout celles transmises par les religions, la science, la morale, la philosophie. On va ainsi éviter d’avoir des doutes, des questions auxquelles nous n’avons pas envie d’être confrontés.

Mais, depuis toute petite, j’ai été, et je suis encore très sensible aux incohérences vues ou entendues. Très tôt, j’ai cherché à comprendre surtout ce qui concernait la vie. Je posais beaucoup de questions, parfois dérangeantes. Les réponses ne me semblaient pas toujours cohérentes, surtout dans le domaine de la religion catholique enseignée comme étant La Vérité. Je me demandais, ainsi, comment ce Dieu, supposé aimant et tout-puissant, pouvait laisser des millions de gens être exterminés, mourir de faim, vivre des tsunamis ou des tremblements de terre, pendant que moi, dans le même temps, je restais bien au chaud, bien nourrie… Très progressivement, j’ai reconstitué un puzzle des différentes réponses reçues, en les triant d’abord à partir de ce qui me semblait incongru. Restait la peur de parler de mes conclusions, car il m’aurait été répondu que j’avais perdu la foi.

 

Malgré cela, j’ai appris à penser le chemin que j’allais prendre, pour être sûre de ne pas m’y perdre, si je remarquais des choses étonnantes. Vérifier, analyser, me confronter à d’autres connaissances me donnaient de nouvelles pistes. Or, les différentes circonstances de ma vie, parfois très dures, m’ont suggéré qu’il y avait d’autres idées en fait, qui pouvaient m’aider, me construire, m’affirmer, et me permettre de résister.

 

Ce que j’appris en conséquence, de si important, c’est que je devais écouter ce qui est vraiment au fond de moi, et qui m’a semblé être de l’ordre de la vraie vie, au-delà de ce que les autres peuvent en penser. J’ai eu le temps de confronter une réalité très sévère, de trancher, et de faire comme je le sentais.

Je réalisais que j’étais, à chaque fois face à un choix : croire que mon désir était réalisable, et y aller ; ou, avoir l’impression qu’il ne l’est pas et capituler ; ou y aller quand même.

J’appris aussi une deuxième leçon de vie qui renforçait la première. Face à une décision, il faut aussi en mesurer l’importance pour moi, et voir réellement ce que je perds si j’abdique. Perdu pour perdu, je m’écoute !

 

I.2 Ce que j’ai reçu de mon père

 

Je décris ici longuement qui fut mon père, car il a été à l’origine de toutes mes questions, m’accompagnant alors dans celles-ci, avec intelligence et cœur. Il a été une personne fondatrice dans ces prises de conscience, un vrai point de repère, même s’il n’a pu n’être aussi qu’un père comme les autres, avec toutes ses faiblesses.

Il avait eu une enfance très difficile et s’était réfugié dans les études. Grand intellectuel, il aimait lire, apprendre de nouvelles choses, chercher à comprendre ce qui lui était inconnu. Il en parlait facilement à table. Même si je ne comprenais pas tout, j’ouvrais grand mes oreilles et mes yeux… ou m’échappais ailleurs quand cela devenait trop compliqué.

Il voulait m’initier au plaisir de la lecture. Alors, il allait jusqu’à me faire sentir l’odeur de l’impression du livre qu’il venait d’acheter, me faire couper les pages, ne les tourner que par le côté droit, en haut de la page. On devait respecter un livre !

Il avait institué un rituel : pendant la semaine, il affichait des photos de tableaux sur un panneau dans le couloir. Et le dimanche midi, mes deux frères et moi-même, chacun à son tour, nous racontions ce qui nous avait plu ou non, et pourquoi. Mon père commençait par moi, la plus petite, me relançant des questions pour que j’approfondisse mon impression. Celle-ci était à la mesure de mon jeune âge : « Je n’aime pas la dame, elle a les yeux de travers ». Il s’agissait d’un tableau de Picasso.

Il nous avait parlé longuement du débarquement de Provence auquel il avait participé. Cela avait été un grand moment de vie, bien sûr. J’avais retenu la peur immense qu’il avait ressentie lorsque l’avant du bateau s’abaissait pour que les soldats puissent courir sur la plage… et vers les tirs allemands.

Tout mon questionnement se portait sur :

« Comment fait-on quand on a si peur ? » Sa réponse fut : « On s’accroche à la pensée et à la décision prises en amont du moment que nous vivons : libérer la France ! Et là, tu surmontes ta peur. »

Pendant la bataille des Ardennes, devant traverser, seul, de nuit, une immense forêt pour prévenir un autre poste français, il fut entouré de tirs allemands. Il a écrit dans son carnet de guerre : « J’ai fait à peine deux pas. Je salue bien bas. Boum ! L’obus est derrière, de l’autre côté de la colline. Je refais quelques pas. Zzii… Je resalue… Boum ! Même scène. Si cela continue comme ça, je n’en finirais pas. Alors je me décide à ne plus saluer ! Aux Zzii suivants, je sens bien un peu la tête s’enfoncer dans les épaules, mais je fais vite… »Il se choisit alors un « petit chemin tout à fait charmant qui sentait très bon ». Malgré les tirs qui continuaient, il se concentra sur les différentes odeurs de verdure. Et en riant, il se dit qu’il aurait plutôt dû faire des études de botanique avant de partir ! Il était polytechnicien…

Qu’avais-je retenu de tout cela ? L’humour et l’autodérision pour se rassurer en riant de soi. Et aussi dévier son ressenti négatif pour un autre ressenti que l’on a en même temps, le rendre conscient pour s’appuyer dessus et traverser le moment difficile.

 

Il voyageait beaucoup à travers le monde pour l’époque, et nous racontait, à son retour, ce qu’il avait découvert sur le plan artistique, coutumier, philosophique, culturel.

Une fois, reçu en hôte d’honneur par un roi africain, il eut le privilège de manger de la viande de singe présentée dans la tête de celui-ci. Évidemment, mes deux frères et moi lui demandâmes quelle fut sa réaction. Il nous expliqua alors que, bien que parfaitement dégoûté par la présentation et l’idée de manger une tête de singe, il maîtrisa parfaitement la situation. À tel point qu’on le resservit, ravi de voir un homme blanc manger avec tant d’ardeur ! En toute circonstance, il faut savoir ne rien montrer de négatif, mais montrer que l’on est heureux de découvrir quelque chose de nouveau.

 

Enfant, il n’y avait pas d’internet ni de télévision ; ce qu’il nous racontait n’était donc pour nous que des choses complètement inconnues. Nous avions des milliers de questions à lui poser, dans tous les domaines. Ce qui était passionnant, c’était la façon qu’il avait d’y répondre, en ouvrant notre imagination, notre réflexion. L’entendre parler du lac Titicaca, du Popocatepelt, du Machu Picchu, ou de Tehuantepec lançait mon imagination, mes réflexions sur tout cet inconnu si vaste, si différent… et avec des noms si drôles !

Il écoutait beaucoup de musique classique. Il inventait ensuite des jeux ; il chantait quelques mesures, et le premier qui avait trouvé l’œuvre avait gagné. Ou il fallait chanter les paroles d’une chanson avec la musique d’une autre. C’était très amusant parce qu’assez difficile.

 

Mon père était ouvert, avide de découvrir le monde. C’était son champ d’investigation. Les traditions d’Afrique, des Amériques, d’Asie, du Moyen-Orient étaient pour lui source de réflexions, de remises en question de ses certitudes. Et donc, bien sûr, de respect pour toutes ces populations, quelles qu’elles soient.

Avec le rituel des expositions de tableaux, de ses récits de voyage, les visites dans les musées, les jeux musicaux qu’il inventait, les discussions qui en découlaient, tout cela était passionnant.

 

Quant à moi, je suis née et j’ai vécu jusqu’à quatre ans en Tunisie. Puis, je suis partie vers 10 ans, en Algérie après 6 ans dans le nord de la France. Il était naturel pour moi de côtoyer Juifs et musulmans. Cela faisait partie de ma vie, d’autant que nous avions le privilège de ne pas aller à l’école, pour fêter, comme tout le monde, les fêtes musulmanes, juives et chrétiennes… Quand j’ai débarqué à Alger, je voyais des femmes voilées dans leur haïk blanc dont on n’apercevait que les yeux, ou un seul même. Pour moi c’était toutes des communiantes ! J’ai appris donc ce qu’est la différence, dès la première minute, sur le sol algérien. Elle n’était ni inférieure ni supérieure. Elle existait, tout simplement. J’entendais aussi régulièrement le muezzin, les cloches. Le vendredi, les Arabes ne travaillaient pas. Le samedi, c’étaient les juifs. Et le dimanche, c’était nous les chrétiens.

C’était à la fois normal, mais cela suscitait en moi aussi beaucoup de questions sur ces différentes religions. Au fond, cela confortait mon questionnement d’enfant qui cherchait à comprendre sa vie.

Je compris que l’objectif premier de ces religions avait pour base le Dieu unique, mais pas forcément le même, tout en étant un peu le même. Étrange, tous ces gens convaincus et si différents.

 

Puis les récits de voyages de mon père me firent découvrir d’autres religions : les Incas, le bouddhisme, Confucius, l’hindouisme, des langues incroyables qui avaient une musicalité, une écriture artistique ; des musiques ; des langues parfois très étonnantes.

J’ai compris que l’objectif premier de ces religions était de rassurer l’homme face à la mort, à la souffrance physique et morale. Elles donnaient, par le biais de rites spécifiques et pourtant relativement semblables, leur vérité, leur importance, grâce à l’enseignement de leurs prêtres, imams, rabbins, chamans… Mais je prenais conscience en même temps que pour répondre à toutes ces peurs, il y avait beaucoup de mensonges, d’injustices, d’esclavages, de destructions, de guerres.

Les religions étaient censées canaliser tout ce mal. Avec, en perspective, une peur plus grande encore et très bien inculquée par leurs différents religieux, celle de l’après-mort, moment où Dieu tranchera en fonction de ce que nous aurons bien ou mal vécu. « Les religions monothéistes ont fait advenir une nouvelle caste possédant l’autorité spirituelle, qui leur aurait été envoyée par Dieu. Cette caste s’est révélée plus forte et plus rigoureuse que tous les tyrans du monde entier », dit Vitaly Malkin dans Illusions dangereuses.

Je me trouvais face à l’immense complexité de la pensée.

 

I.3 L’initiation à la haute montagne

 

Mon père aimait beaucoup marcher, en montagne, surtout. Il nous emmenait très souvent avec lui.

Vers douze ans, il me fit découvrir la marche en haute montagne, dans la vallée de Chamonix. Ce fut pour moi comme une illumination. Marcher sur le Glacier du Montenvers fut une découverte de ce que peut vouloir dire : partir à l’aventure. Ainsi, redescendant vers la vallée, nous dûmes traverser un pont de glace, très étroit, en pente, et peu épais. Nous n’étions pas encordés. Quand ce fut mon tour, j’eus réellement peur quand je vis l’abîme au-dessous du passage, et ne pus plus faire un pas. Transie au milieu du pont qu’il fallait absolument traverser, car il perdait de la glace sans que je m’en rende compte, mon père essaya d’une voix très douce de me rassurer, tout en me disant le danger de rester sur place. Il me fallut découvrir ce qui était important : me laisser aller à la peur et risquer de tomber tout au fond, ou, prendre sur moi avec courage et continuer (cela voulait dire que je savais quel était le réel, et décidais intérieurement volontairement de le dépasser). Ce fut la joie d’une victoire sur moi-même, d’une prise de conscience de ce dont j’étais capable…

 

I.4 Plongeon dans la musique

 

La musique fut pour moi source de beaucoup de découvertes. Faire de la musique moi-même m’a permis de rentrer dans un univers sans mots, mais qui véhiculait énormément d’émotions : à moi de les sentir, les découvrir et de les transmettre. Déjà, le plaisir de la transmission pointait dans ma vie.

J’ai commencé le piano à l’âge de six ans ; c’était une tradition familiale, mon grand-père maternel était compositeur. Je me suis heurtée très rapidement au déchiffrage des partitions. Car en fait, cela ne me semblait pas vraiment utile : il suffisait que le professeur me joue le morceau pour me le faire découvrir et je le jouais ensuite, me rappelant parfaitement les notes ou le rythme. Mais il fallait quand même travailler les doigts ! C’était assez laborieux, jusqu’à ce que le professeur comprenne que j’avais « l’oreille parfaite ». Cela étant, je n’étais pas considérée comme bonne musicienne ni par ma mère, ni par l’un de mes frères également pianiste, et cela me désolait beaucoup, car j’aimais jouer du piano. Heureusement, ma professeure a pu modifier le contenu des leçons. Cela m’a redonné confiance en moi, et j’ai vraiment pu me régaler, par la suite, dans les études de Chopin entre autres. Cette facilité donnée par l’« oreille parfaite » fut en fait un obstacle qui relevait de l’inconscient, et m’a demandé beaucoup d’observation et de travail.

Comme pour le piano, mais plus tard, le chant m’a montré tout le travail intérieur nécessaire pour réussir cette transmission. En plus de la mélodie, les paroles devaient être soulignées comme il faut. Et le corps était encore plus sollicité qu’au piano. Quand j’ai découvert le son à faire passer par le nez, la luette à faire monter dans le palais, la respiration si spécifique au chant, cela a été un immense bonheur de devoir ainsi être réceptive à mon corps, de l’accompagner pour qu’il donne le plus joli son, là encore, après beaucoup de travail !

 

I.5 Découverte de la philosophie

 

En classe de philo, j’ai fait des découvertes qui m’ont rendue très heureuse.

 

La première, fondatrice pour moi, a été Socrate. J’étais éblouie par son concept de la maïeutique (méthode par laquelle Socrate se flattait d’accoucher les esprits des pensées qu’ils avaient sans le savoir). Peut-être le premier vrai jalon pour mon futur métier de psy ? Je découvrais que ce qui rend la philosophie singulière, c’était qu’elle ne supposait pas d’expérience privilégiée et ne procédait que d’elle-même. Cela me convenait tout à fait.

 

J’avais été impressionnée par le nombre de penseurs qui avaient travaillé, questionné, tenté des réponses sur le sens de la vie. Je me suis alors régalée avec la lecture d’Aristote, Épicure, Socrate, Sénèque, Averroès, Confucius, Lao-Zi, mais aussi d’autres philosophes plus actuels, et plus tardivement : Schopenhauer, Nietzsche, Jankélévitch, Alain, Khalil Gilbran, Vitaly Malkin…