Dans les pas du Christ - Colette Becuzzi - E-Book

Dans les pas du Christ E-Book

Colette Becuzzi

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Beschreibung

On est en l'an 2000. Marjorie vie dans une petite ville du nord de la France. Cependant, ses rêves la propulsent dans des incarnations précédentes. Une de ces vies passées l'a conduite jusqu'en Judée dans les pas du Christ.

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Seitenzahl: 136

Veröffentlichungsjahr: 2019

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Le christ est le centre du cercle à partir duquel tout le cercle est tracé.Martin Luther1

1https://citation-celebre.leparisien.fr/citation/christ?page=5

Sommaire

Chapitre Un

Chapitre Deux

Chapitre Trois

Chapitre Quatre

Chapitre Cinq

Chapitre Six

Chapitre Sept

Chapitre Huit

Chapitre Neuf

Chapitre Dix

Chapitre Onze

Chapitre Douze

Chapitre Treize

Chapitre Un

Il fait nuit. Tapie à plat ventre derrière un buisson, je suis revenue près du tombeau de l’homme qui a été crucifié récemment. Le messie, le roi des juifs, c’est ainsi que certains le nomment. Pas très loin de moi, d’autres autres personnes regardent aussi. Devant mes yeux ébahis, un éclair d’une lumière fulgurante s’élève dans le ciel. Le temps s’arrête et les deux soldats romains qui surveillent les lieux se figent. Je profite de cet instant de panique pour m’échapper. Je rampe à toute allure à flanc de colline. Mes mains et mes pieds raclent le sol mais rien ne peut arrêter ma course effrénée. Lorsque je suis assez loin, je me redresse et je cours, je cours, je cours à en perdre le souffle. Je reviens vers la ville me terrer dans l’antre où je m’étais réfugiée quelques temps auparavant avec mon ami. Je suis en sueur et mon cœur a des palpitations incontrôlées. Je reste prostrée pendant un temps infini, incapable de faire le moindre mouvement. L’image de cette lumière est gravée dans mon esprit. Même lorsque je ferme les paupières, elle demeure fixée dans mon regard. Me suis-je finalement assoupie ? J’ouvre les yeux et… Je ne suis pas dans le taudis où je me suis endormie. Je suis recroquevillée dans mon lit, enfouie sous ma couette. J’émerge de mon rêve, pleine des images que je viens d’avoir dans mon sommeil. Je ne suis pas à Jérusalem, à l’époque où a vécu le Christ, je suis en l’an 2000 et je me souviens de ce qui s’est passé hier à Abbeville, la petite ville française où j’habite.

À mon réveil, rêve et réalité s’entrechoquent dans mon cerveau. Je n’ai pas assisté à la crucifixion de la veille et malgré tout, l’événement semble avoir eu un impact plus important que je ne pouvais l’imaginer. Je pense aux similitudes entre ce que j’ai rêvé et ce que j’ai vu près de la gare. Pour symboliser le mont sur lequel il est dit que Jésus fut crucifié, la croix avait été élevée sur une estrade, me rappelant les gibets de la révolution de 1789. Ces condamnations extrêmes remettent en question mon appréciation de l’être humain. Au nom de quoi se permet-il de juger et condamner ses semblables ? Je ne crois pas en l’impartialité de notre justice terrestre parce que trop de facteurs entrent en ligne de compte. Aussi rapidement mon esprit s’est-il évadé dans une autre direction, aussi vite est-il revenu au sujet qui me préoccupe. Ce fait divers est trop insolite et s’entoure d’un trop grand mystère. Ai-je digressé seulement pour ne pas sentir l’angoisse qui m’étreint encore ? Hier, j’ai réagi instinctivement à un drame dont je n’ai pas été le témoin oculaire et ce matin, je comprends mieux pourquoi. Ma mémoire cellulaire, si c’est bien elle qui enregistre tout ce qui nous arrive dans toutes nos vies, m’a remontré en songe ce qui s’était passé il y a deux mille ans, attirant ainsi mon attention sur la similitude des faits.

Chapitre Deux

Je marche au hasard. Je ne sais plus qui je suis. Je suis seulement habitée par un trouble indéfinissable. Je le ressens dans tout mon corps. Il paralyse presque ma marche. J’aimerais le prendre à bras le corps, le regarder bien en face. Au moindre bruit, si infime soit-il, je sursaute. Je suis dans un état presque pathologique. Fuir cette phobie qui me tenaille semblerait la meilleure issue. Cependant, je sens confusément que je devrais me poser et analyser mes ressentis, savoir d’où me vient ce sentiment d’insécurité qui augmente inexorablement jusqu’à me jeter dans l’angoisse. J’erre une bonne heure encore, allant de rue en rue. Depuis un moment d’ailleurs, ma frayeur est en dents de scie. Pendant les périodes d’accalmie, je souffle. C’est lors d’une de ces rémissions que je me retrouve devant l’église du Saint Sépulcre et je m’y engouffre sans réfléchir. Je me réfugie aux pieds de la statue de la Vierge qui me domine du haut de son piédestal et je l’implore de me calmer. Je regarde longuement son visage empreint de douceur et petit à petit, la paix descend sur moi. Je me concentre afin de maîtriser au maximum mes sensations. Je reste encore pour mieux ancrer en moi ce nouvel état d’être. Lorsque je me sens suffisamment apaisée, je me dirige vers la sortie. La porte à peine franchie, je suis à nouveau saisie par la hantise de quelque chose. Cette sensation de panique est à l’entour de moi, palpable à mes sens en éveil. Elle est dans l’atmosphère ambiante, alors que je la croyais en moi. Ce qui me pousse à demeurer dans cette énergie de peur qui m’entoure est inexplicable et me rend perplexe. Si je dois découvrir le pourquoi, il me faut suivre mon instinct. Dès lors, je reprends ma marche à travers la ville.

Guidée par mon mal-être, j’ai sillonné les rues sans prêter attention aux lieux que je traverse, ni à ce qui m’entoure et me retrouve près de la gare. Je suis littéralement assaillie par une vague d’anxiété et je sens le poids de mon angoisse peser sur mon cœur et altérer ma respiration. Une foule agitée est sur le côté, regardant dans la même direction. Un murmure la parcourt : « Vous l’avez vu ? Vous l’avez vu ? » D’où je suis, je ne vois pas de quoi il s’agit. Je ne peux m’approcher et me contente d’attendre. Toutes sirènes hurlantes, une ambulance arrive. Très vite, les brancardiers fendent le flot des badauds et se dirigent sur le côté de la gare. C’est à ce moment que j’élève mon regard et oh stupéfaction ! Une croix montre des coulures de sang et laisse supposer que quelqu’un y a été crucifié. L’ambulance repart aussi vite qu’elle était arrivée. Il n’y a plus rien à voir, mais la sensation de peur demeure, indicible. Je décide de rentrer chez moi. Mon état d’esprit en ébullition, je presse le pas pour me réfugier en lieu sûr.

Je n’ai fait que quelques mètres lorsque le ciel s’assombrit. Un vent violent se lève. L’orage menace. Les quelques arbres qui bordent la rue plient sous les rafales. Les passants se hâtent pour trouver un abri avant que la tempête ne fasse rage. Une pluie cinglante s’abat soudainement. Je serre ma veste contre ma poitrine et lutte contre le déchaînement des éléments. Elle charrie avec elle la poussière des jours précédents et très vite, je patauge dans un torrent boueux qui me colle aux semelles et ralentit mon rythme. Au bout d’un temps qui me semble infini, je parviens à mon domicile. Je suis dégoulinante. J’ai besoin d’un bon bain pour me décontracter. Je m’y glisse avec délice et repense aux derniers événements de la journée. En réalité, je ne sais rien de ce qui s’est passé. Je n’ai fait que capter une intense énergie de peur contagieuse. Je ne suis même pas certaine qu’un homme ait bien été crucifié. Je l’ai seulement déduit de ce que j’ai vu et entendu. Autant dire, rien.

L’orage s’est calmé aussi soudainement qu’il s’était déchaîné. Je suis confortablement assise dans mon canapé, une tasse de tisane à la main. On frappe à la porte et je fais un tel bond que j’en verse la moitié sur mes genoux. J’hésite à répondre et attends pour voir si on va se décourager si je n’ouvre pas. Mais les coups redoublent, se font plus insistants. Je regarde par le judas. Une femme seule se tient devant chez moi. J’entrebâille la porte. Elle me prie instamment de la laisser entrer. Elle doit absolument me parler suite à ce qui s’est passé près de la gare. Sans réfléchir, je lui ouvre et la guide à l’intérieur. Elle jette un regard approbateur autour d’elle. Je lui propose une boisson et elle s’installe confortablement. Lorsque je reviens près d’elle, elle m’entreprend ainsi :

— J’étais juste à côté de vous près de la gare. J’ai senti que vos émotions étaient similaires aux miennes. Je vous ai suivie sous la tempête pour voir où vous habitiez. Il s’avère que nous ne sommes qu’à deux pâtés de maison de distance. Je suis rentrée chez moi en me promettant de revenir vous voir dès que le temps serait plus clément. J’ai vu ce qui s’est passé et lorsque j’ai voulu fuir, la foule était déjà si dense que je n’ai pu que m’éloigner petit à petit. Je me suis ainsi retrouvée près de vous et quelque chose m’y a retenue. Sans doute une énergie qui m’a clouée sur place et m’a ensuite poussée à vous suivre jusqu’à votre domicile.

Abasourdie par ce que je viens d’entendre, je ne sais que répondre.

— Et vous, qu’avez-vous vu ? continue-telle.

— Moi, rien. Seulement l’ambulance qui est repartie aussi vite qu’elle était arrivée. J’ai seulement beaucoup marché dans la ville, sans but précis et je suis arrivée là justement presque en même temps que les secours.

— Vous aviez une raison pour aller au hasard des rues ? On ne fait pas cela dans n’importe quelle circonstance.

— Non, aucune.

Je la trouvais un peu trop inquisitrice. J’aurais aimé la mettre à la porte lorsque, suite à l’événement de la journée, l’inconnue commença à me parler de la crucifixion du Christ et de l’église du Saint Sépulcre de Jérusalem.

— Vous savez sans doute, me dit-elle, que l’église du Saint Sépulcre de Jérusalem renferme la pierre de l’onction sur laquelle Nicodème et Joseph d’Arimathie préparèrent le corps de Jésus pour son ensevelissement après sa crucifixion. D’ailleurs, une partie de cette église, qui a subi bien des transformations au fil des siècles, se trouve sur le Golgotha et sous l’autel du calvaire se trouverait le point où a été plantée la croix.

— C’est étrange que vous me parliez de l’église du Saint Sépulcre de Jérusalem. Tout à l’heure, je suis entrée dans celle de la ville. Je ne l’avais encore jamais visitée et j’ai voulu satisfaire ma curiosité.

— On n’entre pas dans une église par simple curiosité. En outre, je ne crois pas au hasard. Si vous êtes entrée dans cette église, il y avait une raison.

— Je ne crois pas.

— Je vois que je vous dérange. J’espère que nous nous reverrons. Je sais que nous nous reverrons. Nos énergies sont trop semblables pour que nous en restions là. Excusez-moi pour le dérangement. La prochaine fois, ce sera chez moi.

J’étais satisfaite que cette femme, trop affirmative à mon goût, s’en aille d’autant que j’étais très mécontente de ses dernières paroles. Je n’avais pas pour habitude de me lier d’amitié avec la première personne venue. Dès lors, je savais que je ferais tout pour éviter de la rencontrer. C’est à ce moment-là qu’elle me regarda droit dans les yeux et me dit :

— Si nous devons nous revoir et faire un travail d’évolution ensemble, vous ne pourrez pas l’empêcher. Il y a des forces à l’œuvre dans l’univers, que vous le vouliez ou non.

Profondément troublée par cette affirmation, je m’enfermai à double tour. Je pris un livre mais ma concentration me fit grand défaut et je ne pus que ressasser les événements de la journée. La femme ne m’avait pas dit si réellement un homme avait été crucifié ou s’il s’agissait d’une simple mise en scène pour semer un vent de panique. Maintenant, j’étais curieuse de savoir la vérité. Si cette femme ne m’avait rien dit, c’est sans doute qu’elle pourrait ainsi mieux me harponner si je n’avais pas satisfait ma curiosité à propos de ce qui s’était passé aujourd’hui. J’étais furieuse. En plus d’avoir été inquisitrice, elle se montrait retorse.

Dès le lendemain, j’achetai plusieurs journaux en espérant y trouver l’information qui me tranquilliserait. Mais rien. Aucun article mentionnant une quelconque crucifixion. J’étais partagée entre l’idée de retourner vers la gare voir si la croix était encore en place et celle d’aller simplement à l’église du Saint Sépulcre pour calmer mes angoisses. Il y avait sûrement une part de vérité dans ce que j’avais vu et entendu, aussi bien lorsque j’étais parmi la foule que lorsque l’inconnue s’était invitée chez moi. Je n’avais pas rêvé, elle m’avait bien parlé de Jésus sur la croix et de la sainte église de Jérusalem. J’optai pour la gare. Je voulais être certaine que je n’avais pas halluciné. Et puis, la marche libérerait les tensions accumulées de la veille. J’arrivai rapidement sur place. Rien ne laissait supposer qu’un tragique événement s’y était déroulé. J’aurais dû revenir sur les lieux avant pour m’assurer de la véracité de ce drame. Je reste là quelques instants, à regarder avec insistance, comme si mon regard pouvait faire réapparaître la croix. Je sens peser sur moi un œil insistant et je suis soudain sur mes gardes. Je vois un homme, la seule personne dans les environs qui, dès que je me tourne dans sa direction, fait mine de consulter les horaires et entre dans la gare. Je frissonne.

Je pense qu’il est préférable que je rentre chez moi, mais mes pas me conduisent à l’église du Saint Sépulcre. J’entre sur la pointe des pieds pour ne pas déranger car je pense que la messe n’est peut-être pas terminée. J’ai besoin de me réconforter aux pieds de la Vierge. Près de l’autel, un groupe de personnes se concerte à voix basse. Je me mets en état de recueillement, les yeux fermés. Je ne sais combien de temps je reste ainsi. Comme devant la gare, je sens une gêne soudaine, un poids dans mon dos. Lentement, je reprends conscience de mon environnement et me retourne. L’homme qui était près de la gare est assis sur un banc, juste derrière moi et le petit comité a disparu. Nous sommes seuls dans l’église et pendant quelques instants, je me laisse envahir par une panique intérieure que je tente de juguler en fixant le visage de la Vierge et celui de l’enfant Jésus. Je pense que tant que je suis en contemplation, l’homme ne bougera pas. La porte de l’église se ferme doucement et des pas se rapprochent. Je ne suis plus seule avec l’inconnu. Une main se pose sur mon épaule et une voix de femme murmure à mon oreille :

— Je ne pensais pas vous revoir aussi tôt. Vous aimez bien la Vierge. C’est une bonne protectrice. Nous en avons besoin par les temps qui courent.

— J’aime bien venir me recueillir dans cette église. L’atmosphère y est paisible. J’allais partir. Au revoir.

— Ne partez pas si vite, je viens à peine d’arriver. Nous pourrions faire le trajet de retour ensemble si vous voulez.

Quelques secondes de réflexion, la présence peu engageante derrière moi me fait accepter la proposition. Je reste devant la statue pendant qu’elle s’assied sur un banc juste devant l’autel et prie. Sa prière terminée, nous nous dirigeons vers la sortie. L’inconnu a disparu sans que j’entende le bruit de ses pas. Ce détail me suggère de la vigilance et l’image d’un félin se présente tout à coup à mon regard intérieur. Dès lors, je me demande si je peux faire confiance à la femme qui m’accompagne. Nous marchons en silence pendant que nous traversons les rues les plus passantes. Je n’ose pas l’entreprendre sur le sujet qui me préoccupe depuis la veille. Cependant, lorsque nous arrivons dans des quartiers moins fréquentés, elle me demande si dans l’église, il y avait un groupe de personnes après la messe du matin. Je lui réponds par l’affirmative et elle en semble contrariée mais elle ne fait aucun commentaire. Elle me salue à l’embranchement de ma rue et me laisse continuer seule. Visiblement, ma réponse à sa question a une importance capitale. Je suis contente que nous nous quittions aussi vite. J’aurais refusé toute tentative d’intrusion chez moi aujourd’hui, même si je suis toujours curieuse d’apprendre ce qui s’est passé hier.