Désert - Bruno Benattar - E-Book

Désert E-Book

Bruno Benattar

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Beschreibung

En 2007, aux Philippines, Jim, ancien Navy SEAL, accepte une plongée sur l’épave du New York, ravivant d’étranges souvenirs après les attentats du 7 octobre 2023. Recruté pour ouvrir un club de voile dans le Sinaï, l’auteur croise la route de Tsivia, un officier des communications aux intentions mystérieuses. Entre missions avec les commandos et patrouilles dans le désert, elle l’attire dans un pacte dont il ignore les enjeux. Attentats, tirs de mortier, rencontres troublantes : quarante ans plus tard, Jim fait mine de ne rien savoir mais reste insistant. La réalité est-elle vraiment telle qu’elle semble, ou est-ce une illusion aux contours incertains ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Bruno Benattar a suivi des études en sciences économiques et en sociologie. Fortement influencé par les mouvements sociaux de mai 1968, il a milité activement au sein de mouvements pacifistes, non marxistes et non violents, tout en pratiquant les arts martiaux qu’il continue aujourd’hui. Refusant de s’intégrer dans la vie professionnelle traditionnelle, il a voyagé autour du monde et a exercé comme moniteur de voile et de plongée sous-marine, naviguant pendant de nombreuses années sur son propre voilier. Pendant près de trente ans, après avoir repris des études de droit, Bruno Benattar a travaillé en tant que consultant en droit social et a publié de nombreux articles et ouvrages spécialisés en droit du travail. Aujourd’hui retraité, il réside dans le Vaucluse.

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Seitenzahl: 237

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Bruno Benattar

Désert

Roman

© Lys Bleu Éditions – Bruno Benattar

ISBN : 979-10-422-4946-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

Dans la série « Aventures »

– Brandir la vague (Le Lys Bleu) ;

– Ouragan sur la mémoire (Le Lys Bleu) ;

– Angel, la Pervertie : Déchéance et splendeur d’une call-girl (Le Lys Bleu) ;

– Désert (Le Lys Bleu).

Dans la série « Historique »

– L’hérésie de Dieu et la grâce du Diable (Le Lys Bleu) ;

– L’arche de la rédemption (Le Lys Bleu) ;

– L’improbable Odyssée (à paraître).

Dans la série « Invitations ciblées sur l’Isle »

– Apéritif bleu marine (Le Lys Bleu) ;

– Banquet asiatique (Le Lys Bleu) ;

– Festin celte (Le Lys Bleu) ;

– Assurance d’un bon repas (Le Lys Bleu).

Dans la série « Les chroniques de Pekigniane » :

– Cecily : l’Hermabun, suivi du Guide du voyageur à Pekigniane (Le lys Bleu) ;

– Guide du voyageur à Pekigniane et au Château-lumière (Éditions BOD) ;

– Jézabel : La chute du Château-lumière (ESA Éditions) ;

– Seth, le Bobun : Sur l’état de divinité et le militantisme syndical (Le Lys Bleu) ;

– Lidji, Celle qui a renoncé (Le Lys Bleu) ;

– Lilith, la Maudite (Le Lys Bleu) ;

– Asylie, la Cruelle : Pirate et Vampire (Le Lys Bleu) ;

– Angel, la Pervertie : Déchéance et splendeur d’une call-girl (Le Lys Bleu) ;

– Bumberry, l’Archibun (Le Lys Bleu) ;

– Lynn Carter (À paraître).

L’ensemble de ces ouvrages est disponible, en format papier ou électronique, sur les sites des éditeurs Le Lys Bleuet des revendeurs tels que FNAC, AMAZON. Vous pourrez également les trouver à L’Isle-sur-la-Sorgue à la Librairie Le Guépard située au 28, rue de la République ainsi que chez Super-U (U-Culture).

Rejoignez l’auteur, pour vous tenir au courant de ses dernières publications, sur FACEBOOK :

« Pekigniane Benattar » et sur le groupe « Pekigniane ».

Consultez aussi le site de l’auteur :

« https//pekigniane. com ».

Avertissement

Toute ressemblance avec des personnes, des événements ayant existé, existants ou qui existeront n’est que le résultat soit d’une malencontreuse coïncidence, soit de la prise inconsidérée de psah ou de toute autre substance hallucinogène licite ou prohibée, soit de leur propre délire sans aucun lien avec autre chose que leur dysfonctionnement mental. Cette impression de similitude peut aussi avoir été provoquée notamment, par des séjours emboîtés dans le temps, clic, clac ou cloc, combinés ou non, et/ou avec l’usage excessif du fouitbong.

Nous nous excusons d’en avoir été le déclencheur, même pour une partie infime, sans aucune relation avec leurs hallucinations. Nous leur préconisons de rompre tout contact avec des individus présentant les mêmes symptômes. Ils entretiendraient leurs délires monomaniaques pouvant déboucher sur une crise mortelle de fièvre afguide. Il conviendrait, plutôt, d’effacer ce roman de leur mémoire.

À défaut, nous leur conseillons, en cas d’échec, et en dernier recours :

– De consulter un homme de loi qui les soulagera de leur argent et les découragera d’entreprendre toute action. À moins que ce dernier n’envisage de les dépouiller d’une somme, plus importante encore ;

– De consulter un psychiatre, un psychologue, ou toute autre personne de la profession qui les délestera d’une autre fortune, colossale cette fois, en leur faisant subir un traitement éprouvant, long et coûteux, dont l’efficacité resterait à prouver ;

– De suivre une cure de désintoxication et de ne plus jamais absorber quelque substance hallucinogène que ce soit.

En tout état de cause, nous sommes profondément désolés pour eux et leur souhaitons sincèrement un prompt rétablissement.

Avant-propos

Après une série d’héroïque-fantasy, des romans d’aventures, plusieurs policiers, et des romans historiques épiques, je me suis pris à rêver d’une autre réalité au travers d’un autre roman d’aventures. Les événements du 7 octobre 2023 m’y ont incité.

Ce récit n’est absolument pas autobiographique. Il n’a bien entendu aucun rapport avec la réalité et encore moins avec une situation passée ou présente me concernant ou concernant quiconque parmi mes connaissances. Les personnes nommées n’ont jamais existé, n’existent pas et n’existeront pas, peu importe que les noms utilisés en rappellent d’autres. En dehors de grandes villes incontournables ou de sites remarquables, tout est imaginaire, même s’ils ressemblent à des endroits connus. Parfois, j’ai volontairement évité de les nommer, comme le protagoniste de cette histoire. Aucun des événements décrits ne s’est jamais produit et ne se produira jamais. Il ne s’agit que de mon imagination.

Pour ceux qui en douteraient, je leur conseille de relire très attentivement le texte de l’avertissement aux pages suivantes.

Certains pourraient me conseiller de ne pas publier le chapitre VI et de m’arrêter au chapitre V. Il n’est pas question de céder devant la censure ou pire encore l’autocensure pour ne pas déplaire.

J’ai parfaitement conscience que ce roman importunera certains mais en confortera d’autres. Il est volontairement parfois politiquement incorrect et provocateur. Mon objectif d’auteur n’est en aucun cas de plaire à tout le monde. Plaire à tout le monde, c’est plaire à n’importe qui. Or, je ne considère pas mes lecteurs comme n’importe qui. On l’a compris, mon but n’a jamais été de produire un discours lisse et aseptisé. Les protagonistes ne sont pas des super-héros dotés de superpouvoirs partis sauver la démocratie en danger, la liberté bafouée, le monde de la pollution, la planète du réchauffement climatique ou que sais-je encore. Non, ce sont des gens profondément humains qui commettent des erreurs et ne comprennent pas toujours ce qui leur arrive. Cet ouvrage reflète parfois mes sentiments face à une réalité qui me dérange de plus en plus.

Je l’assume totalement sans aucune restriction, aucune.

Qu’on se le dise aussi, je ne suis nullement effrayé par des réactions négatives et des menaces. Ce n’est pas maintenant et à mon âge que je vais faire des compromis pour éviter les critiques et les intimidations. J’en ai vu d’autres, tant par mon passé professionnel que d’auteur.

Déjà pour Lilith La Maudite, il m’a été adressé des menaces de mort après en avoir publié le premier chapitre sur internet. Dans un premier temps surpris, j’ai juste répondu que cela me ferait une excellente publicité si elles étaient mises à exécution. Je n’en ai plus jamais entendu parler.

Ensuite, pour Assurance d’un bon repas, j’ai résisté à une tentative de censure insidieuse, dont j’ignore l’origine, qui a tenté de caviarder mon texte en l’expurgeant de certains dialogues et même de passages entiers. Cela m’a mis dans un premier temps dans une colère noire. Mon éditeur a été aussi décontenancé et surpris que moi. J’ai fortement apprécié son soutien inconditionnel dans cette affaire. Il a même de sa propre initiative, diligenté une enquête. J’ignore toujours qui a été l’auteur de la tentative de modifications car j’ai préféré l’ignorer. Cela ne m’a jamais intéressé et ne m’intéresse toujours pas. Finalement, comme je le souhaitais, le manuscrit a été publié dans sa version d’origine sans d’autres difficultés. C’était la seule chose qui m’importait.

Avec celui-là, je me suis préparé au pire.

Désert :

Dans le désert, si l’on s’assied sur une dune, on ne voit rien, on n’entend rien, il ne se passe rien. Cependant, quelque chose rayonne en silence.

Pour chasser le lion, on va dans le désert. Là, on le passe au tamis. Quand tout le sable est passé, il reste les lions.

Max Hyme

Chapitre I

Opportunité

Opportunité :

Peu de gens comprennent qu’il y a peu de différence entre un obstacle et une opportunité et qu’ils sont capables de tourner les deux à leur avantage.

Lorsqu’un homme a l’opportunité de mener une vie extraordinaire, même si elle lui semble banale, il n’a pas le droit de la garder pour lui-même.

Max Hyme

« Toi, tu as plongé avec Shmoulik ? Ça, c’est amusant. Tu sais qui c’est ?

— Pas vraiment, en dehors du fait qu’il était moniteur de plongée avec Shlomo.

— Parce que tu connais aussi Shlomo.

— Je ne vois pas ce qu’il y a d’extraordinaire. C’est même eux qui m’ont appris à plonger.

— Où cela ?

— À Neviot, dans le Sinaï, sur la mer Rouge, lui répondis-je en vidant mon verre de tequila que j’alternais avec ma bouteille de bière. On est même allé à Sharm-el-Sheikh ensemble. Il n’y a pas de quoi en faire un fromage.

— Toi, tu as été militaire ?

— Moi ? Pas du tout. Je n’ai même pas fait mon service militaire obligatoire.

— Ah oui ! Tu sais que Shmoulik est un cador parmi les nageurs de combat israéliens.

— Non, je n’en savais rien. Tu sais pour Shmoulik, c’était il y a près de trente-cinq ans. Alors, à l’époque… Et toi, tu le connais d’où ?

— D’abord entre nageurs de combat, on se connaît tous après quelques années, au moins de réputation. En plus, moi, je l’ai rencontré dans le cadre d’échanges entre l’armée américaine et l’armée israélienne. Dis-moi, Shmoulik, tu le connais bien ?

— C’est avec lui que j’ai passé mon monitorat. L’histoire est longue et un peu compliquée. C’est vieux. C’était il y a plus de trente ans.

— On a le temps, la bouteille de tequila m’appartient. Si tu me racontes ton histoire et que tu dis vrai, après-demain, on plonge tous les deux sur le New York et on explore les coursives. Il faut juste que je m’arrange avec le club.

— Je croyais qu’on ne descendait pas en dessous de la barre des trente mètres. À mon avis, l’épave du croiseur repose à au moins cinquante mètres.

— Ça, c’est pour les touristes. Elle est à cinquante-cinq mètres pour être précis.

— Le club ne nous laissera jamais descendre aussi bas.

— J’en fais mon affaire.

— Si tu le dis…

— Parle-moi de ta rencontre avec Shmoulik. Ensuite, je te dirai comment je le connais. Mais, raconte-moi tout dans les moindres détails.

— D’accord, mais avant tout, on boit un coup.

— Bonne initiative ».

Il existe un nombre infini de manières de faire le tour du monde.

Aujourd’hui, on peut se brancher sur internet et acheter un billet d’avion qui vous emmènera de Paris à New York, puis à Los Angeles et enfin à Tokyo pour rentrer à Paris, tout compris, all inclusive. Certes, on peut choisir un autre itinéraire dont les seuls noms font rêver. On passera par Rio de Janeiro ou Valparaiso en Amérique latine ; Sydney ou Perth en Australie ; Surabaya, Denpasar ou Jogjakarta en Indonésie ; Singapour ; Pékin ou Shanghai ou Hong-Kong en Chine ; Hanoï ou Saïgon au Vietnam ; Bangkok en Thaïlande ; pour finir par Calcutta, Bombay ou Delhi en Inde ; et enfin retrouver son petit confort. On ne manquera pas de réserver des RB & B à chaque escale. Ce voyage durera, selon les disponibilités et le budget, entre huit jours et un mois, en passant plus de la moitié de son temps dans les aéroports et les transferts.

À une autre époque, faire le tour du monde possédait une aura magique quand il s’effectuait par la mer. Partir d’Europe, traverser l’Atlantique, passer le cap Horn ou le détroit de Magellan pour naviguer sous les quarantièmes rugissants, là où il n’y a plus de loi, ou pire encore sous les cinquantièmes hurlants, là où il n’y a plus de Dieu. Ceux qui osaient se laisser déporter par les vents sous les soixantièmes se prépareraient à affronter l’épouvante, et ce ne serait pas encore suffisant. S’ils en avaient réchappé, ils pouvaient se reposer à Valparaiso, remonter sur San Francisco, filer à Yokohama, se perdre en Polynésie, descendre sur les îles de la Sonde, faire escale à Surabaya, franchir le détroit de Malacca, s’arrêter à Bombay, passer le cap de Bonne Espérance appelé aussi le cap des Tempêtes, et remonter sur l’Europe… Ça, c’était un tour du monde. Aujourd’hui, beaucoup choisiront la facilité en passant par le Canal de Panama puis celui de Suez. Même ainsi, quelle aventure !

On peut aussi économiser toute sa vie, et au moment de sa retraite, partir pour trois mois. On réalisera alors le rêve de sa vie. Après, on organisera des séances de diapositives ou on postera ses photos sur les réseaux sociaux.

La majorité procédera différemment. À un moment, le plus souvent avant, pendant ou juste après leurs études, un grand voyage leur permettra de rogner les ailes de la curiosité tout en satisfaisant leur soif de découverte. Ensuite, ils se rangeront des voitures en se mariant et en faisant de beaux enfants. Tout en exerçant une profession enviée et honorable, ils en parleront après pendant toute leur existence, en croyant avoir découvert le monde et être partis à l’aventure.

Certains, plus rarement, seront partis en stop avec un sac à dos, jusqu’où la lassitude les aura portés.

Enfin certains, plus téméraires, auront acheté une épave qui pourrissait dans un port, et l’auront retapée. S’ils en ont encore le courage, ils lèveront l’ancre pour naviguer vers d’autres horizons et l’oubli. Certains se transformeront eux-mêmes en épave et pourriront au milieu d’une crique de fin du monde. Saint-Martin dans la Caraïbe en est remplie de ces navigateurs au bout du rouleau. Le même genre de chose peut aussi se faire en camping-car ou en voiture. Et on en trouve de ces carcasses rouillées le long du chemin.

Il existe bien d’autres moyens de procéder, par exemple en bénéficiant des opportunités professionnelles.

Personnellement, je n’ai pas vraiment procédé ainsi.

Je ne me suis pas réveillé un matin en me disant : « Tiens, si je faisais le tour du monde ». Quoique…

Beaucoup se contentent de voir des reportages et de vous asséner : « Je connais, je l’ai vu à la télé ». Ainsi, au retour d’un voyage en Chine, chez mon coiffeur qui m’interrogeait sur mon périple, je lui parlais notamment de Shanghai. Un client ne put s’empêcher d’intervenir.

« Vous êtes allé à Shanghai, il paraît qu’il y a beaucoup de Français là-bas.

— Pas vraiment, il existe effectivement un quartier français construit dans les années 1920.

— Allons, ne me dites pas que vous n’avez pas rencontré des Français.

— Je suis tombé par hasard sur un Belge, mais je n’ai rencontré aucun Français.

— Vous racontez n’importe quoi. J’ai vu un reportage à la télé où on montrait qu’il y avait beaucoup de Français installés à Shanghai.

— C’est possible. Mais ils étaient probablement noyés parmi les dizaines de millions de Chinois, ou installés dans des endroits où je ne suis pas allé.

— Vous ne connaissez rien à la Chine et à Shanghai. À la télé, j’ai vu des reportages où on interviewait des Français installés depuis des dizaines d’années. Il paraît qu’il y a plein de restaurants français installés à Shanghai. Je le sais, je l’ai vu à la télé.

— Sans doute. Je vais vous révéler un secret, je ne suis pas allé en Chine pour rencontrer des Français et aller dans des restaurants français.

— Vous ne connaissez rien à la Chine. Vous n’allez pas voir ce qui est important ».

Fin de la discussion.

En fin de compte, contrairement à ce qu’on pense, le plus difficile quand on décide de partir, ce n’est pas de sortir de chez soi, franchir la porte de son domicile et la refermer derrière soi. Non, le plus difficile, c’est de faire face à des crétins qui prétendent tout savoir, tout connaître, avoir des opinions sur tout et surtout des opinions, en recrachant ce qu’ils ont vu à la télé ou sur les media.

Même sur place, ils sont redoutables de bêtise. Je ne me souviens plus si c’était au Kenya, en Côte d’Ivoire ou en Haute-Volta, enfin bref, quelque part en Afrique, on devait franchir un fleuve. Pour cela, on prit un bac nous transportant d’une rive à l’autre. Entre l’embarquement, la traversée et le débarquement, cela prit bien deux bonnes heures. Un touriste adepte des voyages organisés interrogea son guide :

« Pourquoi vous ne construisez pas un pont ?

— Cela donne du charme au voyage, répondit l’accompagnateur.

— Oui mais ça irait plus vite.

— C’est notre tradition. Ainsi, on peut contempler les hippopotames et toute la faune, précisa le guide diplomatiquement.

— Oui, mais c’est chiant. Et puis les hypos, je connais, on en a déjà vu hier. »

Pour moi, une seule réponse s’impose : « Connard ! ». Pour construire un pont, il faut de l’argent. Alors qui paie ?

Mais l’aide humanitaire, voyons !

Ah oui, l’aide humanitaire…

C’est cela oui, l’aide humanitaire !

L’aide humanitaire est la pire des calamités.

Comment peut-on affirmer de telles absurdités alors qu’aujourd’hui, des jeunes s’engagent dans l’aide humanitaire ou l’écologie, pour faire quelque chose afin de sauver la Planète ?

Je suis déjà fatigué.

La première fois que je suis allé au Cambodge, vers le milieu des années quatre-vingt-dix, les frontières venaient de se rouvrir. À Bangkok, on payait la soupe chinoise l’équivalent de soixante centimes d’euros. À Phnom Penh, elle valait déjà un dollar. Dix ans plus tard, la même soupe valait moins d’un dollar en Thaïlande et plus de cinq au Cambodge. Les humanitaires étaient passés par là et avaient provoqué cette inflation. Et je ne parle pas de tous les trafics possibles : prostitution, pédophilie, drogue, antiquités, avec la corruption qui va de pair. Ces gens-là, les humanitaires, ne parlaient qu’anglais, quelle que soit leur nationalité. Jamais un mot de cambodgien n’était prononcé. On les voyait quitter les tables des restaurants, laissant des assiettes à moitié pleines de hamburgers et de frites ainsi que des canettes de Coca-Cola à peine entamées alors que des gens mouraient de faim à côté d’eux dans la rue. Même s’ils ne recevaient qu’un maigre salaire, sur place, ils devenaient les rois du pétrole compte tenu de la différence de niveau de vie.

Je me rappellerai toute ma vie, cet humanitaire solitaire qui se lamentait sur la misère au Cambodge et les massacres perpétrés par le régime de Pol-Pot. Assis à la table d’une gargote, près de la Terrasse des Éléphants à Angkor, il avait commandé une noix de coco pour se désaltérer. Celle-ci valait quatre-vingt-quinze cents. Quand la serveuse, qui ne devait pas avoir huit ans, la lui apporta, elle s’excusa de ne pas pouvoir lui rendre les cinq cents de monnaie. Elle proposa de lui donner l’équivalent en riels, la monnaie locale. Au prétexte qu’il n’était pas d’accord sur le taux de change, il partit en récupérant son dollar et en plantant la gamine avec sa noix de coco ouverte. Il ne manqua pas de l’invectiver et de la traiter de sale petite voleuse. Je fis la seule chose à faire dans cette situation. Je payai la noix de coco, j’abandonnai les cinq cents, et je la bus tranquillement. Telle est l’image qui me restera toute ma vie des humanitaires.

Toujours au Cambodge, je crois que près d’Angkor Vat à Siem-Rapt, l’Union européenne avait financé une magnifique usine pour réapprendre à fabriquer les produits de l’artisanat local en utilisant les modes de production traditionnels. Les produits finis ne se vendaient pas car le prix était de cinq à dix fois celui du marché. Seuls quelques touristes mettaient la main au portefeuille pour aider ces pauvres gens.

À Rangoon, en Birmanie, malgré l’embargo économique, les humanitaires sont présents. Normal, il faut aider ces gens qui se battent contre la junte militaire qui fait obstacle à l’instauration de la démocratie et de la liberté. Les meilleurs hôtels à plus de deux cents dollars la nuit sont pleins. Chaque association occupe à l’année un étage complet de plus d’une trentaine de chambres. Pour être franc, sur le terrain, je n’en ai pas rencontré beaucoup des humanitaires. Je ne suis sans doute pas allé dans les bons endroits. C’est beau l’humanitaire, cela permet vraiment d’aider les gens et l’économie locale !

Une amie était partie en Afrique comme humanitaire, pour installer des pompes à eau dans le Sahel. Ainsi, les femmes n’auraient plus à se rendre à la source pour remplir leurs récipients et ramener l’eau à leurs villages. Quel altruisme ! Sauf que, quelque temps après son départ, les pompes furent toutes détruites par ces mêmes femmes. Aller chercher l’eau à la source était leur seul moment de liberté pendant lequel, elles se retrouvaient entre elles. Qui y aurait songé ? Bien plus tard, elle a compris.

Ainsi, alors que je remontais le fleuve Sénégal en Gambie, sur un remorqueur haute mer, je vis des bâtisses en dur et un village abandonné. J’interrogeai le capitaine :

« C’est quoi ces bâtiments ?

— Juste une ancienne usine de textile.

— Qu’est-il arrivé ? Pourquoi a-t-elle fermé ? La guerre ?

— Pas du tout, c’est encore plus dramatique. Les Européens envoient leurs vieux vêtements en Afrique par l’intermédiaire d’associations humanitaires. Cela ne coûte pratiquement rien juste le prix d’un conteneur. En Afrique, toute l’industrie textile locale a disparu en quelques années.

— Fait chier, fut la seule réponse qui me vint à l’esprit.

— Laisse tomber, me dit le capitaine. Dans deux heures, on arrive à destination. Fais bien attention à conserver ta route au milieu du fleuve. Je te reprends quand tu veux.

— Ça va ».

C’est ainsi que l’humanitaire supprimait l’activité économique, détruisait les emplois en renvoyant pays et habitants vers l’assistanat.

Non, selon la télé, il n’existe plus de cannibalisme en Afrique. Allez raconter cela à un habitant de la région de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire. C’est vrai que les Blancs sont comptés, dès qu’il en manque un, cela se voit et tout le monde s’inquiète. La télé l’a affirmé, le cannibalisme et la magie noire n’existent plus en Afrique.

La télé l’a affirmé, donc c’est vrai !

C’est comme le vaudou dans la Caraïbe. Juste du folklore pour touristes en quête de sensations fortes ! Si la Constitution de Haïti a longtemps interdit de faire travailler les morts, c’était juste pour effrayer les Occidentaux. Peu importe que des amis ethnologues ou sociologues, universitaires rationnels aient assisté à de telles cérémonies.

Scientifiquement, il a été démontré que cela ne peut exister. Il s’agit juste de supercheries.

La télé l’a affirmé, donc c’est ainsi.

D’autres gens s’engagent dans l’écologie, le réchauffement climatique, le transgenre, l’égalité entre les hommes et les femmes, enfin tout ce qui constitue le wokisme. Si les hommes sont plus forts que les femmes, prétendent-ils, c’est parce qu’on leur donne plus à manger quand ils sont petits. Allez dire cela aux lions, aux mammifères marins et à beaucoup d’autres. Il existe des sociétés matriarcales chez certaines espèces, comme les orques, les cachalots, les hyènes, les éléphants, les fourmis, d’autres solitaires chez beaucoup de félins comme les tigres et les jaguars et d’autres patriarcales. C’est ainsi.

La télé a affirmé le contraire, donc c’est faux.

La difficulté ne réside pas seulement dans le fait de voyager ou de quitter son chez-soi. Le plus compliqué, consiste à abandonner ses a priori, ses modes de pensée, ses habitudes alimentaires et tout le reste. Comment ne pas plaquer des schémas tout faits sur des situations inconnues, le plus souvent déroutantes ? Christophe Colomb, jusqu’à son dernier jour, était persuadé d’avoir découvert une route menant à la Chine. Il n’a jamais appris la langue des Tainos et n’a rien compris à leur culture. Comme ses successeurs l’ont fait après lui, il a plaqué sa culture sur la Caraïbe et a imposé son mode de pensée. On en voit encore aujourd’hui le résultat.

Avec le temps, on ne raconte plus grand-chose aux gens, sauf à se faire passer pour un mythomane, un affabulateur ou, pire encore, un facho réac.

Alors, on se tait ?

C’est faux,

Entre gens qui voyagent, on se reconnaît. On se rend compte qu’il y a peu de gens sur terre, même si la surpopulation est déjà largement atteinte. Comme deux musiciens ou artistes, ou deux professionnels vont se rapprocher ou pas, deux marins ou deux globe-trotters vont se reconnaître entre eux. Autour d’un café, d’une bière ou autre chose, on va pouvoir échanger et raconter notre vécu et nos expériences. De même, certains expats ne se sont pas contentés de vivre enfermés dans leurs blockhaus et leur microcosme pour ne se fréquenter qu’entre eux et s’encanailler parfois dans des bars à putes.

On se rend compte, comme me l’avait appris Tsivia, qu’Einstein n’avait pas fondamentalement tort quand il affirmait : « Il existe deux choses infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais pour l’Univers, je ne suis pas certain ».

En tout état de cause, prétendre faire le tour du monde n’a aucun sens. En effet, soit on commence d’est en ouest pour revenir à son point de départ, soit on le fait en sens inverse. En y réfléchissant bien, on se rend vite compte que le circuit aura été tracé sur un parallèle et qu’on n’aura rien vu sauf à effectuer le tour en passant par les pôles, dans un axe nord-sud pour remonter dans l’axe sud-nord. On peut aussi se placer sur une des extrémités de l’axe de la terre et pivoter simplement dans un sens ou dans un autre et effectuer une rotation de trois cent soixante degrés.

Absurde !

Prétendre vouloir faire le tour du monde est une entreprise insensée. Si on veut faire le tour du monde, il n’existe à mon avis et avec mon expérience qu’une seule solution. On doit procéder comme dans certains jeux vidéo. On part en effectuant des cercles de plus en plus larges pour découvrir la carte qui s’éclaire au fur et à mesure du périple. Même ainsi, cela ne présente qu’un intérêt relatif. À quoi bon couvrir toute l’immensité de la Sibérie ou de l’Océan Pacifique.

C’est insensé !

Il ne s’agit pas de faire le tour du monde mais de le découvrir en le parcourant. On part et on revient. Puis on repart pour aller un peu plus loin pour revenir et repartir toujours plus loin, encore et encore. À chaque destination correspond un mode de transport approprié : terrestre, maritime ou aérien. On saisit alors chaque opportunité. Cela prend le temps d’une vie. Et même ainsi, on n’en aura jamais fini car on n’a eu qu’une vision parcellaire de ce vaste monde en perpétuelle évolution. Il m’est arrivé de retourner sur les mêmes lieux à dix ans d’écart et de ne rien reconnaître. De cela, on n’en prend conscience qu’au fur et à mesure de ses périples.

Certains préfèrent s’affaler devant la télé en se faisant livrer une pizza ou un hamburger avec des frites, accompagnés de bière et de sodas, pour regarder des reportages arrangés s’ils ne sont pas franchement mensongers. Ils pourront après proclamer la phrase magique :

« Je connais, je l’ai vu à la télé ».

En réalité, le plus compliqué c’est d’amorcer la pompe, d’avoir un déclencheur.

Pour des raisons inintéressantes, j’ai décidé un jour d’arrêter mes études à la fac, et de partir comme moniteur de voile au Club Méditerranée.

« Au Club Med ? Quelle aventure que de partir comme G. O. ! » railleront certains.

Certes…

Habitant Nancy, dans l’est de la France, pour ne pas mentir, je n’avais qu’une faible expérience de la voile. J’avais effectué dans ma jeunesse deux vagues stages et mes vacances se passaient le plus souvent en Italie. Armé de mon culot et de mon manque d’expérience, j’avais pris rendez-vous à la Bourse, siège du Club Med, avec Pierre d’Orgeval, le responsable de la Voile. Au préalable, je lui avais envoyé un CV mensonger. Pierre était un type grand et sec. Avec ses cheveux blonds bouclés, il aurait très bien pu jouer le rôle d’un jeune lieutenant de la Royale. Il me reçut dans son bureau, l’entretien cordial ne dura pas dix minutes. « Peu importe ton niveau, l’important n’est pas que tu navigues comme les frères Pageot, Moitessier ou Tabarly, tu te perfectionneras sur place. Ce qui compte, c’est le reste. Comme tu parles italien, tu pars à Cefallu en Sicile. Mi-mai, on t’enverra une convocation pour Orly ».

J’étais aux anges.