Chemins de soi - Amel Isyès - E-Book

Chemins de soi E-Book

Amel Isyès

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Beschreibung

Une disparition, un mystère et une quête d'identité !

Sous un soleil écrasant, rois et généraux se livrent une guerre interminable. Bravant l’interdiction de son père, Nour passe ses nuits sur la terrasse de sa maison à rêver d’un pays où elle pourrait marcher en toute liberté.
Un matin, à son réveil, la maison est déserte. À la recherche de ses parents, Nour entreprend un long voyage qui lui forge une nouvelle personnalité, au point qu’elle oublie son passé. Mais comment être soi sans connaître sa propre histoire ?

Nour retrouvera-t-elle ses parents ? Pourquoi ont-ils disparu ? Que découvrira-t-elle durant son voyage ? Découvrez l'histoire de Nour dans ce roman fascinant !

EXTRAIT

Et enfin, ce matin-là, je pus sortir de ma maison.
La silhouette filiforme de Jafar, mon cousin, se présenta à moi. Il ne dit rien, il me regarda à peine. Sa main brute m’extirpa de mon lit de camp. Je protestai, un instant, mais son regard noir me fit taire aussitôt. Il prononça une phrase, rapide, inaudible, je compris qu’il fallait partir. Sa main ne me lâcha pas un instant, il m’entraîna hors de la terrasse. Ma petite main parvint à s’arracher à la menotte de fer. Je courus vers ma couchette et eus juste le temps de prendre avec moi mon petit carnet de dessins et d’agripper quelques crayons de couleur avant que Jafar ne revienne à l’assaut. Malheureusement, en descendant précipitamment les escaliers, je tombai. Mes crayons de couleur dévalèrent les marches. Le bleu, le vert, le rouge, le jaune… l’arc-en-ciel sombra dans l’obscurité. Je parvins toutefois en me relevant à attirer vers moi un petit crayon de couleur que je dérobai aussitôt aux yeux noirs de mon cousin.
On sortit. Dehors… On sortit de la maison. L’air, le soleil du matin…
Mon cousin me fit monter sur son mulet et me tendit un bout de pain.
« Où allons-nous Jafar ? demandai-je.
— On va… rejoindre tes parents. Ils t’attendent. Mange, nous avons une longue route devant nous », répondit-il sèchement.
Je perçus la confusion de Jafar, mais mon jeune âge ne me permit ni de l’interpréter ni de la comprendre. Je le suivis donc sans discuter, excitée à l’idée de sortir, de sentir l’air et le soleil enfin.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Un livre comme un écrin que l'on ouvre et dans lequel on découvre un bijou. Un texte fort et poétique malgré le contexte de la guerre. - Booksandredlips, Babelio

Un petit livre, tout petit, il tient dans une poche. un format comment dire original. Et une histoire prenante. Une manière d'écrire douce comme du miel. - FleurdeCoree, Babelio

A PROPOS DE L'AUTEUR

Enfant, Amel Isyès rêvait de devenir enseignante. Ses études l’ont éloignée un temps de cette voie, mais son rêve d’enfant murmurait à son coeur et elle a écouté l’évidence.
Son métier et ses enfants l’amènent à découvrir la littérature pour la jeunesse. Mais Amel n’écrit pas pour les enfants, elle écrit sur eux. Elle raconte des enfances ignorées, perdues, blessées. Un univers où la parole de l’enfant est souvent indicible. Un univers sombre mais toujours plein d’espoir.
Ses influences : Anthony Browne, Taslima Nasreen, Miyazaki et Marjane Satrapi.
Amel Isyès accepte de participer à des salons du livre et à des séances de dédicaces. Elle habite en région parisienne.

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Couverture

Collection

CollectionJASMIN LITTÉRATURE

1.Nouvelles d’Elles

Philippe de Boissy

2.De retour

Marie Geffray

CollectionJASMIN LITTÉRATURE POCHE

1.Temps croisés

Jean Clavilier

2.Une si brève rencontre

Jean Clavilier

3.Chemins de soi

Amel Isyès

4.Semoule de blé dur

Amel Isyès

5.Bonhomme Écriture

Titre

Copyright

Amel Isyès

Enfant, Amel Isyès rêvait de devenir enseignante. Ses études l’ont éloignée un temps de cette voie, mais son rêve d’enfant murmurait à son cœur et elle a écouté l’évidence.

Son métier et ses enfants l’amènent à découvrir la littérature pour la jeunesse. Mais Amel Isyès n’écrit pas pour les enfants, elle écrit sur eux. Elle raconte des enfances ignorées, perdues, blessées. Un univers où la parole de l’enfant est souvent indicible. Un universsombre, mais toujours plein d’espoir.

Tous droits de reproduction, de traduction

et d’adaptation réservés pour tous pays

© 2012 Éditions du Jasmin

www.editions-du-jasmin.com

Dépôt légal à parution

ISBN : 978-2-35284-702-1

Avec le soutien du

Du même auteur

DU MÊME AUTEUR

Semoule de blé dur, suivi de Sablés amers, collectionJASMIN LITTÉRATURE POCHE,Éditions du Jasmin, 2012.

Remerciements

À Ilyès et Ismaël, mes piliers, mes roses des vents.

La mère de Nour

Je viens d’un pays où la parole ne s’entend plus… Je viens d’un pays où les mots ne se prononcent plus… Je viens d’un pays en guerre.

Mes filles ont grandi dans le bruit. Elles ont connu le bruit lointain des sabres et des couteaux, le bruit sourd des canons, le bruit sombre du sang versé, le bruit évident de la vie s’échappant des corps des plus faibles et des plus forts. Ces bruits lointains semblent de plus en plus proches et étranglent nos cœurs.

Nos hommes ne sont plus des hommes. Ils ne font plus vivre leur famille. Ils ne travaillent plus dans les champs. Ils ne descendent plus dans la vallée. Ils ont peur. Nos hommes ont peur.

Leur peur nous a enfermés.

Nous vivons cloîtrés. Nous sommes confinés dans nos maisons, enfermés dans nos murs, étranglés par notre terre.

Nous avons peur de tout. Cette peur ne nous quitte jamais, elle nous berce de jour comme de nuit. Nos visages se ressemblent tous, ils sont asséchés par les larmes, ils sont abîmés par les cris.

Mes filles ne connaissent que le langage de cette peur. Cette peur a emprisonné leurs corps et ne les a pas laissées grandir.

Je rêve d’un ailleurs, un endroit où le ciel n’est pas aigri par les fumées du sang. Je rêve du silence de la pluie. Je rêve de la mélodie du vent. Je rêve d’une utopie.

Je n’ai jamais voyagé, je ne suis allée nulle part. Je ne connais que mon village. J’y suis née, j’y ai grandi, je m’y suis mariée.

Je ne suis pas cultivée. Je n’ai jamais été à l’école, mais je sais rêver, je sais raconter, je sais imaginer, croire et espérer. Je sais aussi me souvenir du temps passé. Je sais me souvenir du temps où le soleil n’était pas rouge colère. Je sais me souvenir du temps où la peur n’existait pas.

Chaque soir, je raconte à Nour et Mouna, mes filles, une histoire. Chaque soir, je leur raconte un voyage. Je décris un endroit merveilleux où la vie inonde chaque être. Je raconte nos cœurs réchauffés par le soleil. Je décris un ciel délivré par le chant des oiseaux. Je relate l’odeur délicate des fruits disparus. Je décris la terre arrosée, bercée par mille couleurs. J’invente le nom des fleurs. Je dessine les rires des enfants. J’esquisse le silence perdu du vent.

Chaque soir, je mens, je promets un voyage que nous ne ferons jamais. Chaque mot prononcé tarit mes espoirs. Chaque mot poignarde mon âme. Chaque mot délimite mes rêves. Ces mots charment et enchantent mes filles. Ces mots sont essentiels. Ils protègent mes filles. Ils les emmurent dans l’enfance. Ces mots les libèrent de la réalité. Ces mots les sauvent à jamais.

Nour

J’ai fait un long voyage, moi qui n’avais jamais quitté mon village.

Mon cousin Jafar venait rarement nous voir, mais ce matin-là il me réveilla. C’était un matin ordinaire. Il me trouva endormie sur la terrasse.

J’aimais dormir dans cet endroit, car il y faisait frais le soir. J’y dormais souvent seule : Mouna, ma petite sœur, craignait les moustiques.

Mes parents m’interdisaient formellement d’aller là-haut. D’ailleurs, mon père en avait condamné l’accès, mais mon corps frêle passait sans encombre à travers les obstacles qu’il avait imaginés. Enfant inconsciente, je quittais toujours mon lit et je m’endormais au clair de lune, bercée par les bruits lointains. Je me réveillais chaque matin aux premiers rayons du soleil pour retourner sagement dans mon lit. Mes parents n’ont jamais rien su de mes escapades nocturnes. Jamais ils n’ont su que je désobéissais. Et cette impunité rendait mes nuits encore plus délicieuses.

Je n’allais pas à l’école, je ne savais ni lire, ni écrire, mais je savais dessiner, alors souvent je dessinais tout ce qu’il m’était interdit de voir dans un petit carnet. Dans ce carnet secret, je dessinais la lune, le ciel étoilé, le souffle doux du vent chaud. Je dessinais la terre ocre teintée par la nuit. Je dessinais surtout l’horizon, l’horizon cette limite sans fin… Cet ailleurs, cet interdit, cet avant.

Car avant tout était si différent.

À l’époque, je m’en souviens encore, nous pouvions sortir dans les ruelles pétrées. À l’époque, j’allais chercher de l’eau à la source blanche. À l’époque, j’avais des amis, une vie. Mais un jour, sans explication, mes parents nous interdirent de sortir de la maison. Un jour, sans explication, nous avons été punies ma sœur et moi. Un jour, sans explication, nous avons été enfermées, privées à jamais du droit de revoir le soleil et le ciel.

Je profitais donc de mes voyages clandestins sur la terrasse pour respirer l’air frais, pour regarder les paysages certes ingrats, mais si beaux et si précieux à mon cœur. Et parfois je voyais la liberté, je sentais son souffle m’emporter. La liberté, je le savais, viendrait, reviendrait à nous.

Et enfin, ce matin-là, je pus sortir de ma maison.

La silhouette filiforme de Jafar, mon cousin, se présenta à moi. Il ne dit rien, il me regarda à peine. Sa main brute m’extirpa de mon lit de camp. Je protestai, un instant, mais son regard noir me fit taire aussitôt. Il prononça une phrase, rapide, inaudible, je compris qu’il fallait partir. Sa main ne me lâcha pas un instant, il m’entraîna hors de la terrasse. Ma petite main parvint à s’arracher à la menotte de fer. Je courus vers ma couchette et eus juste le temps de prendre avec moi mon petit carnet de dessins et d’agripper quelques crayons de couleur avant que Jafar ne revienne à l’assaut. Malheureusement, en descendant précipitamment les escaliers, je tombai. Mes crayons de couleur dévalèrent les marches. Le bleu, le vert, le rouge, le jaune… l’arc-en-ciel sombra dans l’obscurité. Je parvins toutefois en me relevant à attirer vers moi un petit crayon de couleur que je dérobai aussitôt aux yeux noirs de mon cousin.

On sortit. Dehors… On sortit de la maison. L’air, le soleil du matin…

Mon cousin me fit monter sur son mulet et me tendit un bout de pain.

« Où allons-nous Jafar ? demandai-je.

— On va… rejoindre tes parents. Ils t’attendent. Mange, nous avons une longue route devant nous », répondit-il sèchement.

Je perçus la confusion de Jafar, mais mon jeune âge ne me permit ni de l’interpréter ni de la comprendre. Je le suivis donc sans discuter, excitée à l’idée de sortir, de sentir l’air et le soleil enfin.

Je m’apprêtai pour la première fois de ma vie à quitter mon village et cette escapade me réjouissait. J’imaginais déjà rencontrer les paysages racontés par ma mère. Je voyais les fleurs aux mille couleurs, les fruits gorgés de sucre, les rivières infinies d’eau glacée. Je touchais déjà l’herbe enveloppée par la rosée, la pluie qui inonde et ravit les terres. Je goûtais à toutes ces choses que je ne pouvais imaginer, prisonnière de mon village depuis des années.

Ma mère nous avait promis ce voyage, le moment était venu, j’en étais convaincue.

Je me demandais seulement pourquoi je devais faire ce voyage avec Jafar. Pourquoi mes parents étaient-ils partis sans moi ?

Une explication, très vite, dissipa mes angoisses. C’était de ma faute, bien évidemment. Mes parents ignoraient ma présence sur la terrasse et, ne me trouvant pas dans mon lit, ils avaient naturellement envoyé Jafar me chercher.

Je fus aussitôt rassurée et apaisée. L’angoisse me quitta aussi soudainement qu’elle m’avait saisie. Je regardais attentivement autour de moi en attendant les délices promises par ma mère.

Mon cousin semblait impatient et je le comprenais. Il décida de s’éloigner des maigres ruisseaux et des routes sans doute pour prendre un raccourci. Nous traversâmes des chemins sinueux et déserts dans un silence seulement troublé par les sabots du vieux mulet.

J’observais le paysage inconnu, mais identique en tout point à celui de mon village. La même terre rouge enflammée par le soleil habillait le chemin. Les mêmes nuages teintés de noir tapissaient le ciel. La même absence d’eau abîmait la terre. L’idem ici, partout.

Je voyageais sans vraiment partir et cela me désolait. Tout était semblable à ce que je connaissais. J’étais déçue et très vite ce voyage me parut long, interminable, infernal.

Le soleil saignait mon visage légèrement protégé par mon voile. La faim et la soif tourmentaient mon corps d’enfant, nullement consolé par les maigres provisions proposées par mon cousin. Le mulet lui-même commençait à tituber.