Amiante et mensonge : notre perpétuité - Virginie Dupeyroux - E-Book

Amiante et mensonge : notre perpétuité E-Book

Virginie Dupeyroux

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Beschreibung

Être au mauvais endroit au mauvais moment. Voici leur histoire...


Tu es né à Aulnay-sous-Bois, à l'été 1942. Au mauvais endroit, au mauvais moment… un moment qui dura plus de cinq décennies… Tu as grandi sans le savoir, comme tous tes amis d'enfance, près d'une usine de broyage d'amiante installée en pleine zone pavillonnaire. Tu as quitté le Vieux Pays en 1961. Le cancer de l'amiante t'a rattrapé en juin 2014. Paul, mon Père, mon meilleur ami. Travailleur, fraternel, libertaire. Juste. Nous sommes tombés sur des gens de médecine malhonnêtes, dignes héritiers des membres du Comité Permanent Amiante (1982-1995). Nous avons cru en leur probité. Nous avons lutté, ensemble.
Ce livre retrace notre parcours, calendrier autobiographique sur quinze mois dans le monde médical à Nevers, dans la Nièvre. Nous y exprimons à deux voix la stupéfaction de la découverte de ta maladie, puis la compréhension de l'origine de ton empoisonnement. Nous y dénonçons l'irrespect médical et la maltraitance dont sont trop souvent victimes les patients atteints de pathologies uniquement imputables à l'amiante, et le mensonge médical qui complète le mensonge industriel et le couvre. Nous subissons. Nous sommes des millions. Nous faisons des allers-retours au cimetière. Nous enterrons nos morts.


Un témoignage poignant sur les dégâts causés par l'amiante !


À PROPOS DE L'AUTEURE


Virginie Dupeyroux est la fille et la petite-fille de victimes environnementales de l’ancienne usine de broyage d’amiante CMMP (Comptoir des minéraux et matières premières) d’Aulnay-sous-Bois (93). Elle est membre de Ban Asbestos France, de l’association Henri Pezerat et de l’Adeva Centre, associations auxquelles sont reversés les bénéfices de ce livre. Elle témoigne ici aux côtés de son père, Paul Dupeyroux, décédé d’un mesotheliome, le « cancer de l’amiante », en 2015.

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VirginieDupeyroux

Amianteetmensonge:notreperpétuité

JournaldePauletVirginie

Préfaced'AnnieThébaud-Mony

PRÉFACE

II est des Iivres-témoignage qui bouIeversent ceIIes et ceux qui Ies Iisent. CeIui deVirginie Dupeyroux est de ceux-Ià et se suffirait à Iui-même, tant sont précis Ies faits reIatés,tant est pudique et digne I'expression de Ia souffrance mais aussi de Ia révoIte, face audoubIe drame subi par sa famiIIe, du fait d'une contamination par I'amiante si Iongtempsignorée.

En réponse à Ia demande de Virginie Dupeyroux, j'ai accepté d'écrire cette préface,toutd'abordparamitiépoureIIeetsafamiIIeetpourrendrehommageàsonpèrequejen'aipas eu Ie bonheur de connaître, mais aussi pour contribuer à ce que Ieur expérience et Iesquestionsqu'eIIesouIèvesoiententendues,nonseuIementdeceIIesetceuxquiIuttentpourune reconnaissance des souffrances et préjudices subis par Ies victimes de I'amiante, maisaussi de tous ceux et ceIIes pour qui Ie cancer demeure trop souvent une fataIité, maissurtoutdessoignantsetdesresponsabIes-poIitiques,administratifs,médicaux-deI'organisation des soins en France et de Ia prise en charge, médicaIe et humaine, desmaIades.

Avant de parIer du Iivre, je fais ici Ie choix de raconter comment j'ai connu VirginieDupeyroux et ce qui me fait aujourd'hui répondre à sa demande d'écrire une préface de ceIivre écrit à deux voix. II s'agit de son père, PauI, atteint puis décédé de mésothéIiome1pIeuraI, et, d’eIIe-même, Virginie, sa fiIIe, qui porte en eIIe Ies souvenirs inaItérabIes d'unamour,paterneIetfiIiaI,pIeinementpartagé,maisaussiIamémoiredecetteterribIetraversée de souffrance, qu'est Ie mésothéIiome, ce cancer gravissime provoqué par IacontaminationpuImonaireetpIeuraIeparI'amiante.

II y a vingt ans, une autre famiIIe a vécu un drame sembIabIe. C’était à AuInay-sous-Bois.En1995,PierreLéonardtombemaIadeetIepneumoIoguediagnostiqueunmésothéIiome. Dès Iors, sa sœur et son beau-frère, NicoIe et Gérard Voide, vont mener uneenquête minutieuse, acharnée, afin de comprendre Ie pourquoi de Ia chose et remonter auresponsabIedeIamaIadie.CetteenquêteIesmènedevantI'ancienneusineduComptoirdesMinéraux et Matières Premières CMMP qui broyait de I'amiante à peu de distance de IeurdomiciIe et de I'écoIe. Ce dossier a été ouvert en 1995 et I'est toujours aujourd'hui. PierreLéonard et PauI Dupeyroux ont, I'un et I'autre, vécu à AuInay-sous-Bois et fréquenté I’écoIedu Bourg, située sous Ie vent des poussières d’amiante finement broyées du CMMP, qui,impIacabIement,contaminaientIeVieuxPaysd’AuInay.

1IIs'agit d'un cancerdutissumésothéIiaI (deIa pIèvre, du péritoineoudupéricarde)

Ban Asbestos France, association de Iutte contre I'amiante créée en 1994, se batdepuis20anspouruneinterdictionmondiaIedeI'amiante,pourqueI'informationsoitdonnéeauxpersonnesayantsubiI'expositionprofessionneIIeet/ouenvironnementaIeàI'amiante,etapportesonsoutienàceIIesetceuxquisontatteints,dansIerecoursàIajustice.C'estdansce cadre que j'ai rencontré Gérard et NicoIe Voide, en 1995, aIors qu'iIs découvraient IamaIadie de Pierre Léonard, Ie frère de NicoIe. Après I'enquête qui Ieur a fait découvrirI'ampIeur de Ia contamination des abords de I'usine du CMMP, avec Henri Pézerat et BanAsbestosFrance,iIsorganisentunepremièreréunionpubIiqueen2000àIaqueIIeparticiperontpIusde100personnes.Lestémoignagesfusent,deIapartd'ancienstravaiIIeursduCMMP,deriverainsdeI'usine,d'ancienséIèvesdugroupescoIaireduBourg.Certains sont maIades, d'autres évoquent Ie décès de proches, victimes de mésothéIiome,cancer broncho-puImonaire, asbestose. Le CoIIectif des Riverains et Victimes du CMMP secréeavecIesoutiendeBanAsbestosFrance.UnemobiIisationcoIIectivepIusIargevaaIorsse construire, qui a pris des formes diverses au fiI des vingt dernières années et permis debriser I'invisibiIité des victimes du CMMP. Un recensement récent montre que sur 366personnes exposées connues par Ies associations, 238 sont maIades ou décédées demaIadie Iiée à I'amiante (dont 56 cas de mésothéIiome et 34 cas de cancer broncho-puImonaire).UntiersdesmaIadesrecenséssontdécédés(âgemoyenaumomentdudécès:67ans).

Dans Ies années 1990, PauI Dupeyroux et sa famiIIe ne sont pas au courant de cedrame sanitaire au sein de Ieur viIIe d'origine. IIs ont déménagé dans Ia Nièvre dès Iesannées1960.VirginieDupeyrouxI'expIiquedansIeIivre,c'estIàqu'iIssubirontdepIeinfouetIes conséquences différées de Ieur propre contamination par I'amiante du CMMP, sanspouvoir désigner Ia source de Ieur exposition à I'amiante. II faudra un épisode récent de IamobiIisation du CoIIectif des Riverains et Victimes du CMMP pour que I'information Ieurparvienne par voie de presse aIors que Ia maIadie de PauI se déveIoppe. Je Iaisse bien sûrVirginie vous révéIer I'ampIeur du drame jusqu'au décès de PauI. Ayant pris contact avecGérardetNicoIeVoide,VirginierejointIeCoIIectifdesRiverainsetVictimesetBanAsbestosFrance en 2015. Je Ia rencontrerai au cours d'une réunion pubIique d'information à AuInay-sous-Bois au printemps 2016. Au cours de cette réunion, avec courage et dignité, eIIetémoigne de ce qu'eIIe et sa famiIIe viennent de vivre. C'est aIors que s'est nouée entre eIIeet nous, une amitié profonde et Ie désir de continuer ensembIe cette Iutte sans fin pour queIa justice pénaIe reconnaisse enfin que Ies crimes industrieIs doivent être sanctionnés, qu'iIs'agisse des industrieIs responsabIes de Ia catastrophe sanitaire de I'amiante ou ceux quiperpétuent avec d'autres substances morteIIes une épidémie de cancer qui ne cesse decroître.

 

LeIivreestunrécitvibrantd'amourentreunpèreetsafiIIe,vibrantaussid'indignation devant des négIigences médicaIes qui témoignent de I'absence de respect desoignants vis-à-vis des maIades et de Ieur famiIIe. Ce récit permet de comprendre toutd'abordIaréaIitédudramequisenoueautourdecetteatteinteterribIe,maisaussidecequeveutdireêtrefaceàdessoignantsqui,n'assumantpasI'annoncedeIamortàbouttouchant,Iaissent Ie soin au patient et à Ia famiIIe de comprendre par eux-mêmes et sans assistancecequisejoue.UnmédecindefamiIIeaaccompagnécommeiIIepouvaitPauIDupeyrouxetsafamiIIe.Enrevanche,devantI'inéIuctabIe,IesspéciaIisteshospitaIierssesontdésengagés des soins nécessaires d'une fin de vie terribIement éprouvante. IIs ont même,parnégIigence,accéIéréIafin,puisquePauI,terribIementaffaibIiparsonmésothéIiome,estmort à I'hôpitaI d'une infection nosocomiaIe (c'est-à-dire provoquée par I'hôpitaI). La justicefrançaise ne condamnera ni I'industrieI responsabIe de Ia contamination par I'amiante dePauI et sa famiIIe, ni Ies médecins dont iIs ont subi une des pires formes de maItraitancemédicaIe,ceIIeàIaqueIIejesuistentéededonnerIenomd'indifférencecoupabIe.

PuisseceIivre,commeuncrid'aIarme,fairecomprendreàceuxquinousgouvernent,àceuxquinoussoignentetàceuxquinousjugent,queIecancernenaîtjamaisduhasard.LescancérogènesqueIsqu'iIssoientdoiventêtreinterdits.LesindustrieIsqui,enpIeine connaissance de cause, en maintiennent I'usage doivent être condamnés, commedoiventI'êtreIesmédecinsquinerespectentpasIeurdevoirpremierd'assistanceetd'accompagnement auprès des victimes, surtout Iorsqu'iI s'agit d'une des pires atteintes queI'amianteaitétécapabIe deprovoquer.

Annie Thébaud-MonyPrésidentedeI'associationHenriPézeratSanté – TravaiI – Environnementwww.asso-henri-pezerat.org

Porte-paroIedeBanAsbestosFrance

 

www.ban-asbestos-france.com

 

 

 

Fontenay-sous-Bois,juiIIet2017

 

HAUTLESCŒURS!

 

 

24 décembre2013

 

 

Pierre Desproges et Michel Audiard étaient des connaisseurs en matière de connerie.Uneautre évocationdelaconnerie me revient:

Un ministre de De Gaulle : «Il faudrait tuer tous les cons ».Réponsedel’intéressé :« Vasteprogramme».

N’ayantjamaisété desonbord,jesuisà l’aisepourdirequelaréponse,siellen’estpassanshumour,est implacabledebonsens et delucidité.

C’était vers 1960. Cinquante ans plus loin, force est de constater que ces sapiens−sapiensprolifèrent infiniment plus vite que les autres (moins fort nombreux, il faut le préciser),s’adaptant au temps et aux choses avec une ténacité qui force le respect et l’admiration, çava desoi.

Notre petite terre est en évolution permanente depuis qu’elle existe. Tout change sauf cettelèpreliéeà notreespèce.

Pourvuqueçanetournepasmicrobien!

Bisesàvousdeux,hautlescœurs,onlesemmerde!

 

 

Paul

 

 

 

 

 

 

 

Dontacte.

 

 

Virginie

 

AMOUR,CERISES,MISTRALSGAGNANTS

 

 

Virginie

Ce que je sais de Toi… Tellement et trop peu. Paul, mon Père, mon double, ou ne serais−jeplutôt le tien. Je suis si fière d’être ta fille, unique. Née en 1973 après, je le sais, mûreréflexion.Huit annéesaprès ton mariageavecJosy, maMère.

C’était en 1965, quatre ans après ton arrivée dans la Nièvre. Cadet de cinq enfants, tu es leseul à avoir vu le jour à Aulnay−sous−Bois, en juillet 1942, quand tes parents, Simone etMaurice, ont quitté le treizième arrondissement parisien pour aller respirer l’air de ce quiétaitencore àpeuprèslacampagne.

Tes souvenirs d’enfance ont le goût des roudoudous, de ta volière, dans le petit pavillonfamilial au 8 de la rue Pollet. Il y a les fermes alentour, avec les chevaux et tout ce qu’il faut,les chiens à la maison, la chaleur d’un foyer prolétaire, tenu et paisible, la valeur du travail. Ily a le foot à Villeparisis et puis tous lescopains, Ahmed, Tony,Daniel et les autres ; lesbandes rivales et les jeux de gamins qui parfois tournent court ; Gaston ton frère, qui a onzeansdeplusquetoi,quitegâte, toilepetitdernierqu’ilaimetant.EtBrassens,déjà.

Puis le lycée pro Saint−Lambert, aux Pavillons−sous−Bois, où tu apprendras ton métier decarreleur marbrier,mosaïste.D’âtrierégalement. Ouvrierhautementqualifié.

Tu arrives à Bulcy en 1961, village voisin de La Charité−Sur−Loire, dans le département deseauxvives.Lesainésontquittélafamilledepuislongtemps.C’esttoiquiaiderastesparentsà réhabiliter la nouvelle maison familiale. Ils ont choisi la Nièvre pour de multiples raisons.Maurice est malade, son cœur et ses poumons vont mal. Et, de fait, il s’y endormira pourtoujours,commeleditl’expression,enjuin1965,troissemainesavant quetunetemaries.

C’estun mariage d’amour. Tun’aurasplus dès lors que l’objectifde veiller sur Josy,mafuturemaman, àlasanté fragile,etsurSimone,àquituressemblestant.

Lorsquejepointemonnez,c’est,jelesais,lecoupdefoudre.Ilseraréciproque.Tusouhaitais une fille, pour lui éviter le service militaire. Tuseras exaucé. Je suis ton clone auféminin. Comme toi j’aime Plougrescant, ses galets, et le vent. Les animaux aussi ; je meméfie des humains. Pour Josyet moi, tu construiras un petit paradis, avec une grandemaison, une pièce d’eau, et les habitants qui vont avec : poules, canards, oiseaux, oies etmême dindons, Stanislas notre vieil épagneul et Domino, le poney Shetland au passé difficile.Viendra ensuite Dalton, à qui l’on évitera une triste fin à la boucherie. Un braque allemandabandonné par des beaufs de voisins, d’autres épagneuls aimés et bichonnés. Les Milandes,nom emprunté au domaine de Joséphine Baker, regorgent d’arbres, de fruits, de fleursmulticolores,de rocailles,de cascades et debassins.

Tu travailles comme un fou. Et moi, dès mon plus jeune âge, je préfère t’accompagner sur leschantiersqued’allerm’ennuyeràfairelasiestel’après−midiàl’écolematernelle.Ladirectrice est d’accord, je ne suis d’après elle qu’une asociale et une contestataire ! On ne ledevientpassansraison:ilsuffitd’ouvrirlesyeuxsurlemondealentour,etcemêmedès

 

l’âge de trois ans. Le premier jour d’école, constatant avec dépit qu’on ne m’apprenait ni àlire ni à écrire, mais à dormir en rang d’oignons après des jeux abêtissants, je me suis enfuie.Sur les chantiers avec toi, je suis bien. Je marche sur les plateaux, fais tremper la terre cuite,je te regarde monter les jambages, les linteaux. Tu es là, tout va bien. Le Tribunal desFlagrants Délires résonne dans le poste, avec le procureur général Desproges à la barre. Undélice.

1978. Grand−mère Simone est morte. Mésothéliome − cancer de la plèvre. Comment celaest−il possible ? Son départ est le premier drame de ma jeune vie. Elle était une grand−mèreadorable, qui m’aimait tendrement. Je le lui rendais bien. Ton chagrin a failli t’abattre. Etpuis,tu t’esrelevé.Pourmoi, pournous.Sans comprendrece quiluiétaitarrivé.

C’est plus tard, au milieu des années 1990, que tu as entendu parler de l’origine de ce cancerdans la fibre assassine, grâce à la médiatisation d’Henri Pézerat. Sans comprendre, cette fois,oùelle avait peularespirer.

Aprèslapeine,leslarmes,letravailarepris.Ferrataétouffélespleurs.Ilyaeulesaléasdela vie. Ses joies, aussi. Nous n’aimons pas les conventions, les ‘’apéritifs dinatoires’’. On éviteles galipettes sociales telles les mariages et les anniversaires, sauf quand le concerné est unvrai copain, et en comité restreint. J’ai le souvenir d’un que nous n’avons pu éviter, dans leseizième arrondissement. Nous avons fini tous les deux dans la piscine que le restaurantsurplombait, histoire que le temps passe plus vite. Tu préfères la cotte blanche ou le jean ausmoking, qui te va lui aussi comme un gant. On ne marche pas dans la mode, parce que ‘’çaéclabousse’’.

L’été, c’est le camping sauvage en Bretagne, sur la digue de Poul Stripo. À son interdiction, lecamping réglementé, dont nous nous sauvons vite, qu’est−ce que nous foutons là ? Quand tuastropdetravail,jepassemesvacancesenVendéechezRolandtongrandfrère.Ilm’apprendraPierreDac,lejazz,Vian,Hemingway,PearlBuck,lesFrèresJacques,lesBranquignols,desheuresàécouterPorgy&Bess…

Tu es si viscéralement humain, dans le bon sens du terme. Lucide sur l’homme en général ;malgré les ballots qui ont croisé ton chemin, tu n’en as jamais voulu à personne. Ton travailestappréciéetreconnu.Si,pardon,tuenasvouluàunseulhommedanstavie :Trameconne (je sais, il n’est pas gâté), un type avec lequel tu avais entamé une reconversiondans la restauration, physiquement fatigué par ton métier usant. L’escroc bien connu àNevers, et sa banque complice, avaient falsifié le nombre de parts de la société. Nous avonsfaillitoutperdre,lamaison etcequetu avaisdurementgagné.

Tu es parti travailler loin. De Lille à Marseille en passant par Le Havre, puis à l’étranger. Josyet moi avons géré tout ce temps les Milandes, et avons appris à nous débrouiller seules. Ceflibustier t’aura finalement permis de gagner ta vie bien mieux encore, et de connaître laPolynésie française, l’Allemagne, l’Angleterre, le Danemark et tant d’autres pays. Tu as revul’Algérie, pays qui t’est très cher, où l’armée française t’avait fait l’affront de t’envoyercommetantd’autres,àlafindeshostilités,commel’ondisaitalors.L’arméeettoin’étiezpas très copains : « Des comme vous, j’m’en fais un tous les matins », t’avait dit un jour unstupideetfiergradé.«C’estleplusbeaucomplimentquel’onm’aitfaitendixmoisde

 

service militaire », lui avais−tu répondu. Sur ton livret de l’époque, tu arbores un sourirenarquois. Tu es revenu à la vie civile déphasé, manquant de tout repère, ne sachant plust’exprimer sans jurer. Tu te revois gare de Lyon assis avec les autres appelés : « Les passantsnous regardaient comme des assassins, alors que nous n’avions rien demandé ». Tu n’asjamaispardonnécetoutrageàl’étatfrançais.Ettousles19mars,dateducessez−le−feu,c’estsacré : pas de travail. Quelque amitiés naquirent de ces mois où tu as fortement songé ausuicide;avec des déserteurs,avec des insoumiscomme toi.

Au boulot, dans tous les coins du monde, tu as rencontré des gens bien, des abrutis finis, desvantards, des personnes de parole aussi. Le travail doit être parfait, toujours, quitte à tetorturerlatêtenuitetjourquandtuassoustaresponsabilitédesincompétentsnotoires,des gars qui ne paient pas les notes d’hôtel, des loulous professionnels du retard. Tu gères.Comme toujours.

TonretourdeTahiti,souvenirenchanteur.Avectoncuirettonchapeau,l’amiquim’accompagne à l’aéroport pour t’accueillir me dit : « Ton père, c’est Indiana Jones ! ». Enplus petit, et en plus beau. Des îles aux eaux turquoise tu rapportes deux tatouages, untahitien,unmarquisien.Tuaspeinépourlesavoir.Les« frani »sontengénéralmalconsidérés, et il y a de quoi au vu de leur comportement, souvent encore empreint dementalité colonialiste, qui tourne bobo de nos jours. Par le respect que tu as témoigné auxpersonnes et aux lieux, comme partout où tu t’es rendu, tu as su te faire apprécier par lamajorité. Dans tes bagages, du sable, quelques pierres, du monoï, des perles pour tes deuxfemmes. Nous prenons un train de nuit bondé, atterrissons dans le wagon courrier. Une nuitéternelle,remplie derires,d’atolls, desable blanc,noir et d’étoiles.

À l’heure de ta retraite, me voilà devenue prof d’anglais. Un intrus s’est déclaré en moi : larectocolite hémorragique. Elle a failli m’emporter en 2002. Un supplice. J’ai perdu beaucoupde poids, je ne pouvais plus ni boire ni manger. Et aucun médicament n’y faisait. Alors,malgré un mariage sans nuages, tu as dit à Josy qui si je devais m’en aller, tu me suivrais. Tul’aurais fait. La mort n’a pas voulu de moi. Alors nous avons gaiement repris le chemin de lavie. Il n’y a pas de tabou entre nous. Souviens−toi de ce film avec Sylvain Joubert. La mêmehistoire que dans Des Souris et des Hommes ; le grand frère, malade, qui demande à soncadetdel’aideràmourir,etquis’exécuteparamour.Jesuistrèsjeuneàl’époque,maisnous l’évoquons sans gêne. S’aider mutuellement à partir si l’un de nous en a un jour besoin.C’estenregistré.Tu asfaillilefaire,pourmoi.C’étaitmoinsdeux.Jetel’avaisdemandé.

Grâce à toi, j’ai réalisé une grande partie de mes rêves. J’ai voyagé, j’ai rencontré MichaelJackson, j’ai vu trois de ses tournées mondiales dans l’Europe entière. Tu ne partages pas mapassion pour son art mais tu la comprends, et tu m’encourages à faire ce que mon cœur medicte. La vie est belle, et c’est maintenant à mon tour de prendre soin de toi, de vous. Alorsnous retrouvons Plougrescant. Et tu auras ce dont tu rêves, un petit Bénéteau pour aller à lapêche en mer. Tu aimes Sébastien, qui partage ma vie depuis quelques années, comme tonfils. Nous avons notre maison, notre vie. Jamais loin de vous. Six kilomètres à peine. Tuconnais les amis, les copains. Tu prends soin de tes pierres, de ton ruisseau, tu t’essaies aujardin et à la menuiserie. Tu dévores des bouquins par dizaines. Fallet, Aymé et Blondin sontnoslecturesfavorites.IlyaAlexandreMariusJacob,ClémentDuvaletLouiseMichel.J’ailu

 

Eugène Humbert, il en fallait peu pour me convaincre de toute façon ; je ne ferai pasd’enfant. Le monde est surpeuplé, dégueulasse. Et des gosses il y en a, malheureusement,pleinlesorphelinats…

On parle politique, littérature, peinture, musique autour d’un kir breton. Tu bricoles avecSébastien. On va voir Johnny Clegg que tu écoutes depuis si longtemps. Mandela n’est jamaisloin. Il y a Renaud aussi. On connaît tout par coeur. On soutient Leonard Peltier à notre petitniveau ; comme le colibri au moins, on aura fait notre part, dixit Monsieur Pierre Rabhi. Onsurvit,malgrélesaffreux,malgrécetteplanètequicourtàsaperte,malgréleracisme,malgré les fachos, malgré les guerres environnantes, les génocides, les intégrismes, malgré labêtise globalisée, qui nous révoltent tous les jours. Malgré les copains qui s’en vont, les deuxClaude, Omar, Ahmed... La vierestera belle, malgré tout illefaut.

Nous sommes ensemble. Nous avons de la chance et nous en sommes conscients. Nous nouscontentons de peu et sommes heureux ainsi. De l’air marin de temps en temps, l’amitié des‘’comme nous’’, une vie paisible, sereine. Nous ne demandons pas grand−chose. Nous nedemandions rien…

 

 

UNESAISONBLANCHEETSÈCHE

(AndréBrinks)

 

 

 

Virginie

Mercredi4juin2014

 

Commetouslesmoisvoiretouslesquinzejoursdepuispresquetroisans,jevoisaujourd’huiAnita,mon infirmière psy.

 

J’ai passé sept années dans un établissement scolaire qui ne déparerait pas dans Vol au−dessus d’un nid de coucou. Les élèves ne sont pas la cause de mon mal−être, mais lemicrocosme enseignant dans lequel j’ai dû évoluer et auquel j’ai refusé de m’adapter. Septlongues années durant, j’ai dû côtoyer un personnage peu recommandable, professeur deson état, aussi raciste que misogyne, viré de l’éducation nationale puis réintégré après unecoucherie avec une élève. Sous prétexte de pouvoir mieux le surveiller, on lui a donné tousles petits pouvoirs dans ma précédente affectation. La plupart de mes ex−collègues luiléchaientallègrementlesbottes.Jefaisaispartied’unepetitepoignéed’irréductibles.Entre cette situation que la majorité semble trouver normale et mes crises de rectocolitehémorragique, auxquelles je peux ajouter une agression physique majeure, j’ai dû jeterl’éponge.

 

Je suis toujours professeur d’anglais, mais je travaille maintenant à distance. J’ai appris àcréerdescoursnumériques.Cenouveaumétiermepassionne.J’aienfinl’agréableimpressiond’êtreutileàquelquechose,etjetravailleentoutesérénité.Pouryparvenir,ce fut un long chemin. Il a fallu que mes grands patrons comprennent la situation médicalequiestlamienne: ingérable.

 

Grâce à notre ancien président Sarkozy, je ne bénéficie pas du réemploi définitif ; il asupprimé cette mesure dès son intronisation en mai 2007. Désormais, les profs dans masituation doivent passer une année en poste éventuellement renouvelable deux fois avantd’espérer, éventuellement encore, un poste adapté longue durée de quatre ans, qui luiaussipeut être prolongé.

 

Je termine ma seconde année scolaire. Et vais devoir, dans quelques mois, affronter despersonnesquiferontleurpossiblepourmefaireréintégrerunposteclassique.Cequejenepeuxplusassumer.

 

En décembre 2010, mon grand−père maternel a quitté ce monde. Suivi, deux ans plus tard,de ma grand−mère, maternelle également. Ma mère n’a pas assisté à l’enterrement de sapropre maman. Pour éviter ses collatéraux, des intéressés, dépourvus de sentiments. Undécès subit, après trois jours passés à l’hôpital de Cosne−sur−Loire. Nous n’avons pas étéprévenus.C’estuneinfirmièredésoléequil’apprendtrente−sixheuresplustardàJosy,

 

alorsqu’elleappellepourprendredesnouvelles.Nousn’étionspassurlalistedespersonnes à contacter. Ce sont les autres qui, pour une fois, se sont occupés de leurmaman. Ces tristes sires ont très vite eu recours à une notaire peu scrupuleuse, qui a signéun document à la place de Josy, pour clore la succession. Nous allons commencer unebataille judiciaire. Non pour les quelques biens que mes grands−parents laissent derrièreeux après une vie de dur labeur, mais pour qu’un peu de justice remettre ces gens à leurplace.

 

Cela a rendu Josy malade. Noël 2013 : un furieux vertige l’envahit. En cinq mois, elle vaperdredix kilos. Ellenepeut plus avoiraucuneactivité. C’esttoi,Paul,mon père, quiprends soin d’elle, et qui effectue toutes les tâches de la vie quotidienne. Tu es la forceincarnée. Tant physique que morale. Tu as subi trois opérations du genou, la ‘’maladie’’ descarreleurs. À cela près, tu vas bien. Tu as longtemps été un fumeur moyen, mais tu as toutstoppénetdébut2009,au cours de l’un denosséjours bretons.

 

Après un passage aussi catastrophique que lamentable dans le service ORL de l’hôpitallocal,noustrouvonsenfinunesolutionenlapersonned’unkinéspécialisédanslesvertiges,deMénièreetpositionnels.Delongsmoisderééducation.Et,enfin,desrésultats.

 

Sébastien, qui partage ma vie depuis douze ans, vient d’être opéré à Clermont−Ferrand, endeux étapes, d’un calcul rénal mal placé. La bêcheuse qui nous avait reçus ici, à Nevers, enclinique,avait été aussi expéditive que peu avenante.

 

Au milieu du lot, je sors d’une énième crise de rectocolite. J’ai pu tenir debout cette fois.Manger un petit peu. Elle n’a duré ‘’que’’ dix jours. À ma grande fierté, j’ai été en mesuredecontinuer à assurer mesfonctionspédagogiques.

 

Nous sommes, pensons−nous, à la fin d’une très longue mauvaise passe. La vie va noussourire à nouveau. Nous règlerons leur compte aux nuls de lafamille via la justice. L’étéapproche, avec au bout LA récompense : quelques semaines à Plougrescant, avec notrepetit Cabochard de bateau. L’air marin, la pêche en mer, loin du monde. Avec nos chiens,deslivresdanslesbagages,etlaperspectivedecettepaixretrouvéenousramèneàlavie.

 

Mardi 10juin 2014

 

C’est la dernière séance de Josy chez le kiné. Terminé les manœuvres qu’elle appréhendetant, qu’elle a toute affrontées, et qui ont fini par faire cesser ses tourments. On nous parlede sessions de maintien éventuelles, mais rien n’est sûr. Je suis admirative, elle a réussi àretrouver la stabilité. Elle commence à remettre le nez dehors. Elle ne conduit pas encore.Jesaisqu’elles’ensortira.

 

Jeudi12juin2014

 

Toi et moi nous rendons chez notre médecin de famille. C’est un type aussi sympa quecompétent. Nous le connaissons depuis quelques années, depuis que nous avons laissétomber ‘’monsieur sept minutes top chrono’’. Notre nouveau ‘’Doc’’, comme on l’appelleamicalement,travailledanslapériphérieprochedeNevers.Vousvousêtestouslesdeux

 

rapidement liés d’amitié.LeDocteur Darmoungarest d’originemarocaine. Ilconnaîtunpeu l’Algérie. Tu lui as prêté quelques livres sur ce pays quevous aimez tous les deux.Notre ‘’Doc’’ respire l’humanité, la gentillesse. C’est un excellent médecin. Lui seul a su metrouverlemédicamentquiallègemessouffrances,etespacelescrisesdemanièresignificative.Avantlui,pasungastro−entérologue n’yavait pensé.

 

Aujourd’hui, tu t’es décidé à lui faire part de douleurs sur le côté droit, vers les côtes. Celate fait « comme un point de côté ». Tu penses t’être fêlé une côte. Cela dure depuis un bonmois. Mais tu n’es pas du genre à aller embêter notre médecin pour une douleur. D’où lefait de remettre,depuisquelquestemps,lerendez−vous.

 

À l’auscultation, le Docteur Darmoungar penche pour un souci pulmonaire. Le poumondroitnesonnepas creux.Pleurésie?Il fautaller passeruneradio.

 

Inquiets, nous rentrons tous les deux chez moi. Nous discutons en prenant un thé, commec’est notre habitude. Il ne manquait plus que ça au programme. On va aller vérifier au plusvite. Il y a eu cet état grippal qui a duré des semaines, en février et mars. Nous y sommespassés tous les quatre. Cela a été particulièrement virulent. D’où, en déduisons−nous, cesséquelles,cettepleurésie. Nous n’yvoyons pas d’autrecause.

 

En attendant, Tahiti est de retour dans notre tête à tête. Ce jardin merveilleux surtout, quiressembleàunparadisterrestre.Desbananiersgéants,desfougères,desfrangipaniers,desorchidées,descocotiers,despandanus,desfleursdetiaré.Millesenteurs,leslagons,et la pension de famille qui t’a accueilli il y a quelques années. Nous irons ensemble visitercet éden. Nous en rêvons depuis longtemps. En secret, j’économise pour, et je scrute lesprixdesvols réguliers.

 

Mercredi18juin2014

 

La Bretagne se précise. Nous partons du 12 au 26 juillet. Tout est prévu depuis longtemps.Tout le monde a besoin de se changer la tête et toi, en particulier, tu attends avec uneimpatience non dissimulée de retrouver la côte de granit rose et la mer bleu roi. Je ne saispassicelanoussuffirapoureffaceruneannéedestressintense,généréepardesabrutis.

« On choisit ses copains, mais rarement sa famille », Renaud a bien raison. J’ai la chanced’avoirdesparentsenoretSébastien.Denombreuxmembresdela‘’famille’’sontpassésàla trappedepuis longtemps.

 

Nousallons,ensemble,fairenosprisesdesang.Montauxdeferremonteunpeu.Trèsbien. Mais la tienne surtout me préoccupe. Rien d'anormal dans tes analyses si ce n'est unepetite inflammation.Galère pour avoir le résultat.L’envoi parmailnefonctionne pas.Coups de fil croisés, on y passe la journée avant de finalement retourner en centre−villechercher le tant attendubilansanguin. Ilfait chaud.

 

Jeudi19juin2014

 

J’airendez−vous avecmon psychiatreà seize heures. Jeprends toujours plaisir à discuteravecleDocteurJoly.C’estunhommeérudit,àl’humourbientranchant.Ilasumecerner

 

dèsnotrepremierentretien,ilyabientôttroisans.Entroisquestions.

«Étiez−vousuneenfantsociable?

−Non. Je n’aimais guère mes congénères. Je préférais me trouver en compagnie desadultes.Lesjeuxdesgaminsdemonâgemesemblaientpuérils.J’avaisenvied’apprendre,très vite, à lire età écrire.

− J’aidéjàlaréponseàmasecondequestion:aviez−vousenvied’apprendre…

−Je n’attendais que ça. Or, à la maternelle, il n’en était pas question quand je suisarrivée. Le premier jour, quand ils m’ont fait faire la sieste avec les autres… » (vousconnaissezlasuite!)

− OK.Dernièrequestion:aviez−vousdel’admirationpourvosmaîtres?

−Dès le CP, oui. Je leur étais d’une reconnaissance infinie. Enfin on accédait à mademande !»

Le Docteur Joly en a déduit un caractère indépendant et des qualités intellectuelles à mefaireenfler les chevilles.

 

Aujourd’hui, nous abordonsla fin des ennuis desantéde Josy.Jelui donnel’adressedukiné salvateur, que nombre de patients viennent consulter de très loin. Une bonne adressepeuttoujoursservir.

Je ne lui parle pas de la pleurésie te concernant. L’affaire sera, nous le pensons, classéesouspeu.

 

Lundi23juin2014

 

La radiographie passée à la clinique en fin de matinée révèle effectivement du liquide dansle poumon droit. Cela peut être infectieux, tuberculeux ou autre chose que je préfère nepasnommer.Voilàtous lesrenseignements obtenus.

 

Certaines chosesnousfontespérer:notamment,lepoumongauchen'arien.

 

Retour chez notre médecin de famille, qui prescrit des antibiotiques pendant dix jours. Tusensque« çasebatàl'intérieur »,que« çachauffe ».Signequelesantibiotiquesagissent ?C'esttoutcequej'espère. Car j'aitrès peur.

 

LeDocteurDarmoungartrouveleradiologueassez« léger ».Unscannerauraiteffectivement dû être passé sur−le−champ. De plus, le compte rendu de la radiographie neluiapporteaucuneprécision dignedecenom.

 

Il prend les choses en main. Un scanner est prévu pour le 7 juillet. Pas de place avant. Ilsauraient pu te le faire passer aujourd’hui. Nous aurions gagné du temps. Mais non. Il fautpatienterdeuxsemaines. Je nesuispas tranquille.

 

JepenseappelerlesgensquinouslouentunemaisonenBretagnepourannulerlesvacances.J’attendsencoreunpeu,jusqu’aurésultatduscanner.Tuseraistrop déçu.

 

Josy reprend tout juste la conduite, et voilà que les emmerdements recommencent.Attendrem’esttrèsdifficile.J’aibeaucoupdeboulotpourm’occuper.Heureusement.L’anxiétéme gagne. Le 7juillet semble si loin.

 

Mercredi25juin2014

 

Simone, ma grand−mère paternelle, est décédée il y a 36 ans aujourd’hui, d’un cancer de laplèvre.Je détestecette date.

 

L’attentequenousvivonsramènetoutàlasurface.

 

Nous n’avons jamais compris comment elle avait pu développer cette saleté, où elle avaitétécontaminéeparl’amiante.Tombéemaladeenaoût1977,elleaurasurvécudixmois.

 

On nous l’a enlevée trop tôt. Si elle avait vécu, notre vie entière aurait été transformée,pour le meilleur. Elle prévoyait de vendre sa maison, et d’installer un chalet sur le terrainque vous veniez d’acquérir, Josy et toi − où sont érigées depuis 1980 nos Milandes. Nousaurions vécu ensemble, chacun gardant son indépendance. J’aurais continué à me coller àelle,àrespirersonamour.Celaauraitchangé tantdechoses,troplonguesàexpliquer.

SiSimoneavaitvécu…

 

Il a fallu que Michael Jackson, mon rêve de gosse devenu réalité, se tire lui aussi à cettemêmedate. Je haisle25 juin.

 

J’ailemoral enberne.

 

Jeudi26juin2014

 

D., le magnétiseur que nous connaissons depuis douze ans, commence aujourd’hui unesérie de trois soins sur toi. Nous avons eu des résultats auparavant. Te concernant, il ditqu’il ne ressent rien de grave ; ce sont les suites de l’état grippal de cet hiver. Le croire merassure.

 

Quelleannéepourrie.

 

Tu dis avoir la sensation de mieux respirer. J'espère donc que les antibiotiques font effet,quel’histoirevas’arrêterlà.

 

Vendredi27juin2014

 

Riendenouveaudepuishier...Nousattendons.

D. est toujours optimiste. Je bosse pour m’occuper la tête. Je suis bientôt en vacances,maisle travailn’estpasterminé.Je continue.

 

Samedi28juin2014

 

Unaccidentnonloindecheznous.Plusdelivebox,suisauchômagetechnique.

D. a fini ses soins. D’après lui, tout ira bien. J’espère qu’il ne se plante pas. Ma confiance enluis’est franchement émoussée ces dernières années.

 

Dimanche29juin2014

 

Tuvaquesàtesoccupations.Mevoilàvaguementrassurée.

 

Lundi30juin2014

 

Il y a du mieux par moments, d’autres sont plus difficiles dans la journée. J'espère que letraitementfaitbieneffet.

Jevoudraisêtreunesemaineplusvieille.Toutcelamestresseauplushautpoint.

 

Je n’ai plus la tête au boulot. Je ne pense plus qu’au scanner. Je bois café sur café. Je gardeenpermanencemaclopeélectronique.J’ailecœurprisdansunétau.Macolonnevertébralen’estguèreenmeilleur état.

 

Mardi1erjuillet2014

 

Sébastien doit terminer sa semaine. J’ai hâte qu’il soit en vacances. Quand je suis seule à lamaison,j’angoisseterriblement.Je bois,toujours, deslitresdecafé.

 

Mercredi2juillet2014

 

Jevois aujourd’huiAnita,mon infirmièrepsy, àtreizeheures.J’aibeaucoupdechoses à luiraconter.L’inquiétudemeronge. Et jesuis impuissante.

 

Jeudi3juillet2014

 

J−4.Jehaislesémissionstélépourménagèresdemoinsdecinquanteans,quimeregardent cet après−midi. Il faut que je te voie. Comme tous les jours que Dieu fait. Tu es lasourcedans laquellejepuisetoutici−bas.Depuistoujours.

 

Vendredi4juillet2014

 

Dernière prise d’antibiotiques ce soir. Mais la douleur est toujours là.Tu es fatigué ettumanques desoufle parmoments.

Noussommesanxieux.

 

Les mots d’Aki me réchauffent le cœur. Aki et moi sommes nées le même jour de 1973. Elleest japonaise. Nous nous écrivons depuis nos seize ans. Nous sommes un peu jumelles, parbien des aspects. Josy et toi l’avez rencontrée. C’est un peu votre seconde fille. Le 7 juillet,c’est le Festival des Étoiles eu Japon. Comme en France au mois d’août, voir des étoilesfilantes est supposé porter bonheur. Aki va scruter le ciel pour son French Dad. Je prometsde lui donner le résultat du scanner dès que nous serons rentrés, dans trois jours. Elle aussiestinquiète.

 

J’écris aux propriétaires de la maison que nous louons en Bretagne. Je leur explique notreincertitude.Cesontdespersonnescompréhensives.Mêmesilerésultatserévélaitrassurant,nousavonseutropd’émotions,ilmesemble,pourenvisagersereinementce

 

voyage.Noussommesàbout.

 

Mon dos n’est qu’une douleur. Josy a eu des vertiges à nouveau. Pas comme avant, mais ilfautles gérer.

 

Aujourd’huiàAlbi,uneenseignanteaététuéeparunemèred’élève.Lefaitdiversn’obtient pas, à mon sens, la place qu’il mérite dans les médias. On minimise. Sa famille,elle,nedoitpasêtredu mêmeavisqu’eux.

 

Samedi5juillet2014

 

Lesamedi,rienàattendre.Pasplusquelesjoursprécédents.

 

Dimanche6juillet2014

 

Etquediredudimanche?

 

Lundi7juillet2014

 

Je passe te chercher de bonne heure. Nous avons rendez−vous tôt à la clinique. J’ai la gorgenouée. Une amie vient nous rejoindre sur place. Comme à son habitude, elle ressemble àun sapin de Noël. C’est une institutrice proche de la retraite. Gentille, mais casse bonbons.J’écoute ses inepties sur sa relation débilitante avec un type qui se fiche d’elle depuis desannées,qu’elleaimeàencrever.Lesvacancessontlà,ellevacommenceràs’ennuyer.

 

Quand enfin ton tour arrive, je ne lui réponds plus que par instinct. Ses histoires, je m’enfous. Son intention est louable, mais cela fait presque un mois déjà que nous vivons dans lacrainte.Lerésultatva tomber.

 

Nousnesommespasbeaucoupplusavancésaprèslescanner.

Iln'yapasd’évolutionpositiveaprèsletraitementparantibiotiques.Lemédecint’ademandé si tu avais été exposé à l’amiante au cours de ta carrière. Tu l’as été en de rares,trèsraresoccasions,etjamaisenmilieufermé−quelgarsdubâtimentn’yapaseuaffaire?

De fait, l’examen ne permet pas de voir grand−chose, puisque le liquide est toujours là. Lescannerrévèledesplaquespleurales.Et,toutenbasducompterendu,onlitceci:

«Amiante ?»

 

Ànotreretour,Josyestsidérée.«Tun’aspascompris?»,medit−elle,avantdes’effondrer,alors quetu appelles leDocteurDarmoungar.J’aibien peur d’avoir compris,moiaussi.Maisnousnesommessûrsderien.

 

Nous nous rendrons chez le Docteur Darmoungar à dix−sept heures. Lui y verra peut−êtreplus clair. Il va prendre un rendez−vous rapide, a−t−il dit, avec un pneumologue, qui devraitretirerle liquide etl'analyser. Un traitement seraensuite établi.

 

Jeviensd'annulernosvacances.

 

Je ne veux pas entendre parler de ce mot de six lettres commençant par un ‘’c’’. Il mehante.

Je me rassure en pensant à ta prise de sang. Certes, il y a cette petite inflammation. Mais jemedisquetesglobules blancsauraientaugmenté,si…

 

Le Docteur Darmoungar se montre très inquiet. Il nous reçoit une heure et demie. Nousexpliquetout.Ilcraintunmésothéliome−cancerdelaplèvre−.J’espèrequel’histoirenese répèterapas.Noussommes pétrifiés.

Tu gardes le moral. Rien n’est encore certain. Les causes peuvent être multiples.Tunesemblespasmalade.Pasdutout.

 

Ce soir−là je ne peux rien avaler. Je pleure toutes les larmes de mon corps. Je vous appelletouslesdeux, commetouslessoirsdepuistoujours.

 

La glu de ce matin téléphone à son tireur de cartes favori. La police scientifique le consulteavec des résultats, paraît−il. Ah bon. Il lui prédit pour toi un problème bénin, une petiteopération,suivid’untraitement.Jesuispauméeetjeveuxlecroire.Peut−êtrearriverai−jeàdormirquelquesheures.

 

Non,c’estraté.

 

AuJapon, Akiformulerasaprièreauxétoiles.

 

Mardi8juillet2014

 

Ce matin, tu te lèves de bonne heure et tu vas déposer ton dossier au cabinet de lapneumologue, qui devrait t'hospitaliser dans la journée. C’est, paraît−il, la plus réputée dela région. Le Docteur Darmoungar a prévenu son secrétariat, la veille. Nous attendons.Toutelasaintejournée.Rien.

 

Mercredi9juillet2014

 

C’est ton anniversaire. 72 ans aujourd’hui. Objectivement, n’importe qui t’en donnerait dixouquinzedemoins.

 

Je t’offre l’autobiographie de Winnie Mandela, Un cœur indompté. Nous éprouvons autantd’admirationpourcettegrandecombattantedel’ANCquepourMadiba.Celivret’occuperapendant tonhospitalisation.

 

Leliquidetepèse.Josyetmoiallonsfairequelquesachatsàlapharmacie.Ilpleut.

À notre retour, toujours pas d’appel en vue de ton hospitalisation. Encore une journéemorte.

 

Jeudi10juillet2014

 

Lalongueattenteprendfin.Enfinlecoupdefiltantattendu,cematin.Ilfautserendreàl’hôpitalen débutd’après−midi.

 

Jen’aimepascetendroit.Marie,mabelle−mère,yarendusonderniersoupirenseptembre2007.Uneerreuravaitétécommiseaucoursd’uneopérationtroismoisauparavant,àlaclinique.Nesachantplusquoifaire,lesmédecinsl’avaientenvoyéeàParis,où jamais la ‘’bêtise’’ de Nevers n’apu être rattrapée. De retour danssa ville,hospitalisée, Marie nous a quittés quelques jours plus tard. Elle avait tout pour elle. Elleirradiait de beauté, de bonté, d’amour. Elle avait cinquante et un ans. Et avait acquisrécemmentunelibertéqu’elleavaitlargementméritée.D’unpointdevuetantprofessionnelquepersonnel.

Trois jours avant qu’elle ne s’envole, on nous annonçait son décès. Fausse alerte. De lahautepsychologie.

 

LeDocteurLatourbe,elle, jouit d’une réputation quinous rassure. Tute retrouves dansune chambre double. Auprès de toi, il y a Gilles. Nous nous connaissons, bien que nous nenoussoyonspasvusdepuisdesannées.C’estunmaraîcheràlaretraite.Onluiadiagnostiqué une tumeur cancéreuse au poumon, près du coeur. Le traitement a été unsuccès. La tumeur a régressé. Gilles a besoin de parler. C’est un grand gaillard qui en a tropbavé. Vous êtes sensiblement du même âge. Il est là parce que son médecin généraliste auneinquiétudesuruneanalyse.Leservicelerassuremaislegarde «parprécaution».

 

En fin d’après−midi, nous faisons la connaissance du Docteur Delabarge. C’est un jeunemédecin, qui porte sur son visage la marque du pessimisme. On le connaît de réputation. Ilsoigne de longue date ton ami Christian. Il demande à rester seul à seul avec toi. À sondépart, tu nous décris un médecin fermé, qui se révèle très inquiet si un pronostic lié àl’amiante était confirmé.

 

Nous te laissons dans cet endroit à regret. Ce soir je dors avec Josy. Sébastien est envacances,ilresteraàlamaisonetprendrasoindenosépagneuls.

 

Vendredi11juillet2014

 

LeDocteurLatourbeseprésenteenfin.Elleeffectueuneponctiondanstonpoumondroitet en retire la quasi−totalité du liquide. Le point de ponction te fait mal, mais l’acte en lui−même n’a pas été douloureux. Le liquide a taché ta chemise. Sa couleur n’a pas l’air del’inquiéter.Noussoufflonsunpeu.

Leliquidevaêtreanalysé,ainsiqu’unpetitboutdeplèvrequiaétéprélevé.Tutesens

«soulagé».

 

Ilfautattendre,encore.

 

La chaleur se fait ressentir. Nous t’amenons de quoi manger car tu n’es pas fan, et je lecomprends,delanourritureaseptiséequit’estdonnée.

 

Je retourne dormir aux Milandes. Ma mission : m’occuper des animaux. Je ne veux pas quetusoisinquietàcesujet.Daltonva,commetouslessoirs,réclamersescarottes.Jevaisbienfinirpar faireami−ami avecFélicien−l’unde testroisjars.

 

Samedi12juillet2014

 

Noussommesl’après−midiàl’hôpitalavectoi.Ilnesepasserien.

 

Dimanche13juillet2014

 

Un retour rapide à la maison avant d’aller te voir, à l’hôpital. Un peu de ménage pour moi.Je regarde si Aki m’a écrit. Inquiète, elle m’a laissé un message. Un typhon a fait de grosdégâts dans sarégion.Maistout vabienpourelle.

 

Le temps semble long dans cette chambre. Mais tu sors un peu, vas chercher le journal,prendre un thé. La question toilettes est vite réglée : Gilles et toi sortez tous les deux, pournejamaisvous gêner l’un,l’autre.

Et puis, à notre départ, comme la veille, tu nous accompagnes à la voiture. Ce sont degrands signes jusqu’à ce qu’elle disparaisse de ta vue. Pour le soir, vive le portable. Tusemblesen parfaitesanté. Voilà quicalmeunpeumonangoisse.

 

Lundi14juillet2014

 

Ils se décident enfin à te libérer pour la journée. Rien ne sera fait de plus aujourd’hui, jourférié. Tu as une permission de quelques heures. Il fait beau, et rien n’est plus doux que detebaladerausoleil,de«respirer l’airdudehors».

 

En fin d’après−midi, retour à l’hôpital. Comme moi, comme la plupart des gens il mesemble, cen’estvraimentpastontruc. Maisnous n’avonspaslechoix…

 

Je suis en train de vivre la période la plus anxiogène de ma vie.J’aitout misentre parenthèses.

Mardi15juillet2014

 

L’endoscopie, c’est pour ce matin. C’est le Docteur Latourbe qui la pratique. L’examen estdouloureux.Ellet’annoncen’avoir« rienvudeparticulier ».Ouf !Encourageant.Elleeffectuedesprélèvements.

 

Toncoupdefil me redonnela pêche. Je ramassedes pommesdepin auxMilandes.Comme tous les jours depuis un petit moment, nous irons, Josy et moi, manger chez moi.Dans notre petite famille, Sébastien est passé cuisinier en chef. Nous viendrons aux heuresdevisite cetaprès−midi.

 

Mercredi16juillet2014

 

Seconde permission aujourd’hui. Tu n’as pas d’examen. Il faut y retourner en fin d’après−midi encore. Tu prends l’air,vas voir tes animaux et surveilles ton ruisseau.Il fait si bonêtrederetour chez soi.

 

J’ailagorgeserréedepuisdesjours.Peudesommeil.

J’espère qu’ils ne vont pas trouver ce que l’on craint. Scénario impossible. Improbable,surtout.

 

Nousespéronsqueleliquidenes’estpasreformé.

 

Vendredi, nous aurons les résultats des prélèvements, à ce que l’on t’a dit. Puis ce sera leretour à la maison, après le scanner, obligatoire. Avec quelles nouvelles ? Nous ne voyonsjamais aucun interlocuteur aux heures de visite, mis à part les infirmières, qui n’en saventapparemmentpasplus quenous.

 

À notre retour à l’hôpital, Gilles a quitté les lieux. C’est un papi, handicapé, qui a pris saplace. Il est très gentil. Vous avez des connaissances communes, notamment une anciennecliente de Fourchambault qui tenait un hôtel restaurant. Discuter un peu permet de passerletemps.Maispas troptout demême.

Comme toujours, tu tiens à ton indépendance. Tu vas te réfugier dans un petit salon vitré,au fauteuil déglingué, où tu vas abreuver une plante assoiffée. Tu y lis jusqu’à tard dans lanuit. Il arrive que le personnel te cherche, que tu te fasses vaguement engueuler. Détail.D’autantque le petit papiest bien gentil,mais il a quelques soucis… rectaux.La chambreestsouventirrespirable.

 

Jeudi17juillet2014

 

Tupasseslatomographie(tep−scan)aujourd’hui.C’estlapremièrefoisquej’entendsparlerde cela. Un document que l’on t’a laissé fournit des explications : ce ‘’scanner plus poussé’’permet de mesurer la diffusion de sucre dans les organes et indique ce qui fonctionne mal.Le Docteur Latourbe, que Josy, Sébastien et moi n’avons toujours pas croisée, avoue ne pascomprendre l’origine de ta pleurésie. « Vous êtes une énigme pour moi », te répète−t−elle.La tomographie, dit−elle également, va permettre de déterminer son origine. Elle ajouteque,danscertainscas,onnedécèle pas decauseapparente.

 

L’examen se déroule sur trois heures, dont une heure et demie sans bouger, ni parler. Tudis que tu vas en profiter pour faire une petite sieste. Le plus embêtant, c’est que tu n’aspasmêmeledroitdelirependantletempsdepréparation.

 

Ilyaégalementuneradiopulmonairedeprévue.

 

Ellerévèle,ànouveau,duliquidedanstonpoumon.Tusubisunesecondeponction.Celane te fait pas mal. Deux dans la semaine, voilà qui m’inquiète affreusement. Le DocteurLatourbe a refait des prélèvements qui vont être une fois de plus analysés. Le stress est deretour.À soncomble.

 

Vendredi18juillet2014

 

LeDocteurLatourbepassetevoir.Ellenementionnepaslatomographie.Elleprécise,avant de partir − la méthode ne me plaît guère, d’ailleurs ; c’est du style « Ah, au fait … » −quelesanalysesdetonliquidepleuraletdetabiopsiedelaplèvre(premièreponction)

 

sont négatives. Il me semble que cette annonce était, pour le moins que l’on puisse dire,vitale.Celaveut dire ‘’pas de cancer’’!

 

Elleavanceque,théoriquement,lefacteuramianteestécarté.Elleestdansl’incompréhension, toujours.

 

Pour le moment, elle penche pour l'option suivante : les deux feuillets dont est constituéelaplèvrefrottentetémettentceliquide.S'ils'agitbiendecela,lasolutionestuneopération sous anesthésie générale qui consiste à les talquer, afin de les coller. Il n'y aurait,après une telle intervention, que très peu de cas de récidive. Mais nous n'en sommes pasencorelà.Toutdépenddesautresrésultats.Attente,stressencore,épuisementmoral...

 

À 10h30, tu as passé le scanner prévu. Personne ne t’a donné d’indications à la fin del’examen.

 

Tusorsdel'hôpitalendébutd'après−midi,maisnousn'avonspaslesrésultatsdelatomographie d'hier. Ces résultats vont être décisifs. Le Docteur Latourbe doit appeler dèsqu'ellelesaura en sa possession.

Tunousattendaisprèsdel'ascenseur,motivépourtebarrerrapidement.

 

Arrivé aux Milandes, ton ami Christian t’appelle. Quelle joie de discuter avec lui, au grandair.

 

Voilàoùonenest.

 

Ilfait37degrésaujourd'hui.

 

Samedi19juillet2014

 

De retour chez moi, je donne des nouvelles à Aki.Tesachantàlamaison,j’aimieuxdormicettenuit.

 

36 degrés au thermomètre. Comme au Japon. Je suis heureuse que nous ayons quittél’hôpital. C’était intenable à l’intérieur. De violents orages sont attendus cet après−midi etdurantlanuit.

 

Je n’ai pas la tête à cela, mais j’ai du travail à la maison, que j’ai désertée depuis quelquesjours.

 

Tuasl’airenforme,tuasbonappétit.Tesanalysessanguinessontbonnes.

 

Mais les résultats sont incomplets en l’état. Il faut encore attendre. Le diagnostic n’est pasencorecertain. Nousespéronsêtre contactéslundi.

 

Dimanche20juillet2014

 

Interminableetchaud.Lancinant.

 

Lundi21juillet2014

 

Onattendlesrésultats.J'espèrequ'ilsconfirmerontlesbonnesnouvelles.Sic'estlecas,hospitalisationsouspeupour l'intervention. C'estlong...

 

Jesuisencoretendue,crispée.Jem'occupemaisjen'arriveàmeconcentrersurrien.Chaleur, orage, pluies. Toutestélectrique.

 

Mardi22juillet2014

 

C'est encore l'attente des résultats. Je n'ai goût à rien. Qu’est−ce qu’ils fichent ? Ils l’ont, cecompte rendu.

 

La santé de Josy s’améliore. Elle a entrepris de tailler des arbustes, impensable il y a encorepeudetemps.Toi,tu nedoispas faire trop d'efforts.

 

Mercredi23juillet2014

 

Nous sommes las d’attendre. Josy téléphone au secrétariat de la pneumologue. En résumé,nous devons patienter jusqu’à lundi, jour où tous les spécialistes se réunissent… Soit cinqjoursd’attentesupplémentaire!

Là,ilsémettentleurdiagnostic.Onn'aurapasdenouvellesavantmardi…

 

Pourtant, la majorité des résultats leurs sont parvenus, c'est certain. Ce qui me rend folle.Qu’attendent−ilspournous enfairepart?

 

Jeprendscequ’ilfautpourdormir.Lajournée,lesnerfsàvif,jenefaispasgrand−chose...

 

Jeudi24juillet2014

 

Nousnesortonsguère.L’airestétouffant.

 

Tu dis avoirmoins mal, te sentir mieux. Tu ressens des douleurs aux points deponctions.Tuprendsdu paracétamolpourtesoulager.

 

Puisque nous ne connaissons pas le résultat majeur, l’anxiété s’est installée. Sans pouvoirne rien faire, qu’attendre… Une semaine déjà que nous sommes bloqués. Prisonniers. C’estinvivable.Mesnerfsenontprisuncoup.Quevont−ilsnous dire?

 

Je fouine sur le site du Body Shop. Cela m’occupe un peu. Londres ensemble, c’était top. Cechantier, près du Ritz. Les jamaïcains et leurs pétards − auquel nous ne touchions pas, tousces gars des quatre coins du monde, et Claude. Les boutiques, Saint James’s Park… Bref, lessouvenirs remplissent mon panier. À Victoria, le soir. Puis à Thanet Court. Passé minuit, enregardantlestoitslondoniens,onplongeait dansOliver Twist.

 

Dans une hypothèse positive, j'ai l’intention de vous faire faire un petit tour là−bas, tous lesdeux,enseptembre.Desprojetscommecelui−làm'aidentà tenirmoralement.

 

Vendredi25juillet2014

 

Unesemainequecetexamenestpassé,etmalgrénosdemandes,rien…C’estinsupportable.

 

Samedi26juillet2014

 

Enfin un peu de fraîcheur : 26 degrés seulement. Un peu de pluie est attendue. Nous allonsnouspromenerenforêtavecnos épagneuls.Nousnel’avonspasfaitdepuisuneéternité.

 

Je ne fiche rien en ce moment. J’essaie de m’occuper la tête pour tuer l’attente. Ménage,rangement. J’ai bien essayé dem’avancer sur mon travailde septembre, mais je n’ai pasétécapablede me concentrer sur mes cours numériques.

 

Stanley, mon chien, s’est fait mal à une patte arrière. Il va porter une bande pendant dixjours. Cette simple visite chez la vétérinaire m’a remis le nez dans la normalité de la viequotidienne, et je mesure la distance qui nous sépare en ce moment des personnes quicontinuentàvivreleur vie.

 

C’estl’étéleplusterribledemavie.

 

JevaisréintégrerlesMilandesseloncequelesmédecinsnousdiront,selonlesrésultats,lestraitementsannoncés.

 

Dimanche27juillet2014

 

CematinretourenforêtavecStanleyetNinou.Lesarbresm’apaisentunpeu.

 

Je me mets à la place du pauvre grand−père, seul, qui partageait ta chambre la dernièrefois. Attendredoit être encoreplus péniblequand on est âgé,sans famille. En toutcas,c'estintolérable.J'espèrequ'auboutdecettetorturelesnouvellesneserontpasmauvaises.

 

Lundi28juillet2014

 

Ilyaunan,nousrentrionsdeBretagne.Là−bas,nouspartionsdèsl’auroreàlapêche,voirlesoleille lever. Spectaclemerveilleux. Tout était calme etbeau.

 

Nous ne comprenons rien à ce qui nous arrive.Etnousn’enpouvonsplus.

 

Mardi29juillet2014

 

Les résultats sont arrivés. Il y a eu une réunion pluridisciplinaire la veille. La pneumologue aappelé.C’est Josy qui a décroché.

Elleagardélesrésultatspourellequelquesheures.Puistelesaannoncés.Tutravaillais,dehors.

 

Àtontour,tum’asappelée.Nousrentrionsdesbois.

 

Ilyaurait« quelquessaloperies »danslesanalysesdelabiopsie. Autrementdit,descellulescancéreuses…LeDocteurLatourbeaprécisé :« danstouslescas,ilyadestraitements».

Des traitements curatifs, et non préventifs. Nous n’en savons pas plus.Jesuisabattue.Maisje doisresterdebout.Pourtoi.

Elle t’envoie vers un chirurgien thoracique dès demain.Viede merde.

Mercredi30juillet2014

 

Le chirurgien thoracique prévoit son intervention le 7 août. Elle sera suivie de dix joursenviron d’hospitalisation(entréele6,sortie versle17).

 

Tu vas subir une vidéo−thoracoscopie. Le but : talquer les deux parois de la plèvre afin deles coller − Le Docteur Latourbe avait évoqué cette intervention, mais sans parler deseffrayantes cellules. Il y aura un suivi post−opératoire avec trois drains pour évacuer leliquide restant. D’autres prélèvements seront effectués. Ils vont être déterminants. Nousdevrionsconnaîtrel’originedetoutceci:plèvre?poumon?D’aprèsleDocteurLatourbe,latomographie n’a,paraît−il,pasététrèsprobante.Jelacroyaisinfaillible.

 

Le taux de réussite de l’opération est de 98%. Dans seulement 2% des cas, le liquide sereforme.

 

Lechirurgienestconfiantcar tuesenbonneconditionphysique,un«sujetsain».

 

Son assistante, une infirmière type cent mille volts, se permet en mâchant son chewing−gum avec la plus grande distinction, de formuler son ressenti : « Ce n’est pas un minceproblème ».Unpeuderetenueneseraitpassuperflue.Envoilàunequisesentindispensable.

 

Malgré les résultats, ‘’ils’’ restent donc sur leur idée première pour, semble−t−il, éviter enprioritéqueleliquidene se réinstalle.

 

Ils n'excluent pas de trouver davantage d’indices dans ce liquide, qui sera évacué, mais rienn'estsûr,unefoisde plus.Danscecas,onnousparled’un«petittraitement », jecite.

 

Vous trouvez tous les deux le chirurgien abordable et compétent. Moi, je ne suis pas là. Il afaitses armesàParis,BordeauxetToulouse.

 

Net’inquiètepas,jevaism’installerauxMilandesduranttonhospitalisation.

 

Jeudi31juillet2014

 

Rendez−vous avec l’anesthésiste. C’est un vieux beau embagousé qui regarde ton dos d’unair dubitatif, et notamment tes grains de beauté. Il se permet d’émettre un diagnostic quine repose sur… rien. Aucun mélanome ne t’a été détecté, que l’on sache. C’est toujourssympathique.

 

Cejourestlongetinquiétant.

 

Stanley n’a plus de bande autour de la patte, qu’il se lèche sans arrêt. Je lui dis que tu nevas pas être content. Il stoppe net. Pour lui, quand tu arrives, tu le sais, c’est comme si leMessieentraiten mademeure.Ilt’aimecommeun fou.Ettuleluirendsbien.

 

37 degrésencoreaujourd’hui.

 

Cela va être long pour toi à l'hôpital. Pas le choix. Contrairement au Docteur Latourbe, lechirurgien thoracique a tout de même ajouté, concernant la chimiothérapie − puisqu’il fautdésormaisla nommer,«onn'enestpaslà».Quiaraison ?

Maisavoiraffaireàunchirurgienquisembletenirlarouteestdéjàrassurant.

 

Vendredi1eraoût2014

 

Dansl’attente,ànouveau.Cettefois,del’opération,desonrésultatetdeceuxdesprélèvements qui vont êtreeffectués. Lecompteà rebours commence.

 

Samedi2août2014

 

Sébastiens'occupedansleterrain.Jenavigueentrechezvousetnotremaison.J’essaiedenepasmontrermoninquiétude.

 

Marieauraiteu58ansaujourd’hui.

 

Dimanche3août 2014

 

Àunjourd’écartavecsamaman,c’estl’anniversairedemapetitebelle−sœur.Voilàpourquoi j’y vais. Nous ne sommes pas portés sur ces festivités, dans la famille. Nous allonsdîner chez elle. Je l’aime beaucoup mais je prends sur moi. Je suis en mode survie. J’ai dumal à rester concentrée sur une conversation normale. Je ne veux pas que mon angoissecontaminetoutlemonde. Maiselle selit,àcoupsûr,surmatête.

 

Depuis bientôt deux mois, ‘’on’’ nous a retiré le droit à une vie sereine. ‘’On’’ : pronom,pour l’instant, indéfini. Ce quicomplique les choses.

 

Lundi4août2014

 

VisitechezleDocteur