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Que se passe-t-il dans le royaume de Dianara où les habitants et leur roi ont été transformés en êtres monstrueux ? Qui est véritablement le roi Emerald ? Et quels sont les pouvoirs de ce mystérieux anneau d'or qu'il désire tant se procurer ? Manon, Ariana, Samuel et Bagnon vont se lancer sur sa piste ! Mais ils devront affronter la redoutable reine des mers, Calanina, qui veut aussi s'emparer de cette étrange bague. Et quel est le secret de la ville enfouie ? Enfin que cache cette malédiction ?
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Seitenzahl: 273
Veröffentlichungsjahr: 2019
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L’homme à la tête de poire
La chambre aux mille visions
Dans le monde de Dianara
La rencontre avec le roi Emerald
Calanina la sirène
La guérison de Zuby et la rencontre avec la sirène
Le poisson venimeux
Nadou, l’émissaire d’Elfina
La rivière Saint-Esprit
Le récit de Shineda.
L’arbre magique
L’île aux diables
Le livre d’or
Le démon de la haine supérieure
Comment Calanina voulut récupérer l’anneau d’or
Aux frontières du royaume de Dianara
L’île aux mensonges.
Chez le roi Emerald
La rencontre avec Tymilla
Les enfants discutaient dans le dortoir de toutes leurs aventures du royaume d’Elfina et des cérémonies auxquelles ils avaient assisté, lorsqu’un mystérieux bonhomme à la tête de poire apparut à l’angle de la chambre. Il écoutait la conversation des enfants sans les interrompre jusqu’à ce que Samuel fasse tomber Manon du lit.
— Eh ! fais attention avec tes pieds ! s’écria Manon.
— Je suis désolé, répondit une voix.
— Tu as dis que tu es désolé ? hurla Manon.
— Non, rétorqua Samuel. Mais si je devais le faire, je le ferai.
Il resta silencieux un moment puis poursuivit :
— Tu viens de dire que je me suis excusé auprès de toi ?
— Oui, en effet, répondit Manon d’un ton bref.
— Je ne crois pas m’être excusé, affirma Samuel.
Ariana interrompit la conversation :
— Ce n’est pas bien grave, déclara-t-elle à Manon.
Puis elle invita celle-ci à monter sur son lit afin de continuer la conversation.
Quelques heures après, pendant que Bagnon et Samuel ronflaient comme des locomotives, l’homme qui était apparu fit quelques mouvements de ses mains et une lumière intense traversa la chambre des enfants. Ils sursautèrent tous en même temps et se reprochèrent mutuellement d’avoir provoqué cette lumière intense venue de nulle part.
— C’est ta baguette ! commença Manon en s’adressant à Ariana.
— Non, mon sac à dos se trouve dans l’armoire et je crois l’avoir bien fermée, répondit Ariana.
Quant à Samuel, il accusa directement Bagnon.
— Ah non ! protesta celui-ci. C’est impossible que ce soit moi puisque je n’ai pas de baguette magique !
Les enfants se recouchèrent de nouveau. Mais l’homme à la tête de poire ne comprenait pas pourquoi les enfants ne le voyaient pas. Il provoqua alors un vent violent en ouvrant les fenêtres pour attirer le vent vers lui. Les enfants s’envolèrent aussitôt au-dessus de leur lit, mais comme ils trouvaient ça amusant, cette fois ils ne s’accusèrent plus. L’homme, déçu, se mit à réfléchir.
— Je ne comprends pas pourquoi les enfants ne me voient pas, se demanda-t-il, perplexe.
Pendant ce temps, les enfants s’amusaient tellement qu’ils sortirent pour voler dans les couloirs du château.
— Je n’avais jamais trouvé que voler était aussi drôle, dit Bagnon.
— Eh oui, on se croirait comme des oiseaux en liberté, répondit Samuel.
Manon fronça les sourcils et s’approcha d’eux.
— Des oiseaux en liberté… reprit-elle doucement.
— Oui, des oiseaux en liberté, répéta Samuel.
— Tu as déjà vu des oiseaux en prison ? s’étonna Bagnon tout en planant au-dessus de la tête de Manon.
— Oui, dans le royaume des humains, à Bruxelles. Le voisin de Manon, un magicien, avait des oiseaux en cage.
Quand l’homme à la tête de poire se rendit compte que les enfants n’étaient plus dans leur chambre, il sortit les chercher en courant et tomba nez à nez avec Tymilla.
— Ah, Mattéo ! Quelle belle surprise ! s’écria Tymilla. Je ne me rappelle pas vous avoir invité dans le royaume…
— D’accord, d’accord, marmonna Mattéo. Vous avez peut-être raison, mais le royaume de Dianara a besoin de vous.
— À quel sujet ? s’enquit Tymilla. Le roi Emerald a-t-il des ennuis avec ses voisins ? Est-il malade ?
— Non, rien de tout cela.
— Alors pourquoi êtes-vous ici ?
— Le peuple de Dianara a besoin d’aide : un sort mystérieux plane sur lui. Et nous ne savons pas comment cela est arrivé, ni qui a lancé ce sort. Le roi Emerald est tout aussi surpris que nous de ce mal qui sévit dans le royaume. Cette malédiction est apparue depuis qu’il est sur le trône. Vous savez, Tymilla, qu’à l’époque du roi Dyvio, le père du roi Emerald, tout allait bien, et cette malédiction ne pesait pas sur le peuple. Je crains que Sa Majesté le roi Emerald n’ait pas respecté l’un des vœux du royaume. C’est pour cela que le peuple est puni, du moins c’est ce que je pense.
Puis Tymilla et Mattéo entrèrent dans le réfectoire et s’assirent sur une table. Mattéo continuait ses explications quand les enfants firent irruption en volant. Surprise, Tymilla se leva brusquement et interrompit la conversation. Le comportement des enfants lui paraissait très étrange.
— Mattéo, les enfants volent depuis votre arrivée à Elfina ? l’interrogea Tymilla.
— Oui, en effet. Je suis passé à travers le mur de la chambre des enfants, mais ils ne m’ont pas vu. J’ai fait tout mon possible pour qu’ils me voient mais rien n’y a fait. Alors je leur ai lancé le sort du vol d’oiseaux et…
— Et... continua Tymilla.
— Et c’était sous l’effet de la colère.
— Maintenant, ordonnaTymilla, vous pouvez enlever ce sort pour qu’ils retournent dans leurs lits respectifs.
Mattéo prononça quelques incantations magiques en balançant ses bras en l’air et les enfants se virent instantanément couchés, chacun dans son lit. Puis il se tourna vers Tymilla :
— Excusez-moi pour cette maladresse, mais je n’ai pas pu supporter que des enfants aussi forts en magie ne puissent pas me voir.
— Très bien, dit Tymilla en s’éloignant. Nous en reparlerons plus tard.
— Mais de quoi ?
— Du peuple de Dianara.
— Tymilla, c’est maintenant que nous avons besoin de vous ! lança Mattéo énervé en tapant du poing sur la table.
Tymilla ne répondit pas et disparut dans le couloir du château. Mattéo resta seul dans le réfectoire, en ruminant sa colère.
Le lendemain matin, Tymilla revint dans le réfectoire et trouva Mattéo couché sur un banc. Elle claqua ses doigts au-dessus du nez de celui-ci qui se leva en sursaut.
— Vous avez passé la nuit ici ? demanda-t-elle.
— Je n’ai pas eu de chambre, vous êtes partie sans même me donner un dortoir. J’ai compris que vous étiez en colère contre moi… Comment vont les enfants ?
— Très bien, répondit Tymilla en se servant un bol de lait.
— Et la reine ? poursuivit Mattéo. Elle est déjà debout car j’ai vu une lumière dans sa chambre lorsque je suis sorti faire un tour dans le jardin du château.
— La reine n’est pas dans le royaume, dit Tymilla. Je ne pourrai donc pas demander aux enfants d’aller conjurer le sort qui sévit dans le royaume de Dianara. Et puis d’ailleurs, pour qu’ils vous voient, ils doivent d’abord entrer dans la chambre aux mille visions.
— Pour quoi faire, s’étonna Mattéo.
— La chambre aux mille visions leur permettra de voir d’autres êtres invisibles venus d’ailleurs. Par mesure de prudence, la reine ne leur a pas entièrement donné certains secrets de la magie ni le secret du royaume pour éviter qu’ils n’abusent de leur pouvoirs magiques.
— Ce qui veut dire, conclut Mattéo la mine sombre, que je dois attendre que les enfants passent dans la chambre aux mille visions pour que le peuple de Dianara soit libéré du sort qui sévit en ce moment ?
— C’est exact, confirma Tymilla froidement.
— Je vois que vous vous moquez de ce que subit le royaume de Dianara ! s’écria Mattéo dans une colère noire.
Puis il se ressaisit.
— Combien de temps faudra-t-il que j’attende pour que les enfants soient initiés ?
— Je ne saurais vous le dire maintenant, répliqua vertement Tymilla.
Irrité par la réponse de Tymilla, Mattéo s’assit alors à côté d’elle et se mit à siffler un air de colère pour la faire revenir sur sa décision. Ce chant de colère, qui s’appelle la torture du corps, consiste à faire sortir les yeux de leurs orbites, puis les tripes du ventre, et à la fin à faire pleurer au point de vider toutes les larmes du corps. Tymilla comprit ce que voulait faire Mattéo, et elle se mit tout de suite à réfléchir.
Soudain Ariana fit irruption dans le réfectoire. Elle aperçut Tymilla assise devant son bol de lait et s’attabla en face d’elle.
— Tu parles seule maintenant ? demanda Ariana.
— Non, non, répondit Tymilla. Je récitais quelques leçons de visions.
En entendant cela, Mattéo fut envahi par une joie immense. « J’ai réussi mon chant de torture ! », jubila-t-il. Il fit un bond sur son banc et tendit l’oreille pour écouter la conversation.
— Tu récites des leçons de visions ? reprit Ariana, en écarquillant les yeux.
— Il n’y a pas de mal à vouloir s’instruire, rétorqua Tymilla, mécontente de céder sous la pression de Mattéo.
— Oui, mais des leçons de visions… répéta Ariana ironiquement. Je croyais que le royaume était doté de toutes les capacités de visions !
— Ariana, il y a des choses que nous ne connaissons pas, et que la curiosité nous amène à découvrir. Parfois, c’est bien d’élargir ses connaissances. N’es-tu pas curieuse toi-même d’apprendre des choses nouvelles ?
Quand Mattéo retourna dans la chambre des enfants, il trouva les trois autres encore endormis. Il souffla de nouveau un vent qui les fit sortir du lit comme des guêpes, puis ils se rendirent tous au réfectoire. En les voyant arriver, Ariana leur lança d’un ton moqueur :
— Vous connaissez la nouvelle ? Tymilla fait des cours de visions !
— Des cours de visions à Elfina ? s’étonna Samuel.
— En effet, dit Tymilla. Elfina possède une chambre d’initiation à la vision.
Curieux d’en savoir davantage, les enfants s’assirent tous autour de la table, un bol de lait à la main.
Tymilla leur expliqua alors à quoi servait la chambre aux mille visions :
— Cette chambre vous permettra de voir d’autres êtres invisibles qui se trouvent dans des royaumes lointains et qui n’ont pas les mêmes pouvoirs que nous.
— Ces êtres sont-ils supérieurs à nous ? demanda Manon.
— Hum... Eh bien ils ne sont pas mieux que nous, et nous ne sommes pas mieux qu’eux. La seule chose qui nous permet de communiquer et d’éviter les conflits et des guerres, c’est le respect mutuel. Après mûre réflexion, j’ai décidé que vous iriez séjourner dans la chambre aux mille visions, dès demain.
— Pourquoi ? s’écrièrent les enfants à l’unisson.
— Pour une autre mission, déclara Tymilla.
— Alors, ces cours étaient pour nous ? demanda Ariana.
— C’est vrai. J’ai reçu la visite d’un messager d’un royaume lointain. Leur roi a besoin de notre aide car son peuple est victime d’une malédiction. Il faut l’aider.
— Et pour cela, il nous faut des cours de visions ? dit Samuel interloqué.
— C’est exact, répondit Tymilla.
— Mais nous voyons déjà d’autres êtres invisibles, objecta Manon. Qui sont ces êtres différents que nous n’avons pas encore vus ?
Elle s’arrêta un instant, réfléchit, puis reprit :
— Tymilla, tu as dit que tu viens de recevoir un messager d’un royaume lointain. Est-il encore ici avec nous, dans cette salle ?
— Oui, confirma Tymilla en hochant la tête.
— Et toi, tu le vois, mais nous ne pouvons pas le voir, n’est ce pas ? continua Manon.
Samuel et Bagnon se levèrent d’un bond et allèrent s’accrocher à Tymilla. Le bol de lait que celle-ci tenait se renversa et se répandit sur sa robe.
— Comment est-il ? bafouilla Samuel mort de peur.
— Lâchez-moi ! ordonna Tymilla. C’est une personne charmante, et il n’a pas des cornes hideuses sur la tête.
— Comment pouvons-nous le savoir ? l’interrogea Ariana.
— En allant dans la chambre aux mille visions.
— Où se trouve cette chambre ? demanda Manon.
— Au dernier étage du château, répondit Tymilla.
— Au dernier étage ! s’exclamèrent les enfants.
Puis, ils s’affaissèrent tous au même moment.
Mattéo tenta de secourir les enfants, mais ses mains passaient à travers. Il réessaya à plusieurs reprises, sans succès. Finalement, il renonça. Tymilla prit alors les quatre enfants et les fit voler jusque dans leur chambre.
Ils furent réveillés par le chant de quelques oiseaux qui passaient devant la fenêtre. Quand ils reprirent leurs esprits, il était trois heures de l’après midi.
Mattéo n’était pas encore rentré dans son royaume. En attendant de voir comment fonctionnait la chambre aux mille visions et comment Tymilla allait s’engager dans sa mission, il prit le temps de mieux connaître les habitants du royaume d’Elfina. Il commença sa visite par la rivière scintillante. Comme il n’y avait personne, il parcourut le reste du royaume. Aucun de ceux qu’il rencontra sur son chemin ne le voyait. Il comprit alors que la reine Tamarina n’avait pas initié son peuple à des visions supérieures. Il marcha encore pensivement, puis se mit soudain à courir pour rejoindre le petit groupe de Tymilla.
Pendant ce temps, les enfants et Tymilla commençaient à gravir les marches de l’escalier qui conduisait à la chambre aux mille visions.
— Attendez ! s’écria Mattéo.
Seule Tymilla s’arrêta.
— Tu ne nous as pas dit si les habitants d’Elfina ont la capacité de voir d’autres êtres des royaumes lointains.
— La reine Tamarina fait très attention, parce que voir le peuple des autres royaumes lointains risquerait de créer des conflits, répondit Tymilla.
— Comment ça, des conflits ? s’étonna Mattéo qui ne comprenait pas.
— Tous les grains de blé ne sont pas bons à moudre. Il arrive parfois qu’il y ait des mauvais grains dans le blé. Il faut donc les trier, et cela demande beaucoup de temps. Alors pour éviter tout le travail de tri, la reine préfère garder les grains comme ils sont.
— Ça veut dire qu’il vaut mieux que le peuple ne sache rien pour que le royaume prospère ? demanda Mattéo en fronça ses sourcils.
— C’est un peu ça, répondit calmement Tymilla.
Soudain, un cri assourdissant retentit un peu plus haut, au sixième étage du château. C’était Manon. Elle venait d’apercevoir une porte avec des cornes en or.
— C’est la porte des horreurs ! lança-t-elle.
Les autres se regroupèrent autour d’elle et regardèrent cette porte avec curiosité.
— Ce n’est pas la porte aux mille visions ? demanda Ariana.
— Nous devons l’ouvrir, proposa Samuel.
À cet instant, Tymilla et Bagnon les rejoignirent.
— Continuons les enfants ! La porte que nous cherchons est au neuvième étage.
— Tu essaies de nous dire que nous avons encore trois étages à grimper à pied ? protesta Samuel.
— En effet, confirma Tymilla.
— Mais nous pouvons le faire en utilisant nos baguettes magiques ! insista Samuel.
— Je suis désolée de te décevoir Samuel, répliqua Tymilla, mais la magie n’est pas toujours la meilleure chose à utiliser. Parce que cette porte ne peut s’ouvrir que si des efforts ont été physiquement fournis.
— Alors Elfina n’a pas assez de pouvoirs magiques pour arriver à ses fins ! râla encore Samuel.
— Tais-toi, Samuel ! hurla Manon.
— Oh ! ça va ! grogna Samuel.
Lorsqu’ils atteignirent l’avant-dernier étage, Samuel et Bagnon, fatigués, s’assirent sur les marches. Ils refusaient de continuer, se plaignaient d’avoir mal aux jambes et de ne pas avoir assez mangé pour entreprendre une telle montée.
— Très bien les enfants ! Mais je ne vous ai pas dit non plus qu’une fois qu’on sera devant la porte aux mille visions, il sera interdit de demander à manger, de faire des grimaces, de poser des questions, et surtout de se plaindre. La moindre plainte serait fatale.
— Et les grimaces ? demanda Bagnon, le visage crispé. Ce sont les mouvements de notre corps ! Pourquoi faut-il les interdire ?
— Oui, Bagnon a raison ! Pourquoi interdire les mouvements de notre corps ? renchérit Samuel. Il est impossible d’éviter cela !
Assis au bas de l’escalier du huitième étage, les enfants ne voulaient plus continuer la montée à cause de tous ces interdits. Voyant qu’ils se servaient de ce prétexte pour refuser d’avancer, Tymilla se planta devant eux.
— Dans ce cas, nous allons tous redescendre, déclara-t-elle très froidement.
Elle fut la première à descendre les marches, suivie par Samuel et Bagnon. Les filles restèrent assises dans l’escalier, en se posant des questions.
— C’est bizarre… Tu as remarqué toi aussi qu’elle ne nous a pas sermonnés et qu’elle n’a pas hésité à descendre, dit Ariana effarée.
— Peut-être qu’elle ne veut pas qu’on fasse la mission que lui demande son hôte.
Elles se jetèrent un coup d’œil et soudain se lancèrent à la poursuite de Tymilla. Elles la rattrapèrent au cinquième étage.
— Tymilla, Tymilla, attends-nous ! crièrent-elles à l’unisson.
Tymilla s’arrêta sans le moindre sourire. Manon fut la première à prendre la parole :
— Pourquoi n’avons-nous pas continué ?
— Continué ! Vous me demandez de continuer où ? tonna Tymilla.
— Là-haut, au dernier étage du château, répondit Manon en regardant en l’air.
— J’ai vu que ça n’intéressait personne, rétorqua Tymilla avec un sourire froid.
Mattéo surgit à ce moment-là. Mais au lieu de se joindre au petit groupe, il le survola pour se diriger vers la chambre des visions. Tymilla laissa immédiatement les enfants sur place et le suivit. Ces derniers ne comprenant pas la brusque volte-face de celle-ci, ils la suivirent à leur tour.
Quelques instants après, ils étaient tous devant la porte aux mille visions. Elle était déjà ouverte, et les enfants pénétrèrent aussitôt dans la chambre. Leurs yeux parcouraient la pièce pour sentir l’atmosphère et juger la situation. La chambre respirait la froideur et le calme paisible.
— Oh ! cette chambre fait froid dans le dos, fit remarquer Samuel.
— Oui, elle est étrange, approuva Bagnon.
Puis tous s’avancèrent vers le fond de la pièce. Quant à Mattéo, il resta dans l’encadrement de la porte, fouillant la pièce du regard tout en fronçant les sourcils. Soudain, il tenta de s’engouffrer devant Tymilla pour la contraindre de le laisser passer. Tymilla le supplia de ne pas entrer, car seuls les enfants pouvaient se faire initier. Mattéo devint pâle et referma la porte derrière lui.
— Tymilla, cette chambre est angoissante bien qu’elle semble tranquille, dit Manon.
— Voyons, nous n’avons pas encore vu la maîtresse des lieux et vous avez déjà peur ? se moqua Tymilla.
— Parce qu’il y a une personne dans ce lieu sinistre ? s’étonna Samuel.
— Voyons, prince Samuel, répliqua Tymilla, il y a toujours un propriétaire quelque part.
— Cela veut dire que cette chambre n’appartient pas au palais de la reine Tamarina ? continua Samuel.
Tymilla regarda alors autour d’elle et aperçut un gros œil clignoter dans un coin de la pièce. Elle s’approcha prudemment et les enfants la suivirent.
— Qui sont ces étrangers ? demanda soudain l’œil en ouvrant grand celui-ci qui éclairait toute la chambre.
La voix de l’œil fit frissonner les enfants, mais, au lieu d’être effrayés, ils s’approchèrent pour mieux regarder cet œil étrange qui posait des questions.
— Madame, nous sommes ici pour une mission bien précise, dit poliment Ariana.
L’œil fixa les enfants en s’illuminant intensément. Afin de ne pas être aveuglés par cette lumière violente, les enfants plaquèrent tous leurs mains sur leurs yeux. Pendant ce temps, Tymilla expliquait à l’œil, la princesse Ezéna, propriétaire de ce lieu, pourquoi son aide était nécessaire pour sauver le royaume de Dianara du sortilège qui sévissait dans son royaume.
— En quoi cela me concerne-t-il ? demanda la princesse Ezéna.
— Votre aide permettra aux enfants de voir le peuple du royaume de Dianara, répondit poliment Tymilla en s’inclinant.
— Ce n’est guère possible ! riposta Ezéna d’une voix de stentor qui résonna si fort qu’elle créa un écho. J’ai passé toute ma vie à aider les rois qui venaient me solliciter. Et le roi Emerald est un vaurien ! S’il s’agit de l’aider dans ses mensonges et les pires atrocités qu’il fait subir à son peuple, vous vous trompez ! Et d’ailleurs vous, Tymilla, vous trouvez cela normal ?
— Non, princesse Ezéna, dit doucement Tymilla. Vous avez sans doute raison, mais nous devons secourir le royaume de Dianara.
À quelques mètres d’elles, les enfants qui étaient en train d’écouter la conversation ne comprenaient pas pourquoi la malédiction qui frappait le royaume de Dianara était un sortilège de mensonges. Manon tendit l’oreille pour mieux entendre.
— Nom d’un chien, murmura-t-elle en s’adressant à ses amis, écoutez ça ! La princesse Ezéna n’est pas d’accord pour nous aider à cause des mensonges du roi Emerald. Cela veut dire que notre prochaine mission consiste à venir à la rescousse d’un roi qui ment à longueur de journée à son peuple.
— Mais ce n’est pas bien grave de mentir ! ironisa Samuel. Cela évite bien d’autres conflits.
— Crétin ! lança Manon. Le mensonge est bien pire qu’un grain de sable dans l’œil.
L’œil se retourna vivement en entendant les propos de Manon, et ses cils s’allongèrent jusqu’à elle pour montrer son approbation.
— Non, ce n’est pas ce que je voulais dire, marmonna Manon atterrée. Je ne croyais pas vous mettre en colère…
— Manon, intervint Tymilla, la princesse Ezéna a réagi comme ça non dans le but de te vexer, mais pour indiquer qu’elle est d’accord avec toi. Puis elle continua à la rassurer sous le regard intense de l’œil.
— Très bien, mon enfant. Maintenant, revenons à notre conversation, l’interrompit celui-ci.
Pendant ce temps, les autres réfléchissaient à la manière dont ils allaient réussir leur initiation.
— Comment allons-nous découvrir qu’il ment ? Et comment pouvons-nous sauver le peuple de ce sortilège de mensonges ? demanda Ariana.
L’œil qui les aveuglait depuis qu’ils étaient entrés dans la chambre sortit soudain de l’endroit où il se trouvait et se métamorphosa en une belle jeune femme vêtue d’une magnifique robe blanche. Une nuée de petits yeux scintillait tout autour d’elle.
— Vous comprenez ma réticence, dit-elle en s’adressant à Manon. Je ne peux aider un vaurien, vous êtes bien d’accord ?
— Majesté, répondit Manon, le peuple souffre de ces mensonges perpétuels.
— Je sais, soupira la princesse Ezéna.
Puis elle demanda aux enfants de s’asseoir à ses côtés. Ceux-ci n’osèrent cependant pas s’approcher car les yeux scintillants lancèrent des feux d’artifice. Ils ne bougèrent donc pas. C’est à ce moment-là que Bagnon pensa aux conseils de Tymilla qui leur avait dit de ne pas refuser les propositions de la maîtresse des lieux au risque de s’exposer à sa colère. Il fut donc le premier à s’avancer vers celle-ci, puis un déclic se fit dans la tête des autres. Tous allèrent s’asseoir aux côtés de la princesse Ezéna et un sourire lumineux orna le visage de celle-ci.
— Les enfants, déclara la princesse Ezéna, une fois qu’un roi s’est lancé dans un mensonge contre son peuple, il est impossible de le remettre sur le chemin de la vérité. Ce serait très dangereux pour lui, s’il disait maintenant la vérité. Comment serait la réaction du peuple ?
— Le peuple serait content de son roi, répondit Samuel.
— Non mon enfant, objecta gentiment la princesse Ezéna, le peuple trouverait que son roi a changé et qu’il est un danger pour le royaume. Il devrait dire adieu à sa vie.
— On ne peut pas tuer un roi sous prétexte qu’il dit la vérité ! s’indigna Manon.
— Dans ce cas, que doit faire le roi ? interrogea la princesse Ezéna.
— Sauver son honneur et sa raison, dit Bagnon.
— S’il n’y a pas eu de trahison, pourquoi devrait-il sauver son honneur et sa raison, l’interpella Ariana.
— Le mensonge est la pire des trahisons ! rétorqua soudain Manon. Mentir, c’est aussi trahir et pour cela on doit être châtié.
— J’ai souvent menti, et je n’ai jamais reçu de grands châtiments ! lança Samuel.
Les autres regardèrent Samuel avec de grands yeux, ronds d’étonnement.
— Eh ! il n’y a pas de mal à faire de petits mensonges, se défendit Samuel.
La princesse Ezéna continua :
— Très bien les enfants ! Je lis dans vos pensées que vous voulez vraiment aider le royaume de Dianara. Alors faites un cercle autour de moi.
Ils obéirent sans hésiter et Ezéna prononça quelques incantations magiques en se concentrant sur chaque enfant. Au fur à mesure que se déroulait la cérémonie, des yeux scintillants se regroupaient autour de chacun en lançant des étincelles de lumière, afin d’ouvrir leur vue au-delà du royaume d’Elfina. Tout se passait sans problème, jusqu’à ce qu’arrive le tour de Samuel : lorsque celui-ci vit des milliers d’yeux l’entourer et scintiller sur son corps au point de le chatouiller, il fut pris d’un fou rire, et la princesse dut recommencer l’initiation sur tout le monde pour qu’elle soit parfaitement réussie. Mais Samuel ne cessait pas de rire.
— Pourquoi ce fou rire interminable de Sam ? demandèrent les autres agacés.
— C’est parce que Samuel a reçu la vision du rire, répondit la princesse Ezéna. Et vous, vous avez seulement reçu une simple vision.
— Et comment faudrait-il l’arrêter ? l’interrogea Bagnon d’un air étonné.
— Nous devons attendre tout simplement que le rire s’arrête pour que je recommence de nouveau la cérémonie.
Les enfants s’assirent autour de Samuel et le regardèrent se tortiller de rire. Cela dura si longtemps que Manon finit par se mettre en colère :
— Princesse, voulez-vous bien qu’on en finisse ?
Les autres étaient sur le point de se lever pour partir quand Samuel les arrêta.
— Ces petits yeux me chatouillent, dit-il tout en se tortillant de plus belle.
— Ce n’est pas gagné ! soupira Ariana.
— Écoutez les enfants, votre impatience a fait échouer l’initiation ! déclara la princesse Ezéna. Je suis donc dans l’obligation de la refaire. Je vous demande cette fois de vous concentrer et je ferai en sorte que les rires de Samuel ne viennent plus troubler la cérémonie. C’est aussi un peu ma faute : je n’ai pas fait attention à la présence de ceux qui font rire. Mais cette fois, ils seront hors d’état de nuire à la cérémonie que je recommencerai dans quelques instants.
Tymilla, qui pendant tout ce temps était restée à l’extérieur, fit alors son apparition dans la salle, suivie de Mattéo.
— Vous êtes encore là ? s’étonna-t-elle en voyant les enfants se tenir les mains.
Tous répondirent en même temps et chacun donnait sa version des choses.
— Silence ! les interrompit doucement Tymilla. Je vous présente Mattéo.
— Mais nous ne le voyons pas… dit Ariana.
— La princesse Ezéna ne nous a pas encore initiés aux mille visions ! lança Manon.
— Ce n’est pas grave, vous le verrez une fois initiés, assura Tymilla.
Si la princesse Ezéna devait encore recommencer la cérémonie, c’était à cause de Manon qui s’était mise en colère alors que c’était interdit. La princesse, elle, ne manifestait aucune impatience bien qu’elle eût déjà refait la cérémonie une dizaine de fois : son visage était émaillé par un sourire lumineux.
L’initiation dura trois heures et se déroula sans aucun incident. Des milliers d’yeux tournoyaient deux fois autour de chaque enfant puis disparaissaient. Celui-ci recevait des visions qui lui permettraient de voir d’autres êtres des royaumes lointains. Une fois la cérémonie achevée, les enfants pourraient alors se rendre dans le royaume de Dianara. Tymilla, qui assistait à cette initiation avec Mattéo, ne fit pas un geste jusqu’à ce que la princesse Ezéna eût fini avec le dernier enfant. Tous se réjouirent quand la cérémonie fut terminée.
Quelques instants après, ils virent pour la première fois Mattéo debout devant la porte de la chambre aux mille visions. Manon fut la première à hurler comme un loup, et les autres firent de même. Les oreilles de Mattéo étaient tellement larges qu’un éléphant n’avait rien à lui envier. Sa tête n’était pas en reste. Le petit corps de Mattéo en souffrait et faisait de son mieux pour les porter. Il se déplaçait donc difficilement, mais pouvait voler sans problème en utilisant ses oreilles comme des ailes d’oiseau. Samuel, qui ouvrait grand les yeux, regardait cet être étrange avec horreur. Bagnon, quant à lui, préférait ne pas participer à cette mission qui lui semblait insurmontable.
— Tymilla, demanda-t-il gentiment, je voudrais rentrer dans mon royaume. Lamtoka a besoin de moi, d’autant que c’est la reine Myomina qui est en ce moment sur le trône. Ce serait bien si j’étais à ses côtés.
— Euh... dit doucement Ariana.
— Bagnon a raison ! affirma Samuel en continuant de fixer Mattéo avec épouvante. Si c’est pour voir des êtres horribles, j’aimerais autant reprendre ma vision d’avant.
Tymilla jeta un coup d’œil à Mattéo et fit signe aux deux garçons de se taire. Un silence s’abattit. Puis elle prit la parole :
— Maintenant que vous avez la possibilité de voir les êtres des royaumes lointains, la princesse Ezéna va vous conduire dans le royaume de Mattéo.
— Mattéo viendra avec nous ? l’interrogea Manon.
— Non, il restera avec moi car nous devons rencontrer la reine Tamarina, répondit Tymilla.
Puis, elle se tourna vers la princesse Ezéna :
— Vous pouvez maintenant partir…
Mais Bagnon l’interrompit :
— Tymilla, je ne veux pas faire partie de la mission, lui dit-il nerveusement.
— Prince Bagnon, vous avez tout de même participé à la cérémonie d’initiation aux mille visions ? lui répliqua Tymilla en le regardant du coin de l’œil.
— Oui… mais… bégaya Bagnon.
— Alors il n’y a pas de mais qui tienne ! le coupa Tymilla. Vous irez avec les autres au royaume de Dianara.
Puis elle fit un signe de la tête pour confirmer leur départ. C’est à cet instant que la princesse Ezéna prit la parole :
— Maintenant que vous êtes initiés à la vision des êtres des royaumes lointains, je vais vous montrer le royaume de Dianara. Et nous verrons tous comment le mensonge sévit là-bas.
La princesse Ezéna se leva et s’avança vers le fond de la salle jusqu’à une porte discrète. Les enfants et Tymilla la suivirent. Elle s’étendit sur un lit d’une place drapé d’un drap blanc scintillant, puis demanda aux quatre enfants de la rejoindre.
— Le lit est petit ! s’écria Samuel.
— Prince Samuel, faites ce qu’elle vous dit, ordonna Tymilla d’une voix ferme et glaciale.
Samuel s’exécuta. Les autres se blottirent contre la princesse Ezéna sans la moindre plainte. Une fois qu’ils furent tous installés dans le petit lit, Ezéna prononça quelques incantations magiques. Soudain, mille petits yeux scintillants sortirent de partout et les enveloppèrent. Tout à coup, ils disparurent du lit et se retrouvèrent dans un royaume inconnu.
La toute première chose qu’ils virent, furent deux grands arbres au feuillage impressionnant : ils formaient une sorte de porte d’entrée du royaume. Quelques mètres plus loin, des maisons en briques étaient disposées parallèlement de façon à ce que l’on puisse circuler librement. Des lampadaires en cuivre s’alignaient le long des routes, il y avait des parcs d’attractions à chaque coin de rue, et d’immenses champs de céréales s’étendaient à perte de vue. Une rivière, traversée par un beau pont en acier, sillonnait le royaume. Jadis, celui-ci était richement bâti, mais il n’était plus désormais que l’ombre de lui-même…
Les enfants et la princesse Ezéna avancèrent prudemment vers la première maison. Mais ils ne virent personne et n’entendirent aucun bruit. Tout était si calme que les enfants se demandèrent si le royaume était habité. De plus en plus inquiets, ils se regardèrent, tout en espérant rencontrer un signe de vie.
— C’est vraiment étrange, murmura Manon.
— Oui, il se passe quelque chose de très bizarre, renchérit Bagnon. On a l’impression que le peuple a disparu dans ce royaume.
La princesse Ezéna ne disait pas un mot à propos de ce silence de mort insolite. Elle se contentait de regarder autour d’elle.
— On n’entend même pas des oiseaux chanter, fit remarquer Ariana.
— Il n’y a aucun animal domestique non plus, ajouta Manon.
Poussés par la curiosité, ils décidèrent de se diriger vers l’extrémité du royaume. Le silence qui pesait sur cette contrée inconnue était vraiment anormal. La princesse Ezéna qui marchait devant le petit groupe était en train de se demander si elle ne s’était trompée de royaume quand des cris retentirent soudain dans le lointain. Au même instant, les enfants aperçurent des empreintes de pas de géant sur le sable. Des bruits assourdissants montaient de toutes parts. Tout à coup, le royaume reprenait vie.
— On entend des cris, mais toujours personne en vue, s’étonna Samuel.
— Ben alors ? D’où peuvent venir tous ces bruits ? demanda Manon.
La princesse Ezéna s’arrêta soudain, et fit signe au petit groupe de s’approcher d’elle.
— Chut ! dit-elle en tendant l’oreille. Écoutez bien ces bruits, ce sont les pas. Le royaume est bien habité.
Les enfants tendirent leurs oreilles sans faire un bruit.
— Que nous arrivera-t-il si ce royaume est habité par des géants, s’inquiéta Bagnon.