Chronique de la salle sans porte - Libre Court - E-Book

Chronique de la salle sans porte E-Book

Libre Court

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Beschreibung

À la surprise des élèves, la porte d’une classe disparaît...

Par cet étrange coup du sort, l’auteur enferme ses lecteurs entre les murs d’un passé écolier qui sent bon la craie, l’ennui, les cahiers, la camaraderie et une formidable soif d’évasion. 

Une nouvelle touchante dans laquelle la nostalgie se heurte aux facéties du surréalisme

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né à Oran en Algérie, Roland Fuentès a passé son adolescence en Provence. De ses jeunes années au soleil, il a gardé un ton espiègle et jovial qui illumine ses écrits : romans, nouvelles et depuis 2007, livres pour enfants.

À PROPOS DES ÉDITIONS Libre Court

Libre Court propose des nouvelles et des histoires courtes à lire partout en moins d'une heure. Ces textes, signés par des auteurs reconnus, vous entraineront à la découverte de personnages attachants, percutants voire déroutants, portés par une écriture rythmée.

EXTRAIT

« J’allais sur mes treize ans. Je fréquentais une école en bordure de la zone industrielle, une de ces casernes en béton gris où l’on nous enfermait du matin au soir pour fleurir nos têtes. Il y avait quelques fenêtres dans notre salle mais on ne s’en rendait pas compte. Elles étaient là, silencieuses, accrochées au mur comme des vêtements oubliés sur un portemanteau. L’utilité de ces grandes choses plates et transparentes demeurait pour nous un mystère. »

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Seitenzahl: 31

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Chronique de la salle sans porte

J’allais sur mes treize ans.

Je fréquentais une école en bordure de la zone industrielle, une de ces casernes en béton gris où l’on nous enfermait du matin au soir pour fleurir nos têtes.

Il y avait quelques fenêtres dans notre salle mais on ne s’en rendait pas compte. Elles étaient là, silencieuses, accrochées au mur comme des vêtements oubliés sur un portemanteau. L’utilité de ces grandes choses plates et transparentes demeurait pour nous un mystère.

Il y avait aussi une porte, que nous franchissions deux fois par jour en silence. Elle ne présentait rien d’extraordinaire, cette porte. C’était une petite variation dans l’uniformité du mur, tellement insignifiante que nous ne la remarquions pas.

Or un beau jour, lassée de notre indifférence, la porte a disparu.

C’est Costes qui a fait la remarque.

Toujours perdu dans l’observation des murs et du plafond, Costes. Souvent puni, mais incollable sur l’état des bureaux, les traces de semelles sur le linoléum, et la forme des craquelures dans les cloisons.

« Roussin, la porte est plus là, nom d’un flan ! », il m’a lancé en se curant le nez avec le capuchon de son stylo.

Les autres et moi on n’a pas bronché. On avait trop peur de prendre un coup de fusil. Le professeur patrouillait non loin de nous, il avait l’œil vif et la gâchette facile. Ce cours sur les oiseaux, je ne sais pourquoi, le rendait fébrile. De temps à autre un petit piaillement lui échappait, et il louchait du côté des fenêtres. Quand même, au bout d’un moment la phrase de Costes s’est fixée dans un coin de mon crâne et elle ne m’a plus lâché. Difficile de rester attentif. D’autant qu’il remettait ça, à voix très basse, juste pour moi :

« Roussin, bon Dieu ! La porte s’est carapatée je te dis ! »

Je ne possédais pas son adresse pour lever le nez du cahier sans attirer l’attention. En me concentrant sur mes oreilles j’obtenais une idée de la position du professeur : ses semelles ferrées extorquaient de petits couinements au linoléum, la crosse de son fusil tapotait une chaise ou une table de temps à autre. En jouant sur la souplesse de mes globes oculaires je pouvais porter mon regard jusqu’au mur sans bouger la tête. Ça tirait sur les nerfs optiques et je ne gardais pas longtemps la position parce que j’y voyais tout noir, mais j’obtenais quand même une vision assez nette du mur. Et la confirmation de ce que j’avais entendu : en lieu et place de la porte ne restait qu’une absence.

Les nuques de mes camarades ployaient au-dessus de leurs pupitres, dénuées de toute existence terrestre. Le professeur posait un soulier devant l’autre à une cadence régulière, aussi exact qu’un métronome. Costes ne paraissait pas vraiment affolé. Lui, tant qu’il y avait des choses à repérer sur les murs, il se portait bien. C’était une huître perlière : il cueillait les grains de sable dans la mécanique de nos journées, et il les transformait en bijoux.

Le bruit des chaussures ferrées s’est interrompu. Un grincement nous a cisaillé les tympans, et puis plus rien. Ou plutôt, le bruissement du vent dans les arbres de la cour, le piaillement des oiseaux, le vrombissement des moteurs sur la nationale, les éclats de voix des surveillants sous le préau, tout le bruit de l’extérieur s’est installé à l’intérieur de la pièce. Ça n’était encore jamais arrivé.

Il faut croire qu’on possédait un petit fond d’intuition parce que, sans se concerter, on a tous pensé qu’une fenêtre était ouverte.