Le Fantôme du Père-Lachaise - Arthur Bernède - E-Book
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Le Fantôme du Père-Lachaise E-Book

Arthur Bernède

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Beschreibung

Dans ce roman le fameux détective "Chantecoq" est au centre de l'action. "Chantecoq", surnommé le "roi des détectives", se remarque pour son goût des déguisements, son esprit de déduction et son sens du théatre. On le retrouve dans toute une série d'enquêtes dont "Belphégor" est la plus connue. Les 17 romans d' Arthur Bernède où apparaît Chantecoq sont: Coeur de Française (1912); L'Espionne de Guillaume (1914); Cocorico !... (1916) (Chantecoq, 1); L'Homme qui sourit (1916) (Chantecoq, 2); La Chasse aux monstres (1916) (Chantecoq, 3); On les a !... (1916) (Chantecoq, 4); Belphégor (1927); Le mystère du train bleu (1929) (Nouveaux exploits de Chantecoq, 1); La maison hantée (1929) (Nouveaux exploits de Chantecoq, 2); Le crime d'un aviateur (1929) (Nouveaux exploits de Chantecoq, 3); Zapata ? (1929) (Nouveaux exploits de Chantecoq, 4); L'ogre amoureux (1929) (Nouveaux exploits de Chantecoq, 5); Le fantôme du Père Lachaise (1929) (Nouveaux exploits de Chantecoq, 6); Condamnée à mort (1929) (Nouveaux exploits de Chantecoq, 7); Le tueur de femmes (1929) (Nouveaux exploits de Chantecoq, 8 ); La Fille du diable (1931) et Vampiria (1933). Arthur Bernède (1871 - 1937), est un romancier populaire français. Auteur très prolixe, il a créé plusieurs centaines de personnages romanesques, dont certains, devenus très célèbres, tels que Belphégor, Judex et Mandrin, ont effacé leur créateur. Il a également mis en scène Vidocq, inspiré par les exploits de ce chef de la Sûreté haut en couleurs. Il est également connu sous les noms de plume de Jean de la Périgne et de Roland d'Albret.

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Veröffentlichungsjahr: 2019

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Arthur Bernède

Le Fantôme du Père-Lachaise

e-artnow, 2019 Contact: [email protected]

Table des matières

Chapitre I : Une honnête femme.
Chapitre II : L’assaut.
Chapitre III : La Baronne Merloup.
Chapitre IV : Une épave.
Chapitre V : Le marché.
Chapitre VI : Le prince Dimitri.
Chapitre VII : Où nous voyons le milliardaire américain Jack Sorett jouer un rôle important dans le complot qu’il a imaginé.
Chapitre VIII : Le flagrant délit.
Chapitre IX : Les larmes de Michèle.
Chapitre X : Chez le roi des détectives.
Chapitre XI : Où l’on voit que Météor aurait pu faire un standardiste extrêmement remarquable.
Chapitre XII : En pleine bataille.
Chapitre XIII : La morte vivante.

Chapitre I : Une honnête femme.

Table des matières

Une auto de maître stoppait devant un hôtel particulier qui dressait sa façade toute neuve à Neuilly, en bordure du boulevard Richard Wallace.

Un valet de pied qui se trouvait à coté du chauffeur descendit ouvrir la portière à un gentleman d’une quarantaine d’année environ, au type anglo-saxon nettement accusé.

Vêtu avec une élégance quelque peu exagérée ; de haute taille, carré d’épaules, le visage complètement rasé, le masque autoritaire, l’allure d’un homme qui se sent très fort parce qu’il se sent très riche, tel était ce personnage à l’aspect d’ailleurs peu sympathique, et qui s’en fut tout droit sonner à la porte de l’hôtel.

Celle-ci s’entrouvrit et laissa apparaître un valet de chambre, qui, à la vue du visiteur, s’empressa d’ouvrir tout grand un des battants.

Après avoir refermé la porte, le domestique s’inclina respectueusement devant le visiteur en qui il avait reconnu l’un des familiers de la maison, le richissime banquier Jack Sorett, l’un des hommes les plus riches des Etats-Unis.

En français, sans trop d’accent, mais d’un ton bref, impératif, sir Jack Sorett lançait :

— Mme la comtesse de Préfailles est elle visible ?

— Je vais voir, Monsieur, répliquait le valet de chambre.

L’Américain prit dans son portefeuille un bristol qu’il tendit au domestique qui s’en fut chercher sur une table un plateau, sur lequel il posa la carte ; et, revenant vers sir Sorett il fit :

— Si Monsieur veut bien entrer au salon ?

Sir Jack acquiesça de la tête.

Le valet de chambre ouvrit une porte qui donnait dans une vaste pièce somptueusement meublée et décorée avec goût.

Lorsque le milliardaire eu pénétré, il s’inclina devant lui, se retira, traversa le vestibule et s’engagea dans un grand escalier aux marches de marbre et à la rampe en fer forgé, qui conduisait au premier étage. Parvenu sur le palier, il frappa discrètement à l’une des portes.

Une voix de femme répondit aussitôt :

— Entrez !

Le serviteur pénétra dans un délicieux boudoir Louis XVI, au fond duquel, devant un charmant bonheur-du-jour, une jeune femme était assise et terminait une lettre.

— Qu’est-ce encore, Julien ? demanda-t-elle d’un air agacé ?

Julien, qui semblait fort bien stylé, s’avança vers Mme de Préfailles et lui présenta la carte qu’il portait sur le plateau.

La comtesse s’en empara, la lut et fit simplement :

— Vous avez dit à ce monsieur que j’étais là ?

Julien répliquait :

— Madame la comtesse ne m’avait pas donné pour consigne de répondre aux personnes qui viendraient pour la voir qu’elle était absente. J’ai donc prié ce monsieur de bien vouloir attendre et je l’ai prié d’entrer dans le grand salon.

— Vous avez bien fait, approuvait Mme de Préfailles.

Et, tout de suite elle ajouta :

— Allez dire à sir Sorett que je descends dans quelques instants.

Le valet de chambre se retira avec cette impassibilité classique des gens de maison, qui accomplissent leurs fonctions avec la régularité mécanique d’un automate.

Demeurée seule, Mme de Préfailles se remit à écrire.

C’était une jeune femme de vingt six ans environ. Très belle, très racée, d’une beauté qui méritait de faire d’elle une véritable reine de Paris, elle avait entre toutes qualités, celle de posséder un charme auquel il était bien difficile de résister.

Ses yeux très bleus, d’un bleu de ciel, étaient comme un reflet du paradis.

C’était véritablement l’aristocrate française dans tout ce qu’elle a pu conserver à travers les âges de pur, de noble et de beau.

Son visage, qui s’était un instant rembruni, avait repris sa sérénité coutumière et exprimait en même temps qu’une bonté exquise, le plus délicieux des abandons.

C’était, en effet, une lettre d’amour qu’elle écrivait a son mari, qui, parti depuis longtemps au Maroc, où il avait de gros intérêts, avait laissé en elle, avec le regret d’une séparation forcée, l’empreinte de la tendresse qu’il lui inspirait. Voici ce qu’elle lui disait :

« Le soir, quand je rentre seule dans cette maison que tu as faite si belle pour moi, je me sens encore plus mélancolique et j’ai de la peine à m’endormir, tant je suis obsédée par la pensée que tu es loin de moi et que pendant des semaines encore je dois attendre ton retour.

« Mais je sais bien qu’il faut me faire une raison et que tu penses à moi autant que je pense à toi.

« Nous nous aimons tant, n’est ce pas ? Tes lettres si chères m’apportent chaque fois que je les reçois comme une bouffée de notre bonheur un instant suspendu.

« J’ai très bien compris que tu ne m’emmènes pas avec toi, dans ce voyage exclusivement d’affaires. Je t’eusse plutôt gêné…

« D’ailleurs, l’état de santé de maman, qui s’aggrave de jour en jour, me retenait auprès d’elle, et je me console de ton absence en pensant que j’accomplis tout mon devoir.

« Je suis obligée d’abréger ma lettre. Notre ami Jack Sorett vient d’arriver et je ne voudrais pas le faire attendre trop longtemps. Je n’oublie pas tous les immenses services qu’il t’a rendu, et si aujourd’hui nous nous trouvons dans une situation aussi brillante c’est en grande partie à lui que nous le devons, puisqu’il a consenti à te fournir les capitaux nécessaires pour développer tes entreprises qu’ont rendu florissantes ton intelligence, ton énergie, et cette volonté de réussir que tu puise dans notre amour.

« Voila donc pourquoi, à mon vif regret, je suis obligée d’abréger ma lettre ; mais sois tranquille, je me rattraperai demain.

« Je t’embrasse bien tendrement. Continu à m’envoyer, ainsi que tu le fais chaque jour, ce télégramme, qui pour moi est toute ta pensée s’envolant à travers l’espace ; et dis-toi bien qu’il n’est pas une seconde de ma vie qui ne soit tienne.

« Je t’embrasse encore, je t’aime.

« Ta femme,

« Ta Michèle. »

La jeune comtesse plia le papier à lettre, le plaça dans une enveloppe qu’elle cacheta et sur laquelle elle traça l’adresse suivante :

Monsieur le comte Henri de Préfailles

Grand hôtel de l’oasis

Rabat (Maroc)

Après avoir ajouté sur l’enveloppe la mention « par avion », elle appuya sur une sonnerie électrique à portée de sa main.

La femme de chambre apparut. Michèle de Préfailles lui tendit la lettre en disant :

— A faire partir immédiatement !

Elle se leva, quitta sa chambre, gagna le grand escalier et s’en fut rejoindre dans le salon, l’américain, qui, flegmatique du moins en apparence, l’attendait, debout, en face d’un magnifique portrait de la comtesse, exécuté par le grand peintre Cyprien Boulet.

Le financier était tellement absorbé dans sa contemplation qu’il ne s’aperçut pas que Michèle venait d’entrer dans la pièce. Il fallut que ce soit elle qui l’interpellât fort gracieusement.

— Bonjour sir Jack !… Que me vaut le plaisir de votre visite ?

Sir Sorett tressaillit légèrement ; brusquement il se retourna et se trouva presque face à face avec Mme de Préfailles.

Son visage se colora d’une furtive rougeur ; puis embrassant la main que lui tendait la jeune femme, il fit :

— J’étais en train d’admirer cette œuvre qui a été le grand succès du salon de l’an passé.

« Ce Cyprien Boulet a vraiment un talent prodigieux et je crois que, d’ici peu, il n’y aura pas en Amérique une femme qui ne rêvera d’être portraicturée par lui.

— Le fait est, déclarait Michèle, que c’est un très grand artiste…

Avec une galanterie un peu exagérée le milliardaire reprenait :

— Jamais il n’aura à réaliser sur la toile une femme aussi divinement belle que vous.

Michèle sourit et reprit aussitôt :

— Voila un compliment à la fois un peu brutal et très immérité.

— Pas du tout, rectifiait l’Américain avec l’autorité d’un homme qui n’admet pas la contradiction. Vous devriez me connaître assez, chère comtesse, pour savoir que jamais je n’ai prononcé une parole en contradiction avec ma pensée. J’ajouterai même si toutefois vous m’en donnez la permission…

— Je vous la donne, parce que, si je vous la refusais, vous la prendriez tout de même.

— Parfaitement, martelait sir Jack. Il n’existe pas en France, à Paris, en Europe et même dans le monde entier, une femme qui vous soit comparable.

— Ceci dit, reprenait Mme de Préfailles, laissez-moi à mon tour m’excuser de vous avoir laissé seul aussi longtemps ; mais j’écrivais a mon mari, qui, ainsi que vous le savez, se trouve en ce moment au Maroc, et j’avais peur de manquer le courrier.

Avec cette netteté hardie qui caractérise les businessmen des Etats-Unis, sir Sorett reprenait :

— C’est justement de votre mari dont je suis venu vous parler.

Un peu surprise de ce préambule auquel elle ne s’attendait guère, Mme de Préfailles indiquant un siège au visiteur lui disait :

— Veuillez vous asseoir, sir Jack, je vous écoute.

Prise soudain de la crainte que l’Américain se présente en messager de mauvaise nouvelle, elle questionna :

— Il n’est pas arrivé d’accident à Henri ? Il n’est pas malade ?

— Rassurez vous déclarait le banquier en esquissant un étrange sourire. Mr de Préfailles se porte à merveille, je viens précisément de recevoir de lui un télégramme.

Rassérénée par ces paroles, Mme de Préfailles s’installa dans un fauteuil en face de son interlocuteur. Puis, elle reprit :

— Sir Sorett, je vous écoute avec d’autant plus de plaisir que je suis certaine que vous n’avez rien de désagréable à m’apprendre.

Le financier esquissa une moue légère qui semblait indiquer que tel n’était pas son avis, et il fit, d’un air un peu détaché et sans vouloir donner d’importance à ses paroles :

— Je ne connais guère ce que vous appelez vous autre Français, l’art des périphrases. Je vais droit au but, et je ne sais pas envelopper mes paroles de ces précautions que vous impose parfois la nervosité des personnes auxquelles vous vous adressez.

« D’ailleurs, je sais que vous êtes une femme de tête, et que vous n’êtes pas de celles qui se laissent démonter par une déception même assez grave, et surtout absolument inattendue.

— Que voulez vous dire ? s’étonnait la jeune femme.

— J’y arrive, reprenait le milliardaire.

« Tout d’abord, je dois vous poser une question à laquelle je vous demande de me répondre avec la franchise la plus absolue.

« Avant votre départ, votre mari vous a-t-il dit quel était le but de son voyage au Maroc ?

Sans la moindre hésitation, Michèle répondait :

— Henri m’a déclaré qu’il s’en allait là-bas surveiller ses intérêts dans la banque Delorme et Cie.

— Ah ! il vous a dit cela !…

— Parfaitement.

— Et vous l’avez cru ?

— Je l’ai cru. Comment aurait-il pu en être autrement ? Mon mari ne m’a jamais menti, et l’affection loyale qu’il n’a jamais cessé de me témoigner depuis deux ans de mariage m’interdit d’élever le doute sur sa parfaite honnêteté.

De nouveau, l’Américain eut son inquiétant sourire.

— C’est beau, c’est très beau la confiance, fit-il d’un ton ironique.

Surprise et même froissée par cette attitude bizarre, Mme de Préfailles s’écriait :

— Auriez-vous l’intention, monsieur, de m’enlever celle que j’ai dans mon mari ?

L’Américain répliquait :

— Ne vous emballez pas, je vous en prie. Vous savez toute l’amitié sincère que je porte à Mr de Préfailles, et toute l’admiration fervente que vous m’inspirez vous-même.

« Aussi, je m’en voudrais de vous causer à l’un comme à l’autre, la moindre peine. Mais il est parfois des nécessités qui dépassent les intentions les meilleures et qui vous interdissent toute espèce de ménagement, même à l’égard des personnes que vous estimez et que vous aimez le plus.

« En ce moment, je ne puis vous le cacher davantage : je suis très mécontent de Mr de Préfailles.

« Vous savez combien j’ai été heureux de mettre à sa disposition les importants capitaux dont il avait besoin pour réaliser ses conceptions financières.

« Je l’ai fait pour deux raisons : la première, c’est parce que ses projets me séduisaient fort, tant par leur hardiesse que par leur solidité apparente et parce qu’ensuite votre mari m’était infiniment sympathique.

« Il représentait pour moi le type de l’aristocrate moderne, qui se refuse à végéter avec les débris d’une fortune chaque jour de plus en plus modeste, et qui veut, au contraire une existence moderne, et qui, pour remplacer l’héritage émietté de ses ancêtres, entend gagner de l’argent, beaucoup d’argent, afin de pouvoir reprendre dans la société la place prépondérante de richesse et de fortune que tenaient autrefois ses aïeux.

« D’ailleurs, Mme, dès que j’ai eu l’honneur de vous être présenté, si j’avais eu la moindre hésitation, vous eussiez suffi à la vaincre, tant j’ai tout de suite été désireux d’aider votre mari, afin de vous donner le cadre dont vous étiez digne, et de vous assurer l’existence fastueuse pour laquelle vous avez été créée.

Troublée par ces paroles, la jeune comtesse se demandait :

« Ou veut-il aller ? Que va-t-il me dire ? »

Et elle ajoutait, toujours mentalement :

« Puisqu’il prétend avoir horreur des périphrases, pourquoi ne me dit-il pas tout de suite la vérité ? »

Sir Jack Sorett, qui préparait son terrain avec une habileté rare reprenait :

— Je tiens avant tout à vous affirmer qu’en venant vous voir et vous apprendre les faits qui vont suivre, je suis tout à fait d’accord avec M. de Préfailles, ainsi que le prouve ce télégramme dont je vous parlais tout à l’heure et dont je vous prie de bien vouloir prendre connaissance.

Le milliardaire tira de son portefeuille une dépêche qu’il tendit à la jeune femme. Celle-ci la prit d’une main tremblante, la déplia et lut ce qui suit :

« Ainsi que je l’avais prévu, aucune espérance n’est plus permise… Stop… Situation inextricable causée par suite passive d’au moins 10 millions. Vous seul pourriez me sauver. Stop. Si vous y consentez, prière de télégraphier immédiatement. Si vous refusez, je vous demande comme une dernière preuve d’amitié d’annoncer à ma femme cette terrible nouvelle. Stop. Pour moi, je ne m’en sens pas le courage. Je suis désespéré. Amitiés.

« Henri »

À mesure qu’elle prenait connaissance de ces quelques mots, si terriblement éloquents en leur laconisme, Mme de Préfailles sentait grandir en elle la plus douloureuse des angoisses.

D’une voix tremblante, elle reprenait :

— Pour que je crois une pareille chose, il faut que ce soit vous qui me la racontiez… Quelle catastrophe terrible ! Combien mon pauvre Henri doit être malheureux !

« Qu’a-t-il pu se passer ? Ce doit être la fatalité qui a voulu ce malheur ; je ne puis penser un seul instant que mon mari, qui est l’honneur même, se soit rendu coupable je ne dirai pas de la plus petite et la plus légère irrégularité, mais d’un moment de défaillance.

Jack Sorett qui enveloppait la comtesse de Préfailles d’un regard de plus en plus intense, reprenait sur un ton rempli de bienveillance et de mansuétude :

— Je commence par vous dire que l’honorabilité personnelle du comte de Préfailles ne saurait être mise en jeu. Il a eu affaire à un directeur qui était un gredin fort habile et même de haute envergure et s’est lancé à son insu dans des spéculations plus que hasardeuses.

« Après avoir dilapidé une grande partie du capital de sa banque, il a pris la fuite avec ce qui restait ; mais il n’en est pas moins vrai que votre mari est coupable, quand ce ne serait que d’un manque de surveillance.

Michèle affirmait :

— Bien des fois Henri m’a affirmé qu’il avait une confiance absolue en M. Delorme.

— Je le sais mieux que personne, observait le financier, puisqu’il s’est porté vis-à-vis de moi caution de ce coquin.

« Si j’étais le seul commanditaire, les choses pourraient s’arranger encore ; mais pas mal d’épargnants français ont confié leurs économies à cette banque aujourd’hui en déconfiture. La faillite doit être forcément prononcée, et tout l’avoir de ces malheureux va être perdu.

« La presse, naturellement, s’emparera de cette histoire, criera au scandale, et le conseil d’administration dont M. de Préfailles est président, malgré la bonne foi absolue et l’intégrité entière de ses membres, se trouvera en très fâcheuse posture.

— Alors, interrogeait anxieusement Michèle, mon mari va être poursuivi ?

— Je n’en sais rien encore, déclarait l’Américain, non sans une certaine réticence ; mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’un juge d’instruction va être nommé.

« Sans être très avertie des choses de la finance, vous ne devez pas ignorer qu’en pareil cas il arrive très souvent que les innocents paient pour les coupables, surtout lorsque, ainsi que dans le cas présent, la justice, d’accord avec le gouvernement, se voit dans la nécessité de donner satisfaction à l’opinion publique.

La main crispée sur le rebord de son fauteuil, Mme de Préfailles s’écriait :

— Alors, ce n’est pas seulement la ruine, c’est encore le déshonneur !

Jack Sorett rectifiait :

— À moins que l’on ne trouve le moyen, soit de renflouer la banque, soit de s’entendre avec les créanciers.

« Mais, en ce moment, des affaires financières n’ont pas précisément une très bonne presse. J’ai déjà envoyé à droite et à gauche plusieurs coups de téléphone, et, à mon vif regret, je suis obligé de vous déclarer que les sondages que j’ai faits ne me donne pas un grand espoir.

— Mon pauvre Henri !

Ce fut tout ce que put dire Mme de Préfailles. Maintenant, les larmes coulaient sur ses joues ; son beau visage était empreint d’une profonde tristesse ; soudain, une pensée atroce lui traversa l’esprit :

— Pourvu que…

— Pourvu que… ? Répétait l’américain.

Comme Michèle se cachait la tête entre les mains, Jack Sorett se leva, s’en fut vers elle, lui posa affectueusement la main sur l’épaule, et lui dit :

— Voyons… parlez ! Ne suis-je pas votre ami sincère ? Dites-moi bien le fond de votre pensée.

Gagnée par cette manifestation d’amitié dont elle n’avait nullement le droit de suspecter la sincérité, elle fit :

— J’ai peur, oui, j’ai peur que Henri ne se laisse aller à un geste de désespoir.

— Non, reprit l’Américain, vous n’avez pas à redouter cette éventualité. M. de Préfailles est un homme trop bien équilibré pour se loger une balle dans la tête.

« D’ailleurs, il a aussi sa conscience pour lui.

— Et puis, interrompait la jeune femme, il m’aime tant, il sait que je l’aime tant aussi, qu’il ne voudrait pas mourir !

Ces mots durent déplaire quelque peu au milliardaire, car il fronça légèrement les sourcils. Mais, dominant sa mauvaise humeur passagère, il reprit, avec la même bienveillance :

— Tout cela est excessivement triste pour vous ; et il serait infiniment regrettable que vous fussiez obligés de subir un désastre dans lequel vous n’êtes pour rien.

« Voilà pourquoi je regrette profondément de ne pouvoir rendre à M. de Préfailles le service qu’il me demande.

« Je sais très bien ce que vous pensez, en ce moment. Vous vous dites : « Qu’est-ce, pour Jack Sorett, que les dix millions nécessaires pour sauver la banque Delorme et, par ricochet, mon mari ! Alors, pourquoi lui, qui jusqu’alors nous a témoigné à tous deux une si effective amitié, de nous aiderait-il pas à franchir ce mauvais pas ? »

« Eh bien ! Je vais vous répondre, chère Madame et amie avec toute la franchise qui me caractérise.

« Votre mari est un homme de grande valeur et de parfaite loyauté, je m’empresse de le reconnaître, mais, c’est avant tout un imaginatif ; et maintenant que je l’ai vu à l’œuvre, je m’aperçois trop tard, malheureusement, qu’il manque des aptitudes indispensables à celui qui veut être véritablement un homme d’affaires.

« Il reste en lui trop de générosité chevaleresque, trop de facilité à accorder son crédit à des gens qui, certes ne le méritaient pas.

« Je me suis trompé une première fois, je n’ai pas envie de tenter une nouvelle expérience ; non pas à cause des pertes qu’elle pourrait encore occasionner, mais surtout parce que je ne veux pas aider M. de Préfailles à s’engager plus longtemps dans une voie qui n’est pas la sienne.

« Ce n’est peut-être pas européen, mais c’est très américain !

— Alors, s’écriait Michèle, au comble de l’anxiété, que va-t-il se passer ?

— Le juge d’instruction, la police correctionnelle, la honte !

Et, d’un accent désespéré, elle scanda :

— Ma pauvre mère qui est déjà si mal, quand elle va apprendre que son gendre, M. de Préfailles, est compromis dans une affaire financière, je n’ose penser !…

Et, d’une voix entrecoupée par les sanglots, elle fit :

— Cela peut la tuer ! Ah ! non, vraiment, c’est trop effroyable !

Pendant un instant, sir Sorett garda le silence, laissant Michèle donner libre cours à son désespoir.

Mais il ne la quittait pas de ses yeux dans lesquels, maintenant, s’allumaient des lueurs d’âpre convoitise.

Depuis près d’un an, il était éperdument épris de Mme de Préfailles. Pour la posséder, il eut donné la moitié de sa fortune ou de son existence.

Bien qu’il ne fût pas doué d’un grand sens psychologique, il s’était vite aperçu qu’il n’avait aucune chance de succès auprès d’elle, d’abord parce que Michèle était une honnête femme dans toute l’acceptation du mot, puis parce qu’elle adorait son mari.

Mais l’Américain n’était pas un homme à se laisser décourager par un obstacle qui en eût rebuté tant d’autres ; il était au contraire de ceux que la difficulté surexcite, et s’était juré que la comtesse de Préfailles serait à lui.

Tel un chef militaire qui se sentirait incapable de prendre d’assaut les forteresses et préférerait investir, il avait commencé par faire le siège de l’âme de celle qu’il convoitait, tout d’abord en redoublant d’attentions délicates et de prévenance parfaite, en témoignant au comte une amitié chaque jour grandissante, et en endormant la vigilance de la jeune femme par son attitude toujours pleine de déférence envers elle et exempte de toute parole qui aurait pu prêter à l’équivoque.

Patiemment, minutieusement, il avait mené cette conspiration contre le bonheur et contre l’amour de ces deux êtres qu’il voulait désunir et avait provoqué ce krach de la banque Delorme afin d’assurer l’effondrement complet, définitif, de celui dont il voulait voler la femme.

Maintenant qu’il avait exécuté la première partie de son infernal programme, il allait s’attaquer à la seconde, encore plus infâme que la première.

Cet homme, qui croyait que rien ne pouvait résister à la puissance de l’argent et était convaincu que l’on pouvait acheter le cœur d’une femme aussi facilement que la conscience d’un homme, allait se trouver en face d’une défense qu’il n’avait pas prévue : celle d’une femme forte de son amour, sûre d’elle et capable de triompher par l’unique volonté de sa vertu éclatante.

Chapitre II : L’assaut.

Table des matières

Après avoir laissé sa victime exprimer son chagrin par des larmes et des sanglots, qui auraient dû attendrir le cœur le plus endurci, sir Jack Sorett allait poursuivre ses attaques avec la ruse et la duplicité qui le caractérisaient.

Il s’était assis sur une chaise tout près du fauteuil sur lequel Michèle était effondrée et s’était emparé de la main de la jeune femme, qui sans défense et sans méfiance encore, la lui avait abandonnée. Et, tout en la gardant entre les siennes, il reprenait d’un ton doucereux :

— Vous me voyez désolé au-delà de toute expression.

« Quand je pense que c’est moi qui ai fait pleurer ces beaux yeux et qui ai bouleversé de douleurs votre âme tout à l’heure si claire !

« Ah, si j’avais su, je n’aurais pas cédé au désir que m’exprimait votre mari ; je lui aurais laissé le soin de vous prévenir lui-même de la catastrophe.

« Non vous ne pouvez vous imaginer à quel point je suis bouleversé par votre peine ; je ne croyais vraiment pas m’attacher à vous à ce point ; et je suis navré, tout à fait navré.

« Si je trouvais le moyen de vous consoler, ou tout au moins d’apaiser votre chagrin, de l’atténuer, même, j’en serais heureux, très heureux ; mais je le sens bien, hélas ! que, quand à présent au moins, cela m’est impossible ; je ne saurais pas trouver les mots qu’il faut, et pourtant je les pense, mais je ne suis qu’un financier, qu’un homme d’affaires, et si, comment on le dit, sous ma rude écorce je cache un cœur sensible, beaucoup plus sensible même qu’on l’imagine, je ne sais pas extérioriser mes sentiments, non, je ne sais pas.

Michèle, instinctivement, reprit sa main ; car elle avait senti augmenter la pression de celles du milliardaire ; et bien qu’elle ne soupçonna pas ses intentions aussi inavouables qu’inavouées, elle commençait à éprouver une certaine gêne de sentir à ses cotés, en un moment pareil, un homme qui, somme toute, n’était pour elle qu’un étranger.

Feignant de se méprendre sur ce geste, l’Américain s’écriait :

— Vous m’en voulez !… J’aurais dû me taire. Mais il me semblait qu’au contraire c’était pour moi un devoir de vous prévenir ; car, en même temps que je vous ai apporté la douleur, je vous apporte aussi peut-être le réconfort.

Michèle hocha douloureusement la tête, comme si elle voulait exprimer par là qu’elle était absolument incapable de se laisser aller à la moindre espérance ; mais Jack Sorett était la ténacité même. Aussi continua-t-il :

— Permettez-moi de vous dire avec toute la respectueuse affection que vous m’avez inspirée, que vous avez tort de vous laisser aller à un découragement pareil… Je vous croyais beaucoup plus énergique et je me suis trompé ; mais il s’agit de vous ressaisir, je veux vous y aider, car autant je suis décidé à me désintéresser entièrement de votre mari, autant je suis disposé à vous dédommager de tout le chagrin que, bien involontairement, je vous ai causé.

« Vous me comprenez, n’est-ce pas ?

— Non, monsieur, répliquait la comtesse, je ne vous comprends pas du tout.

— Alors, je vais m’expliquer. Tout d’abord, je dois vous poser une question extrêmement délicate, mais que vous me pardonnerez certainement en faveur des motifs qui me l’inspirent.

« Aimez-vous vraiment, sincèrement votre mari ?

Révoltée, la jeune femme se redressait en disant :

— Comment pouvez-vous me demander une chose pareille au moment où je me désole sur son malheur beaucoup plus que sur le mien ?

Et elle martela, d’une voix que ne brisaient plus les sanglots mais que faisait vibrer l’amour qui était en elle :

— Oui je l’aime de toutes mes forces et de tout mon être ! Je l’aime encore plus depuis que je le sais abattu, et la pensée qu’il souffre en ce moment, qu’il va passer des heures redoutables, terribles même, ne fait que m’attacher à lui davantage.

L’américain ripostait :

— Ceci est tout à votre louange, mais enfin, je suppose qu’il soit englobé dans les poursuites, arrêté, condamné !

— Peu importe, ripostait noblement la jeune femme. Quand bien même toute la terre se liguerait contre lui pour déclarer qu’il est un malhonnête homme je répondrais :

« — Ce n’est pas vrai, ce n’est pas possible ; il a pu être dupé, être lui-même une victime de la malhonnêteté des autres, mais lui ne peut pas avoir forfait à l’honneur. Il est mon mari, je le défends, je le garde et je l’aime. »

Michèle était vraiment superbe en parlant ainsi.

La beauté de son attitude, l’ardeur de son langage semblait surexciter les secrets désirs qu’elle inspirait au milliardaire.

Perdant peu à peu le contrôle de lui-même et s’évadant de la prudente retenue dans laquelle il s’était cantonné jusqu’alors, il s’écria :

— Que vous êtes belle ainsi ! Ah ! Vraiment, je ne puis m’empêcher de vous le dire. Quand on possède un trésor aussi inestimable que vous, on n’agit pas ainsi que l’a fait M. de Préfailles.

— Lui, protestait la comtesse, mais qu’a-t-il donc fait ?

Et sans même attendre la réponse du financier, elle poursuivit :

— Ne venez-vous pas de me dire à l’instant qu’il ne pouvait en rien être rendu responsable du crime commis par les autres ?

— C’est exact, murmurait Sorett, et le seul reproche que je puisse adresser à votre mari, et je vous l’ai déjà dit, c’est d’avoir été trop confiant et de ne pas avoir exercé sur le directeur de sa banque la surveillance très active qu’exigeait de lui ses fonctions de président du conseil d’administration.

« Mais que voulez-vous ?… Le mal est fait, n’en parlons plus. À moins que, cependant, vous n’ayez à me demander, je n’ose pas dire un conseil, mais un avis qui pourrait vous être utile…

— Monsieur, je vous remercie de l’intérêt que vous me portez…

« Mais, en ce moment, je n’ai qu’un désir : me retrouver le plus vite possible auprès de mon mari, afin de pouvoir lui prodiguer toute la consolation de ma tendresse.

« Peut-être pouvez-vous me dire quand il rentrera.

Tout en prenant un air de fausse compassion, l’américain insinuait :

— Je ne voudrais pas vous affliger encore davantage ; cependant, à vous plus qu’à tout autre, il ne me répugnerait certainement de mentir.

« Aussi, ne m’en voulez pas si j’hésite à vous déclarer que, pour des raisons sur lesquelles je vous demanderais de ne pas insister, M. de Préfailles ne rentre pas à Paris, auprès de vous, aussi promptement que vous le désirez.

— Sans doute, interrogeait Michèle avec anxiété, est-il retenu là-bas par les soucis qu’a du lui occasionner la fuite de ce directeur ?

— Si ce n’était que cela !… murmurait hypocritement le financier.

— Qu’y a-t-il encore ?

— Vous ne le devinez pas ?

— Non, monsieur.

— J’admire votre candeur.

— Ma candeur !

— Je devrais dire votre aveuglement.

— Chercheriez-vous à me donner à penser que mon mari me cache certaines choses ?

— En tout cas, Madame, ce n’est pas à moi de vous les apprendre !

— Monsieur, vous m’en avez trop dit pour ne pas aller jusqu’au bout.

« Maintenant, j’ai la conviction que Henri a été auprès de vous l’objet de faux rapports, de calomnies infâmes, et je ne crois pas plus à sa trahison envers moi qu’à sa malhonnêteté envers les autres.

— Et cependant, reprenait l’américain en démasquant enfin ses batteries, si je vous mettais sous les yeux la preuve que M. de Préfailles a une maîtresse ?

— C’est faux ! Se révoltait la jeune femme, et je vous prie, Monsieur, de ne pas continuer davantage.

Et elle ajouta, en s’éloignant de celui qui la couvrait d’un œil par trop ardent :

— Singulière façon que vous avez de me réconforter.

« Après m’avoir annoncé la ruine de mon mari, me raconter qu’il me trompe !…

« Eh bien ! Encore une fois, Monsieur, je tiens à vous dire que je ne vous crois pas ; vous cherchez, je m’en aperçois depuis un instant, à me troubler, à profiter du désarroi dans lequel vous m’avez jeté pour profiter d’une défaillance inexplicable de ma part et parce que je suis seule en ce moment à me débattre contre la fatalité.

« Il me semble, Monsieur, que j’ai beaucoup moins à me défendre contre elle que contre vous.

« Brisons donc là, et ce soir je partirai rejoindre l’homme que vous avez cherché à salir à mes yeux.

— Non, madame, vous ne partirez pas ! Affirmait sir Jack Sorett, qui, se maîtrisant, avait réussi à reconquérir tout ce flegme qui le rendait encore beaucoup plus dangereux que ses impatiences.

— Pourquoi ne partirai-je pas ? Se cabrait la comtesse.

— Parce que vous risquez de vous rencontrer là-bas avec la courtisane que M. de Préfailles a encore eu la folie d’emmener avec lui.

— Mon mari aurait emmené… !

« Non, non, décidément, vous dépassez les bornes, et vous allez me forcer de sonner mon valet de chambre pour vous reconduire jusqu’à la porte…

Cette menace ne parut nullement émouvoir le banquier.

Se campant devant Mme de Préfailles, il fit, en la fixant bien dans les yeux :

— Et si je vous mettais sous les yeux la preuve indiscutable de ce que j’avance ?

— Je vous en mets au défi !…

— Eh bien ! C’est ce que nous allons voir.

Tout de suite, sur le ton d’un homme d’affaires, pressé d’en finir, Jack Sorett poursuivit :

— Je ne vous parlerai pas des renseignements qui me sont parvenus par un office de police privée. Vous me diriez qu’ils sont mensongers, je n’insiste pas. J’aime mieux, beaucoup mieux vous mettre sous les yeux…