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Après avoir subi un AVC à 49 ans, il a fallu se réinventer. Nagi Sastkina nous raconte comment elle est parvenue, entourée des bonnes personnes et malgré d'autres mauvais sorts du destin, à ne jamais baisser les bras et avancer. Ce mot est devenu son moteur ainsi que sa motivation.
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Seitenzahl: 126
Veröffentlichungsjahr: 2023
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A mon frère Pour toujours dans mon cœur
Tout semble en ordre, on ne voit rien. De l’extérieur, il n’y a pas d’anomalie. Vu de l’intérieur en revanche, il y a un léger problème qui malheureusement ne va plus pouvoir s’effacer, il faudra faire avec.
Non, je ne vous parle pas de l’expertise d’un agent immobilier qui essaie de me vendre un bien avec un défaut caché, mais bien de moi.
Moi, une personne en chair et en os, qui de l’extérieur semble tout à fait bien, mais qui à l’intérieur, cache une cicatrice due à un AVC. Et c’est là que le bât blesse, on ne voit rien !
Et comme on ne voit rien, je n’ai rien. C’est ce que mon vis-à-vis pense lorsqu’il me voit (et pas forcément pour la première fois). Et comme de surcroit, je ne suis pas vraiment du genre à me plaindre, mais à coller un sourire sur mon visage, l’illusion est presque parfaite. Mais ce n’est qu’une illusion, la cicatrice dans mon cerveau est bien présente et me joue régulièrement des tours. Ou plutôt, se rappelle à mon bon souvenir alors que je pense que tout va bien dans le meilleur des mondes. Mon gros souci de concentration va m’accompagner pour toujours sur mon nouveau chemin de vie et régulièrement me remettre à l’ordre quand je pousse le bouchon un peu trop loin, ainsi que la fatigue qui arrive toujours plus vite que souhaitée. Pour ne citer que ces deux exemples.
Une séquence d’une série télévisée m’est restée en mémoire. Il s’agissait d’une femme qui a vécu une tragédie (rien à voir avec un problème de santé) et qui appliquait le même principe que moi, sourire à la vie, malgré tout. Ce qui avait pour conséquence, que tout le monde la félicitait pour sa bonne mine. Elle rêvait de pouvoir vivre ne serait-ce qu’une seule fois, le moment où quelqu’un la regarderait réellement et lui dise :
« Mais qu’est-ce que tu as une sale gueule aujourd’hui ».
Mais qu’est-ce que j’ai rêvé (et cela m’arrive encore de temps à autre) d’entendre également cette phrase juste une fois.
Vous allez me dire que c’est simple, la solution est toute trouvée…ne plus sourire et laisser transparaître ce que l’on ressent réellement. Ok, il ne s’agissait que d’une série télévisée, mais je pense qu’autant pour ce personnage de fiction que pour moi, cela n’est pas si simple. Il s’agit tout simplement de notre, en l’occurrence surtout ma manière de fonctionner depuis toujours, ne rien dire, plaquer un sourire sur mon visage et avancer. Mais qu’est-ce que j’ai bonne mine aujourd’hui !
Mon histoire aurait également pu commencer ainsi :
Salut Moi, c’est MOI. On m’a forcé à prendre ta place, il nous faudra un certain temps d’adaptation, mais ne t’inquiète pas, je suis sûr que tout va bien se passer.
Moi a dû faire le deuil de lui-même pour laisser la place à ce nouveau MOI. Il s’agit bien sûr d’une seule et même personne, moi. Mais à la suite de cet AVC, il y a le Moi d’avant et le MOI d’après. Ça paraît brouillon expliqué ainsi et croyez-moi, à vivre, cette transition n’est pas forcément beaucoup plus claire.
Ce nouveau MOI a également dû emprunter de nouveaux chemins pour aller de l’avant. Les panneaux indicateurs sont souvent encore bien flous (peut-être que je n’ai pas mis les bonnes lunettes sur mon nez) et du coup, me font vivre de magnifiques situations enrichissantes mais également de gros moments de solitude. Toutefois, j’emprunte tout de même ces voies inconnues, car elles me font avancer et finalement, c’est ce qui importe le plus, ne pas rester sur place.
Un très grand moment de solitude, peut-être même le pire à vivre pour MOI depuis l’AVC, fut le jour où pour des raisons d’assurances, j’ai dû subir (et le mot est encore bien faible) une expertise neuropsychologique. Pour commencer, je pensais qu’un neuropsychologue est une personne sympathique et surtout empathique. Je me suis rarement autant trompée. L’intitulé pour ce monsieur, était plutôt du côté « comment humilier, rabaisser et détruire mon vis-à-vis".
Laissez-moi tout d’abord rapidement vous planter le décor. Pour arriver au cabinet où devait se dérouler cette expertise, j’en avais pour environ deux heures de transport en commun. Déjà un premier point en ma défaveur, quand on sait la fatigue que m’occasionne un trajet si long. Le fait d’y aller seule ne m’enchantait pas spécialement, mais au final, personne ne pouvait faire cette évaluation à ma place. En revanche, il est toujours plus sympathique de faire un aller-retour si long en bonne compagnie, le temps passe plus rapidement. J’ai un grand frère merveilleux, qui s’est spontanément proposé de m’accompagner pour me soutenir au moins moralement dans cette affaire. Il est allé faire du tourisme le temps que durait ma mise à mort. Je n’exagère pas, c’est bien ainsi que je me suis sentie, ma tête sur un billot à attendre l’exécution.
Me voilà donc arrivée au cabinet en question, je m’installe sagement dans la salle d’attente, dans la perspective que quelqu’un vienne me chercher. Jusque-là rien d’anormal, j’en conviens. Et voilà le monsieur qui arrive et me semblait presque aussi vieux que le mobilier de son cabinet. La première entrée en matière était déjà… fort sympathique. Il me dit sur un ton revêche « je vois que vous êtes une grande habituée des expertises, dommage, vous savez ce qui vous attend ! » Ah bien oui, j’aime tellement ça que j’en redemande, non mais franchement.
Certes, j’en suis à ma troisième évaluation, mais à chaque fois, sur demande de l’assurance. Je suis la première à voter pour m’en passer tellement c’est éreintant. Cette réflexion m’a refroidie illico presto et déjà repoussée dans mes retranchements. Ça commençait bien !
Après les explications d’usage, nous, enfin, je, commence. Le temps passe, ma concentration commence sérieusement à flancher, mais je m’applique du mieux possible.
Le jour précédant, toujours pour les mêmes raisons d’assurance, j’ai dû passer devant un psychiatre. Ce monsieur très sympathique (cette fois sans aucune ironie, il l’était réellement) qui me donnait l’impression de sortir tout droit d’une série télévisée, m’a fait la remarque suivante, que j’ai d’ailleurs déjà entendue plusieurs fois lors de mes différents séjours hospitaliers « surtout, gardez votre humour, il fait du bien ».
Donc, sans réfléchir, j’ai dégainé mon humour afin d’essayer d’alléger un peu l’atmosphère face au cerbère de neuropsy en face de moi. Vous ne serez pas étonné de lire que c’est carrément tombé à l’eau. Une porte de prison aurait eu plus de réaction à la touche d’esprit mise dans ma réponse. Ça, c’était fait.
Chaque fois qu’il me donnait une feuille avec un problème à résoudre, une fois le temps imparti écoulé, il m’arrachait presque la feuille des mains, comme si nous étions à une session d’examen et que d’une manière tout à fait insoupçonnée, j’aurais pu tricher. Encore une fois, mon sentiment de n’être qu’une moins que rien a grandi.
Après environ deux bonnes heures de torture de neurones, j’étais au bout de mes limites. Je le lui fais remarquer, non pas pour que nous arrêtions l’expertise, mais éventuellement pour deux minutes de pauses. Sa réflexion : « je m’en doute bien, mais je suis overbooké et n’ai pas le temps pour vous reconvoquer une autre fois ».
Je ne m’attendais de loin pas à cette réponse. Ma mâchoire s’en est presque décrochée. Ce n’est absolument pas ce que je demandais. J’étais tellement abasourdie par cette remarque que je ne me suis pas autorisée à demander ne serait-ce que trente secondes de pause.
La pire des remarques et probablement celle que j’ai ressentie comme la plus humiliante, fut lors de la séquence de calcul mental. Depuis l’AVC, les chiffres me stressent, surtout lorsque je ne les ai pas en visuel. Je perds tous mes moyens. Alors que jusqu’à mon nouveau MOI, j’étais tout à fait capable de calculer normalement comme la plupart d’entre-nous.
Pour la petite histoire, j’ai suivi un cursus scolaire en section mathématique, passé un certificat de fin d’apprentissage avec option comptabilité et tenu la comptabilité d’une petite entreprise durant 10 ans. Je ne vous raconte pas tout ça pour me vanter, mais pour vous expliquer le contexte. En conséquence, les chiffres, je maîtrisais, ce n’était vraiment pas un souci.
Donc, nous en sommes au calcul mental, il m’explique la procédure et c’est parti. On va dire que les deux premiers calculs sont vraiment faciles et ne me posent aucune difficulté particulière. Le but recherché est que, bien sûr, plus on avance, plus ça devient corsé. Lors d’un énoncé, alors que j’étais censée lui donner une réponse, je ne me souvenais même plus du début du calcul. Je lui fais remarquer qu’il m’a perdu en route, que je n’ai aucune idée de la réponse et là, il me regarde et me dit d’un air pincé et très sérieux « pourtant, c’est facile ». Je me suis pris une claque monumentale. Je me trouve face à un neuropsychologue, à faire une expertise, afin de déterminer mon état suite à un AVC. Tous les jours, j’apprends tant bien que mal à apprivoiser ce nouveau MOI, à me réinventer. Et lui, il a le culot de me dire que c’est facile. Mais mon bon monsieur, si cela était si facile, je ne serais pas là à me torturer le cerveau (au propre comme au figuré) à me faire rabaisser par un inconnu. Il m’aurait dit « arrêtez de faire semblant » que je n'en aurais pas été plus étonnée. Dès ce moment, je me suis refermée comme une huître et j’ai continué sans broncher. Tout ce temps plus tard, j’en suis encore bouleversée rien que de l’écrire.
Mon contingent de concentration étant déjà dépassé, mon corps n’a plus mis long à me le faire savoir de manière concrète, les larmes se sont mises à couler. Cette situation ne m’enchantait absolument pas et une nouvelle remarque n’a pas tardé à arriver. Étant très gênée, je m’excuse encore bêtement de pleurer en raison de la fatigue, lui expliquant que je ne peux pas gérer ceci, qu’il s’agit d’une nouvelle réaction de mon corps lors de gros surmenage. Et là, le monsieur me regarde et me dis « oui je sais, c’est dû à votre AVC, prenez une bonne respiration et on continue ». Pan ! il m’aurait dit sur le même ton « taisezvous et ne faites pas tant de manières » que cela n’aurait pas pu être pire. J’étais sincèrement estomaquée. Je ne demandais pas la lune, juste deux minutes de pause. Mais non, nous avons continué. Je me vois encore devant l’écran, des larmes plein les yeux, essayant de trouver un minimum de force pour me concentrer, mais ne voyant plus vraiment ce qui se passait devant moi.
Environ une heure plus tard, il a enfin compris que c’en était trop et m’a dit « on va arrêter là, ça ne sert à rien de continuer ». Ah bon, vous croyez vraiment, allez encore une petite heure, j’aurais tellement plaisir à me torturer encore un peu. Ce n’était là que ma pensée profonde du moment, m’étant abstenue de tout nouveau commentaire. Malheureusement pour moi, pour cet abject personnage j’étais certainement déjà « classée », je n’en ai pas rajouté et de toute manière je n’en avais plus la force.
Mais comment cet être peut-il se regarder dans un miroir en se levant le matin ?
Et c’est là que j’ai béni tous les dieux afin de les remercier de m’avoir envoyé mon frère pour m’accompagner. Lorsque je suis ressortie de cette séance, en pleurs tellement j’étais au bout du rouleau, sans exagération, je pense que je n’aurais jamais retrouvé mon chemin jusqu’au transport qui devait me ramener à la maison. J’étais complètement et totalement à côté de la plaque. Le pauvre, il n’aura pas souvent vu sa petite sœur dans cet état et était bien démuni et désemparée par rapport à ma forme du moment.
Dans ces quelques lignes, je ne vous ai relaté que certains morceaux choisis, ceux qui m’ont marquée au fer rouge. Le surboum toutefois est arrivé lorsque plusieurs mois plus tard, j’ai eu le rapport entre mes mains. Je ne revenais pas de ce qu’il avait écrit noir sur blanc. Lorsque j’en ai fait part à mon mari, sa réaction immédiate a été la suivante « mais il faut porter plainte contre ce monsieur ». Notre énergie étant à ras les pâquerettes, nous ne l’avons pas fait et j’avoue que parfois je le regrette.
Ce qui compte le plus finalement, est de savoir qu’avec mon époux, nous tirons toujours à la même corde et qu’il me soutient de manière inconditionnelle. Je ne le dirai jamais assez souvent, j’ai de la chance d’avoir un mari comme lui.
La finalité de cet après-midi était peut-être que ce praticien a fait exprès de me pousser dans mes retranchements pour les besoins de l’évaluation. Ça, je peux l’entendre, mais il y a des limites à toute manière de procéder et elles ont clairement été franchies. Une fois ressortie du cabinet, ma confiance en moi déjà pas bien grande en y entrant, est carrément tombée en dessous de zéro. Je n’avais plus de valeur, n’étais même pas capable d’accomplir des choses « faciles », ne retrouvais ni l’ancien Moi, ni le nouveau MOI. Je n’étais plus personne. Il m’aura fallu beaucoup, beaucoup de temps pour pouvoir repenser à ces moments sans que cela me chamboule totalement et que je puisse enfin l’écrire. Détruire quelqu’un, c’est très rapide, remonter la pente prend du temps, mais il était exclu que je me laisse pourrir la vie par un être si infâme et j’ai tout mis en œuvre pour passer par là-dessus et avancer.
Un des moyens mis en œuvre pour avancer, fut ma formation en Nordic Walking (on va l’abréger en NW, ce sera plus simple) qui m’a permis de recevoir un certificat de moniteur sportif de NW pour adulte. Moi, la non sportive de base, vous imaginez un peu le chemin que j’ai pris là. Pour le coup, c’est sûr, je ne suis pas restée sur place.
Voici quelque morceaux choisis de cette formation.
Il s’agissait d’une formation de deux fois trois jours. Lors de la première session, nous étions en tronc commun avec toutes sortes de sports (et du coup de sportifs) et avons appris les rudiments de l’utilisation correct des bâtons de marche selon une technique donnée. La deuxième session était spécifique au NW.
Mon souci de santé ne s’est évidemment pas envolé et mes soucis de concentration à la suite de l’AVC, sont toujours présents.
Afin de pouvoir suivre cette formation, il me fallait donc trouver une solution, ou plutôt un formateur ouvert et sensible à ma problématique. Certes, il s’agit de sport, mais avec une grosse part de théorie. Et petit détail, mais pas des moindres pour moi, tout se passe en allemand. Alors, certes, je suis bilingue, mais je n’ai jamais de ma vie, suivi un quelconque apprentissage dans une autre langue que celle de Molière. Donc, double concentration à ce niveau-là. Il fallait que je me donne les moyens d’y parvenir et avec de la persévérance, je suis tombée sur la bonne personne à l’écoute de mes besoins.
Ce formateur, ayant lui-même par le passé eu de sérieux soucis de santé, pouvait