Assurance d’un bon repas - Bruno Benattar - E-Book

Assurance d’un bon repas E-Book

Bruno Benattar

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Beschreibung

Quand on est ennuyé par une affaire, on crée une affaire à l’intérieur de l’affaire, puis une troisième dans la deuxième, et ainsi de suite, jusqu’à ce que tout le monde soit perdu. Il ne reste plus qu’à choisir, à Marseille, l’auteur de ce crime abject à livrer à la cellule antiterroriste. Ah oui, c’est vrai, je ne vous ai rien expliqué. Pourtant c’est simple. Vous composez une fabuleuse recette à base d’assurance vie, de délinquance, de trafic de drogue, de blanchiment d’argent, d’intégrisme religieux et d’antisémitisme. Incompréhensible ? J’y compte bien. Néanmoins, il y a un aspect que la police n’aurait jamais dû négliger : cherchez la femme. Vous l’avez deviné, c’est moi, Jenny.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Fortement influencé par les mouvements sociaux de mai 1968, Bruno Benattar milite activement dans des mouvements pacifistes, non marxistes et non violents, tout en pratiquant les arts martiaux, encore aujourd’hui. Refusant de s’intégrer dans la vie professionnelle, il visite le monde et exerce les métiers de moniteur de voile et de plongée bouteille. Pendant de nombreuses années, il navigue sur son voilier. Pendant près de trente ans, il travaille comme consultant en droit social, après avoir repris des études de droit. Il publie plusieurs articles et ouvrages spécialisés dans le domaine du droit du travail.

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Seitenzahl: 259

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Bruno Benattar

Assurance d’un bon repas

Invitations ciblées sur l’Isle

Roman

© Lys Bleu Éditions – Bruno Benattar

ISBN : 979-10-377-6152-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

Déjà parus dans la série « Aventures »

– Brandir la vague (Le Lys Bleu) ;
– Ouragan sur la mémoire (Le Lys Bleu).

Déjà parus dans la série « Invitations ciblées sur l’Isle » :

– Apéritif bleu marine (Le Lys Bleu) ;
– Assurance d’un bon repas. (Le Lys Bleu) ;
– Banquet asiatique (Le Lys Bleu) ;

À paraître dans la série « Invitations ciblées sur l’Isle » :

– Festin celte.

Déjà parus dans la série « Les chroniques de Pekigniane » :

– Cecily : l’Hermabun, suivi du Guide du voyageur à Pekigniane (Le lys Bleu) ;
– Guide du voyageur à Pekigniane et au Château-lumière (Éditions BOD) ;
– Jézabel : La chute du Château-lumière (ESA Éditions) ;
– Seth, le Bobun : Sur l’état de divinité et le militantisme syndical (Le Lys Bleu) ;
– Bumberry, l’Archibun. : Le récit d’une sombre crapule qui se croyait sympathique (Le Lys Bleu) ;
– Lidji, Celle qui a renoncé (Le Lys Bleu) ;
– Lilith, la Maudite (Le lys Bleu) ;
– Angel, la Pervertie : Déchéance et splendeur d’une call-girl (Le Lys Bleu) ;
– Asylie, la Cruelle : Pirate et Vampire (Le Lys Bleu).

À paraître dans la série « Les chroniques de Pekigniane » :

– Lynn Carter : Les carnets secrets, d’une ethnologue, menant à la destruction du monde.

L’ensemble de ces ouvrages est disponible, en format papier ou électronique, sur les sites des éditeurs Le Lys Bleu, et des revendeurs tels que FNAC, AMAZON.

Rejoignez l’auteur, pour vous tenir au courant de ses dernières publications, sur FACEBOOK :

– « Pekigniane Benattar » ;
– Et sur le groupe « Pekigniane ».

Consultez aussi le site de l’auteur : « https//pekigniane.com ».

Avertissement

Toute ressemblance avec des personnes, des événements ayant existé, existants ou qui existeront n’est que le résultat soit d’une malencontreuse coïncidence, soit de la prise inconsidérée de psah ou de toutes autres substances hallucinogènes licites ou prohibées, soit de leur propre délire sans aucun lien avec autre chose que leur dysfonctionnement mental. Cette impression de similitude peut aussi avoir été provoquée notamment, par des séjours emboîtés dans le temps clic, clac ou cloc, combinés ou non, et/ou avec l’usage excessif du fouitbong.

Nous nous excusons d’en avoir été le déclencheur, même pour sa partie infime, sans aucune relation avec leurs hallucinations. Nous leur préconisons de rompre tout contact avec des individus présentant les mêmes symptômes. Ils entretiendraient leurs délires monomaniaques pouvant déboucher sur une crise mortelle de fièvre afguide. Il conviendrait plutôt d’effacer ce roman de leur mémoire.

À défaut, nous leur conseillons, en cas d’échec, et en dernier recours :

– De consulter un homme de loi qui les soulagera de leur argent et les découragera d’entreprendre toute action. À moins que ce dernier envisage de les dépouiller d’une somme, plus importante encore ;
– De consulter un psychiatre, un psychologue, ou toute autre personne de la partie qui les délestera d’une autre fortune, colossale cette fois, en leur faisant subir un traitement éprouvant, long et coûteux, dont l’efficacité resterait à prouver ;
– De suivre une cure de désintoxication et de ne plus jamais absorber quelque substance hallucinogène que ce soit.

En tout état de cause, nous sommes profondément désolés pour eux et leur souhaitons sincèrement un prompt rétablissement.

Avant-propos

Des lecteurs m’ont fait part de leur plaisir en lisant Brandir la vague, un simple roman d’aventures. Alors, j’ai décidé de renouer avec le genre, d’autant que j’ai éprouvé énormément de plaisir à écrire Ouragan sur la mémoire. J’ai donc décidé de me lancer dans un nouveau genre : le roman policier. C’est la raison pour laquelle, je crée cette nouvelle série des « Invitations ciblées sur l’Isle ».

Inutile de dire qu’aujourd’hui commettre un crime parfait est un peu compliqué. J’ai décidé de relever le défi. J’avoue m’être arraché les cheveux pour contourner la médecine médico-légale, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, sans oublier les aspects juridiques. Sincèrement, j’ai cru que je ne m’en sortirais jamais.

Il a juste fallu inventer et innover. Dans cette Assurance pour un bon repas, inutile de chercher des moyens sophistiqués, quoique… Seules la manipulation et les règles les plus élémentaires sont utilisées. J’ignore ce qu’en pensera un professionnel, mais pour moi, cet assassinat reste réalisable. Il ne nécessite pas des moyens matériels importants. Il n’est pas à la portée de tout un chacun. Non, ce n’est pas un mode d’emploi du crime parfait. Ce n’est qu’un roman policier qui n’a pour but que de distraire, rien d’autre.

Il n’a bien entendu aucun rapport avec la réalité et encore moins avec une situation passée ou présente. Il ne s’agit que de mon délire. Rappelez-vous, comme l’a affirmé quelqu’un, ceux qui écrivent des histoires n’ont pas vécu.

Assurance :

L’homme est un cadavre ambulant qui possède l’assurance de mourir un jour.

Max Hyme

Repas :

Un bon repas se prépare lentement et la faim reste la plus piquante des sauces.

Max Hyme

Chapitre I

Recherche du menu

Recherche :

Toute recherche d’une véritable héroïne commence par l’indispensable : un ennemi à détruire pour sauver le monde.

Max Hyme

Menu :

Je suis pour vous comme un menu hors de prix. Vous pouvez me contempler, mais vous n’avez pas les moyens.

Max Hyme

Sincèrement, a priori, je m’imagine mal assassiner quelqu’un. Enfin pas vraiment ! Ce que j’ai du mal à concevoir, c’est me trouver face à un individu, pour le tuer en le poignardant avec un couteau ; lui fracasser le crâne à coups de casse-tête ; lui trancher la carotide avec une lame ; lui tirer dessus avec une arme à feu ; éventuellement lui envoyer une fléchette empoisonnée, ça je pourrais ; ou que sais-je encore. Après, il faudrait se débarrasser du corps en le découpant en morceau pour ensuite l’introduire dans un hachoir à viande pour le transformer en pâté, et le donner à manger aux cochons. Les pâtés, ce n’est pas mon truc. Du boudin créole, des acras de morue, ça, je sais les préparer, mais des pâtés, je n’ai jamais su. D’accord, on peut toujours enterrer le corps dans un trou de soixante-dix centimètres sur soixante-dix, mais il faut creuser à plus de trois mètres de profondeur, mais je ne suis pas une terrassière. On peut aussi l’immerger dans une fosse marine, mais je ne suis pas très marin ; l’insérer dans la dalle de béton des fondations d’un immeuble en construction, mais le bâtiment n’est pas ma spécialité ; ou le jeter dans un lac de lave en fusion, mais je ne suis pas vulcanologue ; l’emmener en pirogue sur le fleuve pour le balancer dans le bassin à crocodiles peut être une autre option. En Guyane d’accord, mais en Métropole… D’ailleurs, j’ignore toujours comment les autres ont fait disparaître mon mari en l’invitant à un Apéritif Bleu Marine. Sincèrement, je n’ai pas les moyens.

Moira m’a impressionnée quand elle a organisé son Banquet Asiatique. La chienne de Coréenne a été invitée. L’affaire a défrayé la chronique mais personne n’a vraiment été inquiété. Kazuo a ainsi été libéré de son giri ou de son fardeau qui l’accablait depuis son enfance. Ah, ces Japonais ! En revanche, mon amie écossaise a souffert dans son corps. Psychologiquement, elle a aussi été durement atteinte pendant plusieurs mois. Même si je lui ai apporté mon aide, je me demande encore comment elle a fait pour tenir le coup. Je reconnais qu’elle a commis une erreur fondamentale : elle est tombée amoureuse de sa victime, je devrais dire de son invitée. Personne n’y croyait à l’organisation de son banquet. Comme les autres, je lui avais suggéré de changer le menu. Comme toute cheffe en cuisine, pas question pour elle de baisser les bras sous un prétexte futile. Le menu annoncé se doit d’être présenté, surtout s’il est annoncé et commandé. Il n’en sera que mieux savouré. Alors quand on prévoit d’organiser un banquet… Cela a été très dur pour elle de faire face à la pression. Finalement, la pression ne se conçoit que dans un verre accoudé au comptoir. D’ailleurs, elle reste de moins en moins avec nous à L’Isle-sur-la-Sorgue. Si elle passe de plus en plus de temps dans sa demeure familiale près d’Aberdeen en Écosse, sans doute a-t-elle besoin de se ressourcer. Personne ne peut lui en tenir rigueur après ce qu’elle a enduré. Au début, quand on a lancé nos premières invitations, Charles l’a un jour qualifiée de grande putain, alors que moi, je ne suis qu’une belle salope.

Je dis ça, oui ! Je suis vraiment une belle salope.

Quand j’ai assisté Annabella à ce Festin Celte, je suis restée sans voix. Belle femme, cette Italienne tout en rondeur, avec ses cheveux blond vénitien, son visage piqué de taches de rousseur aux lèvres charnues, elle ressemblerait presque à la Vénus de Botticelli. Jamais je ne l’aurais imaginée commettre deux meurtres sans sourciller, je veux dire, inviter deux convives, mais vous aviez corrigé par vous-même. Elle a fait attraper une indigestion à ce cochon d’Irlandais et à l’autre clown. Elle a procédé tout en finesse avec une douceur et une grâce que je lui reconnais bien. Tout en subtilité et en perversion diabolique, l’Italienne m’a franchement impressionnée en se faisant passer pour la fée Viviane. Quant à moi je devenais la Banshee, une sorte de déesse de la mort, Charles un elfe et Kazuo un lutin de la forêt. À moins que ce ne soit le contraire, Charles un lutin et Kazuo un elfe. On aurait cru que nos deux convives avaient été infectés par le coryza des chats. Mais quelle importance ! Certes, j’appartiens à une troupe de théâtre amateur, mais jamais je n’aurais rêvé jouer une telle tragédie tout en conservant mon sérieux. Il faut reconnaître que nous avions soigné les costumes et la mise en scène. C’était d’un comique… Et là, je reconnais que je me suis éclatée. Moira a remercié chacun des organisateurs à sa manière. Nous avons parlé affaires. Là, en effectuant toutes sortes de placements, je l’ai ruinée, anéantie. Je me suis déchaînée toute la nuit sur son corps mince. Normal, j’adore baiser les blondes, particulièrement elle avec son air hautain et aristocratique. Que voulez-vous la rencontre d’une belle salope et d’une grande putain est toujours constructive et aiguise la créativité de tout un chacun, particulièrement la mienne. J’adore…

Cela fait plusieurs semaines que j’étudie dans tous les sens le dossier de Mauro. Mauro Valpolicella, c’est le nom du mari d’Annabella. Pourtant cela n’aurait pas dû présenter de difficultés compte tenu de mon activité professionnelle. En effet, je suis responsable du Sud-Est d’une compagnie d’assurances et en plus je coiffe le service informatique de la région PACA. Avant et maintenant encore, je gère un service contentieux. Ce n’est pas seulement de contentieux des assurances dont il s’agit, mais aussi de protection judiciaire. Vous savez ce service qui propose à ses assurés une protection juridique en cas de litiges avec des tiers. Bref, des dossiers, j’en vois passer de toutes les couleurs. Chaque fois qu’un de mes collaborateurs peine, je reprends le dossier et lui offre un nouvel angle d’attaque pour traiter le différend. Une fois le dégrossissage effectué, zou, chez l’avocat ou… classement vertical. À la poubelle si vous préférez.

Où donc se présente la difficulté ? Simplement, je ne sais pas comment m’y prendre pour l’assurer d’un bon repas. Si je vous parlais de Mauro, vous comprendriez mieux. Tout le monde vous le décrira comme un type bien : militant écolo pour une ONG, il défend les squatteurs, fait passer la frontière en fraude à des réfugiés, pense que tout attentat terroriste n’est qu’un fait divers, milite pour la libération des délinquants de droit commun en plaidant qu’ils sont les victimes du système, affirme sa sympathie pour les LGBT, tout en affirmant que le jour le plus sombre de l’histoire de l’humanité est celui où Christophe Colomb découvrit l’Amérique. Bref un Islamo-gauchiste écolo, politiquement correct utilisant sans vergogne la novlangue à la Georges Orwell : La paix c’est la guerre, et la liberté c’est l’esclavage. Quand politiquement on le contredit, il traite son interlocuteur de fasciste et le tour est joué. Selon moi, c’est l’archétype du parfait connard. Ah oui, j’oubliais, bien que lui aussi d’origine italienne, il habite Nice.

C’est faux que je ne sais pas comment m’y prendre. Je vous raconte des histoires. Une idée diabolique a germé lentement. Mais il faut que je peaufine mon menu.

Comment puis-je porter un pareil jugement péremptoire pour cet individu, alors que je suis une métisse originaire de Guyane ? Je suis un savant mélange d’Indienne, et ne me qualifiez pas d’Amérindienne s’il vous plaît, cela a le don de m’énerver. Si vous souhaitez des précisions, je suis pour partie Arawak. À cela, vous ajoutez une forte proportion de Laotien, une touche de Créole et un soupçon de Permanant ou de Colon blanc. Fondamentalement et culturellement, je suis Lao et plus particulièrement Hmong. Je suis donc bouddhiste et animiste. Ceux qui se demandent ce que vient faire cette ethnie d’Asie du Sud-Est en Guyane ne connaissent rien à l’histoire. Cette ancienne colonie, devenue un département, de ce que l’on appelait autrefois l’Empire, a servi de terre d’exil pour tous les contestataires de l’Indochine française, jusqu’à la défaite de Diên-Biên-Phu. Après, elle devint la terre d’accueil de tous les collaborateurs indochinois que la France ne voulait ni abandonner ni garder en métropole. Ne me demandez pas si j’appartiens à la première ou à la deuxième vague d’immigration forcée, c’est évident compte tenu de mon ethnie d’origine. C’est ainsi que beaucoup de Lao, quelques Vietnamiens et Cambodgiens, après avoir gommé leurs antagonismes politiques, se sont installés là-bas et ont retrouvé les mêmes conditions climatiques, le même relief, presque le même environnement. Ils se sont tous réconciliés et ont accaparé l’agriculture de jardin et pas mal de restos. Si vous allez au marché de Cayenne, la majorité des étals sont tenus par des Asiates et vous pourrez déguster un excellent Phô, un lap, des nems, des crêpes et que sais-je encore. Bref, je suis mitigée cocon d’Inde.

En Guyane, il n’existe pas de racisme. Que ce soient les Français, les Anglais, les Hollandais, les Asiates, les Nègres-Marrons du Surinam et du Guyanas, les Créoles, les anciens bagnards, bref tout le monde s’est mis d’accord pour… massacrer les Indiens. C’est un peu du passé mais pas tellement. Si, là-bas, vous voulez insulter quelqu’un, traitez-le de Petit-Indien. Cela me fait penser à une anecdote. Un jour, un Indien se rendant à Cayenne découvre un réfrigérateur dans un magasin d’électroménager. Fasciné par cette armoire qui produit de la glace, il rentre dans son village au bord du fleuve et organise une collecte pour acquérir ce produit fabuleux, après avoir convaincu le cacique et le chaman. Tous trois, ils retournent à Cayenne. Ils l’achètent, le chargent sur la pirogue pour le ramener dans leur tribu. Ils le présentent devant tout le monde au cours d’une grande fête. N’ayant pas d’électricité sur le bord du fleuve, bien entendu, l’appareil ne fonctionne pas. Quelle conclusion en tirent-ils ? La magie des blancs ne fonctionne qu’à proximité des Blancs. Quelle autre réponse pouvaient-ils apporter ?

En vérité, ceux qu’on redoute, ce sont les Brésiliens. Pourquoi les Brésiliens ? Parce qu’ils viennent toujours foutre la merde. D’abord, sur la carte du Brésil, la Guyane fait partie de leur territoire, comme le Surinam et le Guyanas d’ailleurs. Heureusement que la Légion est présente, surtout dans l’éventualité d’une protection du site de lancement de Kourou. Elle est là aussi pour nous protéger, des mines d’or clandestines qui ravagent la forêt, du trafic de stupéfiants ou d’animaux et du reste. Je sais, certains vont dire que j’exagère et que je suis raciste. Non, je ne fais que protéger mon identité, ma culture et mon territoire. À quoi sert un pays si n’importe qui peut y rentrer et appliquer les règles de son pays d’origine ?

Raciste et xénophobe, moi ? N’en croyez rien, prenez donc une terrasse Place des Palmistes en face de la préfecture, ou promenez-vous à la nuit tombée, ou pire encore essayez de rentrer dans certains bars le long du fleuve. Je ne vous donne pas une demi-heure avant de vous faire dépouiller et trucider par des crackés. Le cadavre, zou dans le fleuve. En prime, une femme seule bénéficiera sans doute du privilège d’être violée avant. D’accord, j’exagère un peu, mais pas tellement. Place des Palmistes, si vous êtes un homme, une Brésilienne jettera le grappin sur vous. Flatté au début de votre union, plus tard, vous connaîtrez l’enfer du mariage ou du chantage pour détournement de mineur, si elles ne vous refilent pas le coryza des chats en prime. Et, j’en ai vu des Métros et des Légionnaires se faire avoir, et même des Russes travaillant à Kourou. Pour eux, pas de demi-mesure, retour assuré par le premier vol direct vers Moscou. Et après ? Zou, direction le Goulag ! Ils auraient dû lire leur contrat de travail et étudier la convention entre la France et la Fédération de Russie sur le site de Kourou de lancement des fusées Ariane. D’accord, depuis la disparition de l’URSS, il paraît que le Goulag n’existe plus. Vous y croyez, vous ?

Mon enfance, je l’ai passée en forêt. Ensuite, je suis allée à l’université en Métropole à Paris où je me suis établie, quand mes deux frères et ma sœur cadette sont retournés en Guyane pour travailler à Kourou. Après quelques années dans la capitale et un court passage à Lyon, ma direction d’une importante société d’assurance m’a proposé de prendre la direction du bureau d’Avignon. J’ai bien entendu saisi l’opportunité. Il m’a fallu trouver un logement dans la région. Je ne souhaitais pas quitter Lyon, après Paris pour une autre grande agglomération. J’ai cherché une petite ville dans un rayon de trente kilomètres. Trois se posaient en tête de liste : Carpentras, Cavaillon et L’Isle-sur-la-Sorgue. Je pensais que le Sud de la France serait sympa et que je retrouverais la même ambiance qu’en Guyane. Que nenni ! Carpentras : une calamité, envahie par les Magrébins. Beaucoup de cafés ne servent pas d’alcool. Impossible de boire un lagout ou un ti’punch en terrasse sans se faire emmerder par la racaille. Quant à sortir le soir, on n’y pense même pas. De ce côté, cela ressemble à Cayenne. Et Cavaillon ? C’est moins mauvais, mais envahi aussi par les Melons, comme on dit ici. Non, il ne s’agit pas des légumes. Des fois que vous l’ignoriez, les melons sont des légumes et non des fruits.

Quoi, vous me qualifiez de raciste ?

Remettons les choses dans leurs contextes et vous allez vite comprendre. Je suis une métisse et ma peau douce est caramel. Dans la Caraïbe, on dit que ma peau est chablis. Mes longs cheveux noirs sont lisses. Mon corps bénéficie de tous les bons côtés de chacune de mes origines. Pas très grande, je dépasse à peine le mètre soixante pour quarante-deux kilos, mes fesses sont aussi rebondies que celles d’une Africaine. Ma poitrine, aux tétons brun foncé, tient toute seule, comme celles des Asiates et des Indiennes. Quand je porte un soutien-gorge, j’utilise un bonnet B. Mon ventre reste plat, et le galbe de mes jambes vous damnerait. Je reconnais que chaussant du quarante, mes pieds sont un peu grands. De toute manière, je déteste porter des chaussures à hauts talons. Malgré la quarantaine passée, mon corps reste musclé et ferme, grâce à ma demi-heure de gymnastique quotidienne. Cela me permet aussi de conserver toute ma souplesse. Mon visage aux pommettes saillantes s’agrémente d’une bouche sensuelle aux lèvres épaisses aux coins légèrement tombants. Certains disent que cette moue naturelle me donne un air boudeur. Paradoxe de la génétique, mes deux yeux dorés sont ronds et éclairent mon joli minois agrémenté de taches de rousseurs. Malgré les apparences, je vous promets que je ne suis pas l’ingénue que vous imaginez.

Je vous rappelle que je suis une belle salope, et que j’ai parfois un franc-parler.

Quand j’étais jeune, en Guyane, j’avais l’habitude de chasser en brousse ou sur le fleuve, et ramenais toujours du gibier dès l’âge de huit ans. Maintenant que j’habite en Métropole, plus question de me promener toute nue avec un arc, une sarbacane, des flèches et une machette. Une fille non mariée ne porte pas de pagne chez les Arawak. Quand je chasse, je deviens une Indienne Arawak. Dans mon village, je suis Lao ou Hmong. À Cayenne, en Métropole ou ailleurs, je me transforme en une Métisse civilisée. Les proies et les prédateurs ne sont plus les mêmes. A pas jouet ka tourné se va. Il faut s’adapter à chaque nouvel environnement. Je me transforme alors en Guerrier-jaguar nouvelle génération. Quand je me transforme ainsi, seul le coryza des chats peut me terrasser. Je suis certaine que vous pensez que me qualifier de Guerrier-jaguar relève d’une simple figure de style.

Laissez-moi vous raconter comment je me suis métamorphosée. Je venais d’avoir mes treize ans. Mes parents devaient se rendre au marché de Cayenne vendre leurs fruits et légumes le samedi matin et ouvrir leur première échoppe de restauration vers midi. À mon âge, ils auraient pu m’emmener, mais il fallait bien quelqu’un pour garder ma petite sœur. J’avais envie de partir à la chasse comme je le faisais à chaque occasion. Alors que mes parents étaient partis bien avant l’aurore, je confiais ma cadette à une amie de mon âge en lui faisant jurer de ne rien dire. Je partis en pirogue chasser en brousse le long du fleuve. Je savais où trouver opossum ou tapir. Chaque fois que j’en tuais un, je ne manquais pas de m’excuser auprès de lui. Je lui expliquai pourquoi j’avais dû prendre sa vie pour me nourrir. Les Arawak sont pacifiques, ils n’aiment pas la violence. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle mon peuple a été massacré et a presque disparu.

Ce jour-là donc, je partis chasser. J’attachais mon esquif sur la berge et je m’enfonçais dans la forêt, muni de ma sarbacane, arc, flèches et machette. Cela faisait à peine une heure que je suivais une piste quand je me retrouvais face à face avec un jaguar se livrant à la même activité. J’ignore qui fut le plus surpris des deux, mais nous restâmes un long moment à nous dévisager. Jamais je n’aurais eu le temps d’encocher et de décocher une flèche. Rompant le charme, il s’approcha lentement vers moi en grognant. Je me mis lentement à genoux pour ne pas paraître plus grand que lui. Je l’implorais, en détournant mon regard. « Seigneur Jaguar, nous avons faim tous les deux. Si vous devez prendre ma vie pour vous nourrir, prenez-là, je vous l’offre. Sachez qu’alors plus personne ne s’occupera de ma petite sœur ». Je fermais les yeux me préparant à la mise à mort. Je percevais le souffle profond de cet animal. Il s’écoula un long moment, pendant lequel il ne se passa rien. Le temps s’était arrêté, pendant que je restais figée. J’entrouvris les yeux quand je sentis l’odeur du fauve. Sa tête était à vingt centimètres de la mienne. Il me renifla un long moment avant de passer sa langue sur mon visage. À genoux, recroquevillée sur moi-même, tête baissée, l’œil en coin, nous échangeâmes un dernier regard et il partit suivre son chemin sans se retourner. Inutile de vous décrire l’état dans lequel je me trouvais quand je me rendis compte que j’étais seule. Surprise, étonnée ou soulagée, je ne sais plus. Il n’empêche que je rentrais immédiatement chez moi pour retrouver ma sœur. Pendant longtemps, je n’osais parler à quiconque de cette aventure. Cet échange exacerba définitivement mes sens, ma façon de penser et ma manière d’appréhender le monde. Je devins alors une chasseresse redoutable : un guerrier-jaguar.

Bien plus tard, nous nous revîmes dans des circonstances étranges. J’étais déjà installée en Métropole et profitais de mes vacances pour rendre visite à ma famille et me ressourcer en Guyane. Pour cela, je partis le long du fleuve pour chasser. Je m’aventurais en forêt quand je fus attiré par un raffut infernal et des cris d’animaux. Je m’approchais silencieusement comme pour traquer une proie. Quatre Brésiliens s’affairaient autour de cages dans lesquels se trouvaient enfermés des animaux sauvages, dont un jaguar qui tournait dans sa prison en miaulant. Immédiatement, il sentit ma présence. Sans bruit, je m’approchais. Nos regards se croisèrent : « Je viens te délivrer », lui dis-je. Il rugit une dernière fois, puis se calma, s’assis et se coucha. Dans la brousse, j’utilise deux sortes de fléchettes. Certaines tuent et d’autres endorment. Avec les dernières, on ne ressent qu’une piqûre d’insecte avant de s’effondrer. Mes deux premières victimes s’écroulèrent rapidement. Les deux autres se précipitèrent sur leurs kalachnikovs et commencèrent à arroser de balles la végétation autour de leur camp. Ils savaient qu’ils avaient affaire à des Indiens. Cela les terrorisait. À la chute du troisième, le dernier hurla et tenta de s’enfuir en courant. Il rejoignit les autres braconniers dans leurs sommeils. J’ouvris toutes les cages et gardais celle du jaguar pour la fin. Une fois libéré, il sortit tranquillement, me renifla et s’assit. Il m’observait, me jaugeait et m’épiait. Je commençai par déshabiller les braconniers pour les laisser nus. Puis, je détruisis le campement, brûlais tout ce qu’il y avait à brûler. Quand j’en eut fini, les armes je les brisais et les jetais dans le fleuve comme leurs portefeuilles et tout l’argent qu’il contenait. Je ne conservais que l’or. La jungle déciderait de leurs sorts. Une fois ma tâche accomplie, le jaguar s’en alla poursuivre son chemin.

La dernière fois que je vis mon compagnon fut encore plus étrange. Je venais juste d’amarrer ma pirogue, quand un alligator sortit sa gueule de l’eau. Avant que j’aie pu faire le moindre geste, la tête d’un jaguar surgit pour s’attaquer au saurien. Le combat était par trop inégal. Le félin en sortit naturellement vainqueur. Il partit avec sa proie pour la dévorer. Avant, il me lança juste un regard. Je compris alors que le jaguar serait mon protecteur à vie. En cas de danger, je pourrais faire appel à lui, comme lui ferait appel à moi. Si nous sommes trop loin l’un de l’autre pour nous porter secours, chacun transmet son savoir, sa force et son esprit. Peu importe où je me trouve, nos esprits resteront toujours connectés l’un à l’autre. En Métropole, il m’est arrivé en songes de me transformer en jaguar et de chasser en forêt. J’ai même vécu ses accouplements. Dans mes rêves, tout ce que vit et ressent ce jaguar, je le vis et le ressens. Je ne suis plus une femme humaine, je deviens jaguar. Il m’est arrivé d’être poursuivi par des hommes. Je connais leurs ruses, leurs techniques et leurs pièges. Jamais ils ne m’ont attrapée. Moi, je suis devenue un jaguar, en fait je suis un guerrier-jaguar.

Un jour, après plusieurs jours de chasse en forêt, peu importe les circonstances, j’ai rencontré un chaman, appartenant à la classe des Bohiques. Nous échangions devant son caney tout en fumant du tabac, après lui avoir raconté mes expériences avec le jaguar. Il me proposa d’entrer en contact avec les esprits pour dialoguer avec les Dieux. Il m’initia au rituel. Tout d’abord, il me remit une spatule en côtes de lamantin, au manche décoré. Je l’introduisis dans mon gosier pour vomir. Je me purifiais pour me livrer au cemí. Après avoir inhalé une poudre hallucinogène tirée de l’arbre cohoba, je recommençais et recommençais encore. Parvenu à l’extase, je dialoguais avec les dieux pour connaître leurs desseins. C’est ainsi que j’appris que j’étais devenu un guerrier-jaguar. Lui et moi avions fusionné. Nous resterons liés l’un à l’autre toute notre existence. Les Dieux me demandaient de protéger ce jaguar. Sur cet oracle favorable, après cela, les areytos commencèrent. Les danses et les chants durèrent toute la nuit.

Peu importe que vous croyiez ou non mes histoires. Il n’empêche que je suis un guerrier-jaguar.

En Métropole, il n’est pas question que je sorte nue de chez moi. La nudité comme le sexe ne sont pas des tabous tant chez les Arawak que chez Hmong. Chez les Indiens, la femme se promène seins nus. Elle ne porte un pagne que quand elle est avec quelqu’un. L’homme, c’est pareil, il ne porte d’étui pelvien que pour protéger son sexe. Chez les Hmong, c’est presque la même chose. Tout petit, on part à la découverte de son corps. Les parents nous massent tous les jours à tout âge. Les enfants aussi massent leurs parents. Cela fait partie d’un devoir sacré et de leur apprentissage. Mais qu’est-ce que vous allez imaginer, il n’y a ni relation sexuelle ni inceste. Il n’y a que les Occidentaux pour développer de telles idées aussi tordues. Que quelqu’un soit soupçonné de telles pratiques, il sera immédiatement et irrémédiablement chassé du village. Aucun autre village ne l’accueillera jamais. Personne n’ignore qu’il ne survivra pas longtemps le long du fleuve. Ses pas le guideront vers Cayenne, Kourou ou peut-être Saint-Laurent du Maroni. À moins qu’il ne franchisse la frontière pour se perdre au Brésil ou au Surinam ou au Guyanas. Pour Les Métros, le sexe, le corps et plus généralement les plaisirs sont l’œuvre de Satan. Les arabo-musulmans introduisent une nuance en déclarant que la femme est un sous-être. Cela me fait penser aux doctrines nazies avec leur concept de race supérieure et leur haine des Juifs. D’ailleurs, leurs comportements sont identiques.

Pour en revenir à ces interdits, ils ont commencé à être introduits en Asie, en Afrique et dans les Amériques par les chrétiens. Les musulmans ont repris le flambeau, s’ils ne les ont pas précédés. L’impérialisme et le colonialisme culturel ont encore de beaux jours devant eux. Je me souviens d’une remarque de Victor Hugo au Général Bugeot qui rechignait à partir conquérir l’Algérie : « Allons, mon ami, vous devez porter la lumière de l’occident et de la culture à ce peuple arriéré ». Et c’est Victor Hugo qui a dit ça. S’il ne l’a pas dit en ces termes exacts, l’esprit reste le même. Les musulmans, eux, se sont contenté de vouloir réduire les peuples en esclavage pour alimenter leurs Harems, et encore aujourd’hui d’effacer les traces de cultures antérieures à celles des fous furieux qui se déclarent Prophète ou adeptes du Prophète. Heureusement, très peu sont arrivés sur le continent américain. Aujourd’hui, on les fait venir. Les bien-pensants, les écolos, les islamo-gauchos et les autres confondent humanisme et humanitarisme. Mais, quelle bande de connards ! Le pire, c’est que ces connards sont inconscients et dangereux. Moi je leur aurais volontiers fait attraper à tous… le coryza des chats.