Donald Trump - Gilles Vandal - E-Book

Donald Trump E-Book

Gilles Vandal

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Beschreibung

Un ouvrage qui retrace les évènements qui ont chamboulés les Etats-Unis lors des 4 années de mandat de Donald Trump.

En 2016, les Américains hissent à la tête de leur pays un homme qui les fera courir à leur perte. En quatre ans de mandat, Donald Trump a anéanti le leadership mondial des États-Unis et enterré le siècle américain. Corruption, mensonges éhontés, comportement égocentrique, erratique et amoral, ignorance historique… Les États-Unis ont été la première victime de la personnalité du 45e president, qui a mis en danger l’ordre international libéral.

Mais d'où vient le trumpisme ? Comment a-t-il mis en danger la démocratie ? Comment l'administration du pays de la liberté a-t-elle pu créer le chaos au sein du pays et de sa politique extérieure ? En décryptant les faits marquants de cette présidence hors de contrôle, Gilles Vandal retrace les événements qui ont contribué à la division profonde de l'Amérique. Appuyant son propos sur la littérature politique et les nombreuses études menées au cours de quatre années de mandat de Trump, l’auteur dresse le bilan vertigineux d'un homme, qui, une fois devenu président, a sombré dans les abîmes de ses névroses en précipitant le monde entier avec lui.

Comprendre la doctrine trumpiste, son pouvoir dévastateur et la montée du populisme en Occident !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gilles Vandal est professeur émérite de l’Université de Sherbrooke (Canada) spécialisé en politique américaine. Reconnu comme l’un des plus grands spécialistes francophones de la présidence de Barack Obama, il a écrit pas moins de 7 ouvrages sur le 44e président des Etats-Unis (dont Barack Obama - 14 principes de leadership, en 2020, aux éditions Mardaga) et s’attaque à présent à la politique de son successeur, Donald Trump.

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Couverture

Page de titre

Note d’avertissement

Le présent ouvrage est le produit d’un réaménagement de textes qui ont été précédemment publiés dans des journaux québécois (La Tribune de Sherbrooke, Le Droit d’Ottawa-Gatineau, Le Soleil de Québec, La Voix de l’Est de Granby, Le Nouvelliste de Trois-Rivières et Le Quotidien du Saguenay) entre novembre 2018 et novembre 2020. L’auteur a publié ces textes de manière bénévole et tient à remercier ces journaux pour lui avoir laissé exprimer dans leurs pages son analyse de la politique américaine.

AVANT-PROPOS

Le personnage de Donald Trump ressemble à plusieurs niveaux à une sorte de héros sorti directement d’un roman. Sa capacité incroyable de vivre au-dessus des normes politiques habituelles et son approche complètement amorale rendent ce personnage fascinant. Ces caractéristiques étaient déjà présentes chez lui dans son image d’homme d’affaires à succès et de vedette d’une émission de téléréalité. Devenu politicien, il était un leader extraordinaire par sa capacité d’envoûter ses partisans, tout en ayant néanmoins un côté terrifiant. Son appétit pour le pouvoir n’avait pas de limites et il ne s’est embarrassé d’aucune norme politique ou constitutionnelle. Ce faisant, son comportement de président a menacé dans leurs fondements les valeurs politiques américaines.

Dans un premier ouvrage publié en 2018, Donald Trump et la déconstruction de l’Amérique, j’examinais déjà comment le président avait entrepris de bouleverser drastiquement le fonctionnement des institutions politiques américaines. En ce sens, le présent ouvrage, qui est un produit de mes réflexions quotidiennes concernant la seconde moitié de la présidence de Trump, fait suite à ce premier décryptage. Dans mes analyses, j’en suis arrivé à la conclusion que Donald Trump était devenu un fossoyeur du système politique et des grandes valeurs démocratiques américaines. Les changements dans la culture politique américaine ont été si profonds que le temps sera nécessaire pour réparer le mal qu’il a fait. Bien sûr, Trump n’est pas le seul responsable de cette situation – la polarisation politique a débuté avant lui –, mais sa contribution a fortement amplifié cette situation, en cautionnant notamment une culture du mensonge. Adepte de George Orwell, il s’est amusé à créer une réalité alternative selon sa convenance. Aussi, ces réflexions m’ont incité à publier un deuxième ouvrage pour présenter le personnage Trump comme une sorte d’empereur dénudé. Les lecteurs pourront ainsi obtenir la perception d’un spécialiste et observateur attentif de la scène politique américaine : celle reposant sur l’idée que les régimes démocratiques sont un phénomène récent dans l’histoire de l’humanité et qu’ils sont fragiles.

Donald Trump s’est attaqué systématiquement aux fondements mêmes de la démocratie américaine. Et ses attaques ont culminé lors des émeutes du 6 janvier 2021, alors qu’il tentait d’empêcher le transfert pacifique du pouvoir à son successeur. En ce sens, le présent ouvrage offre un plaidoyer très sévère de la gouvernance de Donald Trump tant en politique intérieure qu’au plan international. Le 45e président des États-Unis pouvait paraître incompétent, erratique, enfantin, narcissique, impulsif et même idiot pour beaucoup de ses détracteurs. Il ne connaissait qu’une seule façon de gouverner, et c’était là son seul but : le pouvoir absolu. Comme homme d’affaires, il était redoutable, voire tyrannique ; comme vedette d’une série de téléréalité, son plus grand plaisir était de dire « You are fired ! » (« Vous êtes viré1 ! »). Et, une fois devenu président, ses méthodes n’ont pas changé. Lors du procès de son divorce avec sa première épouse, en 1990, celle-ci a dévoilé qu’il s’inspirait des méthodes de gouvernance d’Adolf Hitler : ses deux livres de chevet étaient Mein Kampf et les discours du Führer qu’il apprenait par cœur. Et lorsqu’il est devenu président, inspiré de ses lectures, il a cherché par tous les moyens à s’arroger tous les pouvoirs, faisant fi des limites imposées par la Constitution américaine. En ce sens, les événements du 1er juin 2020 ont été significatifs. Pour mettre fin aux protestations contre la brutalité policière à l’égard des Afro-Américains, il n’a pas hésité pas à recourir à une loi de 1807 autorisant le président à utiliser les forces armées en cas d’insurrection. Or, cette loi ne peut être évoquée que si un État le demande ou s’il existe une violation très claire des droits des citoyens. Mais, pour Donald Trump, ces nuances n’avaient aucune signification. En créant une controverse sur le déploiement des forces armées, il a cherché notamment à faire oublier sa mauvaise gestion de la pandémie de COVID-19. Or, avant même sa déclaration abusive, selon laquelle il était un président de la loi et de l’ordre et qu’il n’hésiterait pas à faire intervenir l’armée pour rétablir l’ordre – des propos qui rendaient toute manifestation pacifique illégale, et dénoncés par le général Mattis comme une violation des droits des citoyens –, les soldats dispersaient des manifestants pacifiques avec des balles de caoutchouc et des gaz lacrymogènes. Ce faisant, les droits constitutionnels des citoyens manifestant inscrits dans le premier amendement étaient clairement violés. Et ce, dans le seul but de lui permettre, alors qu’il venait de se proclamer président de la loi et de l’ordre, de prendre une photo devant St John’s Episcopal Church, l’« église des présidents », à Washington.

Pour comprendre le comportement de Trump, il est nécessaire de recourir à des notions psychologiques de base. Dans un livre percutant, Too Much and Never Enough : How My Family Created the World’s Most Dangerous Man, Mary L. Trump, docteure en psychologie clinique, décrit non seulement la personnalité narcissique de son oncle, mais le définit aussi comme un être amoral, un fraudeur et un intimidateur. Paradoxalement, elle montre que, alors qu’il cherche à projeter la force, il est un être faible possédant un ego fragile qui sait au fond n’être rien de ce qu’il prétend. Selon l’auteure, ces traits de personnalité font de lui l’individu le plus dangereux des États-Unis. Il montre tous les signes d’une person­nalité innovatrice, affichant une ouverture à de nouvelles expériences et à des solutions non conventionnelles. Néan­moins, il est un innovateur émotionnel instable et paranoïaque. Ce comportement névrotique transforme sa personnalité en un destructeur créatif. Dans le monde des affaires comme en politique, Trump viole les normes, ne respecte pas les ententes et les contrats, et écrase les plus faibles. D’ailleurs, sa vision d’un monde constamment en concurrence découle de sa personnalité : pour lui, il n’y a que des gagnants ou des perdants. En conséquence, il est incapable d’avoir de l’empathie dans des relations humaines normales. Il privilégie la distinction sociale comme preuve de son succès et le recours au machiavélisme comme arme. En tant que dirigeant, ses politiques ont été largement influencées par sa personnalité. Prenant goût à créer le chaos, car il valorise les situations de rupture et adore gérer de manière proactive les changements rapides, il voulait être celui qui contrôle le jeu. Les politiciens affichant ce genre de personnalité sont rares. Habituellement, pour réussir en politique, un dirigeant a besoin de montrer un sens de la mesure et une approche basée sur l’empathie et une diplomatie prudente. Aussi, lorsqu’un politicien comme Trump apparaît, les observateurs de la scène politique sont déconcertés par ce style de leadership non conventionnel. Fébrile et émotionnellement instable, Trump a de la difficulté à contrôler ses impulsions. Méprisant les règles, il s’est moqué des observateurs qui ont tenté d’évaluer sa campagne présidentielle de 2016 selon les normes conventionnelles. Il a démontré qu’il était possible d’entrer à la Maison Blanche en insultant les femmes, les handicapés, les vétérans, les Asiatiques, les Latinos et les Afro-Américains. Plus encore, il a remporté les présidentielles en affirmant que le changement climatique était une conspiration chinoise, que le père du sénateur Ted Cruz avait été complice dans l’assassinat de John F. Kennedy, afin qu’il se retire de la course à l’investiture, que les vaccins n’étaient que des canulars, etc.

En accédant à la Maison Blanche, Trump n’a pas adopté le comportement attendu d’un président. La conséquence la plus notable de son arrivée au pouvoir est l’augmentation phénoménale de sa capacité à attirer l’attention. Fonctionnant toujours comme une vedette de téléréalité, sa personnalité s’est trouvée turbocompressée par les pouvoirs découlant de la présidence. L’homme le plus puissant de la planète n’a eu de cesse de générer toujours plus d’attention. Pendant son mandat, Trump a fait ce qu’il savait faire : créer le chaos pour contrôler le jeu. Habituellement, le système politique modèle le comportement présidentiel selon des normes conventionnées. Mais il n’était pas un président conventionnel. D’entrée de jeu, il a créé des ouragans dans toutes les directions. Aucune règle ni même les procédures de contrôles et de contrepoids (checks and balances) inscrites dans la Consti­tution ne l’ont arrêté. Sa façon de mentir et de tergiverser était si fluide qu’il était impossible de savoir exactement ce qu’il pensait. Alors que certains percevaient en lui un charlatan pragmatique, d’autres décelaient la rhétorique démagogique et fascisante d’un aspirant dictateur. Ce qui est sûr, c’était son habilité à susciter le soutien populaire parmi ses partisans en promettant de nettoyer le présumé « marais de Washington ». En cela, ses talents de manipulateur étaient indéniables. Il était une sorte de gourou pour sa base.

Selon l’approche de l’analyse professionnelle, l’administration Trump était pathétique. Composée d’ignorants, de collaborateurs dociles et d’escrocs qui avaient tous en commun d’accepter de coopérer avec lui dans la démolition de l’appareil gouvernemental de l’intérieur. L’œuvre de destruction a touché tout autant les institutions et programmes en politique intérieure que les relations des États-Unis avec le monde. Lorsque ses seconds n’étaient pas incompétents, ils étaient des profiteurs se comportant comme des renards dans un poulailler. Trump a démontré son caractère amoral et vénal au printemps 2017, quand il a imploré le secrétaire d’État Rex Tillerson de ne plus appliquer la loi contre les pratiques de corruption à l’étranger, car pour lui, « c’[était] tellement injuste que les entreprises américaines ne soient pas autorisées à verser des pots-de-vin pour faire des affaires à l’étranger2 ». Dans son obsession de déconstruire l’État administratif américain, Trump s’est démarqué par un rejet de l’expertise de base. Auparavant, les scientifiques se butaient essentiellement dans leur travail aux fondamentalistes chrétiens. Or, dès son arrivée au pouvoir, les normes scientifiques ont été ignorées. Par exemple, le simple fait d’avoir deux tempêtes de neige en une semaine prouvait selon lui que le réchauffement climatique n’existait pas. Tout rejet d’une opinion émise par lui correspondait à une conspiration élitiste. Aussi s’est-il empressé de réduire substantiellement les fonds consacrés à la recherche scientifique.

Au royaume des idiots, Trump régnait en maître. John Kelly, ancien général et ancien chef de cabinet, a été abasourdi par sa méconnaissance historique lors d’une visite à Pearl Harbor et sa confusion concernant des faits marquants de l’histoire américaine. De même, Tillerson a été alarmé par « [l]es trous béants dans la connaissance du président de l’Histoire et des alliances forgées dans la foulée de la seconde guerre mondiale3 ». Une perception confirmée par Kim Darroch, ambassadeur du Royaume-Uni à Washington, qui a dû démissionner après une note de service dans laquelle il avait qualifié l’administration Trump à la fois dysfonctionnelle et inepte, et mentionné que la plus grande incompétence se situait à la Maison Blanche même.

INTRODUCTION

UN CHANGEMENT IRRÉVERSIBLE ?

Au cours des trois premières années de la présidence de Trump, la société américaine affichait un paradoxe étonnant. Les États-Unis connaissaient le plus long cycle de croissance de leur histoire, le taux de chômage n’avait pas été aussi bas depuis cinquante ans, et pourtant, les sondages montraient que les Américains étaient anxieux, voire dépressifs. Ils avaient perdu confiance en l’avenir.

Le nombre de personnes se disant plus anxieuses ne cessait de croître d’année en année depuis 2016, selon les rapports annuels de l’American Psychiatric Association. L’aug­mentation en 2017 était de 36 % par rapport à 2016, de 39 % en 2018 par rapport à 2017, et de 32 % en 2019 par rapport à 2018. La situation était devenue telle qu’en 2019, la plupart des Américains prenaient des calmants, alors que 22 % recouraient à des soins professionnels fournis par des thérapeutes, psychologues ou psychiatres. Des études publiées par l’American Psychological Association et le prestigieux The New England Journal of Medicine ont conclu au même dénominateur commun pour expliquer la recrudescence de cette anxiété : le climat politique aux États-Unis. Plus précisément, ces chercheurs ont défini ce problème comme étant l’« anxiété Trump ». Donald Trump représentait définitivement un facteur de polarisation politique aux États-Unis. Selon les chercheurs, l’« anxiété Trump » affectait même les relations intimes des couples et les Américains ressentaient très fortement une anxiété collective. Par ailleurs, leurs concitoyens

souffr[ai]enten partie parce qu’ils sent[ai]ent qu’ils n’[avaient] pas la permission de partager leurs opinions réelles, ou qu’ils se sent[ai]ent en conflit parce qu’ils [étaient] d’accord avec les choses que le président fai[sai]t, mais ils [étaient] mal à l’aise avec son langage et ses tactiques4.

En d’autres termes, « ils se sent[ai]ent aliénés et isolés des amis et de la famille qui [avaient] des points de vue différents5 ».

Les origines du trumpisme dans le darwinisme social

Depuis deux siècles, à chaque génération, un politicien américain défend l’homme oublié de la société américaine, cet individu décent qui travaille avec acharnement et dont les élites politiques ou financières du moment enterrent la voix. Cette approche a pu prendre la forme d’un populisme à la Ross Perot, qui proposait de « nettoyer la grange » des bureaucrates en 1992, à la Bernie Sanders, contre les escrocs de Wall Street, ou à la Donald Trump, contre les « idiots » de Washington.

Derrière l’approche populiste de Trump se dissimulait l’idéologie du darwinisme social, un courant philosophique très populaire de 1865 à 1929. Comme l’a démontré avec éloquence la philosophe britannique Mary Midgley (1919-2018), cette idéologie est rapidement devenue la religion officieuse de l’Occident après 1860. Tirant parti de l’affirmation de Darwin sur la survie du plus apte, cette idéologie a appliqué son concept aux sociétés humaines pour le rendre populaire à grande échelle. L’application la plus vulgaire et grossière du darwinisme social a trouvé son expression dans le courant maléfique de l’eugénisme, qui a abouti à la ségrégation raciale américaine, à l’impérialisme britannique et, ultimement, au nazisme allemand. Cette philosophie a justifié le capitalisme sauvage qui a marqué la révolution industrielle américaine. Selon cette philosophie, la loi naturelle fait en sorte que seuls les mieux adaptés survivent. Ce qui est vrai dans le monde animal le serait aussi dans les sociétés humaines, et plus particulièrement au plan économique. Toute intervention de l’État pour fournir une protection sociale aux plus démunis vient entraver la loi du plus fort et produit donc un effet désastreux sur la civilisation. Ce capitalisme sauvage basé sur le laissez-­faire est à l’origine des grandes fortunes américaines. En tant qu’adepte instinctif du darwinisme social, Trump s’est opposé aux régulations fédérales visant à contrôler les marchés financiers et à tous les programmes soutenant les plus démunis. Sa philosophie économique consistait à croire que le marché représentait le mécanisme le plus moral et le plus efficace pour redistribuer la richesse. Il comprenait de manière viscérale que le capitalisme récompense les plus intelligents et les plus méritants. Plus encore, pour lui, c’est par sa richesse qu’un homme démontre sa grandeur. Les grands industriels américains de la fin du XIXe siècle étaient surnommés, à juste titre, les « barons voleurs », car ils maîtrisaient l’art de contourner les règles économiques et de tricher sans vergogne. Un siècle plus tard, Donald Trump a représenté le parfait « baron voleur » en refusant d’honorer ses contrats avec les petites entreprises ayant contribué à construire ses hôtels et ses casinos. Ainsi, sous sa gouvernance, les Amé­ricains ont assisté à une résurgence de cette idéologie sombre qui a causé tant d’inégalité et d’exploitation. C’est pour contrer cette idéologie que les présidents Roosevelt, Truman et Johnson avaient mis en place les grands pans de l’État-­providence. Or, la première loi importante adoptée sous l’administration Trump a été de réduire le taux d’imposition des plus riches en le ramenant à ce qu’il était avant 1929.

Avec sa tendance à diviser les groupes et les personnes en catégories machistes de gagnants et de perdants – « eux et nous » – et ses affirmations sur la présence d’honorables personnes au sein des groupes de suprématistes blancs, le trumpisme a clairement révélé la pénétration à long terme de cette idéologie perverse dans la culture populaire américaine. Les attaques incendiaires de Trump contre les immigrants et les minorités s’inscrivaient tout à fait dans sa vision sociale darwinienne de l’Amérique, tout comme son idéologie économique. C’est l’Histoire qui se répétait, y compris ses erreurs…

Le mythe de la méritocratie à l’ère de Trump

La méritocratie a toujours été un principe très en vogue aux États-Unis. Selon ce système, le pouvoir politique, l’avancement dans les carrières et la redistribution des biens économiques sont accordés aux individus sur la base de leurs talents, de leurs efforts et de leur réussite. Ainsi, la mobilité sociale est maintenue et les élites se renouvellent. C’est un beau système, du moins en théorie.

En cela, le populisme de Trump est paradoxal, car ce dernier a exploité la haine de l’élite, alors qu’il en fait partie intégrante. Devenu président, il a d’ailleurs renforcé les privilèges de l’élite en réduisant substantiellement les taxes des plus riches et en élargissant le recours aux paradis fiscaux. Après avoir bénéficié sans vergogne du système des privilèges accordés aux plus riches, il a utilisé de manière démagogique la rancœur des classes moins instruites, qui se sentent discriminées et méprisées par les élites libérales. Ce faisant, la rage politique des millions de Blancs plus démunis n’était pas dirigée contre la nouvelle aristocratie américaine : elle était déviée, par Trump d’abord, contre les élites libérales de la classe moyenne et contre les immigrants décrits comme menant une concurrence déloyale.

La dérive de l’Amérique vers un monde fantaisiste

Pendant la plus grande partie de leur histoire, les Américains se sont démarqués par une vision claire de leur mission et un sens de la vérité qui donnait aux États-Unis son caractère exceptionnel. Toutefois, cette singularité a semblé être arrivée dans un cul-de-sac, en raison du climat politique de polarisation dominé par les fausses nouvelles et les théories du complot.

Si Trump est devenu l’archétype et l’ultime expression du climat post-vérité, il n’est pas à l’origine de ce phénomène. Ce changement de mentalité dans la psyché et l’inconscient collectif américain a commencé durant les années 1960. C’est du moins la thèse défendue par Kurt Andersen dans son ouvrage intitulé Fantasyland :How America Went Haywire :A500-Year History. Selon lui, les Américains ont toujours eu une propension à rêver depuis le début de leur histoire nationale et à forger des ambitions impossibles. Des premiers puritains à leurs descendants agnostiques, les Américains partageaient des vertus fondamentales privilégiant la stabilité, le travail ardu, la frugalité, la sobriété et le sens commun. Cette mentalité, joignant le pragmatisme aux utopies, leur a permis de se hisser non seulement au rang de superpuissance, mais aussi de proposer des valeurs uniques au monde. L’émergence des États-Unis comme un Fantasyland (« monde de fantaisie ») résulte de trois changements majeurs survenus depuis 1960 :

1)L’émergence d’une nouvelle conception de l’individualisme américain et de la montée d’une nouvelle règle morale : « Faites ce que vous voulez, trouvez votre propre réalité, tout est relatif. » L’équilibre délicat entre fantasme et réalité, crédulité et scepticisme, s’est ainsi rompu ;

2)L’abandon de la doctrine d’impartialité dans la diffusion des informations. En 1949, le Congrès forçait les radiodiffuseurs à consacrer une partie de leur temps d’antenne aux questions d’intérêt général et à diffuser des points de vue différents. Sans exiger un temps égal, cette doctrine d’impartialité permettait la tenue de débats publics et de discussions sur des questions controversées. Cette obligation d’impartialité a été confirmée par la Cour suprême en 1969. Toutefois, l’obligation de fournir aux téléspectateurs un accès à une pluralité de points de vue a été remise en question durant les années 1980, avec la prolifération des chaînes câblées. L’administration Bush père a supprimé cette obligation en 1991, sous prétexte que la multiplication des chaînes permettait au citoyen ordinaire d’avoir accèsà différents points de vue. Une nouvelle doctrine a alors vu le jour, faisant en sorte que les stations de radios et les chaînes de télévision pouvaient désormais avoir descontenus unilatéralement idéologiques. N’étant plus obligé de se plier à une approximation de la vérité, toute station ou réseau pouvait donc promouvoir des visions plus fausses ou absurdes les unes que les autres. Dans ce nouveau laisser-aller médiatique, les commentateurs démagogiques avaient le loisir d’exciter en toute quiétude leur audience. C’était le prix de la nouvelle liberté. À partir de 1992, le journaliste Rush Limbaugh, déjà connu pour ses positions très conservatrices, a animé quotidiennement une émission populaire de trois heures, où il présentait sa vision socio-politique alternative à une audience conservatrice. Aujourd’hui, il dispose de sa propre station de radio pour propager quotidiennement sa vision lugubre du monde. Le producteur Roger Ailes a lui aussi lancé en 1992 une émission télévisée d’affaires publiques conservatrice sur le réseau NBC. Quatre ans plus tard, il démissionnait pour accepter l’offre de Rupert Murdoch de diriger Fox News, une nouvelle chaîne d’information continue. Ailes a ainsi pu diffuser ses discours très partisans et sa propre vision archi-conservatrice du monde sur un réseau de propagande très vaste ;

3)L’émergence d’une nouvelle ère de l’information. Partant de trois grands réseaux télévisés, les États-Unis ont connu successivement l’arrivée d’Internet puis des médias sociaux. La révolution médiatique générée par l’émergence de la technologie numérique a permis de donner libre cours aux fictions d’apparence réelle de types idéologique, religieux et scientifique. Or, avec l’apparition du Web, les adeptes des théories les plus loufoques ont trouvé des milliers d’autres croyants pour partager leurs fantasmes. Les canulars ou les fausses nouvelles pouvant devenir ainsi facilement des faits véridiques. Au lieu de rester isolées, ces personnes pouvaient exprimer leurs perceptions quant à des réalités alternatives sur les ondes, comme si leurs fantasmes reposaient sur des faits réels.

En ce sens, la montée de Trump, marquée par une pléiade de mensonges, de sorties intempestives et de tweets absurdes, n’a pas créé leFantasylandaméricain. Le trumpisme, composéd’un mélange de réalité et de fiction, n’était que le résultat d’un changement culturel américain plus profond. Selon Andersen, Trump a tiré profit de la nouvelle mentalité généréepar leFantasyland, dans lequel un grand nombre d’Américains aimaient croire que les fictions sont des faits, étant ainsi d’autant plus disposés à voir des conspirations partout. Le succès politique de Trump résidait dans sa capacité à remplacer les vérités par des faits alternatifs et à exploiter les mythes de la victimisation raciale blanche.

La confusion comme stratégie de défense

Puisqu’il était considéré comme une personne paranoïaque, on aurait pu penser que Trump ait été bouleversé par l’étau qui se resserrait sur lui avec le scandale ukrainien en 2019. Mais il n’en était rien, comme l’ont démontré son refus de collaborer au processus pouvant mener à sa destitution, ainsi que son ordre donné à ses plus proches assistants de ne pas coopérer à l’enquête du Congrès.

Sa stratégie était pourtant simple. Jeune homme d’affaires, Trump s’était adjoint Roy Cohn, le célèbre avocat de Joseph McCarthy, comme mentor. Entre 2017 et 2021, le fantôme de Cohn hantait la Maison Blanche, alors que Trump suivait fidèlement sa recette basée sur le mensonge. En effet, auprès de McCarthy, Cohn avait développé une approche efficace : face à la menace, la meilleure défense est l’attaque dissimulée derrière un écran de fumée (attaquer sans cesse, nier les faits, ne faire aucune admission, chercher toujours à gagner du temps et détourner l’attention du public par la création de nouvelles controverses). Même dans ses espérances les plus folles, Cohn n’aurait pu imaginer que son jeune protégé allait un jour devenir président. Décédé en 1986, il aurait été ravi de voir de quelle façon Trump a tiré profit de ses enseignements… Dès 1973, Trump a appris comment contrer des enquêtes gouvernementales potentiellement problématiques. Alors accusé de pratiques discriminatoires par une agence fédérale, car il contrevenait au Fair Housing Act promulguant la loi contre la discrimination raciale dans le logement (il s’arrangeait pour empêcher des Afro-Américains de louer des appartements dans les immeubles dont il était propriétaire), il avait déposé, sous les conseils de Cohn, une plainte contre le gouvernement l’accusant de diffamation – le début d’une longue saga judiciaire. Cette stratégie lui avait permis de gagner du temps et de signer en 1975 un règlement à l’amiable sans aveu de culpabilité. Depuis, il a systématiquement appliqué cette stratégie, poursuivant les gouvernements, les banques, les anciens employés et partenaires commerciaux, même sans aucun motif, s’il pensait pouvoir en tirer un avantage tactique. À ce titre, le quotidien USA Today a répertorié quatre mille procès auxquels Trump a été mêlé en quatre décennies. Face à l’avalanche de poursuites et d’enquêtes dirigées à son encontre, il a simplement mis en pratique l’enseignement de son mentor en rejetant toutes les accusations, en restant constamment en attaque, en ignorant les faits ou en niant leur véracité. Aucun président américain, en plus de deux cents ans, n’aura autant trafiqué la vérité que Donald Trump.

Sa force politique découlait de sa capacité à amener ses partisans à souscrire à ses distorsions de la vérité. Comme président, il a utilisé les députés et les sénateurs républicains au Congrès comme outils de diversion dans des tactiques familières et délibérées pour détourner l’attention du public de ses abus de pouvoir. La manipulation des alliés de Trump au Congrès s’inscrivait dans le manuel de jeu développé par Cohn. Trump claironnait que les démocrates étaient obsédés par une chasse aux sorcières illégitime et partisane, reposant sur des accusations frivoles. Pour assurer le soutien des républicains au Congrès et réconforter ses adeptes, il a transformé le scandale ukrainien en une sorte de réalité alternative. Ce faisant, il a réussi à contrer le processus de sa propre destitution par un torrent incessant d’attaques sur Twitter. Afin de dévier les faits accablants qui entachent ses actions, il a créé à profusion de nouveaux récits plus attrayants pour ses sympathisants, élaborant ainsi un monde post-vérité, que les médias conservateurs se sont empressés d’amplifier.

Une démocratie en danger

Menteur pathologique, Trump adhérait à toutes sortes de théories du complot qui sapaient les fondements de la démocratie américaine. Gouvernant comme un autocrate, il rejetait le principe de séparation des pouvoirs et le droit de contrôle du Congrès sur son administration. En conséquence, il faisait systématiquement obstruction aux demandes du Congrès lorsque celui-ci voulait exercer son droit de vérification sur les scandales dans lesquels lui et son administration étaient impliqués. Contrairement à ses prédécesseurs qui cherchaient à développer des politiques consensuelles, il a gouverné essentiellement pour solidifier sa base électorale. Non seulement il a corrompu le Parti républicain en lui faisant renier ses valeurs traditionnelles, mais il a également soutenu des politiques xénophobes et racistes qui divisaient l’Amérique et polarisaient davantage l’opinion publique.

Aussi, la sortie du juge en chef de la Cour suprême des États-Unis, John Roberts, effectuée le 31 décembre 2019, est éloquente. Ses propos étaient a priori d’autant plus surprenants qu’il est idéologiquement très conservateur. Néan­moins, il a trouvé essentiel de rappeler à ses concitoyens le danger de tenir la démocratie pour acquise et l’urgente nécessité de rétablir un climat de civilité dans les débats publics. Sans nommer le président, John Roberts s’en est pris aux médias sociaux qui propageaient de fausses informations à grande échelle, soulignant qu’il était essentiel, dans un régime démocrate, que le public comprenne le bien-fondé des politiques mises en place par le gouvernement américain. Ainsi, Trump et Roberts se sont engagés pendant trois ans dans une trajectoire de collision. Le juge était déterminé à maintenir les cours américaines au-dessus de la mêlée. S’opposant vigoureusement aux attaques répétées du président contre le pouvoir judiciaire, il a mené, entre 2017 et 2020, une bataille pour préserver la réputation de la Cour suprême face à une administration qui ne semblait démontrer aucune retenue. Notant que les différentes branches du gouvernement américain étaient soumises depuis quelques années à des tensions grandissantes, aggravées par les procédures de destitution, Roberts a exhorté ses collègues juges fédéraux à promouvoir la confiance du public américain en assurant le maintien d’une justice non partisane pour tous. Après avoir présidé le procès en destitution du président, Roberts savait que la Cour suprême devait rendre plusieurs décisions importantes en 2020, concernant les pouvoirs présidentiels et l’obligation de Trump de fournir au Congrès ses dossiers financiers. Il était conscient que les États-Unis traversaient une période charnière. La démocratie américaine était gravement menacée. Aussi a-t-il rappelé à ses collègues que

chaque génération a l’obligation de passer à la suivante non seulement un gouvernement pleinement opérationnel et attentif aux besoins de la population, mais aussi des outils pour le comprendre et l’améliorer6.

En bref

Le trumpisme n’est pas une aberration temporaire. Les torts que les politiques et leur comportement ont causés aux institutions et à la culture politique américaine, ainsi qu’au Parti républicain, sont très profonds. Aussi, la réélection de Trump en 2020 aurait signifié que les effets négatifs de sa présidence seraient devenus à la fois durables et irréversibles.

Depuis un siècle, d’une administration à une autre, la politique américaine nous avait habitués à un certain zigzag. L’alternance des partis et des administrations apportait constamment certains ajustements dans les politiques et les programmes. Cela faisait partie des règles du jeu politique. Mais, avec Trump, les États-Unis n’étaient plus dans une situation normale : les règles étaient faussées, les décisions politiques, à cause de la polarisation exacerbée encouragée par le président, devenaient irréversibles. Et cela, d’autant plus que Trump a nommé de très jeunes fédéraux ultraconservateurs, dont l’influence risque de durer quarante ans encore, car ils sont nommés à vie. L’influence de Trump s’est fait sentir dans tous les domaines. Si son premier objectif était d’effacer l’héritage d’Obama, dans un deuxième temps il a imposé un virage radical dans une variété de politiques : il a relancé la course aux armements, il a retiré les États-Unis de la lutte contre le changement climatique, il s’est attaqué aux droits civiques, il a réduit la portée des programmes d’action positive, et finalement il a exacerbé les divisions raciales et ethniques par une politique xénophobe.

CHAPITRE 1

UN DON INSTABLE, INCOMPÉTENT ET NARCISSIQUE

La majorité des historiens américains considèrent Abraham Lincoln comme le plus grand président des États-Unis, au- delà de George Washington et Franklin D. Roosevelt. Lincoln s’était démarqué par sa capacité à insuffler un leader­ship moral lors de la plus grande crise que la nation américaine avait eu à affronter et par son aptitude à promouvoir les grandes vertus américaines de compassion, de rectitude morale, de réconciliation et d’abnégation personnelle.

En février 2020, en dépit du caractère hautement corrompu de son administration, de son implication dans le Russiagate et de son procès de destitution à la suite du scandale ukrainien, 53 % des partisans républicains déclaraient considérer Trump comme un président plus grand et meilleur que Lincoln. Mais Lincoln, né pauvre, était l’archétype de l’autodidacte républicain qui cherchait constamment à inciter les gens à recourir « aux meilleurs anges de notre nature », ainsi qu’il l’avait exprimé dans son premier discours inaugural. Alors que Trump, né millionnaire, était essentiellement obsédé par l’image de soi, les vêtements, le style, les cheveux, le teint, et par sa propre élévation… Une parodie des valeurs qui ont défini la nation américaine. Tandis que Lincoln avait démontré compassion, gentillesse et absence de malice à l’égard de ses adversaires, Trump était un intimidateur né qui n’hésitait pas à écraser tout le monde sur son passage, ses amis comme ses ennemis. Alors que Lincoln avait tenu des propos pondérés et clamé qu’il était fondamental pour un président de dire la vérité, Trump ne cessait d’insulter autrui et de mentir.

L’obsession de Trump pour son intelligence

Trump était obsédé par son intelligence, son quotient intellectuel. « Véritable génie », selon ses dires, il ne cessait d’affirmer qu’il en savait plus que tous les experts, et ce, dans tous les domaines. Les observateurs de longue date ont noté que sa vantardise par rapport à son QI élevé était un thème récurrent chez lui depuis des décennies. Il le présentait comme une décoration intérieure, un lustre qu’il avait entre les deux oreilles.

Très peu visible sur les campus de Fordham, où il a effectué ses deux premières années d’études universitaires, et de Wharton, où il a terminé les deux dernières, Trump n’a même pas sa photo dans les annuaires. Pourtant, en 1973 et de nouveau en 1976, il affirmait dans le New York Times être un premier de classe, le répétant pendant des décennies dans des livres, des revues et sur des sites web. Ses camarades de classe ne l’ont jamais perçu comme se démarquant intellectuellement. Ceux de Wharton se souviennent de lui comme une sorte de profasciste qui n’avait rien de génial ni d’exceptionnel. Et en 2015, il a menacé de poursuivre en justice les deux universités si elles publiaient ses relevés de notes. Cette obsession d’être perçu comme le plus intelligent reflète en réalité la peur d’être considéré comme inintelligent, stupide ou farfelu. Cette obsession de son QI découle vraisemblablement d’un besoin de projeter une image de réussite, en dépit de ses faillites multiples et des critiques que lui a attirées son incompétence. En valorisant son QI, il dissimulait son insécurité. Devenu président, Trump n’a pas hésité à dénigrer les adjoints qu’il avait lui-même nommés en affirmant qu’ils manquaient d’intelligence, qu’ils avaient un faible QI. Après le renvoi du secrétaire d’État Tillerson, il a confié à la revue Forbes que son QI était supérieur à celui de tous les membres de son cabinet, y compris Tillerson. L’ancien PDG d’ExxonMobil était selon lui « aussi stupide qu’une pierre ». Trump utilisait son QI comme une valeur nette. Pour lui, QI équivaut à intelligence. Or, cette attitude est à l’opposé de la sagesse. Il ne semblait pas se rendre compte que, pour avoir de la perspicacité et du bon sens en politique, il faut aussi avoir du jugement, de l’empathie, de la discipline, de la diplomatie, du discernement, une bonne écoute, de l’ouverture d’esprit, une ouverture au monde, etc. La véritable intelligence permet à un dirigeant de s’entourer de conseillers perspicaces et expérimentés, ainsi que d’éviter l’isolement intellectuel. Un président intelligent recourt à des opinions dissidentes et est disposé à entendre des critiques bien intentionnées. Il sait qu’en écoutant les experts, il sera en mesure de bien remplir sa tâche. En refusant la contribution de ses conseillers, et plus encore en remplaçant ceux-ci par des fonctionnaires incompétents désignés sur une base temporaire, Trump gaspillaient les attributs de la sagesse. Son manque d’intelligence émotionnelle et de sagesse a marqué quotidiennement sa gouvernance des États-Unis. Et cette insuffisance s’est révélée encore plus dans la gestion de la pandémie de COVID-19, ainsi que dans son attitude face aux émeutes raciales. Il était incapable de comprendre qu’aucune personne, aussi brillante soit-elle, ne peut gérer adéquatement une présidence moderne à elle seule.

Trump aurait eu avantage à méditer sur la maxime de Socrate, qui affirme que l’ignorance la plus répréhensible con­siste à penser que l’on sait ce que l’on ne sait pas. L’excel­lence intellectuelle exige plus que de l’intelligence, elle requiert perspicacité, jugement et sagesse.

L’obsession particulière de Trump envers Barack Obama

Les commentateurs et analystes politiques américains n’ont pas été surpris de voir Trump blâmer Obama à chaque nouvelle crise qui frappait son administration. C’est ce à quoi Trump s’est adonné le plus régulièrement pendant son mandat. Daniel Dale, un ancien journaliste canadien maintenant documentaliste à CNN, a comptabilisé le nombre de fois où Trump a mentionné le nom d’Obama entre janvier 2017 et novembre 2019 : une moyenne de 0,7 fois par jour en 2017, de 1,3 fois par jour en 2018, de 1,8 fois par jour au début de 2019 et 2,4 fois par jour durant la seconde moitié de 2019. Trump souffrait d’une véritable fixation, au point qu’elle en devienne un élément central de sa présidence. Certains commentateurs ont même avancé la théorie selon laquelle il ne disposait d’aucune doctrine pour définir ses politiques. Sa perspective consistait à défaire les réalisations de son prédécesseur. Il désirait se positionner à l’opposé d’Obama dans tous les domaines.