Bonne nouvelle de Jésus-Christ - Christoph Schönborn - E-Book

Bonne nouvelle de Jésus-Christ E-Book

Christoph Schönborn

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Beschreibung

Des réflexions à la portée de tous afin d'ouvrir son cœur à l'évangélisation...

Données pour la première fois dans un journal grand public, ces réflexions s’adressent à tous et peuvent servir de point d’appui à ceux qui méditent et expliquent l’Écriture, dans le cadre de retraites ou d’homélies. Elles sont aussi un formidable outil d’évangélisation pour faire entrer dans la vie de Jésus et découvrir l’appel universel à se tourner vers le Père qui aime et cherche chaque homme.
On retrouvera donc ici en un seul volume les Pensées sur l’évangile de saint Matthieu, saint Marc et saint Luc du cardinal Christoph Schönborn commentant les évangiles pour les dimanches des années A, B et C.

Un outil formidable pour alimenter vos réflexions !


À PROPOS DE L'AUTEUR


Archevêque de Vienne, le Cal Christoph Schönborn a été l’un des maîtres d’œuvre du Catéchisme de l’Église catholique. Auteur de nombreux ouvrages, dont une quinzaine aux éditions Parole et Silence, il s’est tout particulièrement attaché dans les derniers à faire connaître la juste interprétation d’Amoris laetitia. Sur la joie de l’amour dans la famille, l’exhortation du pape François.

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Couverture

Page de titre

Présentation

Voici réunis en un seul livre les trois volumes de pensées du cardinal Christoph Schönborn commentant les évangiles pour les dimanches des années A, B et C.

Données pour la première fois dans un journal grand public, ces réflexions s’adressent à tous et peuvent servir de point d’appui à ceux qui méditent et expliquent l’Ecriture, dans le cadre de retraites ou d’homélies. Elles sont aussi un formidable outil d’évangélisation pour faire entrer dans la vie de Jésus et découvrir l’appel universel à se tourner vers le Père qui aime et cherche chaque homme.

On retrouvera donc ici les pensées sur l’évangile de saint Matthieu, saint Marc et saint Luc.

« Qu’est-ce qui peut être plus beau que d’offrir aux lecteurs la parole de la Bonne Nouvelle et d’y apporter quelques impulsions afin qu’elle devienne réellement “Parole de vie” qui fait entrer la lumière et l’amour de Dieu au milieu de notre vie souvent si pénible et chargée de fardeaux ? » À l’invitation du cardinal Schönborn, plongeons dans l’Évangile pour qu’il devienne véritablement “Parole de Vie” !

PENSÉES SUR

INTRODUCTION

« Jamais homme n’a parlé comme cela. » (Jn 7,46) Lorsque Jésus parlait à ses compatriotes, c’est l’impression que les gens simples en avaient. Lorsque les autorités voulurent le faire arrêter et envoyèrent des gardes pour le saisir, ceux-ci revinrent sans avoir porté la main sur lui. Lorsqu’on leur demanda, avec irritation, pourquoi ils n’avaient pas amené Jésus, ces gens du peuple répondirent : « Jamais homme n’a parlé comme cela ».

Quelque chose sortait de Jésus, une force (cf. Lc 6,19 ; 8,46), un rayonnement, une fascination, qui faisait dire aux gens étonnés : « Qu’est-ce que cela ? Un enseignement nouveau, plein de force » (cf. Mc 1,27). Jésus ne parlait et n’enseignait pas comme les scribes, les spécialistes de la Bible, mais « comme ayant autorité » (Mc 1,22).

Jésus n’a pas laissé d’écrit. Une seule fois il est relaté qu’il a écrit, mais c’était sur le sable, et nous ne savons pas ce qu’il écrivit (cf. Jn 8,6). Toutefois, ses disciples ont fixé par écrit nombre de ses paroles, ils ont relaté son ministère public, ses miracles et ses guérisons. Ils ont surtout relaté les événements dramatiques survenus à Jérusalem, sa crucifixion et sa mort. Enfin ils nous ont rapporté leur rencontre avec lui, lorsqu’ils trouvèrent son tombeau vide, et lui, vivant, ressuscité, comme ils disaient.

Nous connaissons Jésus uniquement par les récits des disciples que nous appelons les « Evangiles ». Sont-ils dignes de foi, sont-ils sûrs ? Ne dressent-ils pas une image embellie, idéalisée et donc faussée de Jésus ? Ce Jésus que nous rencontrons dans les quatre Evangiles, est-il vraiment cet homme de Nazareth en Galilée, qui a vécu à cette époque, mais n’a laissé aucun témoignage personnel ?

Depuis plus de deux cent ans cette question occupe la recherche biblique historico-critique. On a essayé, par toutes les méthodes imaginables de la science historique, de tirer la vérité historique sur Jésus des récits de ses disciples. A travers cela, la recherche, la critique des Evangiles, a fait une expérience curieuse : la figure de Jésus s’est manifestée comme la plus forte. Elle est trop imposante, trop intense, trop puissante pour se laisser fausser, couvrir, falsifier. L’image de Jésus rayonne à travers toutes ses reproductions avec une force telle que les hommes de tous les siècles n’ont pas pu se soustraire à l’attrait de sa figure, à moins de s’y fermer complètement.

Bien sûr, la question de la fiabilité et de la crédibilité historiques des Evangiles est importante. Autrefois on l’avait souvent mise en doute ; durant ces dernières décennies se multiplient les voix qui défendent la vérité historique des Evangiles avec des arguments solides. Il est très vraisemblable que du vivant de Jésus déjà ont été fixés par écrit des recueils de ses paroles, de ses discours et paraboles. De plus, n’oublions pas combien le fonctionnement de la tradition orale était précis et sûr, lorsque la télévision et l’Internet n’avait pas encore saturé et affaibli la mémoire.

Il y a cependant encore deux autres raisons qui me confortent dans la conviction que les Evangiles reflètent tout à fait sûrement la figure de Jésus, et cela mieux que n’importe quelle autre œuvre biographique de l’Antiquité, comme les biographies des empereurs romains par Suétone.

D’abord, on remarque que les Evangiles relatent les défauts des disciples de Jésus d’une manière incroyablement vraie et sans ménagement. Une biographie « embellie » de Jésus aurait certainement montré les disciples sous un jour aussi favorable que possible. Auprès de Jésus, ses disciples ont cependant appris que la sincérité est une conséquence de l’amour de la vérité du Maître. Ils ont aussi compris que Jésus est venu appeler et libérer les pécheurs et qu’il est, par conséquent, indispensable de reconnaître ses propres défauts et péchés pour se laisser sauver par Jésus. Dans les pages suivantes, nous rencontrerons continuellement cette probité des Apôtres. C’est elle qui rend les Evangiles crédibles.

Deuxièmement, c’est Jésus lui-même qui pousse à la véracité historique. En cheminant avec lui, les disciples ont de plus en plus saisis qu’un mystère particulier et unique l’entoure. Dès le début, ces Juifs croyants qui se sont joints à lui, ont deviné et aussi espéré qu’il était le Messie promis qui amènerait la libération du peuple et la paix définitive. Ils ont dû apprendre péniblement et douloureusement que Jésus est bien le Messie, mais tout autrement qu’ils se l’étaient imaginé. Cela, ils ne l’ont saisi complètement qu’après Pâques lorsqu’il leur apparut vivant et qu’ils ont réellement cru qu’il est « le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16). Et ainsi ils ont compris que tout ce que Jésus avait dit et fait, lorsqu’il vivait parmi eux, avait cette dimension de profondeur des paroles et des actions humaines du Fils de Dieu. C’est pourquoi ils ont recueilli et transmis les actions et les paroles de Jésus avec tant d’exactitude et de conscience, parce que c’était réellement l’agir de Dieu dans des paroles et des gestes humains. Dans l’Evangile, Dieu vient à notre rencontre dans la parole humaine, dans les gestes humains. C’est la raison la plus profonde pour laquelle les gens simples de Galilée et de Jérusalem disaient de lui : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme ».

Les brefs commentaires des Evangiles des dimanches et des fêtes de l’année liturgique, qui suivent ici, n’ont pas d’autre intention. La priorité est accordée aux textes d’Evangile. Mes explications et réflexions ne se proposent que de conduire à une rencontre personnelle avec la parole et la personne de Jésus. Qu’est-ce qui peut être plus beau que d’offrir aux lecteurs la parole de la Bonne Nouvelle et d’y apporter quelques impulsions afin qu’elle devienne réellement « Parole de vie » qui fait entrer la lumière et l’amour de Dieu au milieu de notre vie souvent si pénible et chargée de fardeaux ? Que ce livre, qui contient les Evangiles de la première des trois années liturgiques, de « l’année de Matthieu », soit au service de cette intention.

Vienne, le 1er octobre 2002, en la fête de la petite sainte Thérèse

Avent et temps de Noël

TENEZ-VOUS DONC PRÊT

1er Dimanche de l’Avent – Mt 24, 29-44

Le temps de l’Avent – « Avent » signifie avènement – est la préparation à un avènement. Cependant, Noël, fête de la naissance de Jésus-Christ, n’est pas le sujet de l’Evangile de ce jour. Il s’agit au contraire de la venue ultime du Christ, de son retour à la fin des temps. A Jérusalem, quelques jours avant sa mort, Jésus a parlé de ces derniers temps. Il se nomme lui-même le « Fils de l’homme » et promet de venir « avec puissance et grande gloire ». Ce sera alors le « dernier jour », la « fin du monde », le jugement dernier.

Quand cela sera-t-il ? Jésus ne communique aucune date, mais ce qui est certain, c’est que « le ciel et la terre passeront ». Un jour, serait-ce dans quelques milliards d’années, cet univers disparaîtra, de même qu’il est né un jour, il y a des milliards d’années. Les empires les plus puissants, les édifices les plus beaux, les œuvres les plus imposantes, tout sur la terre est éphémère, cela est certain. La dernière heure arrivera pour nous, cela aussi est certain.

L’Evangile de ce jour parle de cet « avent » et Jésus nous dit de nous préparer à ces choses à venir. Il donne deux indices très imagés. Recevez la leçon de la nature : dès que les ramures des arbres deviennent flexibles et que leurs feuilles poussent, vous savez que l’été est proche. De même, nous devrions aussi comprendre quand la fin est à la porte. Une grave maladie ou un âge très avancé nous disent qu’il est temps de se mettre en route et de retourner à Dieu. Celui qui ne veut pas convenir de cela, se ment à lui-même.

Jésus donne un second indice pratique. Tirez une leçon de votre vie de tous les jours : si vous saviez quand viendra le voleur, vous veilleriez. Puisque nous ne le savons pas, il n’y a qu’une chose à faire : prendre garde, être vigilant ! Seule la vigilance peut nous préserver des mauvaises surprises. « Le Fils de l’homme » viendra, tel un voleur dans la nuit, notre dernière heure surviendra à l’heure où nous ne nous y attendons pas. Pour les milliers de personnes qui sont mortes le 11 septembre 2001 dans le World Trade Center à New York, la mort est arrivée de façon tout à fait inattendue, de même pour tant de personnes qui meurent sur nos routes. C’est pour cela que Jésus lance ce simple appel : « Veillez donc, parce que vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître ».

La dernière heure arrivera, cela est certain. Quand ? Cela est incertain. Nous pouvons refuser d’y penser et vivre au jour le jour – comme les gens le faisaient avant le déluge. Ou bien nous pouvons nous tenir prêts, non dans la peur et la panique, mais dans la joie de l’attente de retourner à Dieu quand le moment sera venu. Dans cette disposition, nous voyons avec d’autres yeux notre vie éphémère, puisque chaque jour est précieux, est un avènement de Dieu, est un avent.

UN HOMME QUI MONTRAIT LE CHEMIN

2e Dimanche de l’Avent – Mt 3, 1-12

Ce Jean, que les foules appelaient le « Baptiste », était bien sévère. Son appel à la repentance était dur et impitoyable. Et pourtant, les foules venaient à lui, de très loin. Jean ne parlait pas selon le désir des hommes ; c’est peut-être pour cette raison qu’il en attirait tant.

J’ai moi-même connu le Padre Pio († 1968), le père capucin du sud de l’Italie, canonisé en 2002. Lui aussi a eu des paroles dures, a fait appel à la conscience des innombrables personnes qui venaient à lui. Aujourd’hui encore, sept millions de personnes se rendent à son tombeau chaque année. Pourquoi ? Qu’est-ce qui les attire ? Il était digne de foi ! Parce que tout en lui était authentique et que sa sévérité n’était pas le signe d’un fanatisme lugubre, mais venait d’une profonde bonté de cœur. Dans d’interminables queues, les personnes attendaient devant son confessionnal, pour se décharger auprès de lui de leur fardeau, pour repartir de là, libérées et consolées.

Auprès de Jean la situation a dû être semblable. Son appel à la conversion a frappé les cœurs. On a cru que c’était sérieux, qu’il était temps de changer de manière de penser et de se convertir, qu’il était grand temps de changer de vie. Les langues se déliaient en sa présence, les personnes osaient dire ce qui était tordu dans leur vie, osaient confesser qu’elles étaient coupables et qu’elles en étaient contrites. Pour rendre visible cette purification du cœur et de la conscience, Jean les plongeait dans l’eau du Jourdain.

Lorsque la haute société, les dévots et les puissants – les Pharisiens et les Sadducéens – ont commencé à venir vers lui Jean a « mis le paquet » : « engeance de vipères ! », c’est ainsi qu’il les appelait. Cela aussi me rappelle le Padre Pio. Envers les « grands », envers ceux qui étaient considérés, il se montrait particulièrement sévère, qu’il s’agisse de prêtres, d’évêques ou de célébrités mondaines. Envers eux, il se montrait impitoyable, non pas par dureté de cœur, mais parce qu’ils étaient particulièrement en danger de se bercer d’illusions, de se surestimer eux-mêmes, de croire que c’étaient surtout les autres qui doivent changer.

Jean le Baptiste fait comprendre précisément à eux, les grands, que devant Dieu, ils ne peuvent pas se prévaloir de leurs privilèges, de leurs charges et de leurs dignités. « Produisez donc un fruit qui soit digne du repentir ! » Vous aussi, et justement vous, vous devez laisser mesurer votre vie selon le « bon fruit » qu’elle produit.

« Préparez le chemin du Seigneur » : Jean est le « précurseur » de Jésus, celui qui prépare le chemin. C’est pourquoi il a une place particulière dans l’Avent qui prépare l’avènement du Christ. Ce n’est pas sa propre personne que le Baptiste met en avant. Il renvoie à celui « qui vient après [lui] ». Cela aussi le rend tellement digne de foi et attirant. Il ne veut pas lier les personnes à sa personne, mais il veut les ouvrir au Christ. S’il obtient ce résultat, alors il est heureux, car c’est à cela qu’il a totalement consacré sa vie.

QUI EST LE SAUVEUR ?

3e Dimanche de l’Avent – Mt 11, 2-11

La messe du troisième dimanche de l’Avent, dimanche de Gaudete, commence par « réjouissez-vous ! ». La troisième bougie de bien des couronnes de l’Avent est rose, en signe de la joie de la proximité de Noël, de la venue du Christ.

Pourtant, dans l’Evangile de ce jour, la joie ne se montre pas encore à nos regards. Nous y voyons en prison, quelqu’un qui ne l’a pas mérité. Jean le Baptiste a eu le courage de faire appel à la conscience du roi Hérode, en lui reprochant d’avoir pris comme épouse, Hérodiade, la femme de son frère. A cause de cela Hérodiade haïssait Jean et voulait se venger et c’est à son instigation qu’Hérode a fait jeter Jean en prison. Finalement elle exigera encore la tête de Jean et l’obtiendra.

Dans sa prison, Jean vit une crise profonde, c’est l’obscurité et le doute, la nuit intérieure. Se serait-il trompé ? Dieu l’aurait-il trompé ? Ce qu’il entend de Jésus ne « colle » pas avec ce qu’il a attendu. Il avait annoncé un changement radical : Dieu mettrait fin à l’injustice par son envoyé, le Messie, et apporterait la paix et la justice sur la terre. Au lieu de cela, le mal s’accroît partout, il doit le subir en sa propre chair, et Dieu se tait ; et Jésus, en qui il a mis son espoir, semble ne pas parvenir à amener le changement espéré. La situation ne s’améliore pas ; elle empire au contraire. Dans sa détresse intérieure, Jean-Baptiste envoie quelqu’un à Jésus pour lui demander directement : es-tu le Rédempteur – ou me suis-je trompé ?

C’est le cri de détresse d’un homme à qui tout risque de paraître absurde.

C’est consolant de voir que d’aussi grands personnages que Jean ont traversé des obscurités, lot de beaucoup d’hommes d’aujourd’hui quand, par exemple, une maladie grave ou un accident contrarient tous leurs projets de vie, ou que l’expérience du délaissement et de la solitude mettent en question tout le sens de la vie. Dans ce cas-là, Jean est vraiment un frère dans la détresse.

Jésus ne lui donne pas de réponse directe. « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez. » Il se passe tout de même quelque chose : les aveugles retrouvent la vue, les sourds entendent, les boiteux marchent ! Et la Bonne Nouvelle parvient aux pauvres. Aujourd’hui aussi cela arrive. Des personnes sont toujours guéries de façon miraculeuse. Dans le seul lieu de pèlerinage marial de Lourdes, jusqu’à présent, 54 guérisons ont été reconnues par les médecins, comme inexplicables. Et l’Evangile est vraiment arrivé dans tous les coins du monde.

Et pourtant, demeure la question qui torturait Jean le Baptiste dans sa prison : devons-nous attendre un autre Messie, un Sauveur, qui aurait plus de succès ? Au XXe siècle, beaucoup l’ont cru lorsqu’ils criaient « Heil Hitler » et qu’ils attendaient du Führer la solution de tous leurs problèmes. La déception a été d’autant plus grande. Jésus n’a pas promis le salut qui enlèverait toutes les misères. « Heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi. » Par là, il dit : oui, c’est moi, le Messie et le Sauveur, mais ne trébuchez pas parce qu’en apparence je suis impuissant. Jésus ne sauve pas Jean de sa prison, ni de sa mort. Lui-même il ne s’est pas sauvé de la Croix. Il n’empêche pas non plus que nous arrivent des soucis et des souffrances. Mais il donne la force de la foi. Il montre combien Jean le Baptiste était grand, parce qu’il a misé sur Dieu, et non sur le luxe et la commodité. Et tous ceux qui misent sur la foi en Lui et qui mettent leur confiance en Lui, il les appelle « grands dans le Royaume des Cieux ».

NOËL N’EST PAS UN CONTE

4e Dimanche de l’Avent – Mt 1, 18-24

L’Evangile le rapporte très sobrement : Marie était fiancée à Joseph. D’après la loi juive, les fiancés étaient déjà considérés comme époux et épouse, même s’ils ne menaient pas encore vie commune. Durant ce temps, avant le mariage, précisément, Joseph remarque que Marie est enceinte. Ce n’est pas lui, le père de l’enfant. Sa fiancée a-t-elle donc été infidèle ? A l’époque, c’était une question très grave car l’adultère entraînait la peine de mort par lapidation. La douleur de l’infidélité supposée pèse encore plus lourdement.

Joseph ne veut pourtant pas se venger – ce qu’il pourrait facilement faire en publiant que l’enfant n’est pas de lui. Joseph ne veut pas compromettre Marie, il veut la répudier sans bruit, de façon à ce qu’il ne tombe pas d’ombre sur elle. L’Evangile dit que Joseph était un « homme juste » ; dans le langage biblique cela veut dire : un homme droit, sans fausseté, sans désir de vengeance, sans rancune. Un homme entièrement tourné vers Dieu et qui se confie en lui.

Nous devinons les luttes dans le cœur de Joseph. Puisqu’il est un homme droit, il ne peut imaginer que sa fiancée l’ait trompé. Et pourtant, elle est enceinte. Au milieu de ces questions terribles, il fait un songe. Un messager de Dieu lui apparaît, un ange lui dit que l’enfant attendu par Marie, n’est pas d’un autre homme, mais de l’Esprit Saint de Dieu. Joseph se réveille, fait confiance et croit ce qui est humainement impossible à croire : cet enfant vient de Dieu. Et il fait confiance à Marie.

C’est précisément ce que font ceux qui croient au récit de Noël. L’Enfant Jésus est le Fils de Dieu fait homme. L’Enfant que Marie a mis au monde dans l’étable de Bethléem, celui que l’ange a appelé « Emmanuel », « Dieu-avec-nous », est réellement vrai Dieu et vrai homme.

Ainsi Joseph a-t-il été le premier à croire à Noël, le premier à oser le saut de la foi. Il s’est ouvert à ce grand événement : en cet Enfant, Dieu lui-même est venu habiter chez nous. Et il s’y est entièrement embarqué, prenant chez lui Marie et l’Enfant qu’elle avait conçu ; il a été un père pour lui. Ce qui m’impressionne le plus dans la vie de saint Joseph, c’est cette disponibilité pour s’embarquer dans les surprises de Dieu. Joseph ne dit jamais rien dans l’Evangile, il fait toujours simplement, sans paroles, ce que Dieu exige de lui.

Si nous voulons fêter Noël vraiment comme la fête de la foi, il sera bon de considérer l’attitude de Joseph. Avec son cœur droit, il saisit ce qui est insaisissable pour la raison humaine : Dieu peut se faire tout petit et devenir un enfant, pour être là pour les hommes, en homme. « Jésus », c’est-à-dire : « Dieu sauve », est le nom que Joseph doit donner à l’Enfant. S’il n’en était pas ainsi, Noël ne serait qu’un beau conte.

LA LUMIÈRE DE DIEU EST APPARUE

Noël – Jn 1, 1-18

L’Evangile du jour de Noël, le « Prologue » de l’Evangile de Jean, est un des textes les plus solennels de l’Ecriture Sainte. Dans un langage solennel, ses paroles annoncent un mystère ; elles éclairent le mystère primitif du monde, l’origine, le sens et le but de tout. Au milieu du texte, un verset donne la raison pour laquelle cet Evangile est lu pour la fête de Noël : « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. »

Jean, qui a écrit ces paroles à un âge très avancé, ne raconte pas les scènes de Bethléem, de l’étable, des bergers, du petit enfant avec Marie et Joseph. Son regard remonte plus loin, jusqu’aux origines du monde, et plonge profondément dans ce qui est caché derrière les événements extérieurs de Noël.

« Au commencement était le Verbe » – c’est ainsi que Jean commence. La même parole se trouve au début de la Bible : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. » Le mot « commencement » désigne ici plus que le big bang par lequel tout a commencé selon les scientifiques. Commencement désigne ici l’origine, la source originelle d’où tout vient. Dieu lui-même est cette origine, et c’est à sa puissante parole créatrice que tout ce qui est, doit son existence : les lointains inimaginables de l’univers, la matière, la vie, nous-mêmes, toute la famille humaine.

Cependant, Dieu n’a jamais été seul, son Verbe était toujours auprès de lui, « le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père », dit Jean dans son langage hymnique. Dieu a tout créé par le Verbe, le Fils. C’est pourquoi le Verbe de Dieu est proche de tout homme. Jean dit de lui qu’il est « la lumière véritable, qui éclaire tout homme ». Au cœur de tout homme, il y a cette lumière, cette étincelle de lumière qui luit quand nous comprenons quelque chose, quand nous commençons à voir « clair ».

Le Christ est cette lumière qui, depuis toujours, éclaire tout homme qui cherche sincèrement la vérité et le bien. Beaucoup ne savent pas encore d’où vient la lumière dans leur vie. Ils ne connaissent pas encore la source de la lumière. De plus, la lumière rencontre l’opposition des ténèbres. La lumière et les ténèbres se livrent un combat, depuis toujours, dans le cœur de tout homme.

Cependant, ce combat ne devait pas rester à égalité entre la lumière et les ténèbres. C’est pourquoi Dieu a envoyé sa lumière, son Verbe dans le monde, afin qu’il se fasse homme parmi les hommes : « Et le Verbe s’est fait chair ».

Chair est une expression biblique juive, désignant l’« être humain ». Le Verbe de Dieu, son Fils éternel, s’est fait « homme, en chair et en os » : le petit Enfant dans l’étable de Bethléem. Nombre d’artistes le représentent de telle façon que toute la lumière émane de lui. La lumière originelle de Dieu luit pour nous en Jésus.

Cet Evangile est unique en son genre. Il ne se découvre que peu à peu, au cours des années, et il se révèle toujours neuf et surprenant. Je vous conseille de le lire parfois à haute voix. Il est alors d’autant plus impressionnant.

HÉRODE OU JOSEPH

Fête de la Sainte Famille – Mt 2, 13-23

Le dimanche après Noël, on célèbre la « fête de la Sainte Famille ». Il s’agit de Joseph, l’Enfant et Marie. Et leur sort, ils le partagent avec des millions d’hommes, nos contemporains. Combien parmi nous ont connu l’expulsion de leur terre, ont dû se lever la nuit et fuir pour sauver leur vie ! Tous les jours nous entendons parler des flots immenses de réfugiés, de l’Aghanistan, du Congo, du Soudan, pour ne nommer que quelques pays, et il y a toujours des mères avec leurs enfants, sans protection et sans défense, avec leurs biens misérables.

Cette petite famille en fuite a une particularité : l’Enfant que Joseph veut mettre en sécurité, est le Fils de Dieu et – les mages l’appellent ainsi – « le roi des Juifs qui vient de naître ». Ils doivent fuir Hérode le Grand, le roi puissant et brutal, dont, aujourd’hui encore, on peut voir, à chaque pas, les constructions monumentales en Terre Sainte – comme, à Jérusalem, les gigantesques pierres de taille du « mur des lamentations », mur occidental du Temple.

C’est une lutte inégale entre Hérode, avide de pouvoir, qui étouffe toute résistance dans le sang, et cette pauvre petite famille dont il cherche à tuer l’Enfant. Le seul ennemi qu’Hérode ne saurait faire abattre, c’est sa propre mort qui s’avance, de plus en plus, jour après jour et qui vise impitoyablement sa vie et la lui enlèvera un jour, avec tout son pouvoir et tout son faste. Par peur de cet ennemi, l’inéluctable mort personnelle, Hérode cherche à tuer cet Enfant qui pourrait lui disputer le trône. D’où la panique qui le pousse même au meurtre de tous les enfants mâles de cet âge, aux alentours de Bethléem, comme plus tard de son propre fils, par peur de trouver un rival. Ce qui nous paraît si grossier chez Hérode, se trouve plus ou moins dans tout cœur d’homme : surtout ne pas penser que nous devons partir un jour – vivre comme si tout était en notre pouvoir !

Joseph montre un autre chemin, et celui qui prend ce chemin n’a pas à craindre la mort, ni à la refouler. Joseph s’est mis avec sa famille dans la main de Dieu qui les guide. Il a accueilli l’Enfant, qui n’est pas de lui mais de Dieu, non pas comme son propre bien dont il pourrait disposer, mais comme une tâche que Dieu lui a confiée. Maintenant, toute sa vie se règle sur cette tâche. Ce n’est pas son épanouissement personnel qui fait le contenu de sa vie, mais le service de cet Enfant qui, un jour, sera le Rédempteur de tous les hommes.

Joseph se laisse guider par Dieu, mais Dieu ne lui montre jamais que le pas suivant à faire, et ce pas, Joseph doit le faire alors lui-même, courageusement, prudemment, avec décision. Il fuit, puis il revient avec l’Enfant et sa mère et, finalement, s’installe dans ce petit bourg insignifiant de Nazareth.

Se laisser guider par Dieu au plus profond de soi-même, cela exige l’abandon de sa volonté propre et l’adhésion aux indications de route de Dieu. Cela demande la confiance en Dieu, la confiance qu’il nous guide par de bons chemins, même s’ils sont difficiles. La fin témoigne qu’il en est réellement ainsi. Saint Joseph est considéré comme le patron de la bonne mort. Celui qui vit ainsi, n’a pas à craindre la mort puisqu’il a déposé sa vie entre les mains de Dieu. Nous avons à choisir entre deux voies : celle d’Hérode ou celle de Joseph.

ÊTRE DANS L’ÉMERVEILLEMENT À BETHLÉEM

Jour de l’an – Lc 2, 16-21

Au matin du 1er janvier, l’Evangile nous mène encore une fois à la crèche. Il veut nous faire revivre encore une fois la joie de Noël. A notre époque, il y a des fêtes délirantes, parfois aussi enivrantes. Le soir de la saint Sylvestre en était probablement. La joie des bergers est tout autre, paisible. Celui qui veut participer à la joie de cette fête, doit apprendre à nouveau l’émerveillement, l’émerveillement des bergers et celui de ceux à qui les bergers ont raconté ce qu’ils ont vécu.

Qu’est-ce que les bergers ont raconté près de la crèche ? Qu’une promesse inouïe leur a été communiquée : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur. » Pour en mesurer la portée, il faut écouter ces paroles avec des oreilles juives. Depuis des générations, le peuple d’Israël vivait dans l’espérance qu’un jour, Dieu enverrait le Messie qui ferait disparaître toute injustice et qui le libérerait de tout mal. Un jour, tout deviendrait bon. Un jour, Dieu essuierait toute larme. Un jour, les pauvres pourraient respirer, puisque Dieu lui-même enlèverait de leurs épaules le joug de l’oppression.

Celui qui entend de cette manière le message des anges aux bergers, dans les champs, près de Bethléem, comprend quelle joie il a provoqué. Aujourd’hui, le vieux rêve, la grande espérance est devenue réalité : le Messie, le Sauveur est là.

Le signe indiqué aux bergers est néanmoins surprenant : « Vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche. » A l’époque, comme aujourd’hui, il y avait en quantité des enfants pauvres. Quel pourrait bien en être le signe particulier ? Un sauveur puissant, a-t-il l’aspect d’un tel enfant, pauvrement couché dans une mangeoire ?

L’étonnant est que les bergers, qui comptaient eux-mêmes parmi les pauvres, ne s’y heurtaient pas. Ils ont trouvé l’Enfant dans l’étable, avec Marie et Joseph, et ils ont cru ce qui leur avait été dit au sujet de cet Enfant. Ils ne se sont pas effarouchés de la pauvreté de cet accouchement. Ils ont fait confiance à ce Dieu qui agit d’une manière si humble et si effacée, non avec grande pompe et spectacle éblouissant, mais très simplement et en secret. Seul celui qui adopte l’attitude des bergers, découvrira l’action de Dieu dans sa propre vie et constatera avec joie que Dieu se manifeste précisément dans les petites choses de la vie de tous les jours.

De Marie il est dit qu’elle conservait toutes ces choses et les méditait en son cœur. On ne dit pas que Marie en a beaucoup discuté. Son attitude est autre. Elle médite ces choses dans son cœur, elle les conserve dans sa mémoire, sans beaucoup de paroles. Elle s’émerveille du récit des bergers qui lui apporte une confirmation inattendue de ce qui lui a été annoncé à elle-même, à propos de son enfant. Elle aura besoin de ce signe de Dieu durant toutes les années qu’elle a devant elle, durant lesquelles rien ne s’accomplit apparemment de tout ce qui lui a été dit au sujet de cet enfant, durant ces longues trente années où Jésus grandit et mène à Nazareth une vie tout à fait banale d’artisan juif.

Voici deux grands exemples : les bergers dans leur attitude simple de foi, et Marie qui médite tout silencieusement dans son cœur. Celui qui s’exerce à ces attitudes, percevra aussi les traces de Dieu dans la grisaille de tous les jours. Peut-être un jour nous sera-t-il donné de rencontrer des personnes, telles les bergers de Bethléem, qui nous émerveillent et aident par leur confiance en Dieu.

L’ÉTOILE DE BETHLÉEM

Epiphanie du Seigneur – Mt 2, 1-12

Dans le langage populaire on désigne toujours la fête de ce jour comme celle « des trois rois mages ».

L’Eglise l’appelle « Epiphanie du Seigneur », car nous fêtons la rencontre des « païens » avec la lumière de la Révélation de Dieu.

A ce propos, faisons d’abord une remarque historique. Nous devons les études les plus approfondies sur « l’étoile de Bethléem » à un astronome autrichien. Dans un travail s’étendant sur des décennies, le Professeur Konradin Ferrari d’Occhieppo, membre de l’Académie autrichienne des Sciences, a examiné tout ce qu’on a pu trouver au sujet des « mages venus d’Orient » et de l’apparition de l’astre. Il en vient à des résultats convaincants. En l’an sept avant Jésus-Christ il y a eu une rencontre très rare et de longue durée entre les deux planètes Jupiter et Saturne. L’astronomie babylonienne était d’une qualité et d’une précision excellentes. Le Professeur Ferrari, directeur de l’Institut d’astronomie théorique de l’Université de Vienne de 1955 à 1978, a pu manifester à quel point le récit de l’Evangile de Matthieu était sûr et digne de foi, jusque dans ses détails. Il a présenté amplement ses résultats dans son livre « Der Stern von Bethléem in astronomischer Sicht. Legende oder Tatsache ? [L’étoile de Bethléem vue par l’astronomie. Légende ou réalité ? ] » (1999). On sait depuis longtemps que Jésus-Christ est effectivement né avant l’an zéro, car le calcul de sa date de naissance, qui remonte au début du Moyen âge et sur lequel notre chronologie se base, était erroné. La date de naissance, considérée aujourd’hui comme la plus vraisemblable, tombe en hiver, d’après une tradition ancienne, précisément le 6 janvier de l’an sept avant l’ère chrétienne.

Revenons à la signification la plus profonde du voyage des mages. Dieu ne parle pas à l’homme uniquement à travers la Bible, la Parole de la Révélation, mais d’abord à travers « le livre de la nature ». Ce n’est pas un hasard si les grands savants en sciences naturelles étaient souvent des croyants. Parmi eux figuraient aussi les savants de l’Orient, probablement de Babylone.

Cependant, n’est-ce pas de la superstition de croire que les astres peuvent nous donner des « renseignements » sur la vie humaine ? La Bible, ne réfute-t-elle pas l’astrologie ? Les mages ont supposé, d’après la connaissance étonnement précise de leur époque, que cette constellation rare des planètes indiquait un événement particulier dans le peuple juif, comme par exemple la naissance d’un roi tout à fait particulier. C’est pourquoi ils se sont rendus à Jérusalem pour en savoir plus. A Jérusalem, cependant, on leur indique les prophéties de la Bible, d’après lesquelles le Messie, le Rédempteur, devait naître à Bethléem. Les deux, la nature et la Bible, leur ont montré le chemin qui mène à Dieu. Ainsi sont-ils arrivés devant l’Enfant-Jésus, se sont prosternés devant lui et lui ont rendu hommage. Ce n’est pas l’étoile qu’ils ont adoré, mais celui que l’étoile leur indiquait.

De cette façon ils montrent à toutes les générations postérieures le chemin vers le Christ. Notre destinée ne dépend pas des astres car, en fin de compte, les astres nous montrent le Créateur, comme tout le reste de cet univers étendu. Notre vie est dans sa main bienveillante. Les simples bergers et les savants mages de l’Orient nous conduisent pour trouver Dieu, qui s’est fait si proche de nous les hommes, dans le petit Enfant de Bethléem.

AU MILIEU DE NOUS

Baptême du Seigneur – Mt 3, 13-17

Pour moi, le temps de Noël se termine toujours trop brusquement ; la fête vient juste de passer que tout est déjà débarrassé ! Dans l’Eglise, le temps de Noël prend fin dès aujourd’hui, avec la fête du Baptême du Seigneur. Autrefois, la crèche restait en place beaucoup plus longtemps, jusqu’au 2 février, appelé la « chandeleur ». Quarante jours après la naissance de Jésus, Marie, en observant la Loi juive, a offert pour leur purification un sacrifice au Temple de Jérusalem, et, en même temps, elle a pour ainsi dire « rendu » son premier-né à Dieu. C’est pourquoi la fête du 2 février s’appelle aussi « Présentation (c’est-à-dire offrande) du Seigneur ».

Pourquoi donc, pour l’Eglise, le temps de Noël s’achève-t-il précisément avec le Baptême de Jésus, baptême qu’il a demandé à Jean seulement à l’âge de trente ans ? Qu’est-ce que cet événement a à voir avec la naissance de Jésus ?

Aujourd’hui, la plupart des enfants de parents chrétiens sont baptisés peu de temps après leur naissance, selon une coutume qui remonte au premier temps du christianisme. C’était différent lorsque Jean le Baptiste appelait à la conversion. Beaucoup ont suivi son appel et sont descendus vers le Jourdain, pour confesser leurs péchés et pour se faire plonger par lui dans le Jourdain pour la rémission de leurs péchés. L’Evangéliste Luc décrit clairement et, d’une manière pittoresque, ceux qui venaient là pour recevoir le baptême de conversion : des soldats, des prostituées, des publicains, des hommes de toutes les conditions. Et voilà, tout à coup, parmi eux : Jésus ! Jean recule : « Que fais-tu dans cette compagnie ? Tu n’as pas besoin de conversion ! C’est moi qui aurais besoin d’être baptisé, non pas toi », proteste Jean.

Mais Jésus insiste pour recevoir lui aussi le baptême au milieu de cette foule variée et pécheresse : Dieu le veut ainsi de lui ! Qu’est-ce qui l’a amené à faire ce pas ? Pourquoi a-t-il quitté Nazareth, sa famille, son métier ? Pendant trente ans il a mené une vie banale d’artisan. Maintenant, il part.

Et sa première démarche est de se rendre chez Jean et de se mêler aux pénitents. Sa première action publique est quelque chose comme son « programme de vie ». Dès le début, Jésus prend la place qui exprime la tâche de sa vie : être au milieu de nous, pauvres pécheurs, comme s’il en était un. Déjà son nom exprime cette mission : Jeschua, Jésus, veut dire en hébreu : « Dieu sauve ». L’ange avait déjà expliqué en songe à Joseph, pourquoi il devait appeler Jésus l’enfant que Marie attendait : « car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ».

Voilà donc ce qui relie la naissance de Jésus à son baptême : le fait qu’il soit venu pour nous délivrer de nos péchés. C’est pourquoi, lui, le Fils de Dieu, s’est fait homme ; c’est pourquoi il vient au Jourdain pour se rendre au milieu des pécheurs que nous sommes et pour prendre sur lui le fardeau de nos fautes et de nos failles. Il ne considère pas avec mépris les gens autour de lui, mais il se range à leur côté. Et c’est cela précisément que Dieu confirme : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. »

Si nous comprenons cela et si nous le saisissons avec notre cœur, alors Noël n’aura pas été célébré en vain : Dieu nous aime tous comme ses enfants et c’est la raison pour laquelle il a envoyé son Fils comme Homme aux hommes perdus, afin qu’ils retrouvent le chemin vers la maison du Père, afin que le Père puisse redire à chacun de nous : toi aussi, tu es mon enfant bien-aimé !

Le temps ordinaire

MOZART ET L’AGNEAU

2e Dimanche du temps ordinaire – Jn 1, 29-34

Une des plus belles et des plus saisissantes pièces de musique de W. A. Mozart, c’est l’« Agnus Dei » de la « Krönungsmesse [Messe du couronnement] ».

Lorsque, il y a nombre d’années, Herbert von Karajan dirigea la Krönungsmesse, dans la cathédrale Saint Pierre à Rome, les larmes lui coulèrent sur le visage au moment de cette pièce. Pourquoi Mozart a-t-il composé avec tant de cœur précisément l’Agnus Dei (« Agneau de Dieu, qui enlèves le péché du monde, prends pitié de nous, donne-nous la paix ») ?

Nous savons par lui-même qu’il a accordé la plus grande importance à ces paroles et à ce qu’elles signifient. Peut-être comprendrons-nous un peu mieux pourquoi, après l’Evangile de ce jour. Une des paroles fondamentales du langage chrétien, « Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ! » apparaît ici pour la première fois, dans la bouche de Jean le Baptiste. Elle apparaît plusieurs fois durant la sainte messe, surtout quand, avant la communion, le prêtre élève l’hostie, le pain devenu le Corps du Christ.

Nous sommes obligés d’avouer qu’elle nous est devenue assez étrangère, même si nous l’entendons souvent. Certes, nous connaissons l’aspect extérieur d’un agneau. Chez nous, nous rencontrons à nouveau plus fréquemment l’élevage des moutons. Mais que veut dire cette expression par laquelle, au bord du Jourdain, le Baptiste désigne le jeune homme vigoureux, le charpentier de Nazareth qui vient vers lui ?

D’abord, Jean ne l’appelle pas simplement « agneau », comme nous qualifierions un peu dérisoirement quelqu’un d’anxieux et de naïf. Il appelle Jésus « Agneau de Dieu » et fait ainsi allusion à une réalité tout à fait familière à l’époque.

Au Temple de Jérusalem on offrait quotidiennement en sacrifice des agneaux, et aujourd’hui encore on mange un agneau lors du repas de la Pâque juive (le « Seder » de « Pessach »), agneau qui rappelle la nuit de l’Exode, apportant la délivrance de l’esclavage en Egypte.

« Agneau de Dieu », cela signifie sacrifice offert à Dieu pour la réconciliation et la libération.

C’est ce jeune homme vigoureux dans la force de l’âge (il avait alors environ trente ans) que Jean nomme l’« Agneau de Dieu ». Et il dit de lui qu’il enlèvera le « péché du monde ».

Ces paroles énigmatiques sur Jésus prédisent tout son chemin futur. Il le fera non avec de grandes conquêtes militaires, non avec un puissant succès politique, mais « comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir » (comme cela est dit dans le Prophète Isaïe 53,7). Mais c’est précisément ainsi, dans cette impuissance apparente, « comme un agneau », qu’il enlèvera tout le poids du mal qui pèse sur le monde. En effet, derrière toutes les puissances destructrices, l’injustice, la guerre et la haine, se trouve cette réalité que la Bible nomme « péché » : c’est ce fardeau gigantesque que Jésus a pris sur lui et qu’il a « enlevé ».

Ce que cela signifie au juste, nous ne le comprendrons jamais avec notre seule cervelle, mais notre cœur le devine. Mozart l’a compris avec son cœur et il a dit, par sa musique de génie, combien consolante est la certitude de la victoire de l’Agneau de Dieu.

CELA COMMENÇAIT AINSI

3e Dimanche du temps ordinaire – Mt 4, 12-23

La première phrase évoquant le ministère public de Jésus indique déjà clairement sous quel augure il se trouve. Jésus entend que l’« on » – le roi Hérode Antipas – a fait jeter en prison Jean le Baptiste. Alors il décide de quitter Nazareth, sa ville, où il a vécu pendant trente ans. Il est ainsi évident que le chemin de Jésus aussi est sous le signe de la contradiction. « On » le poursuivra, lui aussi. Au bout de son chemin il n’y aura pas seulement la prison, mais la crucifixion. Nous verrons tout à l’heure clairement, pourquoi tout arriva ainsi. Tout d’abord, tout commence d’une manière prometteuse.

Jésus quitte son village natal un peu perdu et vient s’établir à Capharnaüm. Il n’aura pas eu grand’chose à emporter, et presque personne ne l’aura remarqué. L’Evangéliste Matthieu, publicain de profession et dont le bureau de douane était situé tout près de Capharnaüm au bord de la grande route commerciale qui, venant d’Asie conduisait à la Méditerranée – la fameuse « via maris » où il y avait beaucoup de trafic -, ce Matthieu voit, en jetant un regard en arrière sur l’arrivée de Jésus à Capharnaüm, que quelque chose de grand était arrivé là : « Une grande lumière a lui pour le peuple qui vivait dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort » (cf. Is 9,1). Il sait de quoi il parle. Il sait combien la rencontre avec Jésus a radicalement transformé sa vie. Alors la lumière s’est vraiment faite dans les ténèbres de sa vie.

Ce que Matthieu a vécu et que, depuis et aujourd’hui encore, vivent d’innombrables personnes, une première parole de Jésus le dit brièvement : « Convertissez-vous ! » Cela signifiait pour Matthieu qu’il abandonnait son métier et qu’il changeait complètement de vie. Il est devenu un de ceux qui faisaient chemin avec Jésus et dont Jésus a fait ensuite ses « apôtres », ses envoyés. Il en était de même pour les quatre premiers, pour les deux « paires » de frères, des pêcheurs, qui ont tout quitté pour se mettre totalement en chemin avec Jésus.

« Convertissez-vous ! » Cela n’a pas été dit seulement à ceux que Jésus appelait comme apôtres, ni à ceux qui, aujourd’hui encore, suivent Jésus dans la prêtrise ou la vie religieuse. C’est pour ainsi dire « l’ordre permanent » de Jésus, adressé à tous les temps et valable à perpétuité. En effet, « se convertir » veut dire « se réorienter », réfléchir, reconnaître ce qui doit changer dans notre propre vie, où il s’agit de rompre avec de vieilles habitudes (mauvaises) et de les supprimer. « Se convertir » signifie : recommencer chaque jour à nouveau avec Dieu.

Ainsi nous faisons l’expérience que le « royaume des cieux » est proche, qu’il ne commence pas seulement là-bas dans l’au-delà, mais qu’il est présent dès maintenant et que, pour cela, dès aujourd’hui, nous pouvons oser faire un pas dans la « conversion », que suivre Jésus, marcher avec lui, apporte la lumière dans notre vie.

HEUREUX, MAIS PAS FACILE

4e Dimanche du temps ordinaire – Mt 5, 1-12

Celui qui a été en Galilée, n’oubliera jamais la vue splendide qui s’offre aux regards, quand on se trouve sur le « Mont des Béatitudes ». C’est là, sur cette colline, au-dessus du lac de Gennésaret, que, d’après une tradition très ancienne, Jésus a fait le « sermon sur la montagne » au cœur duquel on peut lire les « Béatitudes », l’Evangile de ce dimanche.

Le paysage y forme presque un amphithéâtre naturel. Ainsi, Jésus pouvait-il s’adresser, et de façon perceptible, à une grande foule. Ce qu’il dit, est cependant absolument inhabituel.

Jésus dit « bienheureux », donc heureux, ceux qui vivent dans des situations que, spontanément, nous ne considérons point comme réjouissantes. Qui désire la pauvreté plutôt que le gros lot à la loterie ? Qui se fait un plaisir d’être en deuil ? Qu’un esprit conciliant soit quelque chose de bon, cela peut paraître clair, mais le mettre en pratique est difficile. Etre affamé et assoiffé de justice, est certes une bonne disposition, mais elle est signe d’une misère, signe de situations d’injustices révoltantes qui rendent l’homme affamé de justice. La miséricorde est quelque chose de merveilleux quand elle nous est accordée, mais nous savons combien il est difficile d’être soi-même miséricordieux. Etablir la paix ne nous réussit pas spontanément, même si on considère la paix comme très précieuse.

Les deux dernières Béatitudes sont certainement les plus difficiles. Peut-on se réjouir d’être persécuté pour la justice, ou même d’être insulté, persécuté et calomnié à cause de Jésus ? Comment Jésus peut-il appeler « heureux » ce qui, spontanément, nous contrarie totalement ?

Et pourtant, c’est curieux : beaucoup ont le sentiment que ce début du sermon sur la montagne, précisément ces Béatitudes, ont une grande force d’attraction. Elles apportent la consolation, exerçent une fascination que ressentent même les hommes d’autres religions et d’autres conceptions du monde. Déjà, à l’époque de Jésus, certains de ses auditeurs disaient : « Jamais homme n’a parlé comme cela » (Jn 7,46).

Beaucoup de gens – en particulier la publicité – nous promettent le bonheur. Jésus cependant nous promet un bonheur que nous ne chercherions pas spontanément. Il promet un bonheur grand et indescriptible. Il l’appelle « béatitude ». Et il ne dit pas qu’on peut l’avoir facilement, tout de suite et à peu de frais. Il dit : « Votre récompense sera grande dans les cieux ». Oui, la béatitude nous est promise, pour l’au-delà, « làhaut dans le Ciel », où toute tristesse prendra fin.

Karl Marx et ses adeptes ont objecté que cette consolation est un « opium pour le peuple », un narcotique pour supporter ce monde désolé, de vagues promesses à l’adresse des pauvres pour pouvoir éviter les changements à effectuer dans ce bas monde : maintenant vous allez mal, mais alors vous irez bien. Attendez donc patiemment cet au-delà bien meilleur !

Jésus n’a justement pas dit cela. Il ne renvoie pas à plus tard, mais transforme le monde puisqu’il transforme les cœurs. Et le bonheur qu’il promet, n’est pas seulement pour l’au-delà.

Aussi contrariantes que les Béatitudes puissent paraître, elles provoquent cependant aussi un écho de joie. Nous devinons que si nous vivions comme Jésus l’a résumé dans ces huit paroles, le « Heureux êtes-vous » serait dès maintenant réalité.

Bien sûr, les Béatitudes contiennent des promesses pour l’avenir. Et pourquoi serait-il mauvais d’avoir une telle perspective d’espérance pour la vie après la mort,

Mais il est vrai dès maintenant que Dieu donne consolation à ceux qui sont en deuil, qu’il aime les artisans de paix, que celui qui est miséricordieux, fait aussi l’expérience de la miséricorde de Dieu. Une vie suivant la règle du sermon sur la montagne – voilà ce qui rendrait heureux. Et qui croit sérieusement que le chemin menant au bonheur est un chemin totalement facile ?

LE SEL FOU

5e Dimanche du temps ordinaire – Mt 5, 13-16

Rien n’est plus inutile que le sel qui ne sale pas. Il faut le jeter. Jésus emploie cette image énergique comme revers d’une parole très forte : « Vous êtes le sel de la terre. » Les disciples de Jésus étaient probablement ébahis en entendant ces paroles, près du Mont des Béatitudes, en Galilée. Comment ces quelques pêcheurs et artisans de Galilée pourraient-ils être sel, donc condiment, directement, pour toute l’humanité ? Cette parole devient encore plus énigmatique si nous y associons la seconde : « Vous êtes la lumière du monde. » Non seulement lumière pour leur petit monde dans la pauvre Galilée, mais directement pour toute la terre – n’est-ce pas encore une exagération tout orientale ?

L’expérience que nous avons des paroles de Jésus nous enseigne qu’elles sont toujours à prendre très directement et sans ménagement. Jésus n’adresse pas un appel moral à ses disciples : soyez donc enfin sel de la terre, lumière du monde ! Certes, ce serait trop demander à quiconque, de satisfaire à de telles exigences. Personne parmi nous ne saurait, par ses propres forces, être une si grande lumière. Cependant, Jésus s’exprime sous la forme d’une constatation : Vous êtes sel et lumière pour toute la terre !

Ce que Jésus veut dire par là, nous ne le comprendrons pas si nous ne considérons que nos propres réalisations. Jésus a dit de lui-même : « Je suis la lumière du monde. » Celui qui croit que Jésus de Nazareth est le Messie, le Christ, le Fils de Dieu, pourra aussi croire que Jésus est véritablement « le Chemin, la Vérité et la Vie », comme il le dit de lui-même (Jn 14,6), et ceci non seulement pour son propre peuple, les Juifs, mais pour tous les hommes. C’est pourquoi Jésus a donné mission à ses disciples d’aller à tous les peuples et à tous les hommes et de leur apporter sa lumière, ce qu’ils ont fait dès le début et font encore aujourd’hui.

Le sel est là pour saler, un plat sans sel est fade et sans saveur. La vie devient salée, pleine de goût, quand est en elle le sel de Jésus, c’est-à-dire sa parole, sa bonté, sa philanthropie, son pardon miséricordieux, bref : son amour. Et Jésus veut que ce condiment de la vie parvienne à tous les hommes. Dans ce but, il a besoin de personnes qui en vivent et le rendent visible, qui sont eux-mêmes « sel de la terre ».

Des chrétiens hargneux, grincheux, sans amour et au cœur dur, sont aussi inutiles que le sel devenu « fou », comme le texte biblique dit littéralement, donc dépourvus de sens, fades et sans goût. Là où, par contre, sont de véritables disciples de Jésus, leur lumière luit effectivement pour tous les hommes, que ce soit dans leur entourage direct ou dans un monde plus lointain. C’est pourquoi Jésus dit : une ville sur la montagne ne peut rester cachée. On la voit de loin. Vous les chrétiens, vous n’avez pas à vous cacher. On vous voit et on vous regarde. On regarde de près ce qu’on peut voir de vous, car être chrétien, ce n’est pas une affaire privée. Cela doit être visible. Je pense par exemple à Don Bosco, le grand apôtre de la jeunesse au XIXe siècle. Son rayonnement mondial montre clairement que les paroles de Jésus sur le sel et la lumière ne sont pas une exagération.

UN AUTRE ORDRE DE VALEURS

6e Dimanche du temps ordinaire – Mt 5, 17-37

Au Mont Sinaï, Dieu a donné à son peuple, et, à travers lui, à tous les hommes : les dix commandements qui nous montrent le chemin de la vie. Celui qui ne les respecte pas, n’a pas à s’étonner qu’il y ait des calamités. Ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mentir, ne pas commettre d’adultère, honorer les parents – tout cela est le b a ba d’une vie réussie en société. Combien il est grave de ne plus pouvoir se fier à la parole de l’autre ! Combien il est affreux d’avoir partout à craindre pour notre vie ! Comme nous devons être reconnaissants de vivre dans un pays où règnent la sécurité et l’ordre public ! Combien est destructrice l’absence de clôture protectrice autour de la cellule matrimoniale et familiale, quand chacun peut pénétrer dans la relation, dans le ménage de l’autre et le mettre en danger ! Combien cette expérience est douloureuse chez nous pour beaucoup de partenaires et, encore plus, pour leurs enfants ! Combien nous nous sentons menacés quand nos biens ne sont plus en sécurité, quand le pillage et le vol sont devenus si habituels que la police, réduite à l’impuissance et à l’inactivité, ne peut plus qu’observer les faits ! Dans combien de pays ces faits constituent la réalité quotidienne !

Que faire si les dix commandements du Mont Sinaï ne dirigent plus la vie d’un peuple ? Certains pensent que seule une main forte, une dictature énergique, pourrait rétablir l’ordre. L’Histoire montre cependant, que les dictatures aggravent la situation. Les dictatures du XXe siècle l’ont suffisamment illustré.

Jésus montre un autre chemin. Sur une montagne, près du lac de Gennésaret, il a établi de nouveaux commandements pour ses disciples et les foules. Ils vont nettement plus loin que ceux du Mont Sinaï. Ils ne disent pas seulement ce qu’il faut éviter quand on veut sauver sa vie. Ils vont plus profond, indiquent audelà de l’agir mauvais, les sources de cet agir. Car toutes les actions mauvaises et qui détruisent la vie, celles que les dix commandements interdisent, prennent leur source dans des pensées mauvaises, qui se manifestent d’abord par de mauvaises paroles avant d’aboutir à des actions mauvaises.

Jésus prescrit de traiter d’abord la racine, et il conseille de commencer par nous-mêmes. Ce ne sont pas les mesures coercitives extérieures qui assainiront la société (même si, jusqu’à un certain degré, elles sont nécessaires pour la vie en société), mais bien le renouvellement des cœurs, des attitudes, de la racine de notre agir. Jésus nomme trois domaines à partir desquels il illustre son chemin approfondi.

D’abord la gestion des conflits : il ne suffit pas de renoncer simplement au meurtre. Beaucoup plus fréquents sont les homicides dans le cœur, les pensées de haine, de rage et de mauvaise humeur vis-à-vis de l’autre, qui s’expriment par des paroles destructrices. Il faut combattre la destruction de la réputation de l’autre, les offenses verbales, car elles causent d’innombrables souffrances.

Ensuite l’adultère : il commence par les yeux, dans le cœur. On commence par mépriser le mariage, la communion de vie de l’autre, et à tromper son propre partenaire, longtemps avant de consommer l’adultère.

Enfin la fiabilité de nos paroles, notre sincérité : celui qui se réfugie dans la prestation des serments, avoue déjà qu’habituellement il ne prend pas la vérité à la lettre. Que notre cœur soit droit, notre oui un oui, notre non un non. Que notre cœur et notre parole coïncident. On peut se fier seulement à des personnes d’une telle droiture.

Les commandements de Jésus veulent assurer que nous ne respections pas seulement extérieurement l’ordre des dix commandements tandis que notre cœur demeure un recoin meurtrier. A l’échelle mondiale je ne vois pas de meilleur ordre de valeurs que celui proposé par Jésus. Là où on le vit, la vie vaut la peine d’être vécue.

QUELQU’UN DOIT FAIRE LE PREMIER PAS

7e Dimanche du temps ordinaire – Mt 5, 38-48

Dans la péricope précédente du « sermon sur la montagne », Jésus a montré le chemin d’un agir juste, droit et bon, qui ne respecte pas seulement des règles extérieures, mais naît d’un cœur bon et prend sa source dans une intention droite.

Que se passera-t-il sij’adopte cette attitude mais que les autres n’en font pas autant ? C’est précisément cette crainte qui nous occupe en entendant le « sermon sur la montagne » : tout cela est bien beau – en théorie, mais dans la pratique, c’est bien différent. Si, dans la vie commerciale, je suis tout à fait honnête, si je dis toujours la vérité, ne serai-je pas trompé, ne me « ferai-je pas avoir » ? Et qui est capable de ne jamais se fâcher ni être méchant et de maîtriser ses yeux de façon à ce que son regard ne soit jamais concupiscent ?

La péricope de ce jour semble encore renforcer cette crainte. Jésus ne demande-t-il pas ici, purement et simplement, ce qui est impossible à l’homme : tendre l’autre joue quand on reçoit un soufflet ? N’est-ce pas trop demander ? Et puis, Jésus a-t-il fait lui-même ce qu’il nous demande ? Lorsque le garde lui a frappé le visage, Jésus ne lui a pas présenté l’autre joue, mais lui a rétorqué : « Si j’ai mal parlé, témoigne de ce qui est mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18,23).

Jésus a-t-il donc résisté à celui qui lui faisait du mal, contrairement à ses propres exigences pour nous ? « Cette prescription ne signifie pas », écrit le Jésuite et spécialiste de la Bible, le P. Klemens Stock, « que l’on n’ait pas le droit de contrecarrer celui qui fait le mal, que l’on n’ait pas le droit de le devancer, qu’il faille l’observer sans rien entreprendre et qu’on soit obligé de laisser sévir librement tout malfaiteur sans le gêner » (Jesus – Kinder der Seligkeit, Innsbruck – Vienne 1991, p. 50).

Le policier qui barre la route au cambrioleur dans une banque, n’a pas le droit de lui tendre l’autre joue. Il doit l’arrêter, à l’aide de son arme s’il le faut. J’ai le droit de me défendre par des moyens légitimes contre un tort qui m’est fait. Mais la question de Jésus vise notre cœur : réclames-tu ton droit avec des sentiments de vengeance, à cause de ton amour-propre blessé, à cause de ton désir de vouloir toujours avoir raison à tout prix ?

L’apôtre Paul nous dit de quoi il est question : « Veillez à ce que personne ne rende le mal pour le mal, mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous soit envers tous » (1 Th 5,15). De même, il en est question dans le plus difficile de tous les commandements de Jésus : « Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs ». Jésus ne nous demande pas d’avoir des sentiments d’affection ou de sympathie pour nos ennemis ; ce serait à l’encontre la nature humaine. Mais ce que Jésus attend, c’est que nous ne souhaitions pas à l’ennemi le mal qu’il nous fait. Nous devons arrêter l’engrenage du mal, rompre la spirale de la violence : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12,21).

Aimer là où nous rencontrons l’amour, cela n’a rien d’extraordinaire. Cela nous est facile. Mais conserver la bienveillance envers celui qui nous veut du mal, cela nous rend semblable à Dieu qui est bon envers tous, qu’on lui en soit reconnaissant ou non. L’histoire et l’expérience personnelle le montrent bien : la vengeance n’a jamais engendré la paix. Quelqu’un doit oser faire le premier pas vers l’autre. Et Jésus veut que ce quelqu’un ce soit moi.