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Dans cet essai, Gide examine comment les écrivains sont influencés par leurs prédécesseurs, leurs contemporains, et les courants intellectuels et culturels de leur époque. Il s'interroge sur la nature de l'originalité et sur la tension entre imitation et innovation dans le processus créatif. Gide explore les différents types d'influences qui peuvent s'exercer sur un écrivain : les influences directes, telles que les lectures et les mentors, et les influences plus subtiles, comme les contextes historiques, les mouvements sociaux et les évolutions linguistiques. Il discute également de l'influence réciproque entre littérature et société, soulignant comment les créations littéraires peuvent à leur tour façonner les pensées et les comportements collectifs.
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Seitenzahl: 26
Veröffentlichungsjahr: 2024
Je viens ici faire l’apologie de l’influence.
On convient généralement qu’il y a de bonnes et de mauvaises influences. Je ne me charge pas de les distinguer. J’ai la prétention de faire l’apologie de toutes les influences.
J’estime qu’il y a de très bonnes influences qui ne paraissent pas telles aux yeux de tous.
J’estime qu’une influence n’est pas bonne ou mauvaise d’une manière absolue, mais simplement par rapport à qui la subit.
J’estime surtout qu’il y a de mauvaises natures pour qui tout est guignon, et à qui tout fait tort. D’autres au contraire pour qui tout est heureuse nourriture, qui changent les cailloux en pain : « Je dévorais, dit Gœthe, tout ce que Herder voulait bien m’enseigner. »
L’apologie de l’influencé d’abord ; l’apologie de l’influenceur ensuite ; ce seront là les deux points de notre causerie.
Gœthe, dans ses Mémoires, parle avec émotion de cette période de jeunesse où sa sensibilité s’était à tel point exaltée, que, se promenant dans la campagne, un chant, un souffle, le moindre rayon, la moindre ombre semblait le modifier d’une manière réelle. Avec délices il subissait la plus fugitive influence.
Les influences sont de maintes sortes — et si je vous ai rappelé ce passage de Gœthe, c’est parce que je voudrais pouvoir parler de toutes les influences, chacune ayant son importance, — commençant par les plus vagues, les plus naturelles, gardant pour les dernières les influences des hommes, et celles des œuvres des hommes ; les gardant pour les dernières parce que ce sont celles dont il est le plus difficile de parler — et contre lesquelles on tente le plus, ou l’on prétend tenter le plus, de regimber. — Comme ma prétention est de faire l’apologie de celles-ci aussi, je voudrais préparer cette apologie de mon mieux, — c’est-à-dire lentement.
Il n’est pas possible à l’homme de se soustraire aux influences ; l’homme le plus préservé, le plus muré en sent encore. Les influences risquent même d’être d’autant plus fortes qu’elles sont moins nombreuses. Si nous n’avions rien pour nous distraire du mauvais temps, la moindre averse nous ferait inconsolables.
Il est tellement impossible d’imaginer un homme complètement échappé à toutes les influences naturelles et humaines, que, lorsqu’il s’est présenté des héros qui paraissaient ne rien devoir à l’extérieur, dont on ne pouvait expliquer la marche, dont les actions, subites, et incompréhensibles aux profanes, étaient telles qu’aucun mobile humain ne les semblait déterminer — on préférait, après leur réussite, croire à l’influence des astres, tant il est impossible d’imaginer quelque chose d’humain qui soit complètement, profondément, foncièrement spontané.
En général on peut dire je crois, que ceux qui avaient la glorieuse réputation de n’obéir qu’à leur étoile étaient ceux sur qui les influences personnelles, les influences d’élection, agissaient plus puissamment que les influences générales —je veux dire que celles qui agissent sur tout un peuple, du moins sur tous les habitants d’une même ville, à la fois.