Consultation du CSE et négociation collective en cas de restructurations - Nadia Gssime - E-Book

Consultation du CSE et négociation collective en cas de restructurations E-Book

Nadia Gssime

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Beschreibung

Lorsque l'entreprise envisage un projet de restructuration, que ce soit une réorganisation, un transfert d'activité et de salariés, un licenciement économique collectif, un accord RCC ou un APC, l'employeur doit y associer le CSE et les organisations syndicales présentes.
Les différentes procédures de consultation du CSE et les négociations collectives doivent suivre des conditions précises, conçues afin de préserver et de concilier l'intérêt de l'entreprise et celui des salariés. Ce guide sera votre outil de référence pour comprendre et mener à bien les différentes procédures de consultation du CSE ainsi que les négociations collectives.


À PROPOS DE L'AUTRICE


Nadia Gssime docteure en droit, passionnée de droit du travail, elle a rejoint le ministère du Travail en tant que juriste expert particulièrement en droit des relations collectives du travail et des restructurations après avoir exercé plusieurs années en cabinet d'avocats et de conseil. Elle rassemble dans cet ouvrage les principes juridiques applicables, éclairés par la jurisprudence récente, ainsi que des conseils pratiques acquis au cours de sa carrière professionnelle.

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Nadia GssimeDocteur en droit, juriste expert en droit social

Consultation du CSE et négociation collective en cas de restructurations

Le guide du droit social des restructurations

2024

Principales abréviations

ANI Accord national interprofessionnel

APLD Activité partielle longuedurée

Art. Article

BC V Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambre sociale

C. com Code de commerce

C. proc. civ. Code de procédure civile

C. trav. Code du travail

CA Cour d’appel

Cass. Civ. Chambre civile de la Cour de cassation

Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation

Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassation

CCN Convention collective nationale

CE Conseil d’État

CE Comité d’entreprise

CGI Code général des impôts

CHSCT Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail

CM Congé de mobilité

CSE Comité social et économique

CSP Contrat de sécurisation professionnelle

CSS Code de la sécurité sociale

CSSCT Commission santé, sécurité et conditions de travail

Direccte Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi

DP Délégué du personnel

Dreets Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités

DS Délégué syndical

GPEC Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

IRP Institution représentative du personnel

JORF Journal officiel de la République française

OS Organisation syndicale

PASS Plafond annuel de la sécurité sociale

PSE Plan de sauvegarde de l’emploi

Pub. au bull. Publié au bulletin des arrêts de la Cour de cassation

RCC Rupture conventionnelle collective

Suiv. Suivant

UES Unité économique et sociale

PARTIE 1.LES PROJETS DE RESTRUCTURATION SOUMIS À LA CONSULTATION DUCSE

CHAPITRE 1.DÉFINITION DES PROJETS SOUMIS À LA CONSULTATION SUR LA MARCHE GÉNÉRALE DE L’ENTREPRISE

En tant qu’organe central du dialogue social dans l’entreprise, le comité social et économique (CSE) est informé et consulté sur les questions importantes pour les salariés, leur emploi et leurs conditions de travail. Le Code du travail les classe en deux catégories : d’une part, les consultations dites régulières à savoir les consultations sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière de l’entreprise et enfin la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi (C. trav., art. L. 2312-17 et suiv.) et, d’autre part, les consultations dites ponctuelles. Les consultations régulières sont organisées au moins une fois par an, sauf si un accord collectif prévoit une périodicité différente. Elles obéissent à un régime strictement défini par le Code du travail et permettent aux membres du CSE de disposer d’une information précise et régulière tant sur le plan économique que social. Elles interviennent indépendamment des consultations dites ponctuelles, qui ne sont mises en œuvre que lorsque l’entreprise envisage un projet dont l’objet justifie que les représentants du personnel soient informés puis consultés et puissent échanger avec l’employeur avant la mise en œuvre dudit projet. Les consultations ponctuelles visées par l’article L. 2312-8 relatif à la marche générale de l’entreprise et l’article L. 2312-37 du Code du travail concernent les projets de l’employeur visant à anticiper, accompagner ou réceptionner les mutations économiques, juridiques et/ ou organisationnelles dans l’entreprise. En pratique, ces consultations sont surnommées (pour des raisons historiques1) consultation au titre du Livre2.

Section 1. L’obligation de consulter le CSE avant tout projet de restructuration

§1.Le principe général de la consultation préalable duCSE

Les décisions de l’employeur sont précédées de la consultation du CSE, sauf en matière d’offre publique d’acquisition (C. trav., art. L. 2312-14). Cette disposition ne signifie pas que toutes les décisions de l’employeur sont soumises à la consultation du CSE. Elles doivent d’une part, être en lien avec l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise (C. trav., art. L. 2312-8) et, d’autre part, avoir une certaine importance ou ampleur au regard de l’entreprise, son organisation et des conditions de travail et d’emploi. En d’autres termes, dès lors que le projet envisagé par l’employeur réunit les conditions prévues par le Code du travail, il doit engager la procédure d’information et de consultation du CSE avant toute mise en œuvre du projet concerné. La consultation se distingue de la simple information dans la mesure où elle suppose que le CSE dispose d’une information suffisante pour exprimer son avis, que l’employeur doit obligatoirement solliciter au terme de la procédure. Si l’employeur met en œuvre son projet en tout ou partie avant de consulter le CSE, il commet un délit d’entrave (C. trav., art. L. 2317-1). Indépendamment des poursuites pénales qui pourraient être engagées, le CSE peut saisir le juge judiciaire en référé afin qu’il ordonne à l’employeur, le cas échéant sous astreinte, de suspendre la mise en œuvre de son projet jusqu’à la consultation régulière du comité. Dans ce cas, il y a lieu d’appliquer la procédure prévue par le Code de procédure civile, le Code du travail ne prévoyant pas de procédure spécifique.

L’obligation de la consultation préalable du CSE n’est satisfaite que lorsque l’employeur a mis en œuvre une procédure régulière, c’est-à-dire qui respecte les conditions prévues par le Code du travail, dont notamment une information et un délai suffisants.

De même, il ressort d’une décision de la Cour de cassation que l’employeur ne peut considérer que la consultation du CSE ne s’impose pas pour l’entrée en vigueur de normes à caractère réglementaires qui, certes apportent des changements dans l’entreprise mais ne sont pas édictées par lui et au contraire s’imposent à lui. La Cour considère en effet que « leur mise en œuvre était de nature à affecter les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle au sein de l’entreprise et devaient par conséquent faire l’objet d’une information-consultation du comité d’entreprise central, devenu comité social et économique central, de la société (…), peu important que leur mise en œuvre soit imposée à l’employeur et ne résulte pas d’une décision unilatérale de sa part »2. De même, dès lors que le projet intéresse la marche générale de l’entreprise, la consultation préalable du CSE s’impose « sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que la mise en œuvre de ces mesures résulte d’une décision unilatérale de l’employeur ou lui soit imposée par un accord collectif étendu »3.

Enfin, malgré le caractère obligatoire de cette consultation préalable régulière du CSE, la Cour de cassation a jugé que l’irrégularité de la procédure d’information-consultation permet seulement au CSE d’obtenir la suspension de la procédure, si elle n’est pas terminée, ou à défaut, la réparation du préjudice subi à ce titre, mais le salarié ne peut pas s’en prévaloir pour considérer que les mesures ainsi prises par l’employeur ne lui sont pas opposables4, sauf cas particulier prévu par la loi.

§2.Une obligation de consultation préalable circonscrite à certains projets

Historiquement, le Code du travail prévoyait la consultation du comité d’entreprise sur les projets intéressant la marche générale de l’entreprise. Puis, il a progressivement précisé la nature et le contenu de ces projets. Aujourd’hui, ceux-ci ont été adaptés pour le CSE et sont détaillés dans les articles L. 2312-8 et L. 2312-37 et suivants du Code du travail (modification des conditions de travail notamment dans le cadre d’une réorganisation, restructuration des effectifs, etc.). Ainsi, si le principe général de la consultation du CSE sur les projets en lien avec la marche générale de l’entreprise demeure et est souvent évoqué, les projets de l’employeur sont, souvent, rattachés aux projets et décisions spécifiquement visés par le Code du travail. Par exemple, le projet de fusion avec une autre entreprise est certes un projet intéressant la marche générale de l’entreprise, mais il peut aussi se rattacher à la modification de l’organisation économique ou juridique visée à l’article L. 2312-8. De même, la politique de gel des embauches et de non-renouvellement des CDD et contrats d’intérim peut être rattachée à la compression des effectifs visée à l’article L. 2312-375.

En outre, seules les décisions concernant un projet « important » relèvent de la compétence du CSE et sont donc soumises à sa consultation, le juge recherchant en effet « l’importance de la décision de l’employeur au regard de l’organisation, de la gestion et de la marche générale de l’entreprise »6. Les décisions de l’employeur doivent être susceptibles d’avoir un impact sur les effectifs et/ ou les conditions de travail7. Selon la Cour de cassation, la loi ne vise en effet que les décisions de l’employeur « de nature à affecter de façon importante … la marche générale de l’entreprise »8. Par exemple, tel n’est pas le cas d’un audit mis en œuvre pour apprécier, à un moment donné, l’organisation d’un service9 et qui visait seulement à analyser l’organisation du travail en vue de faire des propositions d’amélioration du service sous forme de recommandations, pour optimiser sa nouvelle organisation. À ce stade, les représentants du personnel n’ont pas à être consultés. De même, les mesures provisoires, ponctuelles ou individuelles ne sont pas soumises à la consultation préalable du CSE, sauf si celui-ci démontre qu’elles intéressent la marche générale de l’entreprise. Ainsi, les mesures qui « ont une vocation uniquement documentaire et déclinent sur un mode opératoire des normes réglementaires dont la mise en œuvre s’agissant des carnets de prescriptions au personnel (CPP) a d’ores et déjà donné lieu à information et consultation du comité central d’entreprise » n’ont pas à être soumises à la consultation du comité10.

Section 2. Le contenu des projets soumis à la consultation ponctuelle duCSE

Le Code du travail prévoit plusieurs définitions de projet obligatoirement soumis à la consultation du CSE11. Ces notions sont souvent proches, de sorte que plusieurs définitions peuvent s’appliquer à un même projet. Par exemple, un projet de l’employeur qui s’analyse en une « mise en œuvre dans l’entreprise de moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés » (C. trav., art. L. 2312-37, 1°) peut également être défini comme un « projet d’aménagement important des conditions de travail » (C. trav., art. L. 2312-8, II, 4°). Dans ce cas, ni les parties (employeur, CSE, organisations syndicales [OS], salariés) ni les juges n’ont l’obligation de viser tous les articles du Code du travail et définitions applicables à un même projet. De même, il n’existe aucune hiérarchie entre les définitions. Il suffit donc que le projet en question entre dans le champ d’application de l’un des articles du Code du travail concernés pour que l’employeur ait l’obligation de le soumettre à la consultation du CSE. Cela explique également qu’un même projet et qu’un même arrêt de la Cour de cassation puissent illustrer plusieurs définitions ou notions présentées dans le Code du travail et donc viser plusieurs articles.

Par ailleurs, eu égard à l’esprit de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, certains principes ayant prévalu pour les anciens comité d’entreprise (CE) et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) peuvent être transposés au CSE. La jurisprudence de la Cour de cassation postérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance montre que seules certaines dispositions nécessitent un ajustement des principes antérieurs. Dès lors, il sera considéré dans le cadre de la présente étude que les principes dégagés pour le CE et le CHSCT s’appliquent au CSE, à moins que les dispositions légales ou la jurisprudence relatives au CSE présentent une évolution du régime.

§1.Les projets intéressant la marche générale de l’entreprise

L’article L. 2312-8 II du Code du travail prévoit le principe général suivant : « Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise » puis il dresse une liste non limitative de projets correspondant à cette définition. Le principe général de la consultation dite sur la marche générale de l’entreprise encadre donc l’ensemble des consultations ponctuelles du CSE. Ainsi, les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise sont caractérisées soit par une combinaison des projets visés par l’article L. 2312-8 et éventuellement l’article L. 2312-37 soit par des projets qui ne correspondent à aucun de ces items précis mais s’analysent en une modification de l’organisation et de la gestion de l’entreprise et produisent des effets sur les salariés et leurs conditions de travail et/ ou l’emploi dans l’entreprise. En outre, depuis la loi dite Climat du 22 août 202112, l’article L. 2312-8 du Code du travail précise que le CSE est également informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures mentionnées au II du même article.

Pour chaque projet, le juge examine ses modalités d’application, les objectifs visés, les implications en termes financiers et structurels et surtout les conséquences pour les salariés, que ce soit sur leurs conditions de travail (temps et durée du travail, missions et fonctions des salariés, lieu de travail, organisation des équipes, etc.) ou sur leur emploi, les besoins en formation, la rémunération, etc. Ainsi, la Cour de cassation ayant constaté que dans une entreprise de transport, le passage du gazole routier au gazole non routier avait pour conséquence que les véhicules concernés n’étaient plus soumis à l’obligation de détenir un permis de conduire spécifique et que ce carburant exigeait le respect de précautions particulières, notamment dans ses conditions d’utilisation, elle en a conclu que la mesure en cause était notamment susceptible d’affecter les conditions de travail des salariés et intéressait la marche générale de l’entreprise, de sorte que le comité d’entreprise devait être consulté sur le passage au gazole non routier13.

Dans une autre affaire, le juge a observé qu’au sein de la société Enedis, filiale d’EDF, un changement de la réglementation relatif à la mise en œuvre des travaux en basse tension affectait les conditions d’exécution des travaux sous tension effectuées en basse tension, lesquelles correspondaient aux conditions générales préalables aux travaux afférents, aux modalités suivant lesquelles le travail devait être préparé puis organisé, aux conditions d’emploi des outils et aux modalités à suivre pour la bonne exécution du travail. Le juge en a conclu que la nouvelle réglementation était de nature à affecter les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle au sein de l’entreprise et devait par conséquent faire l’objet d’une information-consultation du CSE14. De même, le projet consistant en une réduction des effectifs avec suppression des postes vacants, transfert de site, etc., à la suite d’une nouvelle réglementation du gaz, intéresse la marche générale de l’entreprise15.

Enfin, dans un arrêt du 29 mars 202316, la Cour de cassation a expressément décidé, en visant l’article L. 2312-14 alinéa 3 du Code du travail, que le CSE doit être consulté sur la mise en œuvre de l’accord GPEC, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, (ou GEPP, gestion des emplois et des parcours professionnels) lorsque cette mise en œuvre répond aux critères de l’article L. 2312-8 du Code du travail, quand bien même le CSE « n’a pas à être consulté sur cette gestion prévisionnelle dans le cadre de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques ». Dans cette affaire, l’employeur avait défini, en application de l’accord GPEC, un projet qui affectait le volume ou la structure des effectifs au sens de l’article L. 2312-8 du Code du travail. Il aurait donc dû consulter le CSE sur ce projet.

À l’inverse, en présence d’un projet consistant en l’installation d’une partie des salariés sur un demi-étage supplémentaire, qui n’entraînait aucune modification, ni de l’organisation du travail, ni des conditions d’emploi ni de la durée du travail ou de volume et de structure des effectifs et alors qu’il n’était pas démontré que la location de ces bureaux était de nature à obérer la situation économique et financière de la société, le juge a décidé que le projet ne relevait pas de la consultation obligatoire du comité d’entreprise17.

§2.Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs et les projets relatifs à une restructuration et compression des effectifs

A. Les différents types de projet ayant un impact sur les effectifs de l’entreprise

Le CSE est consulté sur les « mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs » (C. trav., art. L. 2312-8). De plus, il « est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs » (C. trav., art. L. 2312-39). Il est rappelé que si les deux textes s’appliquent à un même projet, l’employeur n’organisera qu’une seule consultation.

Ainsi, l’employeur, qui met en œuvre une politique de compression des effectifs en ne procédant pas à des embauches pour remplacer les départs « naturels » des salariés (démissions, départs à la retraite ou décès), doit consulter au préalable le CSE18. La circonstance que le projet ne s’accompagne pas d’un licenciement économique a pour seul effet de dispenser l’employeur de la mise en œuvre de la procédure spécifique liée aux licenciements économiques, dite Livre 1 (élaboration d’un PSE, information de la Dreets, etc.)19. En effet, l’article L. 2312-39 précise dans son alinéa 2 que le CSE « émet un avis sur l’opération projetée et ses modalités d’application dans les conditions et délais prévus à l’article L. 1233-30, lorsqu’elle est soumise à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi. ». Il confirme donc que certains projets ne seront pas soumis à la procédure dite du Livre 1, à savoir les projets ayant un impact sur les effectifs sans entraîner de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur20.

Dès lors, le CSE est uniquement consulté dans les conditions de la procédure dite Livre 2, détaillée dans le chapitre 2 de la présente partie. Si le projet s’accompagne de plusieurs ruptures du contrat de travail pour motif économique, le CSE sera consulté au titre du Livre 2 et du Livre 1, procédure détaillée dans la partie 2 relative aux licenciements économiques collectifs.

En outre, il convient d’évoquer les projets d’externalisation d’activité, de cession d’établissement ou de service, de fermeture d’établissement ou de site, etc. En effet, ils produisent des effets sur le volume et la structure des effectifs et caractérisent également une modification de l’organisation économique et/ou juridique de l’entreprise, telle que visée par l’article L. 2312-8 du Code du travail. Ces projets peuvent être élaborés de sorte à ne pas donner lieu à des ruptures du contrat de travail pour motif économique.

Enfin, le licenciement de plusieurs salariés pour motif disciplinaire n’a pas à être soumis à la consultation du comité. Selon la Cour de cassation, il ne s’agit pas d’une mesure d’ordre économique et elle n’entre donc pas dans le champ de compétence du comité21.

B. L’exception de l’accord RCC et de l’accord de congé de mobilité

L’article L. 2312-39 du Code du travail relatif à la consultation sur la compression des effectifs précise qu’il ne s’applique pas « en cas d’accords collectifs visés aux articles L. 1237-17 et suivants ». En d’autres termes, la consultation du CSE sur les « projets de restructuration et de compression des effectifs » n’est pas mise en œuvre lors de la négociation et de la conclusion d’un accord de rupture conventionnelle collective (RCC) ou d’un accord de congé de mobilité.

L’absence de consultation obligatoire du CSE est confortée par les dispositions suivantes, lesquelles prévoient expressément une simple information du CSE en lieu et place d’une consultation : l’article L. 1237-19-1 du Code du travail énonce que l’accord RCC détermine les « modalités et conditions d’information du comité » et l’article L. 1237-18-2 du Code du travail dispose que l’accord de congé de mobilité définit « les conditions d’information des institutions représentatives du personnel ».

Enfin, l’article L. 1237-17 du Code du travail prévoit que les ruptures issues d’un accord RCC ou d’un accord de congé de mobilité « sont soumises aux dispositions de la présente section ». Ainsi, le législateur a expressément exclu l’application d’autres dispositions du Code du travail, dont celles de l’article L. 2312-8 relatives à la consultation du CSE. Il n’y aurait donc pas d’obligation pour l’employeur de demander l’avis du CSE à l’occasion d’un accord RCC ou d’un accord de congé de mobilité22. Néanmoins, l’accord lui-même peut prévoir qu’une consultation sera organisée.

En pratique, l’accord RCC peut accompagner un projet de réorganisation de l’entreprise, projet qui est souvent d’une certaine ampleur. En tant que tel, ce projet est soumis à la consultation du CSE. Dans ce contexte, l’employeur peut communiquer, en toute transparence et pour une meilleure qualité du dialogue social, sur le projet dans son ensemble. Il est donc amené à présenter l’accord RCC négocié avec les OS et demande l’avis du CSE sur le projet global.

C. Interrogation quant à l’accord de performance collective (APC)

Contrairement aux accords RCC et de congé de mobilité, le régime applicable à l’accord de performance collective ne précise rien concernant la consultation du CSE. En effet, l’article L. 2254-2 du Code du travail exclut seulement la qualification de rupture pour motif économique aux ruptures de contrat de travail intervenant en application de l’accord. Il dispense ainsi l’employeur d’organiser la procédure de consultation relative au licenciement économique collectif, dite Livre 1 (élaboration du PSE, etc.). Mais, il n’exclut pas expressément la consultation du CSE au titre des articles L. 2312-8 et/ou L. 2312-39. De même, il n’impose pas à l’accord de définir les modalités de l’information, voire de la consultation, du comité. Dès lors, il est possible de considérer que le CSE doit être consulté puisque l’accord de performance collective est une mesure de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, du moins à titre temporaire, et qu’il peut donner lieu aux ruptures du contrat de travail des salariés refusant l’application de l’accord.

En outre, la consultation du CSE pourrait également se justifier en application d’une autre disposition du Code du travail. En effet, l’accord de performance collective a pour objet d’aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition, d’aménager la rémunération ou de déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise. Ainsi, il serait possible d’invoquer un autre alinéa de l’article L. 2312-8 qui impose la consultation sur les projets relatifs aux « conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail ».

Dans tous les cas, le CSE n’aurait pas à être consulté avant la signature de l’accord, mais seulement avant sa mise en œuvre (C. trav., art. L. 2314-14).

§3.Les mesures relatives aux conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle et le projet d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail

A. Présentation des textes

Selon l’article L. 2312-8, II, 3° du Code du travail, le CSE est consulté sur les mesures relatives aux « conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ». L’article L. 2312-8, II, 4° vise également « tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ». On remarque que les deux alinéas visent les « conditions de travail »23.

Ces dispositions présentent deux difficultés : en premier lieu, la généralité des mesures visées. En effet, presque toute décision de l’employeur est susceptible d’avoir des effets sur les conditions de travail des salariés (horaires, aménagement des bureaux, process de sécurité, stabilisation d’un document type pour certaines procédures, etc.). En second lieu, certaines de ces mesures peuvent être définies par un accord collectif (accord sur le temps de travail, accord sur l’organisation de l’entreprise et les qualifications, etc.). Le CSE doit-il être consulté dans ce cas ? Il convient de répondre à ces questions au regard de la jurisprudence dégagée jusqu’à présent et de la portée des nouvelles dispositions légales24.

B. Le nécessaire caractère important du projet soumis à la consultation duCSE

Il est constant que l’employeur ne peut pas se voir imposer de soumettre toutes ses décisions au CSE avant de les mettre en œuvre. L’entreprise ne pourrait pas fonctionner, mettant en péril sa survie et la pérennité des emplois, outre que les représentants du personnel seraient vite dépassés par la charge de travail. De plus, le législateur n’a pas eu pour intention de transformer les représentants du personnel en co-décideurs, mais d’organiser leur information et leur consultation sur les projets les plus importants dans l’entreprise. C’est pourquoi, les juges examinent le contenu du projet et décident au cas par cas si la consultation du comité s’impose ou au contraire n’est pas justifiée. Pour cela, la Cour de cassation n’a pas dégagé de critères précis. Dès lors, les juges analysent chaque projet en prenant en compte plusieurs éléments : le nombre de salariés concernés, le caractère temporaire ou permanent du projet, le caractère inédit de la mesure (s’agit-il d’une nouveauté, de la reprise avec simple amélioration d’une mesure qui existait déjà, etc.), de son impact réel sur les salariés, leurs conditions de travail, leurs horaires, leur santé physique et mentale, leur rémunération,etc.

À titre d’illustration, les juges ont décidé que les projets suivants devaient être soumis à la consultation des représentants du personnel :

•Le processus décisionnel relatif au regroupement et au déménagement des salariés du site de Paris-Daumesnil sur ce nouveau site étant acquis, les sociétés convenaient que le projet serait à terme un grand projet immobilier ayant pour effet de générer une redistribution significative des espaces de travail et de leur usage pour les salariés concernés25.

•La suppression d’un établissement et son absorption pour partie par un autre établissement de l’entreprise ne constituait pas une simple mesure administrative. Ce projet emportait des conséquences sur les conditions de travail en raison d’un périmètre accru des déplacements à la suite de l’accroissement de la surface géographique de l’établissement, d’un nouveau régime des astreintes, d’une modification du rattachement hiérarchique organisationnel et des processus RH par automatisation26.

•L’installation d’un nouveau logiciel peut être un projet important modifiant les conditions de travail. En effet, ce logiciel concernait tous les salariés de l’entreprise et notamment les consultants exerçant des missions dans les entreprises clientes. Il constituait une modification de la façon dont les salariés étaient en relation avec l’employeur au plan administratif. Il modifiait également les conditions de comptabilisation du temps de travail (heures supplémentaires, astreintes, congés, récupérations…). Les salariés ne pouvaient plus inscrire les heures effectivement réalisées, si les heures complémentaires et supplémentaires n’avaient pas fait l’objet d’une validation préalable du manager27. De même, le recours à des tablettes a justifié la consultation du comité et le recours à l’expert28.

•Le projet de modification des horaires de travail visant notamment à privilégier la mise en place de cycles de travail de 12 heures au lieu de 10 induit la modification des rythmes biologiques et augmente la pénibilité au travail. Cela caractérise donc un projet important modifiant les conditions de santé et les conditions de travail des salariés dans son principe et dans son étendue29.

•La mise en place d’un dispositif de géolocalisation sur la flotte de véhicules qui permettrait potentiellement à la société de localiser les véhicules des techniciens d’intervention à tout moment est un projet important de nature à affecter les conditions de travail des salariés concernés30.

•La mise en place d’un process qui caractérise une grille d’évaluation des compétences professionnelles du personnel avec des critères qualitatifs précis et non, ainsi qu’il est prétendu, un document support à la formation des cadres destiné à améliorer l’entretien annuel d’évaluation des salariés, et ce d’autant plus que cette grille est différente de celle utilisée à l’occasion des entretiens annuels d’évaluation notifiée aux salariés, de sorte qu’elle constitue en réalité une évaluation occulte. En qualité d’outil d’évaluation, le document contenant la grille est de nature à générer une pression psychologique importante sur les salariés dès lors que sa finalité est de servir à déterminer les modalités de promotion interne. Compte tenu de son impact potentiel sur le comportement et la santé des salariés, la revue du personnel devait être présentée au comité31.

•L’abandon de l’horaire collectif au profit de l’instauration d’un horaire individualisé32, l’instauration d’une prime de productivité33.

•La décision de suppression d’un site avec nécessité d’organiser la reconversion de sept salariés34.

•Le projet impliquait une formation d’une durée d’une à deux semaines de chacun des salariés, suivie d’un entretien individuel avec le supérieur hiérarchique, une modification des horaires de travail, des référentiels des métiers, des principes de management et de la grille des entretiens d’évaluation, susceptibles d’avoir un impact sur la rémunération35.

À l’inverse, les projets suivants ne constituent pas des projets importants soumis à la consultation du comité :

•Le réaménagement de l’organigramme afin de redéfinir des divisions en prévoyant la restructuration de l’encadrement, la simplification de la gestion, mais en ne prévoyant pas de transformation des postes de travail, de changement de métier, de nouvel outil, ni de modification des cadences ou des normes de productivité36.

•La réécriture des fiches de poste qui apportent désormais davantage de précision aux différentes tâches à accomplir, mais sans modifier de manière substantiellement importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, en termes d’intensification des charges de travail et sans conséquence sur la rémunération, les titres de fonctions ou de métiers, la discipline, la responsabilité ainsi que les horaires ou les conditions de travail37.

•Le projet de réorganisation concernant deux unités de l’établissement et conduisant au transfert de 14 salariés de l’une des unités vers la seconde (simple changement d’organigramme et de management)38.

•Le projet d’installation de deux logiciels, les postes de travail n’étant pas modifiés et la mise en œuvre d’importantes mesures de formation, d’accompagnement et de tutorat du personnel ne caractérisant pas, en soi, un changement important et définitif des conditions de travail39. Il en est de même pour le projet d’harmonisation de logiciels40,

•L’introduction d’un programme informatique se traduisant en termes de conséquences mineures dans les conditions de travail directes des salariés dont les tâches vont se trouver facilitées41.

•Le déploiement de nouveaux logiciels et la fourniture aux salariés occupant des fonctions de consultant dans les entreprises clientes d’ordinateurs portables sans que ces modifications entraînent des répercussions importantes sur les conditions de travail de ces salariés en termes d’horaires, de tâches et de moyens mis à leur disposition42.

•Proposition faite à deux salariés victimes d’accident du travail d’un poste en télétravail43.

Enfin, si la réorganisation de l’entreprise conduit à la perte de la qualité d’établissement distinct, l’employeur devra mettre en œuvre la procédure prévue par les articles L. 2313-1 et suivants du Code du travail afin de constater la perte de qualité de l’un des établissements distincts, la disparition du CSE d’établissement et le rattachement des salariés à un autre établissement distinct44. Or si ladite procédure ne prévoit pas la consultation du CSE, l’employeur pourrait difficilement se dispenser de consulter le CSE restant.

C. La question de la consultation du CSE en présence d’un accord collectif

La question qui se pose est celle de savoir si un accord collectif relatif au temps de travail, à l’organisation de l’entreprise, à la formation et aux missions des salariés, etc. doit être soumis à la consultation du CSE45 après sa signature. L’article L. 2312-14 du Code du travail dispose que les projets d’accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à la consultation du CSE. Il précise que les entreprises ayant conclu un accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ne sont pas soumises, dans ce domaine, à l’obligation de consultation du CSE. La consultation n’est donc pas obligatoire avant la signature de l’accord collectif ou de son avenant ou avant la dénonciation d’un accord.

L’origine de cette disposition se trouve dans la loi Rebsamen du 17 août 201546. Celle-ci avait complété l’ancien article L. 2323-2 du Code du travail, applicable à l’ancien comité d’entreprise, avec la disposition suivante : « Les projets d’accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à l’avis du comité d’entreprise ». L’étude d’impact du projet de loi énonçait que : « l’intérêt de la consultation du CE n’apparaît plus comme avéré du fait du renforcement du lien entre comité d’entreprise et délégué syndical, et de la mesure de représentativité des organisations syndicales. Cette consultation apparaît comme une procédure formelle qui n’apporte pas d’effet utile à la procédure, dès lors que les acteurs de la négociation pour les salariés sont souvent élus au comité d’entreprise et que la mesure de l’audience des organisations syndicales est calée sur les résultats des élections du CE ». Ce document semble sous-entendre qu’aucune consultation ne doit être organisée, y compris après la signature de l’accord collectif. Mais il se fonde sur un argument « peu » juridique : la proximité entre membres du CE et délégués syndicaux. Il semble ainsi mettre de côté la différence de missions de chaque institution.

L’article L. 2312-14 alinéas 2 et 3 soulève cependant une difficulté. Faut-il comprendre que le CSE ne doit pas du tout être consulté en présence d’un accord collectif (conclu, révisé ou dénoncé) ? Ou que la loi n’a pas supprimé l’obligation de consultation du CSE, mais simplement repoussé le moment de cette consultation ? Dans ce cas, le comité serait consulté après la signature de l’accord collectif ou de son avenant de révision, ou après la notification de la dénonciation de l’accord. La question se pose particulièrement sur certains accords qui entraînent des conséquences importantes pour les salariés47, comme un accord sur l’amélioration des conditions de travail48, le temps de travail qui redéfinit les horaires, les temps de pause, le calcul des RTT, etc.49, ou encore un accord de performance collective.

Dans un arrêt du 29 mars 202350, la Cour de cassation, selon la note explicative publiée avec l’arrêt, avait été invitée « à affirmer que les décisions de l’employeur, dès lors qu’elles entraient dans le champ d’application d’un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou relevaient de sa mise en œuvre, n’étaient pas soumises, en vertu de l’article L. 2312-14, alinéa 3, du Code du travail, à l’obligation de consultation de l’article L. 2312-8 du même code sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise. ». Cependant, après examen des dispositions légales et de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, la Cour décide « qu’en application de l’article L. 2312-14, alinéa 3, du Code du travail, interprété à la lumière des articles 1, § 2, et 5 de la directive 2002/14 précitée, si, en présence d’un accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le comité social et économique n’a pas à être consulté sur cette gestion prévisionnelle dans le cadre de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques, sont, en revanche, soumises à consultation les mesures ponctuelles intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise au sens de l’article L. 2312-8 du Code du travail, notamment celles de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, quand bien même elles résulteraient de la mise en œuvre de l’accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ». Or, dans cette affaire, l’employeur avait défini, en application de l’accord GPEC, un projet qui affectait le volume ou la structure des effectifs au sens de l’article L. 2312-8 du Code du travail. Il aurait donc dû consulter le CSE sur ce projet.

Au regard des dispositions visées par l’arrêt, la Cour de cassation pourrait appliquer à tout type d’accord collectif le principe selon lequel la consultation du CSE s’impose après la signature de l’accord et avant sa mise en œuvre, dès lors que son application réunit les conditions des articles L. 2312-8 et suivants du Code du travail. La seule exception serait l’accord RCC et l’accord de congé de mobilité pour lesquels le Code du travail exclut expressément la consultation du CSE (C. trav., art. L. 1237-17 et L. 2312-39 dernier alinéa).

§4.La modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise

Le CSE est consulté sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise (C. trav., art. L. 2312-8, II, 2°). Le Code du travail ne détaille pas ce que le législateur inclut dans cette consultation. Il est possible de se référer au régime applicable à l’ancien comité d’entreprise. L’ancien article L. 2323-19 du Code du travail donnait en effet plusieurs illustrations de ces modifications. Il précisait que le comité d’entreprise était consulté notamment en cas de fusion51, de cession, de modification importante des structures de production de l’entreprise ainsi que lors de l’acquisition ou de la cession de filiales52. Enfin, l’employeur devait également consulter le comité d’entreprise lorsqu’il prenait une participation53 dans une société et l’informait d’une prise de participation dont son entreprise était l’objet. Pour ce type d’opération, la Cour de cassation avait précisé que la loi n’établissait aucune distinction selon que l’entreprise prenait une participation dans une société déjà constituée ou à constituer et qu’il n’était pas nécessaire de démontrer le caractère important du projet économique et financier54.

En application de cet article, la haute juridiction a considéré que le projet de changement d’actionnaires devait être soumis à l’avis du comité, dès lors qu’il s’analysait en une opération de restructuration et de réorganisation du groupe pouvant avoir des incidences sur les effectifs de la société55. Tel était également le cas des projets suivants : le projet de mise en location-gérance56, le projet de restructuration avec mise en place de trois sociétés57, la privatisation d’une société58 (peu importait que la décision n’ait pas été prise par le chef d’entreprise, mais résultait d’uneloi).

En outre, certains projets traduisent une modification de l’organisation économique et/ou juridique de l’entreprise, mais peuvent aussi avoir un effet sur le volume et la structure des effectifs (C. trav., art. L. 2312-8, II, 1°). De façon générale, une mesure d’externalisation d’un service ou le transfert d’une activité devra être préalablement soumise au CSE. Plus précisément, sont visés les projets suivants :

•Le projet de cession d’une partie de l’entreprise59.

•Le projet de cession d’une des activités de l’entreprise60.

•La réorganisation du service entretien et du service sécurité par le recours à des sociétés extérieures61.

•Le projet de « transfert de savoir-faire… s’accompagnant de départs en préretraite ou de détachement, au profit d’une entreprise extérieure, de salariés » et d’externalisation des services relatifs à l’administration du personnel62.

A fortiori, l’employeur devra consulter le CSE sur le projet de fermeture d’établissement même temporaire63 ou de fermeture d’entreprise64.

Pour certains projets, les juges considèrent qu’ils ne sont pas suffisamment importants pour être soumis à la consultation obligatoire du comité. Tel est le cas du changement de dirigeant65 ou d’un changement temporaire des horaires66.

Enfin, il est possible de s’interroger sur la consultation du CSE sur un projet concernant l’activité de la société mère. En effet, comme le souligne la Cour de cassation, il existe entre les sociétés d’un groupe des relations plus ou moins étroites, traduisant la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés. De sorte que de nombreuses décisions prises par la société mère peuvent avoir un impact dans les entreprises filiales. Pour autant, ces décisions ne doivent pas toutes être soumises à la consultation du comité des filiales :

•La consultation du comité d’entreprise n’est pas requise lorsque la société mère a conclu un protocole de cession avec une autre société et que les seules implications pour l’entreprise filiale étaient constituées de la cession de ses droits sur un crédit-bail d’un ensemble immobilier67.

•Le projet de réorganisation important mis en place à l’initiative de la direction du groupe Eiffage entraînait la disparition de la société CICO appelée à devenir un simple établissement de la société absorbante Forclum Île-de-France, ainsi qu’une nouvelle organisation des établissements de la société CICO et le transfert d’une partie de son personnel au service de la société Quillery, relevant d’un autre groupe. Dès lors, ce projet devait être soumis à la consultation des instances et justifiait le recours à un expert68.

À l’inverse, dans un contexte d’exercice du droit d’alerte, les juges ont considéré que le comité d’entreprise était légitime à obtenir des informations sur la stratégie de la société mère à l’égard de sa filiale compte tenu de la situation de dépendance de cette dernière69.

Enfin, lorsque l’OPA vise la société mère ayant son siège social dans un état de l’Union européenne, le CCE de la filiale doit être consulté sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs résultant des modifications de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, y compris lorsqu’une offre publique d’acquisition porte sur les titres de la société mère70.

§5.L’introduction de nouvelles technologies

Le CSE est consulté avant l’introduction de nouvelles technologies (C. trav., art. L. 2312-8, II, 4°). Sur cette consultation, les jurisprudences de la Cour de cassation sont antérieures à la création du CSE. Toutefois la reproduction des dispositions légales dans les mêmes termes permet de s’appuyer sur ces arrêts pour illustrer l’objet de cette consultation.

Les juges décident que la consultation du comité s’impose lors de l’introduction d’une nouvelle technologie auprès de salariés qui en utilisaient d’autres. C’est notamment le cas lorsque le nouveau système informatique est sensiblement différent du précédent et nécessite une formation particulière et que l’utilisation par les salariés équipés du matériel et des logiciels de l’ancien plan informatique entraîne des modifications des conditions de travail, de formation et de qualification significatives71.

Dans un arrêt du 14 mars 201872, la Cour de cassation a considéré qu’un projet est constitutif d’une nouvelle technologie, dès lors qu’il implique que les salariés soient équipés de tablettes numériques, utilisent une application spécifique et suivent une formation dédiée. Il s’agissait d’un nouvel outil pour les salariés en question73. Ce projet impliquait d’autres changements qui ont contribué à le qualifier de projet nécessitant la consultation du CHSCT. Il encourageait le nomadisme au détriment de postes sédentaires et entraînait des modifications importantes des conditions de santé ou de travail des salariés concernés.

La lecture des arrêts de la Cour de cassation montre que les parties et les juges ont très peu recours à la notion d’introduction de nouvelles technologies74. Ils privilégient le recours à l’expression « aménagement important modifiant les conditions de travail … » (C. trav., art. L. 2312-8, II, 4°) en présence d’un projet impliquant l’introduction d’un nouveau logiciel75 ou impliquant le recours à un nouveau programme informatique. En effet, de nos jours, les « nouvelles » technologies équipent de plus en plus de postes et leur mise à jour, qui est indispensable, devient une mesure de l’organisation normale de l’entreprise. Dès lors, les juges examinent le projet dans son ensemble et recherchent les conséquences concrètes pour les salariés sous l’angle de la consultation sur les projets d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail76.

Ainsi, la migration informatique prévue par l’employeur n’est pas soumise à la consultation du comité dès lors qu’il ne caractérise pas un projet d’aménagement important des conditions de travail, les deux logiciels informatiques réalisant des opérations quotidiennes qui demeuraient identiques, seules étant modifiées l’architecture et la présentation des écrans77. Les écarts techniques fonctionnels n’étaient pas significatifs d’une modification durable des conditions de travail, dès lors qu’ils étaient limités au moment de la balance informatique. Les postes de travail n’étaient pas modifiés, l’augmentation de la rentabilité et de l’efficacité des services n’avait pas d’incidence sur les conditions de travail, d’hygiène ou de sécurité. La mise en œuvre d’importantes mesures de formation, d’accompagnement et de tutorat du personnel pour lui apprendre à maîtriser rapidement ce nouveau logiciel dans un souci d’efficacité ne caractérisait pas, en soi, un changement important et définitif des conditions de travail. Enfin, l’impact sur les horaires de travail était ponctuel, limité à la période de bascule et n’affectait que le personnel d’accompagnement et de tutorat.

À l’inverse, la consultation du comité et le recours à l’expertise s’imposaient lorsque le nouveau logiciel de paie n’était pas la simple substitution ou un complément du précédent logiciel utilisé, mais qu’il mettait en place un décompte du temps de travail en heures qui n’existait pas auparavant. En outre, ce nouvel outil était susceptible de mettre en œuvre un écart entre le temps de travail prescrit et le temps de travail réellement effectué par le salarié. Il s’agissait alors d’un projet important ayant des répercussions sur les conditions de travail des salariés78.

Il en est de même du projet qui concerne l’intégralité des salariés d’un site, modifie leurs tâches, nécessite la formation de plusieurs salariés à l’utilisation directe du nouveau logiciel et entraîne une augmentation de 2 heures et 45 minutes du travail de nuit79.

§6.La mise en œuvre des moyens de contrôle de l’activité des salariés

La consultation du CSE s’impose en cas de mise en œuvre dans l’entreprise de moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés (C. trav., art. L. 2312-37, 1°). Ainsi, le comité doit être consulté sur l’installation d’un système de vidéoprotection dans un magasin80. Il en est de même lorsque la société met en place un système d’enregistrement des données qui lui permet de savoir pour chaque journée le nom du salarié qui est entré dans l’entreprise et l’heure précise à laquelle il est entré81.

Les juges vérifient que l’objectif ou l’effet du système considéré est de contrôler l’activité des salariés. Si tel n’est pas le cas, l’employeur n’a pas à consulter le comité82. De même, un audit ne doit pas être confondu avec un tel système de contrôle et d’évaluation des salariés83.

Il est aussi relevé que certains projets, qui peuvent conduire à un contrôle de l’activité des salariés, sont soumis à la consultation du comité au visa d’autres articles du Code du travail. Par exemple, la mise en place d’un dispositif de géolocalisation sur la flotte de véhicules qui permettrait potentiellement à la société de localiser les véhicules des techniciens d’intervention à tout moment est un projet important de nature à affecter les conditions de travail des salariés concernés84. Ici, ni les parties ni les juges n’ont évoqué l’article relatif à la mise en œuvre dans l’entreprise de moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés.

Par ailleurs, dans ce domaine, la loi précise que pour certains projets, l’employeur doit mettre en œuvre une simple information du CSE, donc sans demande d’avis, alors que pour d’autres, il doit engager une consultation du comité. Ainsi, le CSE est informé sur les méthodes ou techniques d’aide au recrutement des candidats à un emploi ainsi que sur toute modification de celles-ci, préalablement à leur utilisation (C. trav., art. L. 2312-38). Il est aussi informé, préalablement à leur introduction dans l’entreprise, sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci.

§7.L’opération de concentration

Selon l’article L. 2312-41 du Code du travail, l’employeur réunit et informe le CSE lorsque l’entreprise est partie à une opération de concentration, telle que définie à l’article L. 430-1 du Code de commerce. Celui-ci prévoit qu’une opération de concentration est réalisée : 1° lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ; 2° lorsqu’une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou plusieurs autres entreprises. En outre, la création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome constitue également une concentration.

La Cour de cassation a précisé que l’obligation de réunir le comité s’applique à l’ensemble des entreprises concernées par une opération de concentration. Or sont parties à une opération de concentration l’ensemble des entités économiques qui sont affectées, directement ou indirectement, par la prise de contrôle. Le comité d’une filiale n’a pas à être informé en l’absence de conséquences actuelles ou futures, mais uniquement en présence de conséquences certaines ou prévisibles de l’opération sur l’emploi et l’activité de la filiale et de ses salariés, puisque la société n’est pas partie à l’opération de concentration au sens du Code du travail85.

À l’inverse, les comités des sociétés en cause sont réunis lorsque l’opération de concentration projetée a pour effet de supprimer l’un des acteurs du marché et a une incidence sur la situation des salariés des sociétés qui, indirectement, en sont la cible86.

§8.L’offre publique d’achat(OPA)

Le Code du travail prévoit deux procédures différentes en cas d’offre publique d’achat (C. trav., art. L. 2312-37). Il distingue selon que l’entreprise est l’auteur de l’offre ou sa cible :

•L’employeur de l’entreprise sur laquelle porte l’offre et l’employeur qui est l’auteur de cette offre réunissent immédiatement leur CSE respectif pour les en informer (C. trav., art. L. 2312-42 et suiv.).

•L’employeur qui lance une offre publique d’acquisition portant sur le capital d’une entreprise n’est pas tenu de consulter le CSE avant ce lancement (C. trav., art. L. 2312-49). En revanche, il réunit le CSE dans les deux jours ouvrables suivant la publication de l’offre ou de l’annonce de l’offre.

Enfin, lorsque l’OPA concerne la société mère, la Cour de cassation considère qu’en l’absence de comité d’entreprise européen instauré par un accord précisant les modalités de l’articulation des consultations, l’institution représentative du personnel d’une société contrôlée par une société mère ayant son siège dans un autre État membre de l’Union européenne doit être consultée sur tout projet concernant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs résultant des modifications de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, y compris lorsqu’une offre publique d’acquisition porte sur les titres de la société mère87.

Section 3. Remarques sur la transition entre les anciennes instances (CE, CHSCT, etc.) et leCSE

L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales a supprimé les anciennes institutions représentatives du personnel (IRP) et leur a substitué le CSE. Selon le rapport au président de la République88, « la fusion des trois instances d’information et de consultation en une seule, le comité social et économique (CSE), pour toutes les entreprises de plus de cinquante salariés, permettra un dialogue social à la fois plus stratégique et plus concret, moins formel. Le comité social et économique aura la personnalité morale, pourra ester en justice, recourir à l’expertise et exercera l’ensemble des compétences du délégué du personnel (DP), du comité d’entreprise (CE) et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). ».

Ainsi, le CSE est supposé exercer l’ensemble des compétences du CE et du CHSCT. En effet, la fusion de ces deux instances au sein du CSE a pour effet de supprimer la difficulté qui consistait à départager ce qui relevait du CE et ce qui relevait du CHSCT. Désormais, tous les projets, quel que soit leur contenu (questions économiques, éléments en lien avec la santé et la sécurité des salariés, etc.), sont soumis à la consultation d’une seule instance.

Pourtant, les dispositions relatives aux consultations du CSE ne sont pas toujours une reprise exacte des dispositions relatives aux consultations du CE et du CHSCT. Les nouveaux textes sont plus courts et semblent viser moins de projets soumis à la consultation du CSE. Ainsi, les nouveaux articles L. 2312-8 et L. 2312-37 du Code du travail relatifs à la consultation du CSE synthétisent les anciens articles L. 2323-1, L. 2323-33, L. 2323-46 et L. 4612-8-1. En outre, l’ordonnance du 22 septembre 2017 prévoit que les stipulations des accords d’entreprise, des accords de branche et des accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large relatives aux délégués du personnel, au CE, au CHSCT, etc., cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections duCSE89.

Faut-il comprendre que le CSE a un champ de compétences plus réduit que celui du CE et du CHSCT ? Ou le législateur a simplement simplifié la rédaction des textes afin d’en conserver le principe sans en modifier la portée ? Il est probable que dans les entreprises qui fonctionnaient avec un CE et un CHSCT avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, la pratique conduise à considérer que le CSE doit être consulté sur les mêmes projets que les anciennes institutions. Les nouvelles entreprises pourraient être tentées d’avoir une interprétation plus stricte ou réduite des textes. Il faudra attendre les décisions de la Cour de cassation pour êtrefixé.

1. Dans le Code du travail antérieur à la recodification de 2008, ces consultations étaient encadrées par les dispositions contenues dans le Livre 2 du Code. La consultation au titre du licenciement économique était prévue par le Livre 1 du Code. La recodification pour les ordonnances de 2017 a mis fin à cette organisation, mais la pratique a conservé ces dénominations.

2. Cass. soc., 21 avril 2022, n°20-19.063.

3. Cass. soc., 21 nov. 2012, n°11-10.625, BC V n°302.

4. Cass. soc., 8 nov. 2017, n°16-15.584.

5. Pour une illustration, voir l’arrêt Cass. soc., 21 sept. 2022, n°21-14.605.

6. Cass. crim., 12 févr. 1991, n°89-86.881.

7. Cass. soc., 24 juin 2008, n°07-11.411, BC V n°140 ; Cass. soc., 18 juin 2003, n°01-21.424 ; Cass. soc., 12 nov. 1997, n°96-12.314, BC V n°375 ; Cass. crim., 27 mars 1990, n°89-82.951 ; etc.

8. Cass. crim., 10 mai 2011, n°09-87.558.

9. Cass. soc., 12 juill. 2010, n°09-66.339, BC V n°168.

10. Cass. soc., 21 avril 2022, n°20-19.036.

11. La consultation prévue par l’article L. 2312-37, 5° en cas de procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire ne sera pas traitée.

12. Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

13. Cass. soc., 7 juill. 2021, n°19-15.948.

14. Cass. soc., 21 avril 2022, n°20-19.063.

15. Cass. soc., 21 sept. 2022, n°21-14.605.

16. Cass. soc., 29 mars 2023, n°21-17.729 ; Cass. soc., 20 sept. 2018, n°17-14.414.

17. Cass. soc., 1er févr. 2017, n°15-22.362.

18. Cass. crim., 4 nov. 1997, n°96-84.594, BC V n°370, RJS 03/98 n°487, Rapport 1997 de la Cour de cassation, Droit Ouvrier 1998 p. 367, François Duquesne « Départs volontaires et procédures de licenciement économique » Droit Social 1995 p. 576.

19. Cass. soc., 12 janv. 1999, n°97-12.962, BC V n°17 ; Droit social 03/99 p. 297, comm. Françoise Favennec-Héry ; Yves Chauvy « La consultation du comité d’entreprise sur la modification des contrats de travail avant licenciement économique », Droit Ouvrier 1999 p. 427 ; Cass. soc., 12 juill. 2004, n°02-19.175, RJS 10/04 n°1014 ; Cass. soc., 4 avril 2006, n°04-48.055, RJS 06/06 n°709 ; Cass. crim., 4 nov. 1997, n°96-84.594, BC V n°370, RJS 03/98 n°487, Rapport 1997 de la Cour de cassation, Droit Ouvrier 1998 p. 367, François Duquesne « Départs volontaires et procédures de licenciement économique », Droit Social 1995 p. 576.

20. Cass. soc., 18 juin 2003, n°01-21.424 ; Cass. soc., 7 févr. 1996, n°93-18.756, BC V n°47, DS 05/96 p.539 ; RJS 04/96 n°417.

21. Cass. crim., 4 avril 1995, n°93-80.312, bull. crim. n°146.

22. Le Conseil d’État a évoqué dans un arrêt du 21 mars 2023 la « consultation » du CSE (CE, 21 mars 2023, CDC, n°446492). Toutefois, il n’était pas interrogé sur l’obligation de l’employeur de mettre en œuvre une consultation ou une simple information. Il n’est donc pas possible à ce stade de considérer que le Conseil a interprété les dispositions de l’article L. 1237-19-1 comme imposant une consultation du CSE, c’est-à-dire une demande d’avis.

23. Les anciens articles se retrouvaient pour le premier dans le chapitre relatif au comité d’entreprise et pour le second celui du CHSCT. Pourtant, ils visent des mesures proches, voire similaires, de sorte que les projets concernés étaient en pratique soumis à la consultation simultanée du comité d’entreprise et du CHSCT.

24. L’ancien Code du travail comportait des dispositions plus détaillées sur ce point. Ainsi, l’ancien article L. 4612-8-1 disposait que le CHSCT était consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.

25. Cass. soc., 12 mai 2021, n°19-24.692.

26. Cass. soc., 21 juin 2016, n°14-29.745.

27. Cass. soc., 11 déc. 2019, n°17-31.756.

28. Cass. soc., 14 mars 2018 n°16-27.683.

29. Cass. soc., 20 mars 2019, n°17-21.493.

30.Cass. soc., 25 janv. 2016, n°14-17.227.

31. Cass. crim., 6 juin 2023, n°22-83.037.

32.Cass. crim., 16 sept. 2003, n°02-86.661, bull. crim. n°164.

33. Cass. crim., 7 mars 2000, n°99-83.398.

34. Cass. soc., 25 oct. 2017, n°16-12.084.

35. Cass. soc., 20 juin 2018, n°16-25.499.

36. Cass. soc., 26 juin 2001, n°99-16.096.

37. Cass. soc., 6 mars 2019, n°17-19.683.

38. Cass. soc., 12 avril 2016, n°14-23.809.

39. Cass. soc., 8 févr. 2012, n°10-20.376.

40. Cass. soc., 27 juin 2012, n°10-26.248.

41. Cass. soc., 12 avril 2018, n°16-27.866.

42. Cass. soc.,8 févr. 2012, n°10-20.376.

43.Cass. crim., 9 févr. 1988, n°87-82.061, bull. crim. n°67.

44. Cass. soc., 20 oct. 2021, n°20-60.258.

45. Il est relevé que la question du caractère obligatoire ou non de la consultation du CSE est indépendante des conditions de régularité de l’accord collectif lui-même. En effet, selon la Cour de cassation, « le défaut de consultation du comité d’entreprise préalablement à la conclusion d’un accord collectif portant sur l’une des questions soumises à l’avis de ce comité, n’a pas pour effet d’entraîner la nullité ou l’inopposabilité d’un accord collectif dont la validité et la force obligatoire demeurent soumises aux règles qui lui sont propres » (Cass. soc., 5 févr. 2020, n°18-17.925).

46. Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, dite Rebsamen.

47. Voir notamment l’arrêt Cass. soc., 19 déc. 2018, n°17-22.638 pour une consultation du CHSCT sur un projet qui caractérisait une déclinaison d’un accord collectif. Dans un autre arrêt de septembre 2018, la Cour de cassation a considéré que la dénonciation d’un accord collectif prévoyant des mesures relatives à la communication syndicale et des moyens mis à disposition des organisations syndicales de l’entreprise et de leurs représentants relève des questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise et doit donc être soumis à la consultation du CE (Cass. soc., 20 sept. 2018, n°17-14.414). Toutefois, cette affaire concerne des faits antérieurs à la loi Rebsamen et l’arrêt exige donc une consultation « préalable ».

48. Dans un arrêt de décembre 2018, la Cour de cassation a décidé que le CHSCT devait être consulté sur l’accord qui prévoyait la création de nouvelles fonctions, la création d’une filière de remplaçants, l’organisation de tournées en fonction de la charge de travail, l’instauration d’une durée de travail hebdomadaire évolutive en fonction de l’activité, une offre de formation, etc. Cet accord caractérisait un projet important au sens de l’article L. 4612-8-1 du Code du travail (Cass. soc., 19 déc. 2018, nº 17-23.150).

49. D’après l’arrêt du 20 mars 2019, le projet de modification des horaires de travail, qui vise notamment à privilégier la mise en place de cycles de travail de 12 heures au lieu de 10 heures, induit la modification des rythmes biologiques et augmente la pénibilité au travail (Cass. soc., 20 mars 2019, n°17-21.493). Dans cette affaire, le projet avait été décidé unilatéralement par l’employeur. Mais, si le changement d’horaires avait été fixé par un accord collectif, alors la question de la consultation des représentants du personnel se poserait, car l’objet même du projet et ses conséquences entrent dans le champ de compétences du CSE.

50. Cass. soc., 29 mars 2023, n°21-17.729, pub. au bull.

51. Cass. crim., 13 janv. 1998 n°96-81.478, bull. crim. n° 17. 

52. Il y a filialisation lorsqu’une société acquiert plus de 50 % du capital d’une autre société (C. com., art. L 233-2).

53. Il y a prise de participation, lorsqu’une société acquiert une fraction de capital d’une autre société comprise entre 10 % et 50 % (C. com., art. L 233-2).

54. Cass. crim., 3 févr. 2004, n°03-80.784, bull. crim. n°30.

55. Cass. soc., 16 avril 1996, n°93-15.417, BC V n°163.

56. Cass. soc., 6 juill. 1999, n° 97-21.742, BC V n° 335.

57. Cass. soc., 9 juill. 1996, n° 94-19.722.

58. Cass. soc., 26 oct. 2010, n° 09-67.760, BC V n°247 ; « Consultation du comité d’entreprise sur les modifications de l’organisation de l’entreprise », Lionel Sébille, JCP S n°50, 14 décembre 2010, 1542 ; RJS 01/11 n°54.

59.Cass. crim., 30 nov. 1999, n° 98-82729, bull. crim. n° 283.

60. Cass. crim., 4 juin 2002, n° 01-83.062.

61. Cass. crim., 25 mars 1997, n°96-82.253. Dans cette affaire, l’employeur avait refusé de consulter le CE au motif que le projet ne concernait que 9 salariés sur les 250 que comptait l’entreprise. Les juges ont rejeté cet argument.

62. Cass. crim., 10 mai 2011, n°09-87.558.

63.Cass. crim., 6 févr. 1979, n°77-91.923, bull. crim. n°56.

64. Cass. crim., 9 déc. 2008, n°08-80.788 (fermeture de l’entreprise) ; Cass. crim., 25 avril 2006, n°05-86.147 (fermeture de cinq cafétérias de la société Casino Cafétéria).

65. TGI Paris, 16 mai 2002, n°02/54881 n°juris data 2002-195021 ; « La révocation des dirigeants et l’information du comité d’entreprise », Les Cahiers Lamy du CE 10/2002, n°9, Adeline Cérati-Gauthier ; Bull. Joly des Sociétés 2002, n°11, p.1215, Gilles Auzero.

66. Cass. crim., 9 févr. 1993, n°92-80.602.

67. Cass. soc., 15 avr. 2015, n°13-27.520, BC V n°85.

68. Cass. soc., 29 sept. 2009, n°08-17.023.

69. Cass. soc., 21 sept. 2016, n°15-17.658.

70. Cass. soc., 19 déc. 2018, nº 18-14.520.

71. Cass. soc., 9 juill. 1997, n°95-20.294.

72. Cass. soc., 14 mars 2018, n°16-24.684.

73. On peut penser qu’aujourd’hui ou pour les jeunes générations, un tel projet n’aurait pas le même impact.

74. L’expression « introduction de nouvelles technologies » trouve son origine dans une loi Auroux de 1982.

75. Voir par exemple : Cass. soc., 12 avril 2018, n°16-27.866.

76. Pour une illustration de ce que recouvre ce type de projet, voir le paragraphe précédent.

77. Cass. soc., 27 juin 2012, n°10-26.248.

78. Cass. soc., 25 mai 2018, n°16-26.856.

79. Cass. soc., 9 mai 2018, n°16-28.528.

80. Cass. soc., 7 nov. 2018, n°16-26.126.

81. Cass. soc., 2 nov. 2016, n°15-20.540.

82. Cass. soc., 26 juin 2013, n°12-16.564. Voir aussi l’arrêt Cass. soc., 27 févr. 2013, n°11-26.029.

83.Cass. soc., 12 juill. 2010, n°09-66.339, BC V n°168.

84.Cass. soc., 25 janv. 2016, n°14-17.227.

85.Cass. soc., 2 juill. 2014, n°13-17.357, BC V n°167.

86.Cass. soc., 26 oct. 2010, n°09-65.565, BC V n°248.

87. Cass. soc., 19 déc. 2018, nº 18-14.520.

88. Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, JORF n°0223 du 23 septembre 2017.

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