Actualités en droit de la jeunesse - Thierry Moreau - E-Book

Actualités en droit de la jeunesse E-Book

Thierry Moreau

0,0
77,99 €

-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Modifications législatives en matière d'aide et protection de la jeunesse.

La matière de l’aide et de la protection de la jeunesse est en pleine ébullition. Suite à la sixième réforme de l’État, elle est, sauf quelques exceptions, entièrement communautarisée. D’importantes modifications législatives interviendront dans un avenir proche concernant tant les mineurs en danger que ceux en infraction avec la loi, et ce, dans les trois communautés et à Bruxelles. Plusieurs questions font actuellement débat dans les secteurs de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse. Les unes trouvent leur fondement dans l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions peu connues, les autres dans la pratique de terrain. Il a paru utile d’examiner certaines de ces questions et de les mettre en perspective avec ce qui est déjà connu des projets de réforme. De même, il a paru intéressant d’étudier de manière approfondie la jurisprudence, nationale et internationale, qui impacte ces nouveaux dispositifs juridiques en se révélant novatrice sur plusieurs de ces questions. Cet ouvrage de la CUP a l’ambition de faire le point sur tous ces bouleversements et de fournir aux praticiens des outils qui leur permettront de les maîtriser.

Découvrez un examen et une mise en perspective des questions qui font débat dans le secteur du droit de la jeunesse.

EXTRAIT

Nous avons certes évité la sanction exorbitante d’irrecevabilité des poursuites prévue à l’avant-­projet de décret, mais le texte apparaît encore exagérément limitatif quant à la durée possible des mesures provisoires. En effet, nous savons que, pour des dossiers très délicats – généralement les plus graves et les plus complexes, l’instruction ou l’information pénale peuvent durer beaucoup plus longtemps que les quinze mois impartis par le décret pour qu’un jugement au fond intervienne. On citera, à titre d’exemple, des faits d’homicide, de braquage, de terrorisme ou de violence grave sur les personnes. Cette disposition est au demeurant potentiellement très dangereuse, en ce compris pour la victime, puisqu’au terme des quinze mois impartis, plus aucune mesure provisoire ne serait possible à l’égard d’un jeune soupçonné la plupart du temps de faits graves. On pense non seulement aux mesures de placement éventuel, mais également à d’éventuelles interdictions de contact avec la victime. La sécurité publique risque également d’être menacée par l’absence de toute mesure provisoire à l’égard de certains jeunes au profil « dangereux ». On pense à d’éventuels faits de terrorisme, à des faits de banditisme ou à des violences sexuelles.

A PRPOPOS DES AUTEURS

Sous la direction de Thierry Moreau, plusieurs auteurs ont participé à l'élaboration de cet ouvrage : Jean-Vincent Couck, Mathilde Delgrange, André Donnet, Jacques Fierens, Géraldine Mathieu et Pierre Rans.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB

Seitenzahl: 653

Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Découvrez toutes nos publicationssur www.anthemis.be

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Communications s.p.r.l. (Limal) pour le © Anthemis s.a.

La version en ligne de cet ouvrage est disponible sur la bibliothèque digitale ­Jurisquare à l’adresse www.jurisquare.be.

Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

© 2017, Anthemis s.a. – Liège

Tél. 32 (0)10 42 02 90 – [email protected] – www.anthemis.be

 

Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.

 

Dépot légal : D/2017/10.622/51

ISBN : 978-2-8072-0468-3

 

Mise en page: Communications s.p.r.l.

ePub: Communications s.p.r.l.

Couverture: Vincent Steinert

Sommaire

1 – Droit de la jeunesse et droit international

Jacques Fierens, professeur extraordinaire à l’UNamur, professeur à l’U.C.L. et professeur à l’ULiège, avocat au barreau de Bruxelles

Géraldine Mathieu, chargée d’enseignement à l’UNamur

2 – Questions d’actualités relatives à la mise en œuvre des missions du conseiller de l’aide à la jeunesse

Jean-­Vincent Couck, conseiller de l’aide à la jeunesse de Namur

3 – Actualités en matière de protection de la jeunesse : la phase provisoire de la procédure concernant les mineurs suspectés d’avoir commis des faits qualifiés infractions et quelques autres questions

André Donnet, juge de la jeunesse au tribunal de la famille et de la jeunesse du Brabant wallon

4 – L’articulation entre les procédures civile et protectionnelle et les compétences du tribunal de la famille et du tribunal de la jeunesse en matière d’autorité parentale

Pierre Rans, avocat général près la cour d’appel de Bruxelles

5 – L’accès aux dossiers et leur utilisation lorsque l’enfant est au cœur d’une situation familiale qui fait l’objet de procédures protectionnelle, civile et pénale

Thierry Moreau, professeur extraordinaire à l’U.C.L., avocat au barreau du Brabant wallon, directeur du Centre interdisciplinaire des droits de l’enfant

Mathilde Delgrange, avocate au barreau du Luxembourg

1

Droit de la jeunesse et droit international

Jacques Fierens

professeur extraordinaire à l’UNamur, professeur à l’U.C.L. et professeur à l’ULiègeavocat au barreau de Bruxelles

Géraldine Mathieu

chargée d’enseignement à l’UNamur

Sommaire

Introduction

Section 1

Les normes de droit international

Section 2

La question des effets juridiques des normes internationales

Conclusion

 

Introduction

Il n’est plus possible, aujourd’hui, d’évoquer les actualités du «droit de la jeunesse» sans se référer au droit international.

Cette contribution tente de prendre en compte les principales nouveautés depuis la précédente CUP consacrée à la matière, soit depuis 2007.

Bien ­au-delà de l’aspect simplement documentaire, elle voudrait amener le praticien à ne jamais oublier que l’aide à la jeunesse ou la protection des jeunes et des enfants se jouent d’abord du côté de la protection de leurs droits fondamentaux et de ceux de leurs proches, à commencer par leurs parents. À cet égard, le droit international remplit un rôle fondamental depuis l’aube du XXe siècle1.

Le statut international de l’enfant ou du jeune se développe à travers de multiples conventions, déclarations, résolutions, recommandations. Nous avons dû faire des choix et nous proposons d’approfondir, sans prétention à l’exhaustivité, quelques aspects liés à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et à ses protocoles, à la Convention européenne des droits de l’homme et au droit de l’Union européenne, primaire ou dérivé2.

Nous nous proposons de diviser la matière en fonction des personnes de droit international dont émanent les sources juridiques : l’ONU, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, en indiquant les principales «actualités», puis en revenant sur la question des effets juridiques des normes internationales que l’on aura évoquées.

Section 1

Les normes de droit international

A. L’ONU

1. La Convention internationale relative aux droits de l’enfant et les protocoles facultatifs

a) La Convention internationale relative aux droits de l’enfant

La Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, dite Convention de New York (­ci-après, la CIDE), commence à être bien connue. C’est la moindre des choses, 25 ans après sa ratification par la Belgique, les États parties s’étant engagés, aux termes de son article 42, «à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants». Il reste quand même à la faire mieux connaître aux enfants eux-mêmes, notamment en intégrant son enseignement obligatoire, dès l’école primaire, dans les programmes. Tous les États membres de l’ONU l’ont ratifiée, à l’exception des États-Unis, ce qui en fait le traité relatif aux droits fondamentaux le plus important. On ne revient pas sur son contenu, supposé connu. Bornons-nous à rappeler qu’elle se veut universelle, au sens où elle veut protéger les enfants3 du monde entier, et générale, au sens où elle a pour ambition de protéger tous les types de droits : civils, politiques, économiques, sociaux, culturels. Il est risqué de pointer certaines dispositions qui seraient plus étroitement liées à l’aide et à la protection de la jeunesse, parce que l’enjeu de ­celles-ci est justement de sauvegarder tous les droits fondamentaux de ceux qu’elles concernent. Mentionnons cependant l’article 3 qui consacre le principe de la prise en considération primordiale de l’intérêt supérieur de l’enfant, disposition qui a fait couler des hectolitres d’encre de toutes les couleurs sur tous les continents et que relaie l’article 22bis de la Constitution, les articles 7 à 9 qui consacrent le droit de demeurer avec ses parents et d’être élevés par eux, consacrant donc indirectement les droits des parents eux-mêmes, l’article 12, également fameux, qui énonce le principe de la prise en compte de l’opinion de l’enfant (relayé aussi par l’article 22bis de la Constitution), diverses protections contre tous types de violence, l’article 37 qui fait de la privation de liberté «une mesure de dernier ressort, d’une durée aussi brève que possible» et l’article 40 qui vise les droits des enfants en conflit avec la loi pénale et prévoit l’adoption de lois, de procédures, la mise en place d’autorités et d’institutions spécialement conçues pour les enfants délinquants.

b) Les protocoles facultatifs

La CIDE a été complétée par trois protocoles additionnels, les deux premiers complétant ou précisant les droits consacrés, le dernier instaurant de nouvelles procédures de contrôle international. Ces protocoles ont eux aussi pour vocation d’être universels. Ils tentent dès lors de lutter contre des phénomènes qui n’ont ni la même nature, ni la même gravité selon les régions du monde, ce qui n’empêche pas la Belgique, qui les a ratifiés tous trois, d’être concernée par chacun d’eux.

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, du 25 mai 2000, peut à première vue sembler éloigné des préoccupations de nos parquets, de nos barreaux et de nos cours et tribunaux, alors que les droits qu’il renforce devraient s’appliquer aux jeunes «radicalisés» qui ont combattu ou veulent combattre dans les rangs de Daech. Entre autres dispositions, l’article 6, § 3, prévoit que les États parties accordent à ces personnes toute l’assistance appropriée en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale, ce qui est évidemment mieux que de les stigmatiser, de les envoyer en prison, lieu de radicalisation par excellence, ou de les traiter comme des adultes au nom du principe obsolète Malitia supplet aetatem.

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, daté également du 25 mai 2000, se préoccupe surtout de la traite internationale, de la prostitution des enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants, de l’offre croissante de matériels pornographiques mettant en scène des enfants sur l’internet et autres nouveaux supports technologiques. Son importance, dans nos régions, est proportionnelle à l’importance d’internet.

c) Plus spécialement à propos du protocole «communications»

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, ouvert à la signature des États le 19 décembre 2011, a été ratifié par la Belgique et est entré en vigueur en avril 2014. Comme son titre ne l’indique pas, il met en place non seulement une procédure de plaintes, pudiquement baptisées «communications» selon la loi du genre, mais aussi une procédure d’enquête dans l’hypothèse où le Comité reçoit des renseignements crédibles indiquant qu’un État partie porte gravement ou systématiquement atteinte aux droits énoncés dans la Convention, ou dans les deux autres protocoles dits «thématiques». Ce troisième protocole est complété par un règlement intérieur, élaboré par le Comité des droits de l’enfant en janvier 20134.

Les communications peuvent être interétatiques5 ou soumises par des particuliers ou des groupes de particuliers qui affirment être victimes de violations de la Convention ou de ses protocoles facultatifs, que leur capacité juridique soit reconnue ou non dans l’État partie visé. Elles peuvent également être soumises par leurs représentants légaux ou par d’autres personnes agissant en leur nom avec leur consentement exprès. En vertu du règlement intérieur, si le Comité craint que la représentation, en dépit du consentement de la victime présumée, soit le résultat de pressions ou d’influences indues, le Comité peut demander, y compris auprès de tiers, des informations ou des documents supplémentaires montrant que la soumission de la communication au nom de la victime présumée n’est pas le résultat de pressions ou d’influences indues et répond à l’intérêt supérieur de l’enfant. Une communication peut être soumise au nom de la victime présumée sans son consentement exprès, sous réserve que l’auteur puisse justifier son action et que le Comité estime que la soumission de la communication sert l’intérêt supérieur de l’enfant. Lorsque cela est possible, la victime présumée au nom de laquelle la communication est soumise peut être informée de la soumission de la communication et son opinion est dûment prise en considération, compte tenu de son âge et de son degré de maturité. Le Comité peut proposer un règlement amiable des questions qui lui sont soumises. Toute solution amiable doit être fondée sur le respect des obligations énoncées dans la Convention ou ses protocoles facultatifs thématiques.

Toute communication doit être soumise dans les douze mois suivant l’épuisement des recours internes, sauf si l’auteur peut démontrer qu’il était impossible de le faire dans ce délai. Une communication est irrecevable si la même question a déjà été examinée par le Comité ou si elle a été ou est examinée au titre d’une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement.

Le Comité peut décider d’inviter l’auteur ou la victime présumée ainsi que les représentants de l’État partie concerné à présenter des éclaircissements supplémentaires ou à répondre à des questions sur le fond de la communication, en personne ou par vidéo ou téléconférence, s’il estime que cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Toutes les auditions ont lieu en séance privée. Le Comité garantit que l’audition des victimes présumées se déroule conformément à des procédures adaptées aux besoins des enfants et veille à ce que l’opinion des victimes présumées soit dûment prise en considération, compte tenu de l’âge et du degré de maturité des enfants concernés.

À ce jour, une bonne trentaine de communications ont été introduites, dont deux contre la Belgique6, et une demande d’enquête a été formulée par le délégué général aux droits de l’enfant au sujet de la situation de certaines familles roms. Selon le site internet du Comité des droits de l’enfant, quatre décisions ont été rendues par le Comité des droits de l’enfant après introduction de communications. Les trois premières prononcent l’irrecevabilité et la quatrième est une radiation du rôle.

Les procédures internationales apparaissent particulièrement lentes, mais après réception d’une communication, et avant de prendre une décision sur le fond, le Comité peut à tout moment soumettre à l’urgente attention de l’État partie intéressé une demande tendant à ce qu’il prenne les mesures provisoires qui s’avèrent nécessaires dans des circonstances exceptionnelles pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à la victime ou aux victimes des violations alléguées.

2. Les observations générales

En application de l’article 45, littera d, de la CIDE, le Comité des droits de l’enfant peut faire des suggestions et des recommandations d’ordre général fondées sur les renseignements reçus en application des articles 44 et 45 de la présente Convention. Ces suggestions et recommandations d’ordre général sont transmises à tout État partie intéressé et portées à l’attention de l’assemblée générale, accompagnées, le cas échéant, des observations des États parties.

Le Comité a publié à ce jour vingt et une observations générales (generals comments). Elles interprètent la CIDE. Depuis dix ans, les plus importantes en matière d’aide ou de protection de la jeunesse sont l’Observation générale no 10 (2007) «Les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs»7, l’Observation générale no 12 (2009) «Le droit de l’enfant d’être entendu»8, l’Observation générale no 14 (2013) «Le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale»9, l’Observation générale no 21 (2017) «Children in street situations»10.

Il n’est pas possible de résumer ces observations générales dans le cadre restreint de cette contribution, mais le praticien se souviendra de leur portée interprétative, puisqu’elles émanent de l’organe de surveillance de la CIDE et de ses protocoles.

3. Les observations finales

a) Les rapports officiels

En application de l’article 44, § 1er, de la CIDE, les États parties s’engagent à soumettre au Comité des droits de l’enfant, par l’entremise du secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, des rapports sur les mesures qu’ils auront adoptées pour donner effet aux droits reconnus dans la Convention et sur les progrès réalisés dans la jouissance de ces droits. Ces rapports doivent être déposés dans les deux ans à compter de la date de l’entrée en vigueur de la Convention pour les États parties intéressés et, par la suite, tous les cinq ans. Les premiers protocoles thématiques contiennent des dispositions similaires11.

La Belgique a déposé le 20 juillet 2017 ses «cinquième et sixième rapports périodiques combinés» (deux en un…), contenant des informations concernant le suivi des Observations finales concernant la Belgique, adoptées par le Comité en 2010, et les évolutions intervenues dans l’application de la CIDE et de ses protocoles facultatifs de juillet 2010 à juin 2017. Ce double rapport a été coordonné par la Commission nationale relative aux droits de l’enfant (C.N.D.E.)12. Il n’entend toutefois pas répondre à toutes les observations formulées en 2010 par le Comité. La révision des directives générales relatives aux rapports périodiques a limité significativement la taille des rapports, et le rapport a considéré qu’il était dès lors impossible de rendre compte de tous les développements en matière des droits de l’enfant en Belgique. Eu égard à l’indivisibilité des droits de l’enfant, l’organe d’avis de la C.N.D.E. a suggéré de mettre en lumière sept thèmes prioritaires concernant les droits de l’enfant en Belgique, avec une attention particulière pour les groupes vulnérables : la migration, la pauvreté, la participation à l’aide contrainte, l’aide à la jeunesse (A.A.J.) et la santé mentale, le handicap, l’enseignement et la justice.

La Belgique avait préalablement déposé des rapports, respectivement le 6 septembre 1994 (rapport initial relatif à la CIDE), le 25 octobre 2001 (deuxième rapport relatif à la CIDE, attendu en 1999), le 15 août 2005 (premier rapport au sujet du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés), le 16 novembre 2009 (premier rapport concernant Protocole facultatif à la CIDE concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants) et le 4 décembre 2009 (troisième et quatrième rapports périodiques combinés relatifs à la CIDE, attendus en 2007)13.

b) Les «observations finales»

Le dépôt des rapports officiels est suivi de l’audition des représentants des États concernés et d’«observations finales» (concluding observations) adressées à chacun d’entre eux. Les plus récentes observations finales adressées à la Belgique, relatives à la CIDE, remontent au 18 juin 201014 et ont suivi les troisième et quatrième rapports périodiques.

Certaines de ces observations finales contiennent l’expression de «préoccupations» et formulent des «recommandations» qui concernent plus ou moins directement l’aide ou la protection de la jeunesse. C’est à ces préoccupations et recommandations, qui ont sept ans d’âge, que le rapport récemment déposé le 20 juillet 2017 est censé donner partiellement suite.

Ainsi, le Comité note que l’État partie a maintenu sa déclaration relative à l’article 2 portant sur le principe de non-­discrimination, qui limite la jouissance des droits consacrés par la Convention pour les enfants n’ayant pas la nationalité belge, ainsi que sa déclaration concernant l’article 40 sur le réexamen par une instance supérieure des décisions rendues par des juridictions pénales et recommande d’accélérer le processus de retrait de cette déclaration15.

Le Comité déplore que l’État partie n’entreprenne pas d’activités de diffusion et de sensibilisation, en ce qui concerne la Convention, de manière systématique et ciblée, et exprime de nouveau les préoccupations que lui inspire le fait que l’enseignement des droits de l’homme ne fait pas toujours systématiquement partie des programmes scolaires dans l’ensemble de l’État partie16.

Le Comité note que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas encore un principe général pris en compte dans toutes les lois relatives aux enfants17. Il est préoccupé de constater que l’État partie n’a pas pris les mesures nécessaires pour que les châtiments corporels dans la famille et dans les dispositifs de protection non institutionnels soient expressément interdits par la loi18.

Le Comité est préoccupé de constater que le système de prise en charge des enfants est axé essentiellement sur le placement dans des établissements résidentiels et que la Communauté française a le taux le plus élevé en Europe d’enfants de moins de 3 ans placés dans un établissement19. Il est préoccupé en outre par la longueur des listes d’attente en vue d’un placement et par la fréquence des changements d’établissements20. Le Comité recommande à l’État partie de revoir son dispositif juridique en vue d’éviter le placement d’enfants dans des établissements et, à cet effet, de fournir aux familles l’aide sociale et économique leur permettant d’assurer leurs fonctions parentales, ainsi qu’une aide juridique si nécessaire. Il lui recommande en outre de privilégier l’accueil en milieu de type familial par rapport au placement en établissement et d’examiner périodiquement les placements, conformément aux dispositions de l’article 25 de la Convention. Il appelle en outre l’attention sur les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants, contenues dans la résolution 64/142 de l’assemblée générale, adoptée le 20 novembre 200921.

Le Comité est vivement préoccupé par l’ampleur du problème des sévices à enfants dans l’État partie22.

Il est vivement préoccupé par la situation des enfants placés dans un établissement psychiatrique, qui ont peu la possibilité d’exprimer leurs opinions, sont souvent coupés du monde extérieur et n’ont guère d’occasions de rencontrer leur famille et leurs pairs régulièrement, sans que ces restrictions soient clairement justifiées.

Le Comité est également vivement préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements infligés aux enfants dans les établissements psychiatriques, tels que le recours fréquent à l’isolement et l’administration généralisée de médicaments qui peuvent porter atteinte à leur intégrité23.

Le Comité s’inquiète aussi de ce que des centaines de filles vivant dans l’État partie ont été victimes de mutilations génitales féminines et de ce que la loi interdisant ce type de pratiques demeure inconnue, même des travailleurs sanitaires24.

Le Comité se dit vivement préoccupé de ce que plus de 16,9 % des enfants vivent ­au-­dessous du seuil de pauvreté et du fait que cette proportion augmente, touchant en particulier les familles d’origine étrangère et les familles monoparentales. Tout en prenant acte des efforts déployés par l’État partie pour héberger les enfants sans abri pendant l’hiver, il se déclare préoccupé par les informations faisant état d’un nombre croissant de femmes et d’enfants sans abri, y compris des enfants non accompagnés d’origine étrangère, et par l’absence de solution globale pour remédier à cette situation25.

Le Comité demande à l’État partie d’interdire expressément l’utilisation d’enfants pour mendier dans la rue, que les adultes concernés soient ou non des parents26.

Le Comité demande instamment à l’État partie de se conformer à l’obligation qui lui est faite d’accorder une protection et une assistance particulières à tous les enfants non accompagnés, qu’ils aient déposé ou non une demande d’asile, de garantir que tous les enfants demandeurs d’asile, non accompagnés et séparés, soient représentés par un tuteur durant la procédure de demande d’asile, quelle que soit leur nationalité, et de veiller à ce que la réunification familiale se fasse dans un esprit positif, avec humanité et diligence, conformément à l’article 10 de la Convention, et compte étant dûment tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Comité est préoccupé de constater qu’en dépit d’une décision du ministre chargé de la Politique de migration et d’asile, en date du 1er octobre 2008, tendant à ce que les familles avec enfant ne soient plus hébergées dans des centres fermés, certains enfants et leurs parents sont toujours hébergés dans des conditions précaires dans des locaux inadéquats pour des enfants. Il est en outre préoccupé de ce que les travailleurs sociaux, les organisations non gouvernementales et les visiteurs n’ont pas accès à ces locaux et du fait que les familles dont la demande d’asile a été rejetée doivent quitter ces locaux et finissent souvent dans la rue. Le Comité demande instamment à l’État partie de ne plus placer d’enfants dans des centres fermés, de mettre en place des alternatives à la détention pour les familles demandeuses d’asile et de prendre les mesures voulues pour trouver d’urgence des solutions d’hébergement temporaire pour les familles dont la demande d’asile a été rejetée et qui vivent dans la rue27.

Au sujet des enfants victimes de la traite, le Comité note avec une inquiétude particulière qu’un permis de séjour n’est délivré aux enfants que s’ils coopèrent à l’enquête menée contre les auteurs de la traite dont ils ont été victimes. Il est en outre vivement préoccupé de constater que les enfants victimes de la traite ne sont souvent pas hébergés ou protégés comme ils le devraient et peuvent, de ce fait, disparaître des centres d’accueil et/ou se retrouver dans la rue28.

En ce qui concerne le système de justice pour mineurs, le Comité a pris acte des modifications apportées, avant la communautarisation de la matière évidemment, par les lois des 15 mai et 13 juin 2006. Ses remarques demeurent importantes dans la mesure où les décrets communautaires qui vont remplacer la loi du 8 avril 1965 s’en inspirent dans les trois Communautés, semble-t-il. Le Comité est préoccupé de ce que l’adoption d’une approche globale du problème de la délinquance juvénile, antérieurement recommandée par la Convention, qu’il s’agisse de la prévention, des procédures ou des sanctions, n’a pas été suffisamment prise en considération par l’État partie29. Il se dit particulièrement préoccupé par le fait que :

a) des délinquants âgés de 16 à 18 ans peuvent toujours être jugés par des tribunaux pour adultes et, s’ils sont condamnés, détenus dans des prisons pour adultes30 ;

b) le droit des enfants de bénéficier des services d’un conseil juridique lors des interrogatoires menés par le juge d’instruction n’est pas toujours respecté, et n’est pas reconnu lors des interrogatoires de police31 ;

c) les enfants ne peuvent engager eux-mêmes une procédure judiciaire ;

d) bien que le placement en détention ne devrait être utilisé que comme mesure de dernier ressort, l’État partie applique de plus en plus une politique sévère en matière de détention ainsi que l’illustre le doublement de la capacité des centres fermés pour enfants ;

e) en raison de la distance qui sépare les centres fermés des villes principales, il est difficile aux familles de maintenir des contacts réguliers avec les enfants en détention ;

f) l’isolement cellulaire continue d’être imposé au centre fermé d’accueil temporaire fédéral pour mineurs à Everberg ;

g) des sanctions administratives municipales peuvent être prises contre des enfants ayant manifesté un comportement antisocial, en dehors du système de justice pour mineurs32.

c) Les rapports «parallèles» et «alternatifs»

Les rapports étatiques sont souvent des bulletins satisfaisants délivrés à eux-mêmes. Le phénomène, bien compréhensible, qui consiste à tenter de démontrer uniquement le respect du droit international est connu de tous les comités de contrôle instaurés au sein de l’ONU ou du Conseil de l’Europe. Certaines instances déposent des «rapports parallèles», comme le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale33, service public, ou des rapports «alternatifs», comme le fait la Coordination pour les droits de l’enfant (CODE), O.N.G. rassemblant diverses associations militantes. Ces rapports ne sont pas officiels. Ils inspirent cependant les questions que le Comité des droits de l’enfant pose aux représentants des États lors de leur audition sur le rapport officiel, et peuvent évidemment attirer l’attention des plaideurs sur les méconnaissances ou les violations de la CIDE et de ses protocoles thématiques.

B. Le Conseil de l’Europe

1. La Convention européenne des droits de l’homme

Les arrêts récents de la Cour européenne des droits de l’homme les plus remarquables, en matière d’aide ou de protection de la jeunesse, concernent évidemment le droit à la protection de la vie familiale et spécialement la question des placements forcés d’enfants et du «maintien du lien» avec ­ceux-ci.

La Cour européenne des droits de l’homme a rappelé maintes fois que «pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale». Une ingérence dans ce droit ne peut être fondée que sur un «besoin social impérieux»34.

Le fait qu’un enfant puisse être accueilli dans un cadre plus propice à son éducation ne saurait en soi justifier qu’on le soustraie de force aux soins de ses parents biologiques35.

De surcroît, l’article 8 de la Convention met à la charge de l’État des obligations positives inhérentes au «respect» effectif de la vie familiale. Ainsi, là où l’existence d’un lien familial se trouve établie, l’État doit en principe agir de manière à permettre à ce lien de se développer et prendre les mesures propres à réunir le parent et l’enfant concernés36.

La Cour européenne a aussi répété que l’éloignement de l’enfant du contexte familial est une mesure extrême à laquelle on ne devrait avoir recours qu’en tout dernier ressort. Pour qu’une mesure de ce type se justifie, elle doit répondre au but de protéger l’enfant confronté à un danger immédiat37. L’éclatement d’une famille constitue une mesure très grave qui doit reposer sur des considérations inspirées par l’intérêt de l’enfant et avoir assez de poids et de solidité. La durée du placement doit être la plus courte possible et tout doit être mis en œuvre pour maintenir les liens familiaux et faciliter le retour de l’enfant au sein de sa famille38.

La Cour européenne des droits de l’homme a aussi affirmé qu’il est clair qu’il est tout autant dans l’intérêt de l’enfant que les liens entre lui et sa famille soient maintenus, sauf dans les cas où ­celle-ci s’est montrée particulièrement indigne : briser ce lien revient à couper l’enfant de ses racines. Il en résulte que l’intérêt de l’enfant commande que seules des circonstances tout à fait exceptionnelles puissent conduire à une rupture du lien familial, et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et, le cas échéant, le moment venu, «reconstituer» la famille39.

2. Les lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants

Les lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants ont été adoptées par le Conseil des ministres le 17 novembre 201040. Elles se fondent sur la CIDE et sur la Convention européenne des droits de l’homme. Elles traitent de la place, du rôle ainsi que de l’importance du point de vue de l’enfant dans toutes les procédures judiciaires pénales, civiles ou administratives, ou dans les dispositifs alternatifs à ces procédures, et établissent les principes fondamentaux qui doivent être garantis aux enfants dans ce contexte.

Par «justice adaptée aux enfants», les lignes directrices entendent «des systèmes judiciaires garantissant le respect et la mise en œuvre effective de tous les droits de l’enfant au niveau le plus élevé possible, compte tenu des principes énoncés ­ci-après et en prenant dûment en considération le niveau de maturité et de compréhension de l’enfant, et les circonstances de l’espèce. Il s’agit, en particulier, d’une justice accessible, convenant à l’âge de l’enfant, rapide, diligente, adaptée aux besoins et aux droits de l’enfant, et axée sur ­ceux-ci, et respectueuse des droits de l’enfant, notamment du droit à des garanties procédurales, du droit de participer à la procédure et de la comprendre, du droit au respect de la vie privée et familiale, ainsi que du droit à l’intégrité et à la dignité».

Les lignes directrices sont fondées sur cinq principes fondamentaux qui s’appliquent à tous les stades de la procédure : la participation de l’enfant, le respect de son intérêt supérieur, le respect de sa dignité, la non-­discrimination et la primauté du droit.

Elles rappellent tout d’abord que l’enfant a le droit d’être informé et conseillé dès son premier contact avec le système judiciaire. À ce titre, des documents écrits dans un langage adapté aux enfants devraient être mis à disposition et largement diffusés et des services d’informations spécifiquement destinés aux enfants devraient être mis en place (tels que des sites internet spécialisés ou des lignes d’assistance téléphonique). De plus, la vie privée et familiale de l’enfant devrait être protégée. Toute information le concernant permettant de l’identifier directement ou indirectement ne devrait dès lors ni être divulguée ni publiée, en particulier dans les médias. Des mesures devraient également être prévues afin que la sécurité et la protection de l’enfant soient assurées. Il s’agit notamment de veiller à ce que l’enfant soit protégé contre tout préjudice, y compris toute intimidation, représailles et victimisation secondaire. Enfin, il est rappelé, en ce qui concerne les enfants en conflit avec la loi, que toute mesure de privation de liberté devrait être une mesure de dernier ressort et d’une durée aussi courte que possible.

D’autres principes contenus dans ces lignes directrices s’adressent aux adultes. Tout d’abord, il est prévu que les parents ou représentants légaux ont également le droit d’être informés, sans que ceci ne se substitue à la transmission d’informations à l’enfant. Par ailleurs, les lignes directrices insistent sur le fait que tous les professionnels travaillant avec et pour les enfants devraient être formés de manière interdisciplinaire aux droits et besoins de l’enfant et faire l’objet de contrôles réguliers afin de s’assurer qu’ils sont aptes à travailler avec des enfants. L’accent est mis sur une approche multidisciplinaire afin de mettre en place une coopération entre les différents professionnels (avocats, psychologues, médecins, policiers, fonctionnaires de l’immigration, travailleurs sociaux et médiateurs).

Il est également souligné que l’âge de la responsabilité pénale ne devrait pas être trop bas et que des solutions de remplacement aux procédures judiciaires (devant néanmoins offrir un niveau équivalent de garanties juridiques) devraient être adoptées (médiation, déjudiciarisation). La police doit également jouer un rôle important à ce stade afin de respecter les droits individuels et la dignité des enfants. Les procureurs doivent aussi s’assurer que des approches adaptées sont utilisées tout au long de la phase d’enquête. Il est rappelé l’importance que l’enfant soit informé et consulté de manière appropriée et reçoive une assistance juridique.

Les lignes directrices insistent bien sûr sur le fait que les enfants sont titulaires de droit. À ce titre, ils devraient avoir accès aux voies de recours pour exercer effectivement leurs droits ou répondre à une violation de ces droits. Ils devraient pour cela être assistés au niveau juridique (aide juridictionnelle, représentation par un avocat ou un conseil).

Les lignes directrices contiennent également plusieurs dispositions concernant la mise en place d’environnements non intimidants et adaptés aux enfants. Cette organisation devrait prendre en compte l’âge de l’enfant, ses besoins particuliers, son degré de maturité ainsi que sa capacité de compréhension et de communication. Par exemple, les salles d’audition et d’attente de même que les salles d’audience devraient être aménagées. Il est par ailleurs important d’éviter des retards injustifiés dans la procédure : le principe de l’urgence devrait être appliqué afin d’apporter une réponse rapide et de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant (l’attente d’un procès peut être une période angoissante qu’il convient de réduire autant que possible).

Le droit de l’enfant d’être entendu et d’exprimer son point de vue doit être respecté, à tout le moins lorsque l’enfant a la capacité de discernement. Il est en effet primordial que le point de vue de l’enfant soit pris en considération. Pour cela, des moyens adaptés au niveau de compréhension de l’enfant et à sa capacité de communiquer devraient être utilisés. La procédure devrait par ailleurs être adaptée à chaque cas d’espèce. Il faudrait notamment veiller à ce que les enfants ne soient pas interrogés plus souvent que nécessaire, que les interrogatoires soient adaptés à l’âge, à la capacité d’attention et au niveau de compréhension de l’enfant, menés dans un environnement favorable et par des personnes qualifiées et, si possible, conduits par la même personne. Le temps de l’audition ne devrait pas être trop long et des pauses devraient être prévues. Des méthodes d’audition telles que les enregistrements vidéo ou audio, ainsi que les auditions à huis clos devraient être encouragées. Pour cela, des protocoles d’audition adaptés à l’enfant devraient être conçus.

Après la procédure judiciaire, l’avocat ou le représentant de l’enfant devrait lui communiquer et lui expliquer la décision dans un langage qui soit adapté à son niveau de compréhension. Par ailleurs, des mesures devraient être prises sans délai afin de faciliter l’exécution de la décision. L’enfant devrait également être informé des voies de recours disponibles si la décision n’est pas exécutée, mais aussi de toute autre voie de recours supplémentaire s’il décide par exemple de faire appel contre la décision. Les enfants victimes de négligence, violence ou maltraitance devraient bénéficier de soins de santé particuliers mais aussi d’une prise en charge sociale et thérapeutique appropriée. En ce qui concerne les enfants en conflit avec la loi, les mesures prises à leur égard devraient être constructives et personnalisées. Leurs droits à l’éducation, à la formation professionnelle, à l’emploi, à la réhabilitation et à la réinsertion devraient être garantis.

Si ces lignes directrices ne constituent pas en tant que telles un instrument contraignant, il reste qu’elles tirent leur source dans des conventions qui revêtent quant à elles pareil caractère de sorte qu’elles peuvent inspirer les organes de contrôle de ces conventions (principalement la Cour européenne des droits de l’homme et le Comité des droits de l’enfant). Elles sont, à l’heure actuelle, considérées comme l’une des principales références quant à la manière dont le système judiciaire peut mieux respecter l’enfant en tant que détenteur de droits et constituent un outil concret sur lequel les gouvernements sont en permanence encouragés à fonder leurs réformes législatives et leurs nouvelles pratiques41.

On relèvera encore qu’en juin 2014, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une résolution relative à une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants42 dans laquelle elle invite notamment les États membres à mettre en œuvre les normes internationales en matière de droits de l’homme régissant la justice pour mineurs, y compris les lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants, et à mettre les lois et les pratiques nationales en conformité avec ces normes.

C. L’Union européenne

1. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

Le droit de l’Union européenne, primaire ou dérivé, concerne indirectement, de plus en plus nettement, l’aide ou la protection de la jeunesse43. Une étape importante a été l’adoption de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en 2000. Elle est le premier texte de niveau constitutionnel, à l’échelle de l’Union, contenant des dispositions précises relatives aux droits de l’enfant, notamment la reconnaissance du droit des enfants de suivre gratuitement l’enseignement obligatoire44, l’interdiction de la discrimination en raison notamment de l’âge45 et une interdiction de l’exploitation des enfants par le travail46. La Charte contient une disposition spécifique sur les droits de l’enfant47. ­Celle-ci énonce trois principes fondamentaux : le droit des enfants d’exprimer leur opinion librement, en fonction de leur âge et leur maturité48, leur droit de voir leur intérêt supérieur constituer une considération primordiale dans tous les actes qui les concernent49 et leur droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec leurs deux parents50. En droit dérivé, on peut mentionner la directive relative à la protection des jeunes au travail, la directive relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie51, la directive concernant la prévention de la traite des êtres humains52, la directive établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité53 ou le Règlement «Bruxelles IIbis», bien connu des praticiens, sur les conflits de lois dans le droit de la famille entre États membres, en particulier en matière de divorce, de garde d’enfants et d’enlèvement international d’enfants.

2. Les droits procéduraux des mineurs en conflit avec la loi reconnus par les directives européennes

Dans une optique d’harmonisation des législations des différents pays de l’Union européenne en matière de coopération judiciaire et de mandat d’arrêt européen, la Commission européenne a récemment adopté diverses directives traitant des droits procéduraux des personnes soupçonnées ou poursuivies dans un cadre pénal54. Il s’agit de garantir l’assistance par un avocat, l’information, la traduction et l’interprétation. Ces directives s’appliquent à toute personne, mineure ou majeure, dans une procédure pénale55.

Plus récemment, l’Union européenne a adopté une nouvelle directive relative à la mise en place spécifique de garanties procédurales en faveur des enfants suspects ou poursuivis dans le cadre des procédures pénales56. Un enfant peut en effet être présumé plus vulnérable en raison du fait qu’il est plus influençable qu’un adulte, qu’il manque d’informations, qu’il ne comprend pas nécessairement la procédure, qu’il ne dispose pas des clés pour comprendre le système de justice quand il se retrouve accusé ou soupçonné. Parfois, il ne bénéficie pas de la présence et du soutien de ses parents, d’autres membres de la famille ou d’adultes responsables. De nombreuses autres raisons peuvent intervenir qui justifient qu’on prête une attention particulière à sa situation.

a) La directive sur le droit à l’interprétation et à la traduction

Le droit à l’interprétation et à la traduction accordé aux personnes qui ne parlent pas ou ne comprennent pas la langue de la procédure est consacré à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Afin de faciliter l’exercice de ce droit et de garantir ainsi le caractère équitable du procès, la directive 2010/64/UE établit des règles minimales concernant le droit à l’interprétation et à la traduction dans les procédures pénales et dans les procédures relatives à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen. Le but de la directive est de s’assurer qu’une assistance linguistique gratuite et adéquate soit garantie à toute personne suspecte ou poursuivie, majeure ou mineure, dès lors qu’elle ne parle pas ou ne comprend pas la langue de la procédure pénale en cours.

Deux lois ont récemment été adoptées en Belgique pour transposer les dispositions de la directive 2010/64/UE : la loi du 28 octobre 201657, dite loi Salduz bis, entrée en vigueur le 27 novembre 2016, et la loi du 21 novembre 201658, entrée en vigueur le 1er juin 2017.

b) La directive sur le droit à l’information

La directive 2012/13/UE fixe des normes minimales communes à appliquer en matière d’information des personnes soupçonnées d’une infraction pénale ou poursuivies à ce titre sur leurs droits et sur l’accusation portée contre elles. Elle s’appuie sur les droits énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (notamment ses articles 6, 47 et 48) et développe les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme tels qu’ils sont interprétés par la Cour européenne des droits de l’homme. Elle s’applique dès le moment où des personnes sont informées par les autorités compétentes qu’elles sont soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ou qu’elles sont poursuivies à ce titre et jusqu’au terme de la procédure.

Cette directive n’a pas été transposée en droit belge mais elle a un effet direct et doit être respectée dès lors que la date limite de transposition (2 juin 2014) est dépassée59.

Plusieurs dispositions garantissent déjà le droit à l’information en droit belge. La plupart d’entre elles sont présentes dans le Code d’instruction criminelle (C.i.cr.), dans la loi relative à la protection de la jeunesse (L.P.J.), dans la loi sur la détention provisoire (L.D.P.) et dans la circulaire 12/2011 du collège des Procureurs généraux (COL 12/2011).

La loi Salduz bis contient à cet égard une nouveauté puisqu’elle prévoit que la formulation de la communication des droits doit désormais être adaptée en fonction de l’âge de la personne ou d’une vulnérabilité éventuelle qui affecte sa capacité à comprendre ses droits. Il conviendra évidemment de voir comment cette obligation sera rencontrée dans la pratique.

c) La directive sur le droit d’accès à un avocat

La directive 2013/48/UE établit des règles minimales concernant le droit d’accès à un avocat dans les procédures pénales et dans les procédures visant à exécuter un mandat d’arrêt européen, le droit d’informer un tiers dès la privation de liberté ainsi que le droit, pour les personnes privées de liberté, de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires. Ce faisant, elle favorise l’application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, notamment, de ses articles 4, 6, 7, 47 et 48, en s’appuyant sur les articles 3, 5, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme tels qu’ils sont interprétés par la Cour européenne des droits de l’homme.

La directive 2013/48/UE s’applique à l’égard des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales dès le moment où ils sont informés par les autorités compétentes d’un État membre, par notification officielle ou par tout autre moyen, qu’ils sont soupçonnés ou poursuivis pour avoir commis une infraction pénale, qu’ils soient privés de liberté ou non. Elle s’applique également aux personnes qui ne sont pas soupçonnées ou poursuivies mais qui, au cours de leur interrogatoire par la police ou par une autre autorité répressive, deviennent suspects ou personnes poursuivies. Les droits garantis par la directive 2013/48/UE s’appliquent jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir s’ils ont commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel.

La directive s’applique également aux personnes qui font l’objet d’une procédure relative au mandat d’arrêt européen dès le moment de leur arrestation dans l’État membre d’exécution.

On relèvera que la directive 2013/48/UE, tout comme les directives 2010/64 et 2012/13, est applicable tant aux majeurs qu’aux mineurs. Dans son préambule, il est par ailleurs précisé que la directive entend favoriser les droits des enfants et qu’elle tient compte des lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants, en particulier les dispositions relatives aux informations et conseils à communiquer aux enfants. Le préambule de la directive insiste ainsi pour que les suspects et les personnes poursuivies, y compris les enfants, reçoivent des informations adaptées leur permettant de comprendre les conséquences d’une renonciation à un droit garanti par la directive et à ce que toute renonciation soit formulée de plein gré et sans équivoque. En outre, lorsque le suspect ou la personne poursuivie est un enfant, la directive prévoit que le titulaire de l’autorité parentale doit être informé le plus rapidement possible de la privation de liberté de l’enfant et des motifs de cette privation de liberté. Si la communication de ces informations au titulaire de l’autorité parentale est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, un autre adulte approprié, tel qu’un membre de la famille, devrait être informé en lieu et place de ­celui-ci.

Depuis l’entrée en vigueur le 27 novembre 2016 (soit le jour de l’échéance fixée pour la transposition de la directive) de la loi Salduz bis, le droit d’accès à un avocat est garanti à toute personne entendue en tant que suspect, qu’elle soit ou non privée de liberté, pour autant que les faits qui peuvent lui être imputés concernent une infraction punissable d’une peine privative de liberté (avant, il devait s’agir d’une infraction punissable d’une peine privative de liberté d’au moins un an, ce qui n’était pas conforme à la directive). Le principe selon lequel le mineur ne peut pas renoncer à son droit d’accès à l’avocat n’a pas été modifié. En outre, le rôle de l’avocat est désormais décrit : il peut demander qu’il soit procédé à tel acte d’information ou à telle audition ; il peut aussi demander des clarifications sur des questions qui sont posées et formuler des observations sur l’enquête et sur l’audition (il ne lui est toutefois pas permis de répondre à la place du suspect ou d’entraver le déroulement de l’audition). L’assistance de l’avocat durant les actes d’instruction est étendue de la descente sur les lieux en vue de la reconstitution des faits, à la confrontation et la confrontation multiple.

d) La directive relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants suspects ou poursuivis dans le cadre des procédures pénales

Le 11 mai 2016 a été adoptée la directive 2016/800 relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont suspects ou poursuivis dans le cadre des procédures pénales. Cette directive énonce des règles minimales spéciales concernant les droits des enfants poursuivis ou soupçonnés dans le cadre des procédures pénales.

L’objectif de la directive 2016/800 est de veiller à ce que les enfants en conflit avec la loi soient correctement protégés, capables de comprendre et de suivre la procédure, d’exercer leur droit à un procès équitable et, de manière générale, à les empêcher de récidiver et à favoriser leur (ré)intégration.

La principale nouveauté de la directive a trait au droit à l’assistance d’un avocat : les États membres doivent veiller à ce que les enfants soient assistés par un avocat, le cas échéant dans le cadre de l’aide juridique, à moins que l’assistance d’un avocat ne soit pas proportionnée à la lumière des circonstances de l’espèce. La directive prévoit également d’autres garanties. Mentionnons notamment le droit de recevoir des informations concernant leurs droits ainsi que sur les aspects généraux du déroulement de la procédure et l’obligation d’informer le titulaire de la responsabilité parentale des droits procéduraux par écrit, oralement, ou les deux.

Les États membres ont à présent trois ans pour veiller à ce que la directive soit correctement transposée dans leur législation nationale. On rappellera toutefois qu’à défaut de transposition dans ce délai, la directive a un effet direct en droit national. La Cour de justice de l’Union européenne a en effet établi dans sa jurisprudence qu’une directive a un effet direct si elle est claire, précise, inconditionnelle et si l’État membre n’a pas transposé la directive dans les délais60.

Section 2

La question des effets juridiques des normes internationales

Après avoir présenté les principaux ingrédients du droit international de l’aide et de la protection de la jeunesse, il convient de les accommoder, ce qui revient à se demander, pour les praticiens, dans quelle mesure ces divers ­instruments juridiques peuvent être invoqués avec une quelconque efficacité devant les instances internationales de contrôle ou devant les tribunaux internes.

Il convient de distinguer soigneusement les effets juridiques qui se déploient dans l’ordre international, c’est-à-dire dans les rapports juridiques entre la Belgique et les autres États ou avec les instances internationales, et dans l’ordre interne.

A. Le contrôle international

1. Le contrôle du Comité des droits de l’enfant

Les comités onusiens ont affirmé depuis longtemps que le droit conventionnel international impose aux États parties une triple obligation : celle de les respecter, celle de les protéger et celle de les mettre en œuvre ou de les réaliser61. Cette obligation vaut, quels que soient les effets du traité en droit interne, quelle que soit la réponse à la fameuse question des éventuels effets directs, dont il sera question plus loin.

Appliquée à notre sujet, l’obligation de respecter requiert des États parties qu’ils s’abstiennent d’entraver directement ou indirectement les droits consacrés par la CIDE, qu’ils s’abstiennent de se livrer à une quelconque pratique ou activité consistant à les refuser ou à les retreindre. Cette obligation d’abstention concerne n’importe quelle instance exerçant ne fût-ce qu’une parcelle de la puissance publique qui constitue l’État ou lui est subordonnée : instances législatives, judiciaires, exécutives ou administratives, dont les forces de police.

L’obligation de protéger requiert des États parties qu’ils empêchent des tiers d’entraver de quelque manière que ce soit l’exercice des droits consacrés internationalement, qu’il s’agisse d’individus, de groupes, d’entreprises ou d’autres entités. Les États parties sont notamment tenus de prendre les mesures efficaces d’ordre législatif et autres qui s’imposent pour empêcher ces tiers, personnes privées, de poser de telles entraves.

L’obligation de mettre en œuvre les droits, en d’autres mots de réaliser ces droits, requiert des États parties qu’ils adoptent les mesures nécessaires à leur plein exercice. L’obligation de mise en œuvre peut elle-même se diviser en obligations de «faciliter», de «promouvoir» et d’«assurer» les droits. L’obligation d’en faciliter l’exercice signifie que l’État doit prendre les devants de manière à renforcer l’accès des enfants, des jeunes et des familles aux droits qui les protègent ou leur permettent de vivre dignement, ou de donner les moyens aux destinataires de la norme qui se trouveraient, pour des raisons indépendantes de leur volonté, dans l’impossibilité de les exercer ou de les concrétiser. L’obligation de promotion consiste à renforcer constamment l’exercice des droits. L’obligation d’assurance est une obligation de résultat : les droits ne peuvent demeurer au stade de programmes ou de vœux pieux. Ils doivent accéder à une réelle validité.

Le Comité des droits de l’enfant contrôle évidemment la CIDE et les protocoles thématiques, mais il n’hésitera pas, pour les interpréter, à se référer à des résolutions ou des recommandations de l’ONU, leur donnant ainsi une portée accrue quoiqu’indirecte. Ainsi, l’Observation générale no 10 (2007) sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs interprète-t-elle la CIDE en invoquant en particulier l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing)62, les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane)63 et les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad)64.

Les observations finales et les recommandations du Comité des droits de l’enfant, ou ses observations générales, sont-elles contraignantes ? Il est difficile de le soutenir. Même si l’article 43 de la CIDE investit le Comité du rôle d’examiner les progrès accomplis par les États parties dans l’exécution des obligations contractées par eux, une observation ou une recommandation ne saurait en tant que telle prétendre produire un effet obligatoire. Un exemple en a été donné par la Cour constitutionnelle. Dans la demande d’annulation qui a donné lieu à l’arrêt no 49/2008 du 13 mars 2008, les parties requérantes soutenaient que les dispositions de la loi du 8 avril 1965 modifiées, relatives au dessaisissement, étaient contraires aux articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou en combinaison avec les articles 3.1, 40.1 et 40.3 de la CIDE et avec les règles de Beijing65. Il ne fait aucun doute que telle est, depuis des années, la position du Comité des droits de l’enfant et qu’il l’a fait savoir à plusieurs reprises à la Belgique. La Cour constitutionnelle ignore superbement l’argument et ne condamne en rien le principe même de la possibilité du dessaisissement.

Mais qu’en est-il des décisions à venir du Comité rendues sur les communications ou les enquêtes prévues par le Protocole «communications» ? En ce qui concerne les premières, après avoir examiné une communication, le Comité transmet sans délai aux parties concernées ses constatations au sujet de cette communication, éventuellement accompagnées de ses recommandations. Il revient à l’État partie de prendre dûment en considération les constatations et les éventuelles recommandations du Comité et de lui soumettre une réponse écrite contenant des informations sur toute mesure prise ou envisagée à la lumière de ses constatations et recommandations. Le Comité peut inviter l’État partie à lui soumettre un complément d’information sur toute mesure prise pour donner suite à ses constatations ou à ses recommandations ou sur l’application d’un éventuel accord de règlement amiable, y compris, si le Comité le juge approprié, dans les rapports ultérieurs de l’État partie présentés au titre de l’article 44 de la Convention, de l’article 12 du Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ou de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, selon les cas66. L’obligation théorique de l’État est donc de «prendre en compte» les constatations et les éventuelles recommandations, mais la vérification de cette prise en compte ne s’accompagne d’aucune mesure possible de coercition.

Au sujet des éventuelles enquêtes, le Comité peut, si nécessaire, au terme d’un délai de six mois après réception des résultats de l’enquête et des observations et recommandations transmis par lui, inviter l’État partie concerné à l’informer des mesures prises ou envisagées. Le Comité peut également inviter l’État partie à présenter de nouvelles informations sur toute mesure prise comme suite à une enquête menée, y compris, si le Comité le juge approprié, dans les rapports ultérieurs de l’État partie67.

2. Le contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice de l’Union européenne

Il n’y a pas de controverses au sujet de la portée juridique de la Convention européenne des droits de l’homme ou du droit de l’Union, dans l’ordre international, ni au sujet du caractère obligatoire des arrêts que rendent les cours chargées de les contrôler.

B. Les effets juridiques dans l’ordre interne

En droit interne, les conventions internationales peuvent se voir reconnaître des effets directs, des effets indirects, un «effet-­cliquet» ou uniquement un effet interprétatif.

1. L’applicabilité directe

Les effets juridiques les plus complets d’une norme internationale s’attachent à la notion d’«applicabilité directe» qui, cependant, n’est pas claire. S’agit-il de permettre à un individu de faire déclarer une norme contraire à celle qui lui est hiérarchiquement supérieure, ce qui n’implique pas nécessairement qu’il revendique un droit subjectif tiré de cette norme, mais seulement un intérêt ? S’agit-il au contraire de savoir si la règle donne naissance à des droits subjectifs dans le chef des individus ? S’agit-il de savoir si la norme exige des mesures internes d’exécution ? La question reste d’autant plus confuse que les juridictions définissent rarement l’effet direct, prenant le cas échéant appui sur telle disposition sans prendre explicitement position quant à son applicabilité directe68.

Sans doute peut-on s’en tenir au plus simple et au plus général en considérant qu’une norme directement applicable est celle qu’un particulier peut invoquer devant les tribunaux internes. C’est la thèse dite de «l’invocabilité»69. Pour la Cour de justice, le propre de la disposition directement applicable est ainsi de «conférer aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice et que les juridictions nationales doivent sauvegarder»70. Selon le Conseil d’État, une règle de droit international ou supranational possède un effet direct si elle peut être appliquée dans l’ordre juridique où elle est en vigueur, sans la moindre mesure interne substantielle d’exécution71.

L’enjeu de la discussion est de taille. Avant 1971, le droit belge considérait que le traité, parce qu’il était approuvé par le Parlement, était un acte équipollent à la loi, et donc situé au même niveau dans la hiérarchie des sources de droit. En cas de conflit entre un traité et une loi, on appliquait le critère chronologique : lex posterior prioriderogat ; la norme la plus récente prévalait sur la plus ancienne. Le célèbre arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 197172, qui a fasciné des générations d’étudiants, dit «arrêt Franco-Suisse» ou «Le Ski», adopte une solution différente. La Cour y considère qu’en raison de son caractère international, le traité directement applicable jouit d’une primauté par rapport à toute norme interne, cela en vertu de «la nature même du droit international conventionnel». La primauté de la règle de droit international est cependant conditionnelle :

1° elle doit être obligatoire ;

2° elle doit être applicable dans l’ordre juridique interne, en conformité avec la Constitution ;

3° elle doit être susceptible d’effets directs.

La conséquence de cette primauté n’est donc évidemment pas l’abrogation ou l’annulation de la règle de droit interne, pouvoir que ne saurait s’attribuer la Cour de cassation, mais une inopposabilité ou une inapplicabilité de la loi, des décrets ou de l’ordonnance bruxelloise73.

La Cour de cassation énonce les conditions de l’effet direct sans en donner de définition, en visant des actes internationaux contenant des dispositions «dont il est permis aux nationaux de se prévaloir lorsqu’aucune autre loi ne s’y oppose»74. Selon elle, la notion d’effet direct d’un traité implique que les obligations d’un État contractant ont été exprimées complètement et de manière précise (c’est le critère dit objectif) et que les parties à la convention aient eu l’intention d’accorder des droits subjectifs ou d’imposer des obligations aux individus au moyen du traité (c’est le critère dit subjectif)75.

Chacun de ces deux critères est contestable. Il est d’abord permis de se demander si ce n’est pas quand elle entend donner des effets directs à la norme que la Cour de cassation y trouve la précision suffisante. L’interprétation judiciaire permet justement de rendre claires les normes les plus confuses. Ce n’est pas la précision qui permet le contrôle, mais le contrôle qui donne la précision. De plus, le degré nécessaire de précision des termes s’amoindrit en proportion inverse de l’incompatibilité d’une situation ou de la règle nationale avec la norme internationale. En d’autres mots, les notions très englobantes qui sont familières en matière de droits de l’homme devraient être considérées comme suffisamment précises et contraignantes si la situation particulière ou la législation de droit interne va manifestement dans un sens contraire. Par ailleurs, ces notions aussi indéfinies qu’«ordre public», «bonnes mœurs», «société démocratique», «raisonnable», n’empêchent pas la Cour de cassation de reconnaître des effets directs aux dispositions qui les contiennent.

Le critère de l’intention, quant à lui, remonte à l’apparition même de la notion d’applicabilité directe en droit international76. Il est également critiqué : dans la jurisprudence comparative, il ne s’impose nullement. La Cour de justice ne l’a jamais pris en compte77. La volonté du législateur n’est qu’une méthode d’interprétation subsidiaire de la norme (interpretatio cessat in claris)78 et l’absence de prise en compte de l’intention de l’exécutif ou du législateur interne est un trait de la séparation des pouvoirs.

Il faut cependant distinguer le critère de l’intention des États parties, qui peuvent se méprendre sur la portée des engagements qu’impliquent la signature et la ratification du traité, et l’interprétation de ces engagements eu égard à la lettre du texte. Si un instrument implique qu’une partie contractante «s’engage à agir […] au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus», comme le dit le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels79, on ne peut soutenir l’existence d’une garantie immédiate puisqu’elle est incompatible avec les termes utilisés.

La question de l’éventuelle applicabilité directe d’une norme internationale ne se pose pas pour l’ensemble de l’instrument, mais pour chacune de ses dispositions. En ce qui concerne la Convention européenne des droits de l’homme, plusieurs d’entre elles se sont vu reconnaître un effet direct par la Cour de cassation et de nombreuses juridictions de fond. Toutefois, la position de la Cour de cassation au sujet de l’article 8 est ambiguë.

«La disposition de l’article 8, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aux termes de laquelle toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, en tant qu’elle interdit en principe à l’État de s’immiscer dans la vie privée et familiale des individus, énonce une norme qui, en règle, est suffisamment précise et complète pour produire des effets directs ; toutefois, en tant que cette disposition comporte des obligations en ce sens qu’en fixant le régime de certains biens de famille, tels ceux de la mère célibataire avec son enfant, l’État doit agir de manière à permettre à ces personnes de mener une vie de famille normale, elle n’est pas suffisamment précise et complète pour avoir des effets directs et, dans cette mesure, elle n’impose à l’État qu’une obligation de faire que le législateur doit observer, mais qui ne saurait être invoquée comme source de droits subjectifs et d’obligations pour des particuliers»80.

La Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Vermeire c. Belgique du 29 novembre 1991 rendu dans la même affaire a toutefois condamné la position de la Cour de cassation81. Cette contradiction entre la jurisprudence nationale et internationale n’a pas été formellement résolue à ce jour en droit belge.

La Cour de cassation, par arrêt du 4 novembre 1993, a semblé reconnaître des effets directs à l’article 21 de la CIDE, relatif aux conditions de l’adoption, puis, par arrêt du 1er octobre 1997, à l’article 16 qui protège la vie privée et familiale de l’enfant et de sa famille, mais a ensuite décidé que «ne peuvent être directement invoqués devant les juridictions nationales, les articles de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant qui ne créent des obligations qu’à la charge des États parties»82 et que les dispositions de l’article 3, § 1er et § 2, de la Convention, qui consacrent le principe du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant «ne sont pas, en soi, suffisamment précises et complètes que pour avoir un effet direct, dès lors qu’elles laissent à l’État plusieurs possibilités de satisfaire aux exigences de l’intérêt de l’enfant ; qu’elles ne peuvent servir de source de droits subjectifs et d’obligations dans le chef des particuliers»83. La Cour de cassation a aussi refusé de reconnaître des effets directs à l’article 7, § 1er, de la CIDE (droit de l’enfant d’être enregistré aussitôt sa naissance et droit à un nom)84. Une évolution de la jurisprudence peut être espérée. De nombreuses juridictions de fond ont reconnu implicitement des effets directs à diverses dispositions de la Convention, spécialement à son article 3, § 1er85. Par ailleurs, la Cour de cassation française, qui fonde ses raisonnements sur les mêmes principes que son homologue belge en matière d’applicabilité directe, a reconnu des effets directs à cette disposition86.

Le Conseil d’État n’a pas actuellement de jurisprudence uniforme sur la question des effets juridiques internes de la CIDE. Il considère en général qu’aucune de ses dispositions n’est directement applicable, mais il existe des exceptions87.

2. Les effets indirects des traités