Barack Obama - Gilles Vandal - E-Book

Barack Obama E-Book

Gilles Vandal

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Beschreibung

Découvrez les leçons de leadership que nous pouvons tirer du parcours de Barack Obama !

Peut-on résister au charisme naturel de Barack Obama ? Sa capacité à créer un énorme élan populaire aux Etats-Unis au début de son mandat et les huit années qui ont suivi ont été synonyme d’importants changements pour les Etats-Unis et le reste du monde. Avec de très grandes réussites à la clé : le plan de relance économique, le fameux Obamacare ou encore la levée de l’historique embargo sur l’ile de Cuba. Parallèlement à cela, certains événements ont mis ses qualités de dirigeant à l’épreuve, comme l’échec de la légifération sur l’utilisation des armes à feu ou celui de la fermeture de Guantanamo. Bien qu’il soit aujourd’hui l’une des figures les plus inspirantes du 21ème siècle, Barack Obama n’a pas toujours joui d’une image aussi positive : beaucoup lui reprochaient de ne pas faire preuve de suffisamment de leadership. C’est tout au long de son parcours que ses qualités de dirigeants se sont accrues et qu’il est devenu un des leaders les plus emblématiques de notre époque. En effet, Barack Obama a démontré, dans ses discours, actions et décisions nombre de qualités de leadership : l’empathie et la compassion, l’honnêteté et l’intégrité morale, l’intelligence et la posture réfléchie, la curiosité intellectuelle, l’éloquence et la capacité d’inspirer, la simplicité et l’absence de mesquinerie, etc.

Gilles Vandal revient sur le parcours du dirigeant, en extrait des outils qui permettront à chaque lecteur d’accroître ses compétences et son talent pour le leadership, et rend cet apprentissage accessible à tous.Ainsi, sont analysés les crises que l’homme d’état a su traverser, sa vision inspirante, les recoins les plus énigmatiques de sa personnalité et ses accomplissements uniques, pour mettre en lumière, de manière concrète, ses qualités de leadership !

L’expert propose à son lecteur de s’inspirer du parcours de Barack Obama pour apprendre à exploiter pleinement ses capacités, à mener à bien d’ambitieux projets, à propager efficacement ses idées novatrices pour, finalement, devenir le leader qu’il a toujours rêvé d’être.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gilles Vandal est un spécialiste de longue date du président Barack Obama, à propos duquel il a déjà écrit pas moins de sept ouvrages. En parallèle, il enseigne les sciences politiques à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke au Canada. 

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Barack Obama

Gilles Vandal

Barack Obama

14 principes de leadership

Avant-propos

En mars 2017, Barack Obama fut sidéré par un appel qu’il reçut d’un ancien collaborateur l’avisant que le président Donald Trump venait de l’accuser publiquement sur Twitter d’avoir ordonné la surveillance de sa campagne électorale en mettant sur écoute la Trump Tower. Cette accusation était sans précédent. Ce grossier mensonge est bien plus révélateur du caractère de Trump que de celui d’Obama. D’ailleurs, les enquêtes subséquentes du Congrès n’ont trouvé aucun indice permettant de soutenir de la moindre des façons une telle accusation.

Néanmoins, en mai 2020, Trump réitéra ses allégations en parlant d’un « Obamagate », qui constituerait le pire crime politique commis dans l’histoire américaine. Compte tenu du fait que Trump accuse souvent les autres de ses propres turpitudes, ces accusations révèlent probablement ses véritables intentions concernant la campagne présidentielle de 2020. Le 16 mai, il ajoutait même qu’Obama avait été un président grossièrement incompétent. Ces déclarations intempestives et surréalistes de la part d’un président américain détonnent par rapport au discours inspirant que Barack Obama prononça le même jour lors d’une cérémonie de remise de diplôme en ligne.

Obama a montré clairement à cette occasion ce qui le distingue de son successeur. L’ancien président a exhorté les jeunes diplômés à se dépasser personnellement en se montrant altruistes, en travaillant ensemble et en rejetant la division. Obama a ainsi rappelé l’importance pour un président américain de se dépasser et d’être un rassembleur. Dans ce discours, les Américains ont pu retrouver l’essence des qualités du leadership d’Obama : l’empathie et la compassion, l’honnêteté et l’intégrité morale, l’intelligence et la posture réfléchie, la curiosité intellectuelle, l’éloquence et la capacité d’inspirer, la simplicité et l’absence de mesquinerie, etc.

Un grand nombre de politologues et de commentateurs provenant de divers horizons politiques ont décrit la présidence de Barack Obama comme celle d’un président-philosophe, voire même d’un roi-philosophe, adressant ainsi un clin d’œil à la métaphore de Platon. De fait, en retraçant les fondements philosophiques de la pensée d’Obama et en analysant son style de leadership, cette analogie n’apparaît pas incongrue ou invraisemblable.

De cet héritage personnel, Barack Obama a su tirer certaines caractéristiques fondamentales qui ont marqué son style de leadership. Il a appris très vite à se montrer très discipliné et rigoureux dans son approche. S’étant appliqué à rester calme très jeune en toute circonstance, il s’est démarqué par la suite par sa grande prudence, qui lui a évité de prendre des décisions de manière impulsive.

Certaines de ses qualités de leadership se sont affinées alors qu’il était jeune adulte. Ayant appris de sa mère l’importance du respect de l’autre, il acquit ensuite comme organisateur communautaire une compréhension très poussée du leadership, celle-ci reposant avant tout sur l’idée du dirigeant-serviteur. Il intégra alors les rudiments pratiques qui lui permirent de se forger une personnalité de conciliateur né. Loin de voir des faiblesses dans les approches proposant des compromis, il y perçoit une force politique. Pour lui, l’établissement de consensus est à la base de la démocratie délibérative américaine.

Nous inspirant de cette forte personnalité alliant compétence et charisme, nous avons tenté d’examiner les qualités de leadership de Barack Obama en nous en tenant à cinq points de vue :

– les difficultés particulières dans lesquelles il a dû naviguer. En ce sens, nous verrons que les crises permettent aux grands leaders d’émerger et de se démarquer ;

– la capacité d’un leader de proposer une vision exaltante, de mobiliser ses partisans et d’inspirer ses concitoyens ;

– la personnalité du dirigeant. Le leader peut ou non être apprécié pour son comportement moral, son intégrité et sa dimension ;

– des réalisations mesurables proprement dites. Dans l’évaluation d’un dirigeant, l’analyste ou le public en général peuvent accorder une note très élevée aux performances d’un leader, particulièrement si elles sont d’ordre économique, tout en le jugeant négativement à cause de la faiblesse de son caractère ;

– un modèle de référence, non seulement pour son équipe, mais aussi pour son pays.

En utilisant ces cinq critères pour analyser les attributs de leadership de Barack Obama, nous constatons que celui-ci a tout pour être considéré comme un grand leader.

Un leader est souvent plus apprécié lorsqu’il a cessé d’assumer d’importantes fonctions. C’est le cas particulièrement avec Barack Obama. En cette année où nous sommes tous confrontés à la pandémie du coronavirus, les États-Unis et le monde sont à même de percevoir la véritable grandeur du leadership du président Obama. Pas seulement les États-Unis, mais aussi le reste de la communauté internationale, souffrent de son absence.

Non seulement sa clairvoyance, sa vision globale, son empathie et son esprit de conciliation nous manquent, mais aussi sa capacité d’inspirer et de mobiliser les gens partout dans le monde dans un projet commun. Ayant anticipé la menace qu’une pandémie pouvait représenter pour l’humanité tout entière, il avait préparé les États-Unis à assumer le leadership mondial pour répondre à cette menace majeure.

*

Je tiens à remercier Sami Aoun, un grand ami etcollègue à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Ce dernier a accepté de lire le manuscrit et de me faire bénéficier de ses précieux conseils.

INTRODUCTION Le premier leader emblématique du XXIe siècle

L’élection de Barack Obama, premier président afro-américain, représente un premier jalon remarquable dans la pigmentation de la classe politique des États-Unis. Tout aussi important est le fait que ce dernier est un académicien constitutionnaliste chevronné, un intellectuel croyant et engagé, ainsi qu’un tribun hautement familiarisé avec une culture populaire américaine marquée par un fort penchant anti-intellectuel.

Selon cette forme de culture, tout président qui prendrait le temps nécessaire avant la prise de ses décisions afin de mener une réflexion approfondie sur les probabilités et les conséquences de ses actes apparaît comme un dirigeant hésitant. Certains critiques n’hésitent pas à déceler une sorte de déficience dans son leadership. En un mot, être un président intellectuel est considéré aux États-Unis comme appartenant à la catégorie des « déviants ».

Dans leur majorité, les Américains ont été émerveillés par l’aptitude d’Obama à apporter des nuances subtiles dans les questions du jour, à soulever la complexité des problèmes et à marquer de son empreinte la politique tant intérieure qu’internationale. Obama réussit ainsi à relever le discours politique américain en l’affranchissant du populisme, sans en appeler aux craintes et aux peurs de ses concitoyens mais en faisant appel à leur bon sens et à leur intelligence.

Dans ses deux livres Les rêves de mon père et L’audace d’espérer, Obama utilise son propre parcours pour mettre en valeur sa carrière politique. Il rappelle son expérience parmi les jeunes Hawaïens où il ressentit de manière subtile le racisme ambiant dans cette société américaine. Néanmoins, ce racisme était loin de provoquer le traumatisme que beaucoup d’Afro-Américains ressentaient sur le continent.

Obama possède une qualité unique, celle de transcender, au travers de son histoire personnelle, de ses discours, de ses réalisations professionnelles et de son comportement en général, les catégories raciales traditionnelles prévalant aux États-Unis. Élevé par des grands-parents blancs, il partage entièrement la culture et les valeurs prédominantes des White Anglo-Saxon Protestants (WASP) ou Protestants anglo-saxons blancs aux États-Unis. Plus encore, il est capable de transcender les préjugés, les stéréotypes et les prises de position idéologiques des différents groupes, blancs ou afro-américains.

En somme, les Blancs américains ont découvert en Barack Obama une personnalité politique unique et charismatique. Obama était un Afro-Américain qui parlait comme un Blanc tout en ayant des élans oratoires similaires à ceux des prédicateurs afro-américains. Dans ses discours, il se présentait comme un fin intellectuel capable de comprendre les préoccupations quotidiennes des Blancs ordinaires qui « ne veulent pas que leurs impôts soient gaspillés par une agence d’aide sociale ou le Pentagone »1.

D’emblée, un important segment de la population blanche aima non seulement son éloquence, mais aussi la fluidité de son caractère personnel, toutes ces qualités qui lui procuraient une grande aisance aussi bien dans une banlieue blanche que dans une cité afro-américaine. Aussi l’élection de 2008 allait-elle devenir un marqueur historique.

Depuis la fondation de leur nation, les Américains ont toujours fortement adhéré à l’idée que les États-Unis représentent la meilleure terre d’opportunité pour eux et leurs familles. Cette perception s’est traduite dans l’abondance de leurs ressources, leur pouvoir d’achat, des salaires élevés, la sécurité de la retraite, et la possibilité pour leurs enfants d’améliorer leur situation sociale et économique par rapport à la génération précédente. Pour décrire cette situation unique, l’historien James Truslow Adams inventa en 1931 l’expression « American Dream », « rêve américain ».

Si, dans la foulée de la crise économique de 2008, le rêve américain semblait être devenu hors de portée, il en ira différemment six ans plus tard. Alors que le taux de chômage américain était de plus de 10 % en janvier 2009, il passe à 5,6 % en décembre 2014, soit à un niveau inférieur à la moyenne des 70 dernières années. L’année 2014 est marquée par la création de trois millions d’emplois. En 2015 et 2016, le marché de l’emploi aux États-Unis poursuivit sur cette lancée, ce qui amena les compagnies américaines à s’engager dans une frénésie d’embauche. Ce faisant, le taux de chômage se réduisit à 4,7 % en janvier 2017.

Ce changement de la donne économique s’est traduit dans l’attitude des Américains. Il faut en effet remonter au début de l’année 2007 pour constater un courant optimiste aussi élevé chez les consommateurs américains. Le niveau de confiance atteint 98 % en 2016. Loin d’être dépassé, le rêve américain représente toujours une réalité tangible dont les effets se font sentir non seulement aux États-Unis mais aussi dans le reste du monde.

Lors de son entrée en fonction en janvier 2009, Obama fut confronté à une série de crises majeures. Sa première année de présidence fut marquée par un branle-bas incessant : mise en place d’un plan de sauvetage de l’économie, relance de l’industrie automobile, réforme de la santé, retrait des troupes d’Irak et engagement plus poussé en Afghanistan, etc. Sa réponse à ces crises représentait la démonstration de son leadership exceptionnel. Après un an toutefois, il sembla avoir perdu sa magie et son leadership sembla s’essouffler.

L’engouement pour le nouveau mouvement Tea Party reflète alors la colère ressentie et le pessimisme grandissant des Américains blancs ordinaires. Ceux-ci ont perdu confiance dans leurs institutions politiques. Ils ont le sentiment que leurs gouvernements les ignorent et ne les écoutent pas. Dans ce contexte, beaucoup de politiciens de carrière se sentent menacés par un mouvement qu’ils ne comprennent pas toujours.

Confronté à la rhétorique hyper-partisane de la droite républicaine, Obama doit en même temps affronter une rhétorique tout aussi partisane et virulente de la part de la gauche démocrate. Dans ce processus, il se met sur la défensive, forcé de renoncer à sa promesse d’être un président d’espoir et de changement. Entre les deux positions, Obama, le libéral modéré, recherche le compromis. Mais une telle approche ne fonctionne que si les deux côtés sont parties prenantes d’une négociation de bonne foi.

Bénéficiant encore d’un important capital populaire en sa faveur, Obama doit apprendre à utiliser ce capital de sympathie à bon escient. En 2009, dans la bataille entourant la réforme de la santé, il démontre qu’il possède le courage et les convictions nécessaires pour faire avancer ce dossier épineux. Il doit retrouver le même esprit en 2011et 2012 s’il veut être réélu. Puisque les républicains ne veulent pas collaborer, Obama est appelé à affirmer son leadership et à indiquer clairement la direction qu’il veut donner à l’Amérique.

Dans un tel contexte, Obama semble très vulnérable et aux aguets, et la possibilité de sa réélection apparaît comme très mince. Après tout, au cours du dernier siècle, seuls deux présidents ont réussi à se faire réélire avec un taux de chômage dépassant les 6 %. Dans les deux cas – Roosevelt en 1936 et Reagan en 1984 –, leur réélection survint alors que les États-Unis connaissaient une forte reprise.

Obama bénéficie cependant d’un atout majeur. Certes, les électeurs peuvent être déçus de sa performance comme président, mais ce dernier continue d’obtenir une approbation personnelle très élevée. On aime surtout son calme et son sang-froid dans les crises. On lui fait pleinement confiance comme commandant en chef. De plus, on admire son engagement familial. Finalement, même dans les échecs, Obama ne semble pas malheureux et en perte de contrôle. En ce sens, il transmet inlassablement un message d’espoir. Une majorité d’Américains sont dès lors prédisposés à lui donner une seconde chance.

Or il s’avéra qu’Obama jouissait largement d’une meilleure organisation que son éventuel adversaire républicain. Dans le seul État d’Iowa, les démocrates avaient plus de personnel sur le terrain que tous les candidats républicains réunis. L’organisation démocrate contacta alors plus d’un million de partisans et d’électeurs favorables à Obama. Cette stratégie se répéta dans tous les États et plus particulièrement dans les États balanciers (swing States) comme le Colorado, le Nouveau-Mexique, le Nevada ou l’Ohio qui allaient décider de l’élection de 2012.

Alors que, durant son premier mandat, Barack Obama avait exprimé de plus en plus sa frustration face aux politiques systématiques d’obstruction du Congrès dominé par les républicains, qu’il avait proposé différents projets pour relancer l’économie, réformer l’immigration, contrôler les armes à feu, rebâtir les infrastructures ou renouveler le système d’éducation, et qu’il s’était trouvé confronté à un Congrès qui lui disait constamment non tout en l’accusant de manquer de leadership, après les élections de novembre 2014 c’est un président transformé qui apparaît. Obama prit dès lors des décisions à un rythme frénétique. Loin de mettre la pédale douce sur ses différends avec les républicains, il se comporta comme un dirigeant en mission et toujours déterminé à atteindre ses objectifs et à obtenir rapidement des résultats. Il savait qu’il n’avait plus à composer avec de futurs échéanciers électoraux.

Passant outre le fait que les républicains allaient bientôt contrôler les deux chambres du Congrès avec des fortes majorités, le président Obama n’hésita pas à utiliser ses pouvoirs exécutifs de manière agressive. Ainsi, face à un Congrès qui refuse d’adopter une nouvelle loi sur l’immigration, il décide d’agir unilatéralement, recourant notamment à tous les leviers du pouvoir exécutif pour empêcher la déportation de cinq millions d’immigrants illégaux. Alors que les républicains menacent de paralyser l’administration, Obama joue du coude à la fin novembre 2014 pour forcer l’adoption d’un budget de 1,1 trillion de dollars afin de couvrir les dépenses régulières jusqu’au 30 septembre 2015.

Contre les attentes de ceux et celles qui le critiquent, Obama démontre à la fin de son deuxième mandat qu’il est en mesure de rester actif et agile tant en politique intérieure qu’à l’international. Utilisant tous les pouvoirs de sa fonction, il prouve de multiples façons qu’il est encore un acteur incontournable. Avec le recul et en tenant compte des embûches auxquelles il a été confronté, les historiens, les biographes et d’autres observateurs de la scène politique américaine en arrivent aujourd’hui à la conclusion que Barack Obama se classera dans le haut du peloton de la catégorie des grands et illustres présidents américains.

1. Barack Obama’s Keynote Address at the 2004 Democratic National Convention July 27, 2004. Traduction de l’auteur.

CHAPITRE I Se façonner une personnalité post-raciale

Dans la formation des leaders, le mentorat joue un rôle primordial. Durant l’enfance, le mentor joue un rôle de pivot dans la formation de la personnalité de l’enfant. Le mentor guide celui-ci dans ses différentes transitions et le conseille pour lui éviter d’être submergé par les difficultés de son parcours et lui apprendre à s’intégrer à la société. Il lui trace la voie et lui fournit un cadre d’amélioration et des défis à relever. L’enfant a besoin d’une constance dans sa vie, d’une relation lui fournissant le soutien dont il a besoin tout en lui permettant de développer sa confiance. Le mentor lui montre l’importance d’acquérir une discipline et l’accompagne au quotidien pour l’aider à maintenir un mode d’apprentissage et à améliorer chaque jour ses habiletés.

Le mentorat permet à un jeune de se connecter à un adulte et de partager des histoires, de poser des questions, d’apprendre à interagir, à réfléchir et à confronter ses idées. Utilisé positivement, le mentor enseigne au jeune garçon ou à la jeune fille comment discuter de sujets divers en affirmant ses positions tout en respectant celles des autres. Le jeune peut de la sorte renforcer ses compétences en leadership et développer sa confiance dans ses propres moyens. Ainsi, c’est d’abord par l’exemple que le futur leader acquiert des qualités comme le respect, l’ouverture à autrui, l’empathie, la décence et la retenue, la gestion de crise, la confiance, l’écoute, la prise de recul, l’acception des critiques, l’auto-évaluation honnête, etc.

Durant les vingt premières années de sa vie, Barack Obama a bénéficié de deux éléments qui vont forger sa personnalité et son leadership. Premièrement, né à Hawaï, il se trouve à même, tant dans sa vie tant privée que publique et politique, d’incarner le modèle d’une sensibilité interculturelle sur la problématique raciale aux États-Unis. Deuxièmement, il apprend par sa mère – son premier mentor – comment combler les fossés qui séparent les gens sur une base raciale ou ethnoculturelle et passer outre les préjugés de toutes sortes : elle lui montre dès sa petite enfance à les comprendre et à interagir avec eux.

Profiter d’un paradis racial

La promotion d’une Amérique multiraciale capable de dépasser les antagonismes raciaux et de se positionner dans une société post-raciale marqua fortement l’imaginaire américain et mondial dès 2004. L’élection d’un Afro-Américain comme président en 2008 symbolisa implicitement l’arrivée d’une nouvelle ère dans les relations raciales aux États-Unis.

Maître de la sensibilité interculturelle, Obama apprit dès son jeune âge à exercer un détachement intellectuel qui lui donne le recul nécessaire non pour imposer son point de vue à ses adversaires, mais pour créer les conditions rendant possible l’atteinte d’un compromis.

Cette sensibilité interculturelle, il l’a d’abord acquise de sa mère avant de la développer par un séjour comme enfant en Indonésie, puis en grandissant à Hawaï. N’ayant pas à vivre les stigmates laissés par des politiques racistes survivant dans les États continentaux, le jeune Obama se découvrit ainsi plus en mesure d’aborder la vie avec optimisme et ouverture d’esprit, prêt même à proposer à ses concitoyens l’utopie de la venue d’une Amérique post-raciale.

Alors que les États continentaux des États-Unis étaient aux prises avec les douloureux problèmes de la ségrégation raciale, Hawaï se glorifiait depuis longtemps d’être un véritable « paradis racial ». Cette perception, née au début du XXe siècle, découlait plus ou moins d’une fiction inventée par les missionnaires blancs et des sociologues libéraux qui vantaient l’intégration harmonieuse de sa large population autochtone et asiatique à la vie américaine.

Alors que, durant les années 1960, la société américaine était secouée violemment chaque été par une série d’émeutes raciales, les observateurs de la scène politique américaine se gargarisent du modèle d’Hawaï comme havre de paix et de tolérance. En ce sens, le monde idyllique dans lequel Barack Obama passa les 18 premières années de sa vie relève autant de la fiction que de la réalité.

Ses livres – Les rêves de mon père (Dreams from my father, 1995) et L’audace d’espérer (The Audacity of Hope, 2006) – montrent comment sa personnalité a été forgée dans une tradition de dialogue et de compromis en provenance d’Hawaï. Trop séduisant pour être abandonné, le mythe d’Hawaï comme paradis racial est récupéré par le futur président dans sa vision unificatrice et d’harmonie raciale.

Ce faisant, Barack Obama devient l’incarnation vivante de l’idée d’une Amérique post-raciale. Après tout, il est lui-même issu d’un mariage biracial entre une Américaine blanche du Kansas et un Africain du Kenya qui se sont rencontrés à Hawaï. Plus encore, après avoir divorcé, sa mère s’est remariée avec un Indonésien, procurant ainsi au jeune Obama une demi-sœur issue elle aussi d’un mariage biracial. Sa vie devint ainsi un témoignage vivant de la possibilité de dépasser les clivages raciaux et de vivre dans l’harmonie.

Bénéficier d’un mentor dès sa plus tendre enfance

Chez Obama, le rôle de mentor est tenu par sa mère, Stanley Ann Dunham, une femme d’exception, qui incruste très tôt chez son fils une philosophie de la vie, lui enseignant comment dépasser ses peurs, comment ne pas construire de murs autour de lui et comment appréhender le monde extérieur avec optimisme et en découvrant « la beauté dans des endroits inattendus »2.

Née dans le Kansas en 1942 d’une famille de classe moyenne, la jeune Stanley Ann reçoit de ses parents (qui voulaient un garçon) un prénom masculin. La jeune fille se démarque très jeune comme un esprit vagabond aimant explorer des territoires inconnus. Abhorrant toute vie conventionnelle, elle refuse d’aller jouer ou danser avec ses amis à l’adolescence. Elle est déjà une fille rebelle désirant vivre des expériences hors du commun, remettant toutes choses en question, qu’elles soient liées ou non à la religion, la politique ou l’autorité parentale. Très critique à l’égard de la mentalité des années 1950, elle se met aussi à rejeter tout dogme et à développer une vision du monde s’écartant de la rectitude politique.

En 1960, la jeune Ann déménage avec sa famille à Hawaï. Âgée de 18 ans, elle décide de poursuivre des études en anthropologie à l’Université d’Hawaï. Intelligente, curieuse et ouverte d’esprit, elle n’aime pas fréquenter les garçons blancs, qu’elle trouve trop stéréotypés. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance d’un étudiant kenyan nommé Barack Obama, sr.

Enceinte, elle épouse ce dernier en février 1961 contre l’avis de ses parents, à une période où le mariage interracial est encore interdit dans 14 États américains. Entre-temps, le jeune Barack naît le 4 août 1961. Mais le mariage de ses parents ne dure pas. En 1964, sa mère divorce alors que son mari décide de continuer ses études à Harvard. Elle choisit alors de poursuivre à mi-temps ses études en anthropologie à Hawaï, tout en élevant son jeune enfant.

Durant ses études, elle rencontre un étudiant indonésien nommé Lolo Soetoro qu’elle épouse en 1965. Après avoir complété son baccalauréat en anthropologie en 1967, elle déménage avec son fils en Indonésie un pays à 95 % musulman. C’est dans ce pays, peu connu des Américains, qu’elle choisira de vivre la majorité de sa vie adulte.

Installée sur l’île de Java, Ann Dunham tombe littéralement en amour avec la culture javanaise. Alors que son deuxième mari, un Indonésien de Java, adopte de plus en plus un comportement américain, elle devient javanaise de cœur, allant jusqu’à apprendre les langues indonésienne et javanaise. En tant qu’anthropologue, elle s’intéresse particulièrement au travail des artisans. Elle devient elle-même artisane et tisserande. S’habillant la plupart du temps en vêtements indonésiens, elle aime enseigner le tissage.

Tout en poursuivant des études de maîtrise en anthropologie à l’Université d’Hawaï, qu’elle termine en 1974, Ann enseigne l’anglais à l’ambassade américaine avant de devenir la directrice de l’Institut d’amitié américano-indonésienne. Elle fut aussi la cofondatrice de la Société du patrimoine indonésien.

Barack Obama décrit lui-même sa mère comme un vaisseau qui lui permit de développer ses croyances et ses valeurs. Celle-ci fut « la figure dominante de mes années de formation ». Les valeurs qu’elle lui a enseignées, écrit-il, « continuent d’être ma pierre de touche en ce qui concerne la façon dont je traite le monde politique »3.

Dans son travail comme responsable du développement communautaire à Chicago, puis dans son enseignement universitaire en droit constitutionnel, Obama trouve une inspiration dans sa mère. Il se souvient en particulier de conversations qu’il avait eues avec elle en matière de philosophie, de culture traditionnelle et de politique. C’est elle qui lui incrusta des valeurs d’entraide en lui montrant comment tirer plaisir à donner des opportunités aux autres.

De sa mère, le jeune Obama apprend aussi l’importance de résister à la conformité avec une touche d’humour. À la fois idéaliste et exigeante, elle lui démontra comment le succès découle d’un travail acharné. Toujours déterminée et pleine d’humeur, elle enseigna à son fils « l’importance de l’honnêteté, de la franchise et du jugement indépendant »4. Et par-dessus tout, il lui transmit l’idée d’avoir toujours en horreur le fanatisme.

En plaisantant, sa mère lui déclare souvent qu’il combine les capacités d’Einstein, Gandhi et Belafonte, tout en ne sachant pas lequel d’entre eux il deviendrait. À différents amis, elle affirme que son fils est si brillant qu’il « peut faire tout ce qu’il veut dans le monde, même devenir président des États-Unis »5.

Savoir naviguer à travers différents univers sociaux : séjour indonésien

Âgé de six ans, le jeune Barry, comme il aimait se nommer, accompagne sa mère en Indonésie en 1967. Cette dernière y rejoint son mari qui est officier dans l’armée indonésienne et a été rappelé au moment du coup d’État de septembre 1965. Les massacres anticommunistes qui firent plus de 500 000 victimes se prolongèrent jusqu’à la fin de 1966.

Définitivement, l’Indonésie ne représente pas alors un endroit de tout repos où une mère américaine peut élever en toute quiétude un fils. Le couple emménage dans un modeste appartement situé dans un nouveau quartier appelé Menteng Dalam. D’entrée de jeu, le jeune Barry est fortement impressionné par le caractère exotique du pays, avec ses décors fantaisistes et enchanteurs. Barry est ainsi confronté à un monde inconnu et a priori merveilleux. Son séjour en Indonésie, en dépit de son jeune âge, lui permet d’entrevoir la richesse d’un milieu multiculturel.

Arrivé à Djakarta, le jeune Barry est inscrit à l’école primaire. Sa mère choisit l’école primaire Saint François d’Assise, une école catholique qui accueillait alors 150 élèves provenant de différentes confessions religieuses. Sur la base de la foi religieuse de son père, le jeune Barry est inscrit comme étant musulman. Néanmoins, l’enseignement dispensé dans cette école débute et se termine par des prières chrétiennes. Le passage du jeune Obama dans cette école joua un rôle dans le développement ultérieur de sa personnalité. En plus de lui offrir un « microcosme de la vie indonésienne », cette école lui inculqua les premiers ingrédients de la foi chrétienne. Entre-temps, sa mère décide de transférer le jeune Barry à l’école Besuki, une école publique musulmane réservée à l’élite, accueillant alors 400 élèves, la plus prestigieuse d’Indonésie.

En plus de vouloir imprimer ses valeurs personnelles à son fils, sa mère s’assure que ce dernier obtienne une formation intellectuelle comparable à ce qu’il aurait eu aux États-Unis. Pour combler les déficiences de l’enseignement primaire indonésien, elle se lève à quatre heures du matin pour lui enseigner des disciplines aussi différentes que l’histoire américaine, les études sociales et les mathématiques. Ce faisant, par la méthode du tutorat, elle alimente et façonne son jeune cerveau très agile.

Compte tenu du manque de respect des Indonésiens à l’égard des Noirs, beaucoup d’Américains furent alors stupéfaits de voir Stanley Ann emmener un enfant à moitié noir en Indonésie. Barry y fut effectivement confronté à des jeunes Indonésiens qui lui lançaient des pierres ou l’invectivaient d’épithètes raciales. Sa mère lui enseigna comment rester imperturbable.

Confronté à différents horizons culturels et religieux, Barry put acquérir dès sa plus jeune enfance des valeurs et des normes éthiques qui vont lui permettre ensuite de se constituer un modèle de relations et de comportement basé sur la tolérance culturelle, raciale et religieuse.

Entre 1967 et 1971, Stanley Ann enseigne à son fils l’importance de mener une vie de service. Elle insiste sur l’importance de l’éducation et la nécessité d’acquérir une grande confiance en soi et une assurance émotionnelle basée sur le respect d’autrui. En plus de se doter d’une rigueur intellectuelle, elle lui enseigne le recours à l’humour dans les moments difficiles.

Au cours de ces années passées en Indonésie, sa mère développe une relation unique avec son fils. Adoptant le style du cheerleader (pom-pom girl), elle encourage sans relâche le jeune Barry à plus d’estime de soi et de confiance en ses propres moyens. De son séjour en Indonésie, Barry acquit, sur les conseils de sa mère, des qualités typiquement asiatiques. Il se montrait poli, raffiné et courtois tout en restant calme, patient et à l’écoute devant un étranger.

Retourner à ses sources hawaïennes : incertitudes d’un jeune adolescent

Lors de l’été 1971, alors que Barry a 10 ans, sa mère et ses grands-parents maternels décident qu’il ne retournera pas en Indonésie. Sa mère s’inquiète de la possibilité qu’il perde significativement ses racines américaines. Devant s’occuper d’un bébé d’un an, assumer de nouvelles obligations professionnelles parallèlement à ses études de maîtrise et aux tensions dans le couple, Stanley Ann a moins de temps pour s’occuper d’un jeune garçon à l’aube de l’adolescence. Barry va donc demeurer chez ses grands-parents.

Sa mère l’inscrit à l’école Punahou à Honolulu, un des plus prestigieux établissements scolaires des États-Unis. Sa mère veut non seulement que le jeune Barry obtienne la meilleure éducation disponible, mais qu’il apprenne aussi à côtoyer les enfants des grandes familles.

L’école Punahou disposait alors d’une capacité d’accueil de 3 700 élèves. Jusqu’en 1960, l’école était presque exclusivement réservée aux enfants de grands propriétaires de plantations, des notables, hommes d’affaires ou politiciens locaux. Parmi les élèves de Punahou, il n’y avait en 1971 que cinq Afro-Américains.

En arrivant à Punahou, Barry bénéficie d’un avantage certain. L’orientation pédagogique, tenant compte de l’histoire d’Hawaï et de sa situation géographique, est axée sur les pays en voie de développement et plus spécifiquement sur le multiculturalisme. Le jeune Obama avait acquis sur ce plan des compétences spéciales grâce à son séjour en Indonésie.

Sa mère continue de surveiller étroitement le cheminement de son fils. Elle n’hésite pas à le sermonner périodiquement pour son manque apparent d’ambition, lui affirmant qu’avec un peu d’effort il pourrait être admis dans n’importe quelle grande université américaine. Durant ses études à Punahou, Barry s’avère certes brillant, sans pour autant être une vedette académique ou intellectuelle. Par contre, il se démarque dans les écritures, étant même poète à ses heures. Il compose régulièrement des poèmes pour le magazine littéraire de l’école. Son professeur d’histoire américaine affirmait qu’il apportait du piquant dans une classe.

Barry se démarque par un amour vorace pour les livres, une passion qu’il a héritée de sa mère. Parmi ses camarades de Punahou, il passe déjà pour un intellectuel, un gars à la fois gentil, gai, polyvalent et réfléchi. Sa capacité à traiter des idées complexes sans effort impressionne beaucoup ses amis. Barbara Nelson, sa professeure de littérature britannique, se souvient très bien de lui. En fait, Barry était son élève préféré.

Il n’était généralement pas le premier à parler, mais il était un auditeur attentif et actif. Alors que les autres élèves allaient dans toutes les directions, il se dirigeait directement vers le point central du problème... Il avait également un sens de l’humour agréable et engageant. Il était ferme, mais il n’était ni agressif ni injurieux.6

Un de ses anciens professeurs le décrit ainsi : « Barry était un enfant heureux. Il avait un bon sens de l’humour et souriait tout le temps. Il était aussi un coquin et affichait une certaine détermination.7 » Il est perçu comme un étudiant sérieux, qui est aussi capable de devenir ami avec tous ses camarades de classe, ce qui n’est pas une tâche facile.

S’il est intérieurement angoissé par son identité raciale, il affiche à l’extérieur une démarche assurée accompagnée d’un grand sourire joyeux. Lorsqu’en 2004 Obama s’adressera à la Convention démocrate, ses copains de classe et ses anciens professeurs de Punahou reconnaîtront de suite sa façon de marcher et de s’exprimer, son désir d’être aimé de tout le monde.

Par-dessus tout, le jeune Obama possède déjà une manière d’être très charismatique. Il développe une amitié étroite avec un autre étudiant afro-américain. Cet élève biracial s’appelle Keith Kakugawa. Sa mère était afro-américaine et son père d’origine japonaise. Comme ce dernier était aigri par le climat racial prévalant à Hawaï, Barry eut souvent d’intenses et longues discussions avec lui. Ces échanges l’aidaient aussi à clarifier sa propre identité raciale.

Définir son identité raciale

À son retour à Hawaï en 1971, Barry ne fait pas de distinction de la race des camarades. Il ne s’identifie à aucun des groupes sociaux traditionnels. Lecteur prolifique, ses copains d’alors se souviennent de lui comme d’un garçon gentil très informé des affaires mondiales et capable de traiter des problèmes internationaux mieux que tous les autres élèves, sans paraître pour autant ambitieux ou prétentieux.

Jusque-là sa mère avait cherché à le protéger, lui disant qu’avoir une origine biraciale représente une sorte de gratification dont il faut être fier. Elle croit que si elle l’entoure suffisamment de son amour, ce dernier pourra éviter le débat intérieur concernant son identité raciale.

Dès 1971, une de ses professeurs, Mabel Hefty, qui venait d’enseigner un an au Kenya, joue un rôle important dans l’éveil de Barry sur la question de son identité raciale. Il ne peut que ressentir une certaine fierté d’avoir un père d’origine kenyane, alors que Barack Obama sr effectue en décembre 1971 une visite d’un mois aux États-Unis. Barry rencontre son père pour la première fois depuis 1962. Barack sr est invité par Mme Hefty à s’adresser à sa classe. Voir son père habillé en costume tribal et l’entendre exposer les récits de la lutte des Kenyans contre la domination coloniale britannique captivent Barry. Néanmoins, ce dernier ne reverra pas son père, qui décédera en 1982.

Pour Barry, la rencontre avec son père est le début d’une lutte intérieure concernant son identité raciale. Même s’il a vécu dans une famille métissée et a côtoyé des jeunes de différentes descendances raciales, il a été élevé par une mère blanche et des grands-parents blancs. Il prend alors conscience qu’il a une autre famille vivant en Afrique, qu’il a là des demi-frères et des demi-sœurs qu’il ne connaît pas. Débute ainsi la quête de sa véritable identité raciale à travers un rêve pour retrouver un père imaginaire.

Le climat multiculturel des îles et le poids démographique restreint de la communauté afro-américaine à Hawaï font en sorte que sa recherche d’insertion dans la communauté afro-américaine représente plus une démarche mentale ou psychologique qu’une expérience physique sociale quotidienne sur le terrain. Comme il trouve difficilement des modèles afro-américains auxquels s’identifier, sa quête représente essentiellement un cheminement intérieur survenant dans un climat d’isolement.

D’ailleurs, ses camarades afro-américains le considèrent comme ayant trop l’air d’être blanc à cause de son penchant pour les études. Toutefois, Obama affirme être allé périodiquement, alors qu’il était adolescent, à des fêtes tenues sur des bases militaires ou à l’Université d’Hawaï dans le but de rencontrer des Afro-Américains.

Sa trajectoire d’identification raciale se poursuit dans le même sens au début de sa vie d’adulte, alors qu’il poursuit ses études d’abord à Los Angeles, puis à New York. Une fois sur le continent, un premier geste posé par Barry est de reprendre son nom initial de Barack. Ce n’est cependant qu’à Chicago à partir de 1985 qu’il assumera pleinement son identité raciale et commencera à se considérer comme faisant vraiment partie de la communauté afro-américaine. Or la ville de Chicago est à l’antipode de celle d’Honolulu.

Pour se lancer en politique, Barack Obama a encore beaucoup de chemin à faire. Il doit d’abord se faire accepter comme membre à part entière de sa nouvelle communauté raciale. Or, pour beaucoup d’Afro-Américains, il est essentiellement un Blanc à la peau noire. Il doit donc s’acculturer à la communauté afro-américaine. En ce sens, ses expériences d’Hawaï et de Chicago seront les deux principaux fils conducteurs qui vont tisser sa personnalité. Après avoir complété la synthèse de ces deux grandes expériences, il sera en mesure de proposer à ses concitoyens une vision post-raciale de l’Amérique. Mais, au début des années 1980, ce rêve est encore bien lointain.

Conclusion

Comme le fait entrevoir la lecture des deux ouvrages biographiques que sont Les rêves de mon père et L’audace d’espérer, la compréhension de ses racines raciales représente pour Barack Obama une quête classique de la définition de soi. Toutefois, l’identité culturelle du jeune Obama n’est pas le seul enjeu. Après avoir été abandonné à l’âge d’un an par son père biologique, il est séparé de son beau-père indonésien à l’âge de 10 ans. Il n’a pour ainsi dire ensuite que son grand-père maternel pour lui fournir un modèle masculin. Ainsi, il est essentiellement élevé par des femmes fortes, d’abord sa mère, puis sa grand-mère maternelle.

Durant son séjour à Hawaï, le jeune Barry perfectionne ses compétences relationnelles au contact des différents groupes culturels composant les îles. Ainsi, ce jeune homme à personnalité complexe, qui souffre encore d’une confusion sur son identité raciale, parvient à surmonter ses propres inquiétudes et à trouver des réponses sur ce qu’il est et veut devenir. Ce faisant, il découvre graduellement qu’il pourrait jouer un rôle important dans l’aplanissement des différends entre les différentes communautés raciales.

Le rôle de mentor de sa mère, qui ne cesse de lui fournir des conseils et de lui montrer comment solutionner ses problèmes personnels, est permanent. Une complicité et une amitié se développent entre la mère et le fils, au cours d’un long processus qui leur fera découvrir à tous deux le concept et la réalité du leadership serviteur.

2. Janny Scott, “Obama’s mother – an unconventional life”, The New York Times, March 14, 2008.

3.Tim Jones, “Family portraits”, The Chicago Tribune, March 27, 2007.

4. Janny Scott, “A Free-Spirited Wanderer Who Set Obama’s Path”, The New York Times, March 14, 2008.

5. Toby Harnden, “‘Racial abuse and domestic violence’ in life of young Obama”, The Daily Telegraph, April 21, 2011.

6. Mary Kunz and Paula Voell, “Teacher recalls Obama was a focused student”, The Buffalo news, January 20, 2009.

7. Rob Kay, « Punahou Days » Obama’s Neighborhood, 2008.

CHAPITRE II Intégrer dans la gouvernance un savoir-faire intellectuel

Au XXIe siècle, une importance particulière est accordée à l’éducation supérieure qu’a reçue le futur leader. Néanmoins, plus que les connaissances, pour devenir un grand leader, un individu doit savoir tirer des leçons de ses expériences. Les leçons qu’il en retient sont plus importantes que le nombre d’expériences effectuées. Le futur grand leader n’est pas tant celui qui obtient les meilleures notes dans les examens, car ses connaissances peuvent très vite devenir obsolètes et non pertinentes.

Lorsqu’ils rêvent à leur prochaine carrière, beaucoup d’étudiants universitaires ont tendance à s’enfermer dans l’acquisition de connaissances formelles et à adopter une façon conventionnelle de voir les choses. Une telle attitude ne peut que s’avérer très négative pour un futur grand leader. En s’enracinant dans des conventions, en adoptant des recettes toutes faites, celui-ci verrouille sa façon de penser et risque fort d’être incapable de sortir ensuite des boîtes noires qu’il a acquises. Un vrai leader a besoin à la fois d’une souplesse de pensée et d’une ouverture d’esprit, pour explorer même l’impensable.

Quatre grandes compétences sur le plan intellectuel se révèlent indispensables pour forger un leadership efficace. Celles-ci consistent en l’acquisition d’attitudes créatives, analytiques, pratiques et fondées sur la sagesse. Le premier élément porte sur la nécessité d’avoir une vision reposant sur des idées originales. Le deuxième requiert des habiletés analytiques permettant de proposer une vision à la fois logique, cohérente et réalisable. La troisième compétence réclame un savoir-faire pratique capable de convaincre ses partisans de la justesse de sa vision. Enfin, une quatrième compétence exige de la sagesse pour mener à terme de manière responsable sa vision.