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De l'ego à l'incognito, tome 4 des écrits d'Ivsan Otets, donne à lire 12 textes dont quatre études bibliques de type "akklésiastique", c'est-à-dire dans le contexte d'un christianisme sans Église. L'akklésia reconnaît l'incarnation et la résurrection du Fils de l'homme mais non le dogme du Corpus Christi. C'est un discours qui veut témoigner du Dieu incarné et ressuscité à une époque où il ne sera bientôt plus possible d'entendre parler de lui dans une ecclésia. Le présent tome invite à considérer le parcours d'une vie qui s'attache opiniâtrement à ce Dieu-là. Nous sommes convaincus qu'il est Celui qui accueille un homme dans sa pleine et entière individualité pour le revêtir, au-delà de la mort, d'une nature illimitée semblable à la sienne. Textes du recueil : 1. Quand doit arriver le Messie ? 2. À propos de l'Enfer (bis) 3. Opinionistes & faux-penseurs 4. La soumission (Da 4,29-37) 5. Encore l'amour 6. Consolation pour créatifs 7. Les quatre coeurs (le Semeur) 8. De la connaissance de Dieu... 9. L'énigme du bonheur 10. Du fils prodigue (parabole) 11. Les conviés rejetés (Luc 14,12-24) 12. La porte des fruits
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Seitenzahl: 170
Veröffentlichungsjahr: 2023
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A
VERTISSEMENT
P
ROLOGUE
Quand doit arriver le Messie ?
I -
D
E
L’EGO…
À propos de l’enfer (bis)
Opinionistes et faux-penseurs
La soumission
Encore l’amour
Consolation pour créatifs
Les quatre cœurs
II - …À L’INCOGNITO
De la connaissance de Dieu…
L’énigme du bonheur
Du fils prodigue
Les conviés rejetés
ÉPILOGUE
La porte des fruits
Nous poursuivons la publication des textes élaborés par IVSANOTETS depuis le début des années 2000, textes jusqu’ici uniquement disponibles en ligne.
La ligne thématique suivie par le présent tome 4 est celle d’un cheminement individuel qui, bien que partant du même point, diffère de la traditionnelle et universelle accession à la sagesse ou à la réussite.
Celui qui marche attentivement avec le Christ se verra fort probablement, un jour ou l’autre, invité à prendre une bifurcation inattendue vers l’« incognito ».
À travers les écrits qui suivent, nous tentons d’expliquer cette excursion vers l’incognito à laquelle Dieu convie celui, celle qui s’est attaché(e) à lui.
Ivsan & Dianitsa Otets
Aux certains
NOUSTROUVONS DANS LESÉVANGILES le texte suivant fort énigmatique :
Ils amenèrent à Jésus l’ânon, sur lequel ils jetèrent leurs vêtements, et Jésus s’assit dessus.
Beaucoup de gens étendirent leurs vêtements sur le chemin, et d’autres des branches qu’ils coupèrent dans les champs. Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient Jésus criaient : Hosanna !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
Béni soit le règne qui vient, le règne de David, notre père ! Hosanna dans les lieux très hauts !
Jésus entra à Jérusalem, dans le temple.
Quand il eut tout considéré, comme il était déjà tard, il s’en alla à Béthanie avec les douze.1
Ainsi donc, le Christ entre à Jérusalem, et même dans le Temple ! Puis, regardant autour de lui, comme il était déjà tard, il s’en va, à Béthanie, avec les douze. Quelle déception ! Il y avait là une ribambelle de gens bien intentionnés a priori, ils étendaient même leurs vêtements sur le sol foulé par le Christ, lançant, en veux-tu en voilà, des « sauve-nous, sois béni, gloire… » et patati et patata ! Combien, parmi eux, se sont trouvés dans la foule, toujours à Jérusalem, quelques jours plus tard, vociférant : « Crucifie, crucifie-le ! »
Bref, voulez-vous réentendre les Hosanna, revoir une telle scène d’enthousiasme ? Rien n’est plus simple. Il vous suffit de vous rendre dans les églises et autres conventions du « paganisme chrétien » ; là, une masse de gens crient toujours, plusieurs siècles après, ils crient que le Christ reviendra une seconde fois sur cette terre de misères ; ils crient, instruments électriques à l’appui cette fois, de sorte à faire un raffut bien plus considérable.
Cependant, le Christ ne revient pas, pas même ému par ces hommes désormais capables de rassembler des masses bien plus nombreuses, et de beugler des Hosanna dans les micros, sur le net et les chaînes télévisées des cinq continents. Et d’ailleurs, le Christ ne reviendra pas sur terre ! La chose est bien dite dans le texte cité plus haut : comme il était déjà tard, il s’en alla à Béthanie avec les douze.
Or, les Écritures, dès la Genèse, nous disent que les jours commencent le soir et finissent à l’aube : « Il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour. » L’humanité vit précisément dans ce sixième jour – depuis des millénaires ! Et la venue du Christ a annoncé la fin de ce jour, c’est-àdire, son aube, pour reprendre les termes de la Genèse. Une aube qui a dès lors un double sens puisqu’elle annonce la fin du sixième jour, qui est la réalité terrestre – de fait et à nos yeux, son crépuscule ; mais, du côté du Christ, elle est l’aube du jour-à-venir, soit donc, de l’autre réalité, celle de la Résurrection.
Ainsi, la venue du Christ a déjà eu lieu, l’aube a déjà été annoncée, l’aube a déjà commencé : il y a 2000 ans ! Ce jour a débuté par son entrée dans le Temple, à Jérusalem ; et depuis ce jour, depuis cette aube – le Christ est à Béthanie. Il est dans l’incognito. Et ceux de Béthanie savent que l’aube ne se lève jamais deux fois. Le Christ ne viendra pas une seconde fois puisque l’aube du jour à venir s’est déjà levée, là-bas, à Béthanie ! C’est pourquoi, les gens de Béthanie, de même que l’Esprit du Christ, disent donc aux hommes : « Viens. Viens à Béthanie ; l’aube arrivera pour tous, pour toi aussi, viens donc te réfugier dans l’incognito du Christ, dans les ténèbres de la foi, et quitte cette masse qui claironne vers le ciel, elle qui se croit capable de saisir l’éclair. »
Les gens de Béthanie vont donc vers l’aube, vers cet instant où l’Esprit leur dira personnellement : « Viens ! » C’està-dire, « Ressuscite ! L’aube est passée, les jours de la terre et du ciel sont achevés, le septième jour dans lequel tu as persévéré vient de se clore pour toi. Un jour nouveau, sans fin, est arrivé, non sur la terre qui n’est plus, mais dans ma maison, derrière le ciel qui s’est ouvert pour toi. Entre. » Et pour ceux qui claironnent leurs Hosanna me direz-vous, qu’en sera-t-il ? Je ne puis que leur répondre le mot de FRANZKAFKA :
Le Messie ne viendra que lorsqu’il ne sera plus nécessaire, il ne viendra qu’un jour après son arrivée, il ne viendra pas au dernier, mais au tout dernier jour.2
1ÉVANGILESELONMARC, chapitre 11.
2FRANZKAFKA,Méditations sur le péché, la souffrance, l’espoir et le vrai chemin.
À l’attention des mal connus
« L’HOMMEA PLUS DE CHANCES de se sauver par l’enfer que par le paradis » disait EMILCIORAN, parce que « la tyrannie brise ou fortifie l’individu, tandis que la liberté l’amollit et en fait un fantoche ». Aux dires du philosophe roumain la souffrance serait donc un ami sur le chemin du paradis désiré ; bien plus, la crainte de souffrir et la recherche continuelle du confort nous en fermeraient les portes. Fautil donc se flageller et retourner aux sévères mortifications que prônent les ascèses religieuses et moralistes ? La souffrance serait-elle une transaction avec le ciel pour qu’il nous ouvre ses portes ? Mais en ce cas, les adeptes d’un tel système trouvent leur joie ici-bas en souffrant ; étant désormais les héros de la justice divine, souffrir devient pour eux un bonheur. Aussi ne souffrent-ils pas en vérité, leurs humiliations leur étant aussi nécessaires que le bien-être l’est pour l’homme du commun. De telles différences de vues à propos du suprême mal sont étonnantes ; ce n’est donc qu’en posant directement la question à chaque individu en particulier qu’on saura ce qu’il considère être pour lui l’enfer et le paradis. Et c’est ainsi que l’homme tombe dans un piège ! En effet, dès l’instant où l’individu parle de ce qui est pour lui la plus terrible des choses, dès qu’il définit l’enfer en somme, il exprime un jugement de valeur sur la vie : « Dis-moi donc, ô homme, ce qu’est cet enfer que tu fuis, dis-le-moi donc, lui dit la vie, et moi, je te jugerai sur ta réponse. » L’enfer d’un homme crie sa vérité sur la vie, de sorte qu’« il faut juger un homme à son enfer » (MARCELARLAND) ; et toutes les stratégies qu’on imagine pour fuir cet enfer qu’on croit avoir cerné sont autant de techniques qui servent à la vie pour nous y jeter.
Il s’ensuit que les représentations de l’enfer sont innombrables puisque chaque homme fuit le sien propre. « L’enfer, c’est les autres », lançait SARTRE ; ailleurs, PRIMOLEVI parlait de l’enfer comme d’un lieu « où il n’y a pas de pourquoi ». Même la bête et le végétal ont une idée de l’enfer, et si aucun des deux ne sait la verbaliser, l’animal fuit pourtant continuellement son prédateur tout en cherchant sa sécurité dans un groupe ou une tanière, de même que la plante s’écarte des ténèbres et tend sans cesse vers la lumière. Que ferai-je alors ? Suis-je donc, moi aussi, obligé de juger la vie, c’est-à-dire de m’écarter de ce qu’elle a de pire à mes yeux et de chanter ce qu’elle a de meilleur ? Et si je me dérobe à cette tâche et me tais, mes actes et mes choix durant ma vie parleront plus fort que mon silence. Irai-je me réfugier dans la folie ? Me cacherai-je dans l’enfance, dans le divertissement ou la prospérité pour étouffer la question ? Ne serai-je pas alors jugé comme lâche ? Que faire donc ? Comment la vie pourra-t-elle dévoiler mon bonheur et démasquer l’enfer qui se tapit sur mon chemin ? Car l’un porte si aisément le masque de l’autre, et vice versa. La question est abyssale, enivrante, démesurée. Et n’est-ce pas finalement en tombant dans le vide de sa propre ignorance que nous sommes enfin disposés à entendre une réponse ? Je ne sais, mais ce que je sais c’est ce que j’ai entendu à ce moment-là : « Jamais je ne vous ai connus, éloignez-vous de moi », disait le Nazaréen à tous les théoriciens du bonheur et de l’enfer, à tous les faiseurs de miracles, les prophètes de la vérité et autres chasseurs de démons et fabricants d’abondance.
Étrange réponse de la part de cet étrange personnage qui traversa l’Histoire furtivement, comme un éclair. Le malheur misérable d’un homme, « c’est que je ne le connaisse pas » ; voici ce qu’osa affirmer le Christ aux hommes ! Le ton est d’ailleurs donné dès le début du texte biblique, lorsque Dieu disait à l’homme : « Où es-tu ? » (GN 39), signifiant par là que Dieu cherche celui qu’il ne connaît plus, c’est-à-dire l’homme, alors qu’il est devenu autre chose qu’un homme : il s’est perdu. L’écho de cet « où es-tu ? » se fait d’ailleurs entendre depuis lors par tous les humains, tant religieux qu’athées. Le malheur, disent-ils, c’est d’être perdu pour les autres, c’est de ne pas être connu de son prochain, ou plutôt de ne pas être reconnu, voire applaudi, ou du moins considéré et respecté, et si possible, un tant soit peu aimé par les uns et les autres. Mais pourquoi chercher avec tant de zèle à être connu de son prochain plutôt qu’à l’être par Dieu ? Tout simplement parce que c’est là une chose concrète, palpable, et qui demande surtout le moindre effort. C’est un simple travail de polissage de surface. Être connu et apprécié de son groupe, de sa tribu, de sa famille ou de son église encore, cela n’exige somme toute que de se conformer aux évidences et aux règles dudit groupe ; enfin, les gratifications qui en découlent – cet opium de la reconnaissance du peuple – étoufferont discrètement le murmure intérieur du Christ qui tourmente l’homme : « Ô homme, au moment de quitter les humains, te suffira-t-il d’avoir été connu mondialement si moi je ne t’ai pas connu ? » Car être connu de Dieu n’est pas lié à une simple histoire temporelle de l’ici et maintenant, cela touche à ce qui échappe au temps, à l’infini : « Avant de t’avoir formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais (JÉR 1) », répondait Dieu au jeune prophète inquiet.
Il s’ensuit que l’athée, lui qui ne croit pas qu’on puisse être aimé avant d’avoir existé, suit étrangement la même hygiène de vie que le religieux qui prend pourtant le ciel à témoin de son élection. En effet, tout religieux, alors qu’il se persuade d’être connu d’en-haut, cherche à établir ce fait concrètement dans son existence, dans sa réalité, dans l’ici et maintenant ; et en voulant faire descendre ainsi l’infini dans le fini, en voulant arracher le royaume des cieux jusqu’à terre, il en arrive finalement au même mode de vie que l’athée. Ce sont là deux frères qui fuient à toutes jambes la même idée de l’enfer qu’ils partagent : « L’enfer, c’est la solitude, c’est n’être pas reconnu en bas par les hommes ». Et pour le religieux, cette reconnaissance publique est une preuve, dira-til, de la reconnaissance divine, tandis que pour l’athée elle est une preuve de l’inutilité divine tant l’homme peut trouver seul son bonheur parmi les siens. Tous deux craignent donc avec angoisse la mise à l’écart du collectif dans lequel ils se sont patiemment intégrés. Ils répugnent à l’idée d’une vérité qui les mettrait à part au point de faire glisser leur vie dans la marginalité. Tel est bien pourtant le sens du vocable « saint », ainsi que l’explique Thomas Römer dans son petit livre Jérémie : « Dans sa racine hébraïque une vigne est appelée sainte quand elle est en friche ; dès lors qu’on commence à l’exploiter, elle devient profane, car elle fait désormais partie de la vie quotidienne des hommes. […] Que Jérémie soit sanctifié par Dieu signifie donc qu’il est mis à l’écart de la société, qu’il devient quelqu’un que nous appellerions aujourd’hui un marginal. »
Dès lors, incroyants et religieux prennent le risque de ne pas être connus après leur existence. Les premiers, en se persuadant que l’homme est un être fini, en méprisant l’infini caché en lui ; et les croyants, parce qu’ils se seront tricoté un dieu-infini mêlé de fini. Parce qu’embrasser l’infini seul serait laisser au divin trop de liberté par rapport au fini de la vie présente : jusqu’à permettre à Dieu de n’être jamais vu ni touché ici-bas. Séparer l’infini du fini c’est laisser Dieu libre de tout devoir qu’il aurait à rendre à la réalité. Par conséquent, le croyant se devrait de reconnaître que « le soleil se lève sur les bons comme sur les méchants », et que sa réalité ne peut exiger de Dieu d’être favorisée comme un droit théologique. L’infini ne doit rien au fini, c’est tout le contraire, et malheur à quiconque « use de violence » envers Dieu, cherchant à faire entrer le monde des preuves au ciel, là où précisément la relation de confiance suffit à deux êtres qui s’aiment. De fait, lorsque les athées et ces croyants par l’évidence entendront la Vie leur dire : « Jamais je ne vous ai connus, éloignez-vous de moi », chacun sera alors rendu seul à lui-même : sans réalité ni vis-à-vis autre que luimême. Chacun vivra précisément l’enfer qu’il avait fui icibas, confirmant définitivement qu’« il faut juger un homme à son enfer » et que le leur « était pavé de bonnes intentions ».
A contrario, ceux pour qui l’infini prime sur tout, ceux qui ont été connus avant leur naissance et aspirent à l’être encore après leur mort, ceux qui reconnaissent que cet à-venir est caché ici-bas parce qu’il échappe précisément au temps présent – voici que leur vie se trouve cachée dans cet incognito qui vient. C’est pourquoi ne pas être reconnu par la réalité ne revêt aucun sens pour eux, tant la réalité ne connaît que les vérités qu’elle peut aspirer aux tentacules de ses preuves, les vérités visibles, les vérités charnelles. Les voici donc méconnus. Ils sont méconnus de leur prochain, méconnus des réalistes dont le chemin est pavé des bonnes intentions d’un bonheur direct. Ils vivent en ce monde dans une sorte de « mal connu », il vivent dans une façon de marginalité et de solitude sous-jacente. Aux yeux du pragmatique, qui se croit missionné pour faire reculer de tels malheurs, ces mal connus vivent dans une image de l’enfer. Ainsi entendent-ils de leurs proches ce lancinant reproche, cette mise en jugement continuelle et larvée qu’on ne cesse de leur répéter : « Éloigne-toi de nous, nous ne savons quelle sorte d’homme tu es, quelle sorte de femme tu es ; nous ne te connaissons pas ». Pourquoi trouvent-ils donc encore la force de vivre ? Parce qu’ils vont vers cet autre lieu, vers cet autre demain où le Nazaréen prendra leur main dans sa main, et leur dira, à la seconde personne du singulier : « Viens près de moi, car je t’ai connu, et tu seras désormais connu de tes frères ». Aussi KIERKEGAARD avait-il raison : « L’impossibilité de la communication directe est le secret de la souffrance du Christ3 », et c’est aussi le secret de sa promesse, car elle ne se communique en ce monde que par la foi, se moquant bien des lumières de l’évidence.
3L’école du christianisme, partie II, chap. IV.
Hawking, Onfray & Cie
TRANSFORMERSON OPINION PERSONNELLE en vérité générale a toujours donné à celui qui y parvient une autorité certaine parmi les hommes. La difficulté n’est pourtant pas légère puisqu’il s’agit de métamorphoser une possibilité de vérité en vérité ; la probabilité d’une opinion en certitude. D’autant plus qu’une opinion n’est pas toujours une faible pensée de surface énoncée à la va-vite lors d’une conversation ; elle est même souvent bien plus complexe qu’un simple cliché populaire. En effet, elle peut être issue d’un mythe sophistiqué, de sentiments intimes et profonds, d’intuitions secrètes ou encore de vertueuses révoltes auxquelles un homme s’attache avec sérieux.
C’est pourquoi le penseur paraît toujours avoir un avantage considérable de crédibilité face à l’opinioniste. Ses capacités intellectuelles le prédisposent indiscutablement à procéder à la métamorphose magique de l’opinion en vérité définitive. Pour combler ce manque de compétence intellectuelle et de fondement culturel, et reprendre l’avantage sur le sage, l’opinioniste devra donc utiliser d’autres artifices que le raisonnement et la froide connaissance dont se sert le penseur. C’est généralement vers l’Art du spectacle qu’il se tourne ; le seul atout qui soit assez puissant pour attirer à lui l’auditoire. De fait, nul n’ignore combien la foule succombe avec une grande facilité au fruit affriolant et alléchant du spectacle. Humour, provocation, moquerie, calomnie, camouflet, mise à nu, caricature, jeu du ridicule… La panoplie dont dispose l’opinioniste pour faire son cinéma est si variée que l’équilibre entre les deux parties se retrouve bientôt. La foule pourra donner à l’opinion d’un homme de scène cette même dignité de vérité qui jusqu’alors ne revenait qu’à l’opinion intelligemment réfléchie dans les alambics du faux-penseur.
En termes de faux-penseur, prenons comme premier exemple le très renommé cosmologiste STEPHENHAWKING. Ses compétences scientifiques ont été présentées comme étant incontestables, et c’est revêtu de ces dernières qu’il est convaincu d’avoir apporté à son public la preuve de l’inexistence de Dieu. « Il nous est impossible de remonter plus loin que l’instant du big bang, dit-il, parce qu’avant, il n’y avait rien. Nous avons enfin trouvé quelque chose qui n’a pas de cause puisqu’il n’y avait pas de temps dans lequel cette cause aurait pu se produire. Pour moi, cela élimine la possibilité d’un créateur parce qu’il n’y a pas de temps dans lequel ce créateur aurait pu exister. »
Après avoir consciencieusement discouru sur des données scientifiques complexes, HAWKING conclut avec un argument si maigre qu’un adolescent de seize ans pourrait le contredire tout en jouant à sa console de jeux. Pourquoi donc déploiet-il tout un pataquès d’érudition pour finalement aboutir à dire une telle ânerie ? Tout simplement parce qu’il essaye de cacher le fait qu’il n’exprime là que son opinion. Tout le travail de HAWKING consiste à dérober à nos regards la réalité qu’il n’est qu’un opinioniste. Il s’agit pour lui de protéger le pur enfant et son opinion primitive derrière les murs et les forteresses d’un savoir de fer majestueux : l’astrophysique. Un savoir presque sibyllin, mais surtout – effrayant. HAWKING hurle son savoir afin d’épouvanter les éventuels adversaires. Il veut terrifier quiconque aurait l’audace de forcer sa citadelle pour s’adresser face à face et directement à l’enfant auprès duquel il a appris son opinion. Car il sait fort bien qu’une fois dénuée de ses protecteurs son opinion infantile n’aura plus rien de scientifique ; elle ne tiendra pas un instant devant la mise en question d’un homme qui pense.
« Dieu n’existe pas, parce qu’il n’y avait pas au commencement de temps dans lequel il aurait pu exister » nous dit le scientifique. Mais enfin, où a-t-il appris qu’il soit obligatoire que Dieu existe dans un temps ? N’est-ce pas là, au pied de son opinion primitive, qu’il s’est soumis à ce décret arbitraire forgé dans la fragilité de ses sentiments ? Pourquoi nous force-t-il à penser Dieu uniquement comme un être enfermé dans une chronologie ? N’avons-nous pas le droit de penser qu’il n’est en rien impossible pour Dieu d’exister hors du temps et d’être atemporel ? Et n’est-ce pas d’ailleurs le propre de Dieu d’être au-delà du temps de sorte qu’il puisse faire que ce qui a été jamais n’a été ? Aussi HAWKING