Cinquantenaire du secteur informel urbain et le marché du travail en Afrique francophone - Eymard Galouon Eta - E-Book

Cinquantenaire du secteur informel urbain et le marché du travail en Afrique francophone E-Book

Eymard Galouon Eta

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Beschreibung

Initialement stigmatisé puis peu à peu accepté, le secteur informel se positionne comme le principal pourvoyeur d’emplois en Afrique francophone.

Ce livre propose une étude visant à approfondir notre compréhension de ses traits distinctifs, de son évolution, de ses atouts ainsi que des défis qui l’accompagnent. Il décrypte son rôle essentiel dans l’ajustement des économies, en se focalisant spécialement sur le marché du travail urbain.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Docteur en économie de l’université de Caen, enseignant-chercheur et professeur certifié en économie-gestion, Eymard Galouon Eta est membre actif de diverses associations économiques, dont l’Association Française de Science Économique. Ses recherches portent essentiellement sur l’économie du développement, l’économie publique, le marché du travail, le secteur informel, le capital social et la pauvreté.

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Eymard Galouon Eta

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cinquantenaire du secteur informel urbain

et le marché du travail en Afrique francophone

Essai

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Eymard Galouon Eta

ISBN : 979-10-422-0444-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On peut distinguer deux types de pauvreté : celle qui, dans certaines sociétés, ne frappe qu’une minorité et celle qui, dans d’autres sociétés, frappe tout le monde, à l’exception d’une minorité.

Galbraith. J.K (1980)

 

 

 

 

 

Préface

 

 

 

Il nous est agréable de présenter les travaux de recherche sur le « Cinquantenaire du secteur informel et le marché du travail urbain en Afrique francophone ». L’importance de ce sujet est de plus en plus capitale dans le développement économique et social de ces pays. Au moment où ce secteur s’impose, notamment sur le marché du travail et sur le plan social, au niveau politique, les ministères ont en charge le développement de ce dernier.

Keith Hart (1972) est à l’origine de ce concept au Ghana. Il sera suivi par le bureau international au Kenya au début des années 1970. Constaté et analysé au début des années soixante, officialisé en 1971, il est aujourd’hui pertinent d’analyser le concept de secteur informel plus de cinq décennies après que ce dernier a été utilisé, des études menées et des enquêtes effectuées. Sur plusieurs décennies, le phénomène du secteur informel a fait l’objet de très nombreuses analyses, pas toujours convergentes, certes, mais qui permettent d’en avoir une idée précise. Le secteur informel a été d’abord vilipendé puis supporté, il est le premier créateur d’emplois en Afrique francophone. Partant de l’observation que ce secteur perdure alors qu’il aurait dû disparaître, ce travail de recherche, mené par le Dr Eymard Galouon Eta, permet de bien saisir les caractéristiques et les tendances de son évolution, ses capacités et les difficultés liées à son développement. Le Dr Eymard Galouon Eta tente dans cette analyse de définir son rôle, son dynamisme et sa créativité dans l’ajustement des économies africaines au niveau principalement du marché du travail urbain.

Ce travail de recherche se divise en deux parties. La première partie analyse les changements et l’évolution du marché du travail urbain informel. Les chapitres abordés portent sur les concepts, les mesures, les modèles de migrations, le cadre réglementaire et les approches qui permettent de saisir la réalité du marché du travail urbain. Dans la deuxième partie, l’originalité de ce travail porte sur une analyse empirique de ce secteur et les problèmes d’asymétries d’information. Elle examine, par l’intermédiaire d’une enquête, les caractéristiques de ce secteur et les stratégies de survie de ses agents. Les données de l’enquête sont traitées par des modèles Logit-probit dont les caractéristiques sont longuement rappelées. Ce travail intègre notamment le capital social et la théorie de l’agence pour développer une analyse originale sur le rôle du capital social face aux asymétries d’information dans le secteur informel. La littérature économique est bien utilisée. Enfin, le Dr Eymard Galouon Eta plaide pour une véritable intégration de ce secteur ou la formulation des règles spécifiques, propres à ce secteur. Il propose donc des solutions et des recommandations en vue d’un développement véritable du marché du travail informel.

Voici donc un travail de recherche d’une grande lucidité et contribuera certainement à la meilleure connaissance d’un phénomène qui porte le poids de l’histoire et de l’avenir. Ce travail mérite d’être largement diffusé.

Pr Louis Bakabadio

Université Marien Ngouabi

 

 

 

 

 

Résumé

 

 

 

Condamné d’abord puis supporté, le secteur informel est le premier créateur d’emplois en Afrique francophone. Pour bien saisir les caractéristiques et les tendances de son évolution, ses capacités et les difficultés liées à son développement, cette analyse tente de définir son rôle dans l’ajustement des économies au niveau du marché du travail urbain principalement. Ce travail se divise en deux parties. La première analyse les changements et l’évolution du marché du travail urbain informel (chapitres I, II et III). Le chapitre I étudie les caractéristiques passées et actuelles de ce secteur. Le chapitre II montre les limites des modèles dualistes qui indiquent que les migrations rurales urbaines aggravent le niveau du chômage urbain. En introduisant les emplois informels dans ces modèles, ce travail obtient un taux du chômage urbain inférieur à celui obtenu par les dualistes. Enfin, le chapitre III cherche à expliquer le cadre réglementaire et institutionnel dans lequel évolue ce secteur. Dans la deuxième partie, l’originalité de ce travail porte sur une analyse empirique de ce secteur et les problèmes d’asymétries d’information. Le chapitre IV tente de montrer, à partir d’une enquête réalisée à Brazzaville (Congo), à partir du modèle « logit multinomial », l’ampleur, la complexité et l’hétérogénéité des caractéristiques des agents et des activités de ce secteur. Il en ressort que le capital social joue un rôle déterminant dans les solutions adoptées par les populations pour faire face à la crise. Le chapitre 5 cherche à montrer pour la première fois, sur le marché du travail informel, le lien qui existe entre le capital social et les asymétries d’information. Le dernier chapitre porte sur les solutions et recommandations en vue d’un développement véritable du marché du travail informel.

 

50THof the informal urban sector: the job mark of a few countries in the French speaking Africa. Repressed and then tolerated, the informal sector is the first creator of jobs in the French speaking Africa. In order to better apprehend the characteristics and tendencies of its evolution, to discern its potential and its constraints which are an obstacle to its development, this thesis tries to define its role in the adjustment of the economies concerning mainly the urban job market. This research can be divided in to two parts. The first part analyses the transformations and the evolution of the informal urban job market (chapter 1, 2 and 3). Chapter one deals with the characteristics of this sector in the past and currently. Chapter 2 shows the limits of the dualist models which indicate the urban rural migrations which accentuate the unemployment rate. By introducing informal jobs in these models, this thesis obtains a urban unemployment rate inferior to the one obtained by the dualists. Finally, chapter 3 tries to explain the institutional and statutory framework in which this sector evolves. In the second part, the originality of this work concerns an empiric analysis of this sector and the problems of asymmetrical information. Chapter 4 tries to demonstrate, starting from a survey conducted in Brazzaville (Congo) using a logit multinomial model, the extent, the complexity and the heterogeneity of the characteristics of the agents and the activities of this sector. What emerges is that the social capital plays an important role in the solutions adopted by the populations to face the crisis. The chapter 5 tries to show for the first time, on the informal job market, the link that exists between the social capital and the asymmetries of information. The last topic with solutions and advice in order to really developed informal job market.

 

 

Mots clés :

Indexation Rameau : Marché du travail, Afrique noire francophone, Économie souterraine, Économie urbaine, Exode rural, Interaction sociale, Théorie de l’information.

Indexation Libre : Migrations rurales urbaines, Asymétries d’information, Capital social, Secteur informel, Emploi informel, Congo-Brazzaville.

 

 

 

 

 

Liste des sigles et abréviations

 

 

 

AF            

BIT            

BM             

CS             ;

CSF        ;

CSI             ;

CSP             ;

DMT       

FCFA       

FMI       

HT            

MHT      

MT             

MTI            

ONG       

PAS       

PIB             

PME       

PMI       

PNB       

PED            

PVD      

SF/SM      

SI             

SIR             

SIU             

SR            

TPE       

TPI             

OIT            

 

 

 

 

 

Introduction générale

 

 

 

Plus de cinquante ans après les indépendances, les débats et les programmes en Afrique francophone (AF) portent encore principalement sur l’accès à l’eau potable, à l’électricité, à la construction des routes et des industries, à l’alimentation, au chômage endémique, etc. Pendant ce temps, le secteur informel (SI) se développe. Méprisé d’abord puis supporté, il est en première position en matière de création d’emplois en AF. Pour bien comprendre les caractéristiques et les tendances de son évolution, ses capacités et les difficultés liées à son développement, ce travail tente de définir son rôle dans l’ajustement des économies africaines principalement au niveau du marché du travail urbain.

Initiée depuis plus de cinq décennies par les chercheurs et le Bureau International du Travail (BIT), la recherche sur le SI a pris de l’importance et le phénomène suscite beaucoup d’intérêt, mais est devenu complexe. « Il pourrait être considéré comme le travail non formel ou l’emploi informel. D’abord considéré comme un phénomène transitoire du processus de construction d’une économie moderne dans les pays en développement, PED ou PVD, il a fait montre, par la suite, d’une dynamique d’expansion et de pérennisation. Il occupe une part importante de la population active », soulignent Maldonado et al. (1999). Ils poursuivent en indiquant qu’en Afrique, ce secteur absorbe 61 % de la main-d’œuvre urbaine et qu’il est probablement à l’origine de plus de 90 % des nouveaux emplois créés au cours des années 90. Il est impossible dans presque tous les pays d’AF, de ne pas remarquer le nombre impressionnant de « petits boulots ».

Dans les pays d’AF, le marché du travail informel (MTI) constitue l’une des questions d’intérêt commun d’emploi. A priori, par MTI, « on peut entendre toute activité “rémunérée” de nature plus ou moins répertoriée, mais non déclarée aux pouvoirs publics. Le concept de SI est aujourd’hui d’utilisation courante dans l’étude des problèmes de développement. On ne peut étudier le marché du travail urbain ou de villes dans les PED sans parler de la réalité des activités du SI. On ne peut parler d’un concept simple et bien défini : les définitions abondent, les hypothèses qui s’y rapportent sont nombreuses, les théories et les modèles qui y font appel sont souvent contradictoires » (Lachaud, 1985 ; Bodson et Roy, 1995). Pour Charmes (2000), « l’introduction de l’emploi informel et du SI dans les débats est une innovation originale parce que ce concept a pris son origine dans la réalité des PED. Ce concept ne se réfère pas aux seules caractéristiques de l’individu, mais prend en compte les caractéristiques propres à l’activité exercée ; un concept qui dépasse les diverses formes de sous-emploi, impropres à décrire, car la réalité est complexe. Un concept recouvrant une réalité qui, il est vrai, a eu tendance à se développer dans les pays industrialisés au cours des années récentes ».

Généralement, les chercheurs sont tombés d’accord pour considérer que le terme « informel » a été utilisé pour la première fois par Hart lors d’une étude sur le Ghana présentée en 1971. D’où une rupture avec l’idéologie dominante du dualisme. Hart a introduit un nouveau clivage entre un SI qu’il considérait comme une extension du secteur rural (SR), et un secteur formel (SF) plus ou moins analogue au secteur moderne. Dès 1972, le terme SI a été repris dans une étude du BIT (1972) consacré au Kenya, où il signifie, pour la première fois et explicitement « un résidu ».

Depuis les années 60 se distinguent trois des perspectives les plus importantes dans les discussions générales autour du concept de SI. Pour les dualistes (Tokman et Souza, 1995), « le SI est caractérisé par la facilité d’accès, une séparation minimale entre capital et travail, une faible productivité, un investissement faible en capital, l’utilisation intensive de main-d’œuvre et une division minimale du travail ». Ici, l’unité d’analyse du SI est l’établissement productif. Les légalistes ou les libéraux conçoivent l’informalité de manière très vaste, puisqu’elle est présentée comme synonyme d’extralégalité (De Soto, 1990). Pour eux, « le SI regroupe toutes les activités qui sont hors la loi, clandestines, et qui sont poursuivies par les agences de l’État, comprenant aussi bien du travail, que du logement, du commerce, du transport, etc. ». En ce sens, l’origine du SI est la pression fiscale et bureaucratique de l’État. Ici, l’unité d’analyse est l’activité extralégale. Les marxistes ou structuralistes soutiennent que « le SI est fonctionnel au système capitaliste, et favorise sa reproduction. Ils le font valoir en disant qu’il constitue une politique tacite des gouvernements pour réduire le chômage, forme de contrôle social, en produisant l’individualisation du processus de travail et en décourageant l’organisation des travailleurs. Donc, le SI apparaît comme une partie intégrante de la stratégie d’accumulation des entreprises modernes » Portes (1995). Ici, l’unité d’analyse est l’activité productive.

Le principal attrait du travail dans le SI pour les employeurs, les salariés et les travailleurs indépendants est de nature économique et sociale. Ce type d’activité permet d’augmenter les revenus, de réduire les coûts, de rendre certaines personnes moins vulnérables en échappant parfois à l’impôt, aux cotisations sociales, à la pauvreté, etc. Plusieurs facteurs favorisent le travail informel : la demande croissante de services personnalisés, le niveau des revenus, la diffusion des technologies surtout légères, la montée de la pauvreté, la corruption, les injustices sociales, les programmes d’ajustements structurels, PAS, les politiques économiques et sociales parfois inadaptées, l’explosion des diplômes, l’impact du capital social dans les recrutements, le clientélisme, l’inégal développement régional, etc. Le SI se développe en général dans les secteurs du bâtiment, de l’artisanat, du commerce de détail, du transport, de la restauration, de la santé, de la coiffure, de la communication, des cabinets conseils, de l’industrie et des services, etc. Pour résumer, on peut distinguer à peu près cinq grands groupes de travailleurs informels : les personnes cumulant deux emplois voire plus, la population économiquement non active, les chômeurs, les étrangers, les enfants.

Quant aux raisons qui ont poussées à choisir cette étude, elles relèvent pour la plupart des interrogations suivantes :

– « La complexité à la fois théorique et empirique que l’on ressent après avoir fait l’inventaire des travaux passés et récents qui portent sur les activités du SI » (Lachaud, 1985). En effet, comme il le souligne, s’agissant des activités du SI « parfois l’accent est mis sur leur extralégalité, parfois sur le contenu de ces dernières, tantôt encore sur l’opposition formel/informel » ;
– Le dépassement d’une analyse dualiste du marché du travail urbain (formel-rural) au profit du trialisme (formel-rural-informel). Car le secteur informel urbain (SIU) est bien implanté et que les SR et SF ont toujours existé ;
– « La séparation entre le SF et le SI n’est pas nette : il y a beaucoup d’échanges entre les deux secteurs, en lien avec a conjoncture économique. Les limites conceptuelles sont elles-mêmes floues », Lachaud ;
– L’importance de plus en plus grandissante du marché du travail urbain informel et la tendance au nouveau comportement de l’État vis-à-vis de l’informel. Le SI joue le rôle d’amortisseur des chocs économiques et sociaux orchestrés par les PAS. Les résultats des PAS sur les économies des PED ou PVD sont encore mitigés et très faibles ;
– La place importante prise par le capital social (CS) dans les analyses socio-économiques de ces pays. La montée en puissance des asymétries d’information dans l’accession sur le MT. L’évolution du rôle d’intégration des migrants que joue le SI et du cadre réglementaire et institutionnel dans lequel il évolue.
– La mise en place sans appui véritable de programmes de soutien en faveur du SI. L’importance de plus en plus prégnante, mais qui reste encore à encourager, de la donne démocratique tant dans le fonctionnement des institutions politiques que dans celui des mécanismes économiques qui pourrait changer beaucoup de choses.

Ce travail de recherche envisage une nouvelle approche en ce qui concerne l’analyse du marché du travail urbain informel en AF. En effet, il est enrichissant et fondamental de faire, de temps en temps, le point sur les changements du SI. Cela pourrait permettre d’une part, de mieux comprendre son potentiel et ses difficultés et, d’autre part, de mieux élaborer les mesures politiques et programmes en sa faveur. Tels sont les objectifs généraux de ce travail. En définitive, il est ici question de saisir la problématique générale sur le marché du travail du SIU en AF à partir d’informations disponibles. En effet, malgré quelques particularités propres à chaque pays, ils ont des points communs sur le plan économique et sociologique, qui sont autant de facteurs d’extension et de la consolidation du SI. Dans ce cas, il est question d’adopter une approche analytique multidimensionnelle pour passer en revue des aspects cruciaux comme :

– L’évolution historique du SI, c’est-à-dire les caractéristiques du passé et du présent du concept de SI et du marché du travail informel, MTI. Les problèmes de définition, autrement dit la difficulté à s’accorder sur l’envergure et les limites du SI, à cerner ses dimensions, son potentiel humain et matériel, avec en prime les questions de mesure du SI ;
– L’impact des programmes d’ajustement structurel (PAS) sur le SI ;
– « L’analyse de la segmentation et de l’hétérogénéité du SI, de la flexibilité de ses modes de fonctionnement et de la structure des activités qui le composent. La nature des liens entre le SF et le SI, de manière à repérer les complémentarités qui imposent de fonder désormais toute politique de croissance sur des mesures macro-économiques tendant à promouvoir l’intégration de ces deux secteurs de l’économie », Lachaud ;
– L’impact des migrations rurales-urbaines sur le marché du travail urbain informel. Cet impact sera étudié en adaptant le modèle dualiste de Harris et Todaro (1969, 1970) sur les migrations rurales-urbaines aux réalités actuelles du marché du travail informel, c’est-à-dire la prise en compte du SI dans ces modèles. L’impact du cadre institutionnel et réglementaire actuel sur le fonctionnement du SI ;
– L’accent sera particulièrement mis sur les caractéristiques du SI au Congo (Brazzaville). Ces caractéristiques soulèvent une interrogation sur le profil des agents du SI ainsi que sur les stratégies de survie des Brazzavillois, et de l’AF en général, en s’appuyant sur la classe de modèles « Logit multinomial ». Au final, l’analyse de cas du Congo-Brazzaville soulève le problème de l’impact du capital social sur le marché du travail informel et sur les conditions de vie des populations ;
– L’étude du marché du travail est la seule forme du capital social. Quel est le rôle du CS dans les marchés imparfaits qui se caractérisent par les asymétries d’informations ? Atténue-t-il les comportements opportunistes ? Joue-t-il un rôle fondamental dans le développement économique et social ?

L’ensemble de ces interrogations pose les problèmes de l’identification et de la sélection de quelques pratiques d’approches novatrices pour relever les normes sociales, augmenter l’emploi, améliorer la productivité, etc. En somme, comment rendre performant le SI en termes de résultats économiques et de promotion sociale des travailleurs ?

Le plan de ce travail de recherche suit plus une logique chronologique de tendances de débats clés liés à l’évolution de ce concept. Il pourrait paraître moins cohérent théoriquement s’il fallait suivre exclusivement une logique de périodes, d’articulations conceptuelles ou notionnelles. Ce travail se divise en deux parties : la première passe en revue les transformations et les évolutions de l’analyse du concept de SI et du marché du travail urbain. Ainsi dans le chapitre 1, il sera question de rechercher l’origine et les caractéristiques anciennes et actuelles de ce concept, d’examiner les causes de l’émergence du SI et, finir par l’analyse des relations entre le SI et le SF. S’il faut se baser sur les causes du développement du SI, ce travail va s’orienter vers une analyse particulière du dualisme du marché du travail. Il présentera dans ce cas (Chapitre 2), un modèle de fonctionnement du marché du travail : le modèle dualiste des migrations rurales-urbaines de Harris-Todaro (1969, 1970) et ses extensions. Enfin, le cadre réglementaire et institutionnel de ces pays n’est pas étranger à la montée du SI. Dans le chapitre 3, sera analysé le cadre réglementaire, institutionnel et informationnel dans lequel évolue le SI. Il va répondre à une série de questions : comment se comporte ce secteur face à la réglementation et donc aux institutions ? Quelle est la position de l’État vis-à-vis de ce secteur ? Quelle est la place occupée par les droits et obligations communautaires dans le respect des lois et normes établies par les institutions étatiques et/ou migratoires, communautaires, familiales… ?

Cette première partie pose implicitement le problème des conséquences des migrations, de réglementation et d’institutionnalisation sur le SIU. De telles conséquences soulèvent en ville les problèmes d’entraide, d’asymétries d’information et le rôle du capital social dans les interactions entre les individus ou groupes d’individus.

C’est ainsi que dans la deuxième partie, cette étude va examiner les solutions adoptées par les agents informels pour faire face à la crise, l’impact du capital social (CS) et l’influence des asymétries d’information dans le fonctionnement néo-institutionnel du SI. Ainsi, cette contribution analysera le cas particulier du Congo-Brazzaville. Les possibilités migratoires étant réduites, l’accès à l’emploi devient de plus en plus difficile et le niveau du chômage est logiquement en forte progression. Le fonctionnement du marché du travail (MT) ne doit plus seulement se focaliser sur le capital humain, mais prend également en compte l’importance des réseaux sociaux dans l’accès à l’emploi, et plus généralement le rôle du capital social (CS) dans le fonctionnement du MT. « Le rôle du CS dans le fonctionnement du MT peut être multiple, et doit être associé à la mise en évidence récente de l’importance prise par les compétences ou les relations sociales, tant pour les entreprises que pour les administrations. De nombreux travaux étudient les interactions entre capital humain et CS, c’est-à-dire les déterminants familiaux ou sociaux sur les niveaux de formation et d’instruction ainsi que – plus généralement – sur les compétences et les apprentissages des individus » (OCDE, 2001). Les effets du CS sur le MT interviennent à deux niveaux :

– Sur les modes d’accès à l’emploi à travers la mobilisation des réseaux dans la recherche d’emploi, action dont l’efficacité peut être supérieure à des investissements en capital humain (Granovetter, 1983 ; Coleman, 1988) et qui est largement fonction de la structure institutionnelle du marché du travail ;
– Sur l’organisation institutionnelle du marché du travail qui dépend pour partie du CS des groupes ou des sociétés et qui peut générer la mise en place de divers dispositifs d’action collective, lesquels sont déterminants au niveau de l’accès à l’information, des processus de détermination des rémunérations…

Ainsi il sera question d’examiner, à partir d’une enquête réalisée à Brazzaville (Congo), le profil des agents de l’informel et les caractéristiques du SI (Chapitre 4). Dans ce chapitre, l’idée consiste à s’interroger sur le poids du capital social (CS) dans le fonctionnement du SI. Mais aussi le fait que le CS est utilisé comme moyen de lutte contre les crises socio-économiques et ainsi pallier les défaillances institutionnelles. Puis il sera question d’évoquer dans le chapitre 5, le rôle du CS dans le développement économique et social. En effet, l’étude du MT est la seule forme du CS. Il permet de s’insérer sur le MT. Dans ces pays, la croissance économique n’est ni suffisante ni inclusive, le CS est utilisé comme recours pour faire face à la crise et à la survie. Chaque partie en présence est amenée à faire face seule aux coûts de transaction élevés occasionnés par l’insécurité contractuelle. Pour réduire les coûts de transactions, en relation avec la confiance, chaque partie a inséré le CS (famille, communauté, réseaux, etc.) dans ses activités ou dans le contrat. Quels sont le contenu et les mécanismes du CS utilisés par chaque partie pour réduire les asymétries d’information ? Le dernier chapitre 6 va proposer quelques éléments et pistes de recherches en faveur du développement économique et social du SI.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie I

Transformations et évolutions de l’analyse du marché

du travail informel urbain

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

Après les indépendances, les modèles de croissance préconisés dans les PED étaient ceux fondés sur la modernisation de l’économie fortement capitaliste. Dans les années 60-70, le courant économique dominant était basé sur les modèles dualistes. Pour eux, l’exode rural aggrave le chômage urbain. Le rôle du SI et donc de l’emploi informel n’était pas considéré. Dans les années 70-80, l’accent a été mis sur l’importance du SI et l’inefficacité de l’État dans l’application des lois et des règlements. Le SI était encore considéré comme hors la loi à l’époque, l’analyse était orientée vers la suppression des activités de ce secteur. Dans les années 80-90, le SI est considéré comme une alternative pour la relance de l’économie des PED. Car le poids des dettes et les mesures des Programmes d’ajustements structurels, PAS, ont aggravé le chômage et ses conséquences sociales. Le SI est considéré comme porte de sortie pour y faire face. Depuis les années 90 et 2000, les pouvoirs publics et les institutions internationales changent véritablement d’attitude vis-à-vis du SI. Il est constaté la mise en place encore timide de programmes multidimensionnels en vue d’un soutien en faveur des activités du SI. Depuis les années 90, les débats tournent autour du contenu des programmes à mettre en place. Toutefois, les nouvelles raisons d’un tel changement d’attitude sont – de plus en plus – multiples : récession mondiale et les PAS, guerres à répétition, avènement de la démocratie, corruption endémique, crise financière…

Depuis plusieurs décennies, le SI s’est, non seulement maintenu, mais il a même pris de l’ampleur et a aussi changé. Il en est de même du contexte économique dans lequel il évolue. Son profil et sa dynamique varient selon les pays, en fonction de certaines caractéristiques : types d’activités, effectifs des différentes catégories de travailleurs, répartition du travail entre les hommes et les femmes, etc. En remontant depuis les années 50, on s’aperçoit dans la littérature que le SI possède une logique et une dynamique propre, et peut offrir une alternative, une autre porte de sortie à la crise économique. Les économistes néo-libéraux ont une approche fondée sur la logique productive du SI. Cette logique serait donc fondée sur le chômage urbain, résultat d’un exode rural et de la croissance démographique. La place importante accordée à l’économie informelle dans les années 60 est en grande partie représentée par les travaux de Harris-Todaro (1969, 1970) sur le chômage urbain en Afrique. L’informel est donc considéré comme pourvoyeur d’emplois urbains qui assureraient la subsistance du groupe familial en ville, au regard de la capacité d’emploi limitée du SF. Il est aussi considéré comme un secteur résiduel, de transition devant disparaître avec le développement du SF. Mais dans les années 80, le SI n’a pas disparu, il s’est même renforcé, sa conception a évolué.

Les libéraux ou les légalistes (De Soto) reconnaissent à ce secteur son dynamisme et sa flexibilité qui le rendent plus apte que le SF à faire face à la crise. Mais il est cependant contraint à l’informalité et à l’illégalité par excès de la réglementation qui engendre des coûts excessifs de formalisation (De Soto, 1996). Les néo-marxistes (Portes, 1995) dans un premier temps, ont épousé une approche comparable à celle des néo-libéraux. Mais ils se situent dans une mouvance fonctionnaliste et universaliste, où le SI est perçu comme un secteur exploité par le capital périphérique à travers la fourniture de biens et de main-d’œuvre bon marché. Cette conception a évolué dans les années 80 sous l’impulsion des auteurs structuralistes (voir Portes, 1995). Ils replacent la crise actuelle dans une perspective régulationniste, se référant à la tendance inhérente du capitalisme à générer des crises périodiques. Ils analysent alors l’informalisation dans des situations concrètes comme un processus socio-économique et historique rentrant dans la stratégie globale de restructuration du SF face à la crise.

Dans la littérature, sur le plan méthodologique, il en ressort selon Lachaud (1987) que « l’informalisation revêt deux principales formes : l’ajustement par le marché qui est le résultat de la réaction des individus et des groupes sociaux aux effets de la crise, notamment aux effets sur leurs revenus. Le marché informel serait donc considéré comme plus flexible que le marché formel, parce que peu réglementé ; l’ajustement par l’État est le résultat d’une politique spécifique de restructuration du SF face à la crise. L’économie informelle réagirait donc positivement aux mesures de libéralisation et de déréglementation prises par l’État ». Le but de cette partie est d’analyser l’évolution du concept de SI. Elle se focalise autour de : la définition du SI qui ne fait pas l’unanimité, les caractéristiques de ce secteur, le contenu des activités, la segmentation, la flexibilité de ses modes de fonctionnement, la place qu’il occupe dans l’environnement économique et social (chapitre 1). Les migrations rurales urbaines aggraveraient les conditions de vie déjà difficiles en ville, notamment le niveau du chômage. Le SI informel ne permet-il pas d’intégrer les migrants et, du coup, de baisser le niveau du chômage urbain (chapitre 2) ? L’informel, de manière générale, fonctionne en dehors du cadre réglementaire et institutionnel. Des chercheurs (comme Lachaud) se posent une série de questions : « faut-il croire que ce cadre constitue un blocage du SI ? Ou bien faut-il penser que l’informel se serait fondé sur une absence de régularité institutionnelle et que cela constitue ou pas son seul blocage » ? Un autre constat viendrait du fait que le dynamisme des informels se mesure à travers le phénomène évoqué par Schumpeter des destructions et des créations d’entreprises. Peut-on mettre cela sur le dos des contraintes institutionnelles ? (chapitre3).

 

 

 

 

 

 

Chapitre 1

L’analyse des caractéristiques passées et actuelles du secteur informel urbain

 

 

 

Le concept de SI apparaît pour la première fois dans les études du BIT de 1971 sur le Ghana et le Kenya. Cette étude constatait implicitement l’existence des emplois informels et du SI. Depuis, nombreux sont ceux qui ont tenté de définir l’informel : par les conditions de travail, par l’absence d’inscription légale ou fiscale, par la dimension de l’entreprise. Nombreuses aussi sont les expressions utilisées pour qualifier ce secteur : traditionnel par opposition à moderne, souterrain, parallèle, alternatif, populaire, marginal, invisible, illégal, noir, « système D » ou de débrouille, etc. Dans tous les cas, pour Lachaud, la question reste ouverte : « existe-t-il un secteur de l’économie qui puisse être considéré comme suffisamment distinct (et selon quels critères) pour constituer une catégorie d’analyse séparée » ? Il s’agit là d’une grande confusion, poursuit l’auteur, notamment dans les termes utilisés : « certains évoquent le point de vue neutre de la statistique (économie) non enregistrée ; d’autres font référence à des pratiques délibérément occultées (clandestine, souterraine) ; d’autres enfin désignent un espace alternatif à la logique économique capitaliste (parallèle, économie populaire) ». Bien d’autres domaines échappent à la « modernité », ce qui justifie de parler de secteur. Finalement, « l’économie informelle ne se laisse pas enfermer dans une définition stricte englobant tous les cas particuliers ». Il est dans ce cas très important de bien comprendre, pour mieux agir.

Ainsi, ce chapitre 1 a pour but de faire l’inventaire de la littérature sur l’origine, les définitions et les débats autour du SI. Ainsi sera faite, une analyse du marché du travail informel, sur les limites que rencontre le SIU. En effet, Lachaud (1987-1988) indique que « la définition de ce dernier a connu l’utilisation de plusieurs termes, et ceux-ci ne font pas toujours l’unanimité ». Les économies des PED font donc apparaître deux ou trois secteurs : formel, informel et rural. Peut-on vraiment parler comme l’indique Lachaud d’« une catégorisation sectorielle de ces économies ? Ou alors considérer cette catégorisation dans toute sa complémentarité malgré leurs différences et leurs concurrences ».

Quant à la définition de cette théorie, cet auteur pense qu’« elle n’est pas à proprement parler un concept. Cette qualification est négative « non-structuré »”, « informel », mais son mérite est de dévoiler un domaine resté ignoré ». Cette qualification poursuit Lachaud montre « qu’il s’agit de tracer une limite en deçà de laquelle certains concepts et certaines analyses sont opératoires ». Cependant, les raisons de cette négation et de la fixation d’une telle limite sont probablement à chercher dans l’origine du phénomène et dans les circonstances de son apparition, indique cet auteur (objet de la section 1). Dans la littérature, le SI débouche sur une très grande hétérogénéité des activités informelles. Toutefois, les causes du travail informel sont multiples et variées (section 2). Les liens entre SI et SF sont très diversifiés, il en est de même des difficultés rencontrées par le SI dans l’environnement économique et social (section 3).

 

Section 1 : Le concept de secteur informel

 

L’économie urbaine dans les pays d’AF se caractérise par deux secteurs : le SF ou organisé ou encore structuré et le SI constitué de petits producteurs, d’artisans, et petits commerçants et d’une multitude de services de toutes sortes. Lachaud montre que, toutefois, « le SI apparaît comme un déviant de logique et ne respect aucune règle de l’économie formelle. Ce secteur est très diversifié au niveau des activités et des formes de production qui le composent ». Il pose une série de questions concernant ce secteur. « Faut-il utiliser les critères statistiques pour le définir ? Ce serait donner une définition trop partielle du phénomène selon lui. Faut-il le définir par les facilités d’entrée qui semblent le caractériser » ? L’appréhension de ce concept est très difficile, poursuit-il. Comme lui, cette contribution tentera d’aborder ce problème en commençant par un état des lieux des débats sur ce concept puis il sera question d’étudier ses origines, son histoire, puis la multiplication des termes. Une tentative de synthèse sur les définitions de ce concept sera présentée. Enfin, les choix conceptuels et méthodologiques seront abordés.

 

1.Les généralités

 

À l’origine, le SI était considéré comme les activités de petite taille qui servaient de revenus de subsistance aux nouveaux migrants dans les villes, produit de l’exode rural dans les années 60-70. Puis, cette notion s’est étendue à toutes les petites activités qui se sont multipliées avec la montée du chômage. Les travailleurs du SI exercent à titre indépendant ou familial. Ces activités sont caractérisées par : capital modeste, revenus faibles, peu de main-d’œuvre qualifiée, accès limités aux marchés organisés et à la technologie, conditions de travail précaires… Elles échappent pour l’essentiel aux statistiques et aux réglementations publiques et ne bénéficient pas des systèmes classiques de protection sociale.

Au départ, les études en termes de secteur non-structuré étaient confondues avec les méthodes d’analyse dualiste. Cela peut s’observer au travers des travaux pionniers menés dans ce domaine. Geertz (1963) distinguait deux modes de production juxtaposés dans les villes du tiers monde, qu’il décrivait comme « une économie axée sur l’entreprise et une économie de type bazar »1. McGee (1971), un peu plus tard, pense « à l’existence de deux systèmes de production juxtaposés : l’un dérivant des formes de production capitalistes et l’autre des formes de production paysannes ». Cette analyse vient du fait qu’il s’étonnait pour sa part, du paradoxe provoqué par la transposition du mode de vie rural en zone urbaine.

Depuis son origine, pour Lachaud (1987), « le concept de SI est souvent assimilé à la pauvreté, au sous-emploi et au chômage : confusion regrettable, car si les phénomènes se recoupent, ce n’est qu’en partie et, sans que l’on puisse généraliser, il existe quelques évidences empiriques indiquant que leur intersection ne constitue pas toujours, ni même souvent, l’aspect essentiel de ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler SI ». Cette ambiguïté prend naissance dans l’origine même de ce concept et dans les définitions successives – et parfois contradictoires – qui ont été données au phénomène (Turnham et al. 1990). « Ces définitions sont liées à l’existence et au contenu des sources statistiques disponibles et utilisées en vue de mesurer le phénomène, sources qui ont pu orienter par la suite les méthodes d’investigation spécifiques mises en œuvre pour appréhender le SI » (Lachaud).

L’économie urbaine des PED a suscité une invention de nouveaux termes. « C’est le problème de la prolifération des termes admis pour qualifier le même phénomène qui a pris des proportions inimaginables », comme l’évoque Lachaud. La définition du SI est fondée sur des termes qui ne sont pas clairs. Le terme « informel » est le plus utilisé et il est admis par le BIT. Ce terme est apparu chez certains anthropologues au début des années 60. Il avait une signification quasiment à son usage courant dans les études sur le développement de l’emploi, Hart (1971)2 l’applique aux activités du secteur urbain « traditionnel ou paysan ». Comment peut-on savoir si l’incertitude terminologique qui préside à la définition de ce secteur aurait une origine intéressée ? La réponse est positive pour Hugon. Par contre, il (1982)3 pense que « dans ces conditions la définition donnée ou le terme choisi est fonction de l’objectif poursuivi ». Les termes « informel » et « non -structuré » choisis par les organismes internationaux (le B.I.T. notamment) renvoient implicitement à la théorie de la forme évoquée, notamment par Hugon (1980)4. Les frontières délimitant les deux secteurs sont elles-mêmes imprécises, ce qui rend encore plus incertaine une délimitation conceptuelle du phénomène, Charmes (1980, 87).

Le terme « informel » est une traduction littérale de l’anglo-saxon « informal », utilisé par Hart (1971). Le terme « informal » signifie « irrégulier » ou « sans cérémonie ». La remise en cause de ce concept a fait l’objet d’une étude sérieuse par Rey (1995). Selon lui, « ce terme renvoie donc à l’absence de caractère officiel et pas forcément à l’absence de forme ». C’est pour cela qu’un certain nombre d’auteurs préfèrent parler de secteur « non-structuré ». Cependant, Abdoulaye Niang (1988) et Fatou (1991) se démarquent un peu des autres. Ils nous font remarquer qu’ils préfèrent, eux, parler du secteur « paracapitaliste » et le capitalisme lui-même. « Dans le secteur paracapitaliste, les instruments de production peuvent donner l’impression qu’on est dans une entreprise capitaliste, mais la finalité de cette production, les principes de compétition entre l’unité de production, le recrutement de la force de travail et sa reproduction ne sont pas capitalistes ».

Toutefois, pour des raisons de commodité sera utilisé le terme de « secteur informel ». En effet, la plupart des analyses francophones et des traductions françaises l’utilisent. Au terme de cette analyse, « la détermination théorique du SI ne paraît nulle part évidente, mais que la nature de l’entreprise appartenant à ce secteur peut souffrir du caractère instinctif de sa classification » Lachaud (1987).

 

2.Définitions, caractéristiques et ampleur du phénomène du secteur informel

 

Ce secteur a d’abord été considéré comme un accident dans le processus de construction d’une économie moderne dans les PED. Mais il s’est montré fort dans une dynamique d’expansion et de renforcement, à long terme, dans l’emploi de la population active (Kanté, 2002). Au final, il existe tout de même plusieurs définitions :

– De nombreux débats ont eu lieu sur le bien-fondé de cette définition, notamment sur le fait que les unités du SI respectaient ou non les réglementations administratives et fiscales en vigueur. Il s’agissait de ne pas confondre SI et économie souterraine ou dissimulée. Ces débats ont également porté sur la caractérisation de l’activité économique et de l’utilité sociale du secteur.

– Le SI peut être vu comme « un secteur composé d’entreprises employant moins de dix personnes, échappant à toute réglementation administrative et juridique, employant une main-d’œuvre familiale, appliquant des souplesses, recourant à des sources informelles de crédit et fabriquant des produits finalisés. Les travailleurs de ce secteur ont rarement accès à l’enseignement scolaire, utilisent peu d’énergie électrique et mènent des activités semi-permanentes » (Sethuraman, 1976 in Ministère des Affaires Étrangères, MAE, 1999).

– Ce secteur est composé d’activités économiques non officiellement déclarées, mais admises par les pouvoirs publics parce qu’elles contribuent à absorber le chômage (Matmati, 2005).

« Ces définitions montrent la diversité de perception de ce secteur en fonction des motivations de recherche. Elles se font sur deux aspects : soit par l’emploi, soit par l’entreprise » comme l’indique Charmes (2005).

C’est pour cela que Trehlke (1988) pense qu’« il n’existe pas de définitions précises du SI de sorte qu’il est difficile de comparer les études qui s’y rapportent et de même les caractéristiques générées par ces définitions ».

Cependant, un consensus semble se dégager autour des éléments mentionnés par Akani (1996) pour définir le SI :

– « Organisation tacite du travail : chaque membre du groupe sait ce qu’il faut faire à un moment déterminé, à qui il faut demander tel outil, où orienter telle personne » ;

– « Groupe homogène d’employés : il faut entendre la transversalité des aptitudes et des qualifications au sein du groupe. Chaque membre du groupe est capable de remplacer un autre » ;

– « Les rapports humains sont très courtois, mais basés sur la hiérarchie fondée sur la durée dans le métier, mais aussi sur la conscience professionnelle » ;

– « Le travail est une nécessité, un acte permettant de disposer de moyen de vivre ».

Quant à la nouvelle définition « statistique » du SI selon AFD (2006), Walther (2006) et les Nations Unies (2007), elle est issue de la conférence internationale des statisticiens du travail qui a adopté en 1993, une définition opérationnelle. « Le SI est un sous-ensemble du secteur institutionnel des ménages en comptabilité nationale. Il regroupe une partie des entreprises individuelles qui se différencient des sociétés et quasi-sociétés. En effet, les entreprises de ce secteur n’ont pas un ensemble complet de comptes, de personnes morales distinctes des ménages dont elles dépendent ». Elles répondent donc aux critères suivants :

– Entreprises familiales ou informelles de personnes travaillant pour leur propre compte, n’ont pas de salariés à durée indéterminée, peuvent avoir des aidants familiaux et des salariés occasionnels ;

– Les micro-entreprises ou « entreprises d’employeurs informels » : il s’agit d’entreprises individuelles employant un ou plusieurs salariés de manière continue.

En général, ce secteur est à décrire comme un ensemble d’entreprises qui produisent des biens ou des services dans le but premier de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées. Ces unités ont un faible niveau d’organisation, opèrent à petite échelle et de manière spécifique, avec peu ou pas de division du travail et du capital en tant que facteurs de production. Les relations d’emploi sont fondées sur l’emploi occasionnel, la parenté ou les relations personnelles et sociales. Il y a aussi une absence de contrats avec des garanties formelles, et une domination d’unités présentant les caractéristiques d’entreprises individuelles.

Dans la littérature, des études de grande envergure réalisées par le BIT, OCDE… ont révélé que « les notions d’économie informelle et de formes irrégulières d’emploi étaient définies par les systèmes réglementaires. Il n’existe pas de travail illégal dans le contexte africain où le laxisme de l’État est presque total, où parfois une absence totale de l’application des règles est enregistrée. Par conséquent, certaines activités économiques peuvent être considérées comme illégales dans certains pays/continents, et légales dans d’autres. Il est donc difficile d’établir une définition commune au niveau de l’AF voire au niveau mondial ». Toutes ces tentatives de définitions avaient une plate-forme commune caractérisée par : l’absence de directives sur l’exclusion/l’inclusion des activités illicites du/dans le champ du SI ; l’exclusion des activités agricoles et de ce point de vue, il convient de signaler que le SI, objet dans diverses investigations statistiques, est non agricole. En toute rigueur rien ne s’oppose à l’inclusion dans le SI des entreprises familiales exerçant des activités agricoles. Pour Charmes et Grais (1994), cette déviation « ne peut s’expliquer que par le coût financier énorme qu’engendrent les recensements et les enquêtes agricoles. L’exclusion du secteur agricole répond beaucoup plus à des commodités d’ordre statistique ».

Les développements récents (2002) sur ce secteur élargissent le SI aux emplois informels. L’emploi informel est donc un concept qui englobe le SI et l’emploi précaire non protégé. Le concept de SI se réfère aux unités de production comme unités d’observation, tandis que le concept d’emploi informel se réfère aux emplois comme unités d’observation. Tel qu’il est défini, l’emploi informel n’est pas facile à mesurer.

De nos jours, plusieurs études cherchent davantage à distinguer l’emploi informel du SI. Le BIT (2002) définit l’emploi informel par les caractéristiques de l’emploi occupé. Il s’agit du non-enregistrement, de l’absence de contrat ou de protection sociale (emplois non protégés). Le SI se définit par les caractéristiques de l’unité économique dans laquelle travaille la personne, l’emploi informel étant considéré comme une de ses composantes (Charmes 2003).

L’économie informelle comporte quatre composantes : la production du SI, l’économie souterraine, la production illégale, et la production pour usage final propre (Charmes 2003). L’auteur poursuit et indique que « les activités SI ne sont pas toujours caractérisées par une volonté délibérée de se cacher et de violer les obligations légales. Ce qui n’est pas le cas des activités illégales ou de l’économie informelle. Quant à l’économie souterraine, elle se caractérise par une pratique d’activités qui se cachent et échappent à la réglementation définie par l’État (paiement des impôts, de taxes, charges sociales, salaire minimum, etc.) ». En ce qui concerne l’économie illégale, poursuit-il, « elle regroupe les activités interdites par la loi (drogue, prostitution…). Elles sont exercées par des personnes non autorisées (exercice illégal de la médecine). Il peut s’agir aussi des activités de la contrebande, de la contrefaçon, de la corruption ou le recel de biens volés. Malgré l’interdiction, ces activités sont exercées au grand jour. La production pour usage final propre est une composante non marchande importante de la production de biens par les ménages ».

Lachaud montre qu’« au niveau de la segmentation et de l’hétérogénéité du SI, celui-ci regroupe principalement des unités de production de biens et services et des activités précaires de subsistance qui répondent parfois à des besoins de survie ». En termes de classification, poursuit cet auteur, « les activités informelles recouvrent l’essentiel de l’activité agricole et une part dominante des activités urbaines de commerce, de transport, de service, d’artisanat et même souvent de la petite industrie manufacturière ». Le secteur tertiaire (commerce et transport) est dominant du point de vue des actifs employés, mais l’artisanat avec plusieurs corps répertoriés notamment au Congo-Brazzaville (voir chapitre 4) est largement majoritaire sur le plan du nombre d’activités recouvertes. Les travailleurs du secteur informel (SI) peuvent être divisés en trois catégories :

– Les dirigeants de micro-entreprises : ils possèdent leur propre structure et emploient peu de travailleurs ou d’apprentis. Parfois, ils font appel aux membres de leurs familles du fait de leur petite taille ;

– Les travailleurs indépendants : c’est dans cette catégorie que le SI est le plus fréquent. Ces travailleurs (souvent les femmes) exercent le plus souvent une activité seuls, parfois avec des employés pas bien ou mal rémunérés (apprentis, membres de leurs familles). Leurs besoins sont nombreux : ils manquent de crédit, de formation, d’accès aux matières premières, d’accès aux marchés et d’accès aux différents services tels que logement, eau, électricité ;

– Les travailleurs dépendants : ils travaillent pour le compte d’autrui sans contrat de travail adéquat. Ils comprennent : les sous-traitants, les travailleurs saisonniers, les travailleurs réguliers, les travailleurs à domicile et les employés domestiques. Ils souffrent de l’accès à la formation, à la protection sociale, à un niveau de revenus suffisant, à une sécurité de l’emploi. Dans cette catégorie, les femmes et parfois les enfants sont sur-représentés.

Lachaud et Charmes montrent que « cette classification, qui est plus analytique, ne reflète pas la complexité de la situation dans la mesure où il existe une forte mobilité de travailleurs entre le SF et le SI. Néanmoins, elle indique que la dualité patron-travailleur est loin d’être nette dans l’informel ».

Cette contribution note une absence de consensus autour du concept de SI. De manière générale, il existe deux grandes familles de chercheurs dans le domaine de l’économie informelle : ceux qui souhaitent mettre en évidence certaines pratiques volontairement occultées par l’entrepreneur et qui ont une vision négative des activités du SI ; ceux qui accordent une importance au comportement des agents, mais qui délaissent la vision juridique au profit d’une vision socio-économique. Ils désignent alors un mode de production spécifique (on étudie l’organisation sociale, les réseaux de solidarité, les origines culturelles…).

Au regard de ces définitions dans la littérature, une synthèse s’impose, plusieurs types de définitions ont été données au SI qu’on peut rattacher à des thèses ou à des écoles de pensée bien identifiées :

– Les définitions multicritères rejoignent – sinon s’inspirent – de la théorie classique de la concurrence. En effet, ces définitions trouvent dans le SI une façon d’illustrer l’économie de marché (pure et parfaite). Toutefois, ce marché est segmenté, il n’est pas directement rattaché au marché formel. On peut associer ici : le rapport du BIT sur le Kenya, l’analyse de Sethuraman. Dans l’ensemble, ces définitions peuvent être qualifiées de dualistes ;

– Les keynésiens et les monétaristes ont énoncé une analyse particulière à ce sujet. Cependant, pour le planificateur, le SI représente la mousse dans laquelle se perdent les effets multiplicatifs. C’est pour cette raison que le SI rend inefficace des mesures de l’État. Il est même la cause d’une mauvaise appréciation de ces interventions étatiques. Fields (1990) note que la sous-estimation de la masse monétaire qu’il représente est d’autant moins négligeable et excusable que sa vitesse de circulation est manifestement très rapide.

En 2017, la donne change et des institutions comme le FMI commencent à vouloir faire du SI un levier de croissance pour le continent africain. Quelles sont les raisons de ce basculement de point de vue ? Le FMI a récemment publié un classement qui calcule pays par pays l’importance du SI dans les économies africaines, où sa contribution au PIB s’échelonne entre 25 % et 65 % et où il représente entre 30 % et 90 % de l’emploi non agricole.

– Pour commencer, le FMI a redéfini le cadre du SI, « ce terme englobe les entreprises familiales qui produisent une certaine valeur marchande sans être enregistrées et plus largement, la production souterraine résultant d’activités productives qui sont le fait d’entreprises enregistrées, mais peuvent ne pas être déclarées aux autorités en vue d’échapper à la réglementation ou à l’impôt, ou parce qu’elles sont simplement illégales. » (Forson, 2017). Exemple au Sénégal, où selon le Recensement Général des Entreprises (RGE) publié à la fin du premier trimestre 2017, « sur quelque 407 000 unités économiques (allant des micro-entreprises aux grands groupes) dénombrées dans le pays, plus de la moitié exercent leur activité dans le commerce ». Or « plus de 96 % sont des entreprises individuelles et 97 % des unités économiques recensées sont informelles », d’après cette enquête réalisée par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), à partir des données de 2015. Commerçants, ferrailleurs, mécaniciens, plombiers, maçons, chauffeurs, taxis, artisans, couturiers… voilà une liste de métiers qu’occupent les personnes dans l’informel, parfois en plus de fonctions plus officielles. Pendant des décennies « injonction avait été faite aux États de formaliser certaines de ses activités. Derrière cette volonté se cachait aussi l’enjeu de la bancarisation des populations africaines. En vain ». Ces stratégies ne sont pas révélées efficaces. Car le SI sert d’amortisseur social.

– Selon Forson (2017), le FMI a tenu compte de ce facteur et a donc fixé son propre cadre pour établir son classement. Ainsi, dans la dernière édition des Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne, « le Fonds a consacré un focus au SI comportant aussi des analyses d’experts pour en comprendre l’évolution. Il en ressort ainsi que si la part de l’économie informelle décroît quand le niveau de développement augmente, la plupart des pays subsahariens devraient conserver des SI importants pendant encore de nombreuses années, ce qui est à la fois une chance et un défi pour les responsables de la politique économique, expliquent les rédacteurs de la note économique du FMI ».

– Nous avons déjà indiqué que Keith Hart (1972) est à l’origine de ce concept au Ghana. Il sera suivi par le Bureau international au Kenya au début des années 1970. Mais le débat a rebondi depuis la décennie des années 2000, aujourd’hui, avec les discussions actuelles sur les concepts d’emploi informel et d’économie informelle qui ont été des thèmes centraux de la Conférence Internationale du Travail de juin 2002 et ont fait l’objet de nouvelles définitions et recommandations lors de la dernière Conférence Internationale des Statisticiens du Travail en 2003. « Le SI se caractériserait ainsi d’une façon générale comme l’ensemble d’unités produisant des biens et des services dans le but principalement de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées » (Charmes, 2002). Ces unités opèrent à petite échelle et la facilité d’accès constitue l’une des principales caractéristiques de ce secteur : tous ceux qui y veulent un emploi peuvent en obtenir. Les obstacles à l’entrée dans ces professions sont « quasi » inexistants. « Le SI comprend : d’une part, les entreprises informelles de travailleurs à compte propre pouvant employer des travailleurs familiaux non rémunérés et des salariés occasionnels et d’autre part, les entreprises d’employeurs informels qui peuvent employer au moins un salarié sur une base permanente » (Charmes, 2002). Cet auteur ajoute en 2003.que ces entreprises satisfont à un ou plusieurs des critères suivants : une taille de l’établissement inférieure à un certain nombre d’emplois (ce critère est défini dans les législations nationales ou les pratiques statistiques), le non-enregistrement de l’entreprise ou de ses salariés…

– Au final, cette « nouvelle » définition permet d’inclure les emplois qui se situent aussi bien dans les entreprises informelles qu’en dehors de celles-ci : « l’emploi informel comprend le nombre total d’emplois informels, qu’ils soient exercés dans des entreprises du secteur formel, des entreprises du SI ou des ménages, pendant une période de référence donnée » (Hussmanns, 2004). L’emploi informel se définit par les caractéristiques de l’emploi occupé, « en l’occurrence le non-enregistrement, l’absence de contrat ou de protection sociale, c’est-à-dire les emplois non protégés. Le SI se définit par les caractéristiques de l’unité économique dans laquelle travaille la personne et demeure une de ses composantes » (Charmes, 2002). Cette définition centrée sur l’emploi permet de reconnaître l’existence de situation comme celle d’entreprises formelles embauchant quelquefois des travailleurs de manière informelle dans l’optique d’échapper aux paiements des cotisations de sécurité sociale, aux indemnités de licenciement, etc.… C’est donc le cas des entreprises du formel qui embauchent les tâcherons par exemple. Ces derniers ne sont pas déclarés, ni à l’État puisqu’ils n’ont pas de contrats, ni aux caisses de retraite puisque les cotisations sociales ne sont pas versées.

– Selon « le classement des pays comme l’île Maurice, l’Afrique du Sud ou encore la Namibie sont ceux où le pourcentage du SI dans l’économie est le plus faible. Il varie entre 20 et 25 % du PIB. Alors que dans d’autres pays tels que le Bénin, la Tanzanie ou le Nigeria, le poids de l’informel représente jusqu’à 50, voire 65 % du PIB. Des chiffres qui démontrent une grande hétérogénéité de l’économie informelle en Afrique subsaharienne ». « Dans l’acception la plus large, l’économie informelle existe à différents degrés dans tous les pays, mais, dans sa définition plus étroite, elle concerne sans doute davantage les pays à faible revenu », détaille le rapport. « Ce qui explique la présence des pays exportateurs de pétrole et ceux des économies fragiles dans le haut du classement concernant le poids de l’informel dans le PIB. Et ce, indépendamment du niveau de revenu par habitant. » (Forson, 2017)

L’Afrique subsaharienne est l’une des régions où l’économie informelle pèse le plus avec une moyenne d’environ 38 % du PIB entre 2010 et 2014 contre 34 % pour l’Asie du Sud-Est et 23 % pour l’Europe. Le continent africain n’est devancé que par l’Amérique latine (40 %).

Par ailleurs, l’amplitude et la taille du SI sont impressionnantes. Bien saisir la dynamique d’expansion du SI revient à comprendre les variables de la population concernée. Entre 1980 et 1993, la population urbaine africaine a fortement augmenté. En 1994, selon Maldonado et al (1999), « les taux d’urbanisation les plus élevés sont : Congo-Brazzaville (58 %), Côte d’Ivoire (43 %), Gabon (49 %), Sénégal (42 %). Les plus faibles sont : Tchad (21 %), Rwanda (6 %). » Maldonado et al (2001) ont montré dans leurs enquêtes qu’entre 1990 et 1994, la croissance annuelle de la population totale de quelques pays d’Afrique subsaharienne francophone varie entre 2,5 % au Tchad, en Centrafrique et en Mauritanie, à 3,6 % en Côte d’Ivoire. Kanté (2002) indique que « la population urbaine croît en moyenne plus rapidement que la population totale, avec une pointe de 11,5 % par an au Burkina Faso, où le taux d’urbanisation atteignait 25 % en 1994. Le Congo-Brazzaville présente la proportion la plus élevée, avec presque 60 % de la population qui habite en ville ». Cette augmentation de la population urbaine, poursuivent ces auteurs, « est à mettre sur le compte des mouvements migratoires : l’exode rural dont le taux de croissance atteignait 1,4 % en 1990 au Burkina Faso, alors que la moyenne pour l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne est de 0,5 % par an ». Quant au taux d’emploi non agricole dans le SI, Charmes (1998) indique que « dans cette partie du continent, ce taux était de 66,5 % en 1980 et de 73,7 % en 1990. Le SI représentait donc – en 1990 – près de trois quarts de la population active non agricole en Afrique subsaharienne, contre plus de deux tiers une dizaine d’années auparavant ».

La nature même du travail informel rend son examen difficile. Il n’est pas facile de se prononcer avec certitude sur l’ampleur de ce phénomène, étant donné qu’il ne se prête qu’à des estimations. Quant à sa croissance, l’absence de données fiables dans beaucoup de pays rend les estimations difficiles. Toutefois, le SI a pris des proportions inimaginables, comme le soulignent les statistiques élaborées par Charmes (1998 b, 1999a, 1999 b, 2000a et 2000 c). En effet, entre 1994 et 2000, selon cet auteur, « l’emploi informel hors agriculture était en moyenne de 48 % en Afrique du Nord, 72 % en Afrique subsaharienne, 51 % en Amérique latine et de 65 % en Asie ».

Il se pose aussi un problème de méthodes d’observation, parce que les activités informelles ne peuvent pas avoir une approche uniforme. Il faudrait prendre un peu de recul vis-à-vis des résultats de certaines enquêtes sur le SI. Quelle est la pertinence des notions d’emploi, d’activité économique et de population active définies par les organisations internationales (B.I.T, ONU…) lorsqu’elles sont appliquées aux formations sociales des PED ? En effet, les activités productives féminines (commerce, vente à domicile, fabrication de beignets, etc.) posent un problème. Ces activités ne sont pas déclarées lors des enquêtes, et pourtant elles participent à l’activité productive de leur conjoint, en tant qu’aidants familiaux. Cette exclusion a des conséquences sur la connaissance des emplois créés par le SIU.

 

3. Sélections conceptuelles et méthodologiques

 

Lachaud (1987, 1988) a fait une étude intéressante sur les limites conceptuelles et méthodologiques de ce concept. Il montre « qu’au niveau des choix conceptuels le vocabulaire est exhaustif et parfois contradictoire ». Il considère « le concept de SI comme un outil d’étude reposant sur deux hypothèses : la première est que, ce secteur est considéré comme un élément structurel sur lequel on peut faire un effort de recherche. Cette reconnaissance du SI n’exclut pas l’étude de ses relations avec les autres éléments du système productif. Quoiqu’il en soit, l’approche des activités informelles représente une méthode d’analyse permettant d’appréhender les composantes fondamentales des structures productives ». La deuxième, poursuit cet auteur, est que « le concept de SI est une catégorie opérationnelle. En effet, elle adhère à certains choix méthodologiques (Recensement, Sondage questionnaire…). En effet, de manière globale, le SI regroupe un ensemble d’activités de toutes sortes qui produisent des revenus, et réalisées à petite échelle avec un salariat limité, un capital faible et en dehors de toute protection sociale ». Au final, cette définition donne lieu à diverses possibilités conceptuelles.