De l’Islam à Jésus-Christ - Christine Voegel-Turenne - E-Book

De l’Islam à Jésus-Christ E-Book

Christine Voegel-Turenne

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Beschreibung

Quand des musulmans choisissent de suivre le Christ
Le témoignage brûlant et plein d’espérance des convertis Des histoires bouleversantes, en France, aujourd’hui
Chaque année en France, de nombreuses personnes de tradition musulmane disent avoir rencontré le Christ. Quelle est leur histoire ? Comment Jésus a-t-il fait irruption dans leur vie ? Ce livre donne la parole à douze de ces nouveaux chrétiens. Hommes ou femmes, ils sont d’origines très différentes et leurs cheminements sont encore plus divers : lecture de la Bible, réflexion personnelle ou en couple, songes, liens d’amitié, épreuves, événements inattendus… Si certains ont vécu un véritable parcours du combattant, tous témoignent de leur joie profonde et de la liberté nouvelle qui leur a été donnée par le Christ. Un ouvrage captivant, qui montre les merveilles que Dieu accomplit dans le cœur des musulmans aujourd’hui.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Enseignante et mère de famille, Christine Voegel-Turenne a écrit plusieurs romans. Ses engagements, notamment au sein de la communauté de l’Emmanuel, l’ont amenée à rencontrer et accompagner des musulmans convertis.

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Conception couverture : © Christophe Roger

Photo couverture : © Shutterstock

Composition : Soft Office (38)

© Éditions Emmanuel, 2022

89, bd Auguste-Blanqui – 75013 Paris

www.editions-emmanuel.com

ISBN : 978-2-38433-044-7

Dépôt légal : 4e trimestre 2022

Christine Voegel-Turenne

De l’islam à Jésus Christ

12 récits de cœurs transformés

Éditions Emmanuel

Introduction

« Voici une foule immense que nul ne peut dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. »

Apocalypse 7, 9

Oui vraiment, elles sont des centaines de milliers, ces personnes de tradition musulmane qui se tournent vers Jésus. Et plus particulièrement dans les pays où l’islam règne en maître et où il est dangereux de se convertir. Quelle est leur histoire ? Comment Jésus a-t-il fait irruption dans leur vie ?

J’ai voulu recueillir ici le témoignage de quelques-unes d’entre elles qui toutes vivent en France. Hommes ou femmes, ces nouveaux chrétiens sont d’origines différentes : certains viennent du Maghreb, d’autres d’Afrique noire, d’Iran… et même de France. Chacun a une histoire personnelle, et il ne serait pas pertinent de vouloir faire des statistiques. Pour certains, le début du cheminement est lié à une lecture, à un livre dont ils se retrouvent « par hasard » en possession, voire à la lecture du Coran ; pour d’autres, il s’agit d’une rencontre tout humaine. Ce « passage » peut prendre la forme d’un rejet violent de l’islam, d’un coup de foudre pour le Christ, ou bien suivre une pente douce et progressive, sans reniement de la tradition familiale ou de ses origines. Parfois encore, Dieu s’adresse directement à eux, au travers de coïncidences inexplicables, de phrases qu’ils entendent dans leur cœur ou bien de songes et de visions.

Pour quelques-unes des personnes qui témoignent dans ce livre, la conversion a été facile, bien acceptée par leurs proches ; certaines ont même entraîné avec elles leur conjoint dans la foi chrétienne. Pour d’autres, ça a été la rupture avec la famille, les menaces, voire les agressions physiques. Il arrive aussi que les pressions soient fortes, et que les nouveaux baptisés rompent tout contact avec les amis catholiques qui les avaient accompagnés jusque-là.

Oui, chacun d’entre eux a son histoire. Mais tous se retrouvent sur un point : leur joie d’avoir reçu Jésus dans leur vie !

Ce livre est le fruit de rencontres, qui toutes sont uniques. Et beaucoup de ceux que j’ai interrogés à cette occasion sont par la suite devenus des amis.

Tout a commencé il y a de cela 6 ans, en 2016. Sachant que j’écrivais et que j’étais intéressée par l’islam, le père Henry Fautrad, prêtre de la communauté de l’Emmanuel très investi dans le dialogue inter-religieux et l’accueil des musulmans convertis, me confia un petit cahier d’écolier. Ni lui ni moi ne savions alors sur quoi cela déboucherait. Dans ces pages, Olivia confiait son récit de vie, à la façon d’un journal intime. Française d’abord convertie à l’islam suite à son mariage, elle avait eu la vie rude et désirait se tourner vers Jésus. J’ai voulu entrer en contact avec elle pour remanier et préciser son témoignage. Débarquant dans son HLM avec mon ordinateur portable, je l’ai écoutée et interrogée sur sa vie et sur sa conversion. De ces séances sont nés non seulement un écrit, mais aussi une amitié.

La même année, le hasard – mais était-ce bien lui ? – m’a fait croiser la route de Jeanne à Paray-le-Monial. Lors de notre première rencontre, cette jolie jeune femme d’origine africaine restait tendue, sur la réserve, convaincue que je ne croirais pas un mot de toutes les péripéties étonnantes de sa vie. Une fois rassurée, elle a pu donner libre cours à son caractère expansif et volubile. Nos séances d’écriture ont d’abord consisté en de longues conversations téléphoniques, puis Jeanne est venue faire des séjours chez moi, et a été adoptée par toute la famille.

C’est à cette même époque que ma sœur Béatrice, dans sa paroisse parisienne, a été missionnée auprès de musulmans convertis et que mes beaux-parents, dans leur paroisse corrézienne, ont commencé à préparer au baptême une femme marocaine. C’est par ces deux biais que j’ai fait la connaissance de quelques-unes des personnes dont j’ai recueilli le témoignage dans cet ouvrage.

Pourquoi cette attirance pour les personnes issues de l’islam ? J’avais déjà lu ou entendu de nombreux témoignages de convertis, qui m’émouvaient et me galvanisaient dans ma propre foi. J’étais admirative à la fois devant leur courage et devant les merveilles opérées par le Seigneur. Une autre raison à cette attirance est peut-être à rechercher dans mes jeunes années. C’est lors d’un stage étudiant de six mois à Berlin que j’ai été interpellée par l’islam de façon très particulière. J’avais 21 ans à l’époque. Je quittais une communauté catholique chaleureuse et fervente – j’avais même monté ce qu’on appelle aujourd’hui une colocation chrétienne, et mes camarades me nommaient en souriant « la mère sup » – pour me retrouver dans une immense résidence universitaire. Le monde des étudiants comme celui de mes collègues de travail se prétendait très « libre » : on ne s’y embarrassait d’engagements ni conjugaux ni religieux, et l’amour n’y était qu’un passe-temps, un jeu de chat et de souris. Après quelques semaines à savourer ma nouvelle liberté, à m’étourdir dans un tourbillon de sorties et à entrer dans le jeu de la séduction, je constatai que ma nouvelle vie était bien creuse. Le Seigneur me manquait, mais je ne savais où trouver de la nourriture spirituelle. Depuis le début de mon séjour, j’assistais à la messe chaque dimanche dans la paroisse catholique voisine, mais avec l’obstacle de la langue, je ne comprenais pas grand-chose, et jamais personne ne m’avait adressé la parole. Ce qu’il me fallait, c’était retrouver un groupe de jeunes catholiques avec qui partager ma foi. Je contactai alors le curé, qui me fit inviter à une réunion d’un groupe nommé « Teestübchen » (le petit salon de thé), réunion qui se résuma à manger des pizzas et boire de la bière, sans que personne ne se soucie de moi. Je recontactai mon curé pour qu’il me trouve un lieu de retraite spirituelle. Ni lui ni les charmantes bénédictines qui m’accueillirent ne réussirent à comprendre ce que je venais chercher là…

Mais où donc était Dieu ?

C’est à ce moment que Mickaël débarqua dans le bureau où j’étais en stage. Quel que soit l’endroit où il se trouvait, dès qu’il rencontrait une oreille réceptive, il parlait de Dieu, ouvertement, avec un enthousiasme et une joie extraordinaires. Avec son regard bleu qui brillait et sa toute jeune barbe, il m’évoquait le poster de saint François d’Assise que j’avais affiché sur les murs de ma chambre. Au beau milieu d’un lac, lors d’une sortie, il lâcha soudain les rames et, levant les mains au ciel, se mit à glorifier Dieu pour le soleil radieux ; il recommença quelques instants plus tard afin de le remercier pour la pluie battante ! Enfin quelqu’un qui aimait Dieu avec passion et qui réglait sa vie en conséquence. Sauf qu’il était musulman, converti de fraîche date. Un soir, il m’emmena chez un imam turc, un vieillard doux et affable qui se nourrissait de lait de chèvre. Celui-ci m’accueillit chaleureusement, ainsi que les autres personnes présentes dans l’appartement. Tous semblaient bien se connaître et s’apprécier. N’était-ce pas là la communauté fraternelle que je recherchais ? Avant la prière, on m’expliqua comment faire mes ablutions, puis on me couvrit la tête avec un foulard, qu’on arrangea d’une façon bien particulière. N’était-ce pas là la vie bien réglée à laquelle j’aspirais ? Sur le tapis de prière, calquant mes gestes sur ceux de mes voisins, je me disais qu’après tout, rien ne m’empêchait de prier Jésus de cette façon. Et en quittant l’appartement, je fus flattée de sentir qu’on était content de moi, que mes efforts de petite catholique pour me couler dans le moule avaient été appréciés.

Mickaël me présenta une de ses amies, une certaine Asma, chaleureuse et ouverte. Elle portait le voile depuis quelques jours. Elle m’expliqua le pourquoi de sa décision, et j’admirai sa sagesse, sa décence et sa pudeur. Rien à voir avec ces filles dévergondées que je croisais régulièrement et ces gens à moitié nus qui en ce mois de juillet bronzaient sur les pelouses du Tiergarten (grand parc berlinois)… Nous fîmes quelques sorties tous les trois, et je compris seulement après coup qu’elle était notre chaperon. Plus tard, c’est elle que Mickaël chargea d’une mission très particulière : me demander en mariage pour lui ! Je tombai des nues, arguant que je le connaissais à peine, notre rencontre ne datant que de deux ou trois semaines. Elle me cita plusieurs couples musulmans de ses amis, qui s’étaient mariés trois jours après s’être rencontrés. Cela faisait plaisir à Dieu ! D’ailleurs, le prophète Mohamed disait qu’un homme pouvait choisir une épouse en raison de la beauté de sa foi, et c’était le cas pour Mickaël. D’abord opposée, j’en vins à me demander si ce projet de mariage n’entrait pas dans les voies du Seigneur. Peut-être qu’Il voulait que, lui musulman et moi catholique, nous menions une vie droite et fervente, attachés à Lui, vivants symboles du rapprochement islamo-chrétien.

C’est à ce moment que sonna l’heure de mon retour en France.

Dans l’incertitude et l’angoisse, je demandais au Seigneur de me montrer son projet sur moi. Un mois plus tard, à la réunion de rentrée de l’aumônerie étudiante, je rencontrais Philippe, catholique fervent. Spirituellement et humainement, nous nous sommes sentis en communion l’un avec l’autre. Il allait devenir mon mari quelques mois plus tard. Pour mener ensemble une vie tournée vers le Seigneur et nous entraider à avancer vers la sainteté.

Je ne suis pas rentrée dans l’islam. J’en ai vu certains bons côtés : la fraternité, la rigueur, le désir de plaire à Dieu, le sentiment de la grandeur de Dieu… Cela, je l’ai trouvé par la suite dans l’Église catholique, notamment dans la communauté de l’Emmanuel où je suis engagée aujourd’hui. Mais je crois être bien placée pour comprendre la démarche de certains témoins de cet ouvrage, telles qu’Olivia et Jeanne.

Cependant, si les musulmans ont raison d’exalter la grandeur de Dieu, qui leur annoncera que Dieu est aussi Amour ? C’est le Christ et lui seul qui est venu nous le révéler. L’Amour est au centre de tout, il est le commencement et la finalité de tout. « Sans l’Amour, je ne suis rien », dit saint Paul.

Et c’est ce Dieu d’Amour qui est venu chercher les témoins de ce livre et qui a bouleversé leur vie. Dieu peut toucher qui il veut, quand il veut et de la façon qu’il choisit… qui est parfois très surprenante. D’ailleurs, le lecteur occidental à l’esprit cartésien sera peut-être surpris, voire tenté de rejeter des phénomènes que rapportent certains convertis : motions intérieures, songes, visions… J’y vois pour ma part une interpellation qu’il nous faut prendre au sérieux. Acceptons-nous de nous laisser bousculer ? Acceptons-nous d’écouter les signes des temps, sans mettre Dieu en cage ni lui imposer de restrictions ? Car l’Esprit Saint se rit des barrières que nous lui mettons, comme il l’a montré maintes fois dans les Écritures.

Alors, à toi, ami lecteur qui t’apprête à entrer dans un monde surprenant, plein d’inattendu mais aussi de courage et d’espérance, je te souhaite une bonne lecture !

Christine Voegel-Turenne

Témoignage d’

Inès

« Moi, je prierai le Père,

et il vous donnera […] l’Esprit de vérité,

qui demeure auprès de vous, et sera en vous.

Je ne vous laisserai pas orphelins. »

Jean 14, 16-18

Où Inès, Française d’origine algérienne, grandit dans une famille musulmane sous le regard de Marie, qui, petit à petit, la pousse à demander le baptême malgré les obstacles.

Je m’appelle Inès, j’ai 35 ans, je suis mariée et maman d’un petit bout de chou et dans l’heureuse attente du deuxième. Aujourd’hui, j’ai quitté un milieu professionnel prestigieux pour travailler dans une association catholique. Je suis née et j’ai grandi en France dans une famille musulmane d’origine kabyle. Dans la banlieue populaire où nous habitions, notre famille était un peu décalée. Mon papa, ancien combattant de la guerre d’Algérie, était athée. Il nous a élevés dans l’amour de la France. Quant à ma mère, quoique musulmane pratiquante, elle nous a élevés dans l’amour de Jésus et de Marie. Elle glissait toujours une médaille de la Sainte Vierge dans nos cartables d’école. Quand un jour je l’ai interrogée sur cette habitude, elle m’a répondu qu’elle était une maman qui confiait ses enfants à une autre maman. Et tous les dimanches, nous ne manquions pas l’émission Le Jour du Seigneur avec la messe télévisée. Il y avait des statues de Marie un peu partout dans l’appartement familial, et on fêtait tant les fêtes musulmanes (l’Aïd en particulier) que les fêtes chrétiennes. À la maison, mes parents ne faisaient jamais de différence entre mes frères et sœurs ; nous partagions les tâches ménagères, garçons et filles logés à la même enseigne.

À 14 ans, j’ai été victime d’une agression violente. Cela m’a traumatisée. Je ne voulais plus sortir, je refusais d’aller en cours et je me suis mise à détester la banlieue. Je voulais mourir. C’est alors que ma mère a décidé de m’inscrire dans une institution religieuse catholique. Les sœurs qui s’en occupaient m’ont réappris à aimer la vie. De nature angoissée, suite à ce traumatisme, je deviens encore plus anxieuse. Pour retrouver la paix, on me conseille de lire le Coran. J’essaie de prier en français, puisque je ne connais pas l’arabe, mais on me dit que ce n’est pas valide. Pour en avoir le cœur net, je téléphone alors à la Grande Mosquée de Paris. On me répond : « Apprends déjà l’arabe et reviens vers nous ! » Comment Dieu qui a créé toutes les langues n’accueillerait-il pas ma prière en français ? Je laisse tomber. Les choses sont différentes lorsque j’entre dans une église. Ma mère m’emmenait souvent rue du Bac1 lorsque j’étais enfant, et depuis, j’ai pris l’habitude d’y retourner. Là, je m’adresse à Dieu librement, avec mes mots, à partir de mes préoccupations du moment et sans avoir besoin de me vêtir de façon particulière. J’y ressens une grande paix. Je saurai plus tard que cette paix est un cadeau de Jésus.

Je passe mon bac et j’entame des études supérieures. Mon amie d’enfance est protestante, elle m’invite à des sessions. J’aime beaucoup leurs louanges, avec des chants gospel qui parlent d’amour, de compassion et de paix. Cela me touche et me porte, mais je ne sais pas encore que c’est la Parole de Dieu. J’ai la sensation d’être à ma place avec les chrétiens. À ce tournant de ma vie de jeune adulte, je suis contente d’assister à des sessions pour femmes. Qu’est-ce que je veux faire de mon existence plus tard, quel type de relation je veux établir avec les garçons, comment je pourrai construire une famille avec Dieu au centre de ma vie ? Mon amie raconte mon histoire à son pasteur qui lui prédit que je me convertirai. Cela me fait rire. Vraiment, je ne vois pas ce que je gagnerais à une telle démarche.

Un peu plus tard, poursuivant mon parcours professionnel à l’étranger, je rencontre un jeune homme sur les bancs de la formation. Il est catholique pratiquant, et issu d’une vieille famille de l’aristocratie française. Nous continuons à nous fréquenter après notre retour en France. Pour passer plus de temps avec lui, je l’accompagne lorsqu’il va à la messe le dimanche. Ce n’est pas la première fois que j’y assiste, mais jusque-là je ne m’y sentais pas à l’aise. N’ayant pas les codes, j’imaginais que lorsque je m’asseyais ou me levais un tantinet trop tard on devinait que je n’étais pas catholique. Avec cet ami, c’est différent, c’est une façon agréable de découvrir la signification de la messe grâce à ses explications. De plus, je me rends compte que la Parole de Dieu me nourrit, à tel point que je ressens un manque lorsque je ne vais pas à la messe. Et puis, je découvre vraiment Jésus à travers la Parole et me mets à le prier. Je décide ensuite de suivre le parcours Alpha2. Ça me conforte parce que je me sens bien, accueillie dans l’Église et en phase avec l’enseignement de l’Église. Mais alors que pour certains, ce parcours débouche directement sur une demande de baptême, moi, je ne suis pas encore mûre. Il me reste encore beaucoup de questions.

On nous a parlé d’une paroisse dynamique à Paris XXe, et de son prêtre. Nous nous y rendons, et un dimanche, je suis touchée par la parole forte de ce prêtre au cours de l’homélie. Contrairement à ce que j’avais vu jusqu’à présent, il ne reste pas derrière l’ambon mais il se tient debout au pied de l’autel, proche de l’assemblée, avec son micro à la main. Il s’adresse à tout le monde, et j’ai l’impression qu’il me parle à moi plus particulièrement. Cela remue quelque chose en moi et je vais le trouver à la fin de la messe. Très gênée, rougissante, je lui avoue que je me pose des questions.

« J’ai entendu parler du catu… catécu… » Je bute sur ce mot imprononçable, bafouille, et le curé complète en souriant : « Catéchuménat. Si vous voulez, prenons rendez-vous et nous en discuterons. » Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons et nous discutons deux heures durant. « Je te dis ce que Jésus a dit à ses disciples : “Viens, vois et demeure si tu le souhaites.” Rien ne t’oblige à aller au bout ! Tu peux partir quand tu veux, revenir, faire une pause, critiquer… » Il me laisse la liberté de mon choix, et c’est cela qui me décide à entrer au catéchuménat. Au moment où le parcours commence, je rejoins un groupe d’étude biblique, qui étudie en continu l’Évangile de saint Jean. Là, je tombe des nues. J’avais l’impression de connaître la Bible, avec les cours de catéchisme que j’avais eus chez les religieuses et les films chrétiens qu’on regardait tous les ans avec ma mère – nous avions visionné toutes les versions possibles de la Passion du Christ ! Mais je m’aperçois qu’il y a différents niveaux de lecture et que, seule, je ne connaîtrai pas vraiment la Bible. Être formée, c’est primordial.

Au catéchuménat, on m’assigne un accompagnateur qui est quelqu’un d’exceptionnel. Il me montre ce que c’est qu’être catholique, dans la vie de tous les jours, au travail, dans le métro… Contrairement à ce que j’ai remarqué chez d’autres, il n’y a pas chez lui de décalage entre ce qu’il dit, ce qu’il croit et ce qu’il vit. Je suis aussi très impressionnée par la religieuse coresponsable du parcours, qui accueille tout le monde avec un grand sourire, qui se souvient de tous et est à l’écoute. De plus, je suis très bien accueillie par les paroissiens, qui m’invitent régulièrement à déjeuner chez eux, et je découvre ce qu’est la vie fraternelle dans l’Église. Je découvre aussi la compagnie des saints. Lorsqu’on me propose de lire Histoire d’une âme de sainte Thérèse de Lisieux, je m’y mets avec un peu d’ennui ; il y a trop de descriptions, de longueurs. Mais à partir d’un certain moment, je suis captivée par ma lecture, et la « petite Thérèse » devient pour moi une amie. Depuis, je participe chaque année à la « semaine thérésienne », qui propose différents événements, des spectacles, des témoignages sur la façon dont sainte Thérèse peut agir dans notre vie. Lors de la soirée « Pétales de roses », chacun formule ses demandes dans une lettre qu’il s’envoie à lui-même et reçoit un an après. Ainsi, on se rend compte de tout ce qu’a fait la petite Thérèse pour nous durant l’année et c’est souvent étonnant ! J’ai amené à ces soirées des filles musulmanes, et ma mère me donne des lettres pour que je les dépose à sainte Thérèse.

Je découvre aussi des lieux de pèlerinage, notamment Lisieux. Mon ami m’emmène à Paray-le-Monial, le sanctuaire du Cœur de Jésus. Les premiers jours, je ne me sens pas bien. Plein de choses négatives me reviennent en mémoire, à la fois des choses qu’on m’a faites et des choses que j’ai faites aux autres. « Ce serait bien que tu ailles parler à un prêtre », me conseille mon ami. Je fais la queue, le hasard choisit pour moi un prêtre… et c’est précisément celui qu’on m’avait conseillé quelques années plus tôt, mais que je n’avais jamais pu approcher jusqu’alors. Comme le Seigneur sait combiner les choses ! Je me confie à lui. Comme je ne suis pas encore baptisée, il ne peut pas me donner le sacrement du pardon de Jésus. Mais il me dit : « Le Seigneur vous aime, Il vous a appelée ! » Je suis bouleversée et je vis alors une guérison intérieure. Suite à mon agression, je ne m’aimais plus. Mais puisque Jésus m’aime, alors je peux m’aimer ! Et je comprends qu’il n’est pas un Dieu qui fait peur, mais un Dieu d’amour. Cela me donne la force de faire une démarche de pardon, de pardonner à mes agresseurs. Je me sens libérée d’un poids. Je découvre aussi l’existence du Saint-Esprit. Quand il est monté aux cieux, le jour de l’Ascension, Jésus ne nous a pas laissés seuls, il nous a donné son Esprit Saint, pour nous consoler, pour nous fortifier. Je me mets à le prier chaque jour. Il me donne sa force et m’accompagne.

Arrivée au bout de mon parcours de catéchuménat, j’hésite encore un peu à demander le baptême. C’est alors qu’à la radio, je tombe sur le témoignage d’un converti issu de l’islam. Et voilà ce qu’il dit : « J’avais le choix entre deux voies : soit je choisissais Jésus, un homme qui a fait tout ce qu’il a dit, un homme qui était chaste et pauvre, soit je choisissais Mohamed3, homme avec des valeurs actuelles, homme de pouvoir, d’argent, de guerre et de femmes. » En effet, il n’y a pas d’hésitation possible ! Je fais aussi une relecture de ma vie et je me rends compte que le Seigneur a toujours été auprès de moi, il a semé des cailloux qui ont fini par me conduire à lui et cette fois j’ai compris. Je vais répondre « oui » à son appel. Je choisis de suivre Jésus, et je rédige ma lettre de demande de baptême à l’évêque de Paris.

Entre-temps, avec mon ami, nous nous sommes fiancés. Mais la différence de milieu est difficile à accepter par sa famille. En cinq ans, ils ne m’ont pas accueillie une seule fois chez eux. C’est une grande et douloureuse incompréhension pour moi. Pour mon fiancé non plus, la situation n’est pas simple, à tel point que, peu de temps avant le baptême, il me quitte. Dans mon chagrin, je décide de tout abandonner : je ne prierai plus, je n’irai plus jamais à l’église… Ça dure quelques heures, et puis je craque. J’ai trop besoin de la prière pour vivre. J’arrive en pleurs et en retard à la répétition du baptême. Mon fiancé a fait partie de mon chemin de conversion, et il n’est pas là. Le prêtre me voit ainsi et me dit : « Tu ne te rends pas compte : tu pleures pour un garçon, alors que c’est le Seigneur que tu vas rencontrer ! Je crois que je ne vais pas te baptiser… » Je suis blessée, je me rebelle et rétorque : « Ça m’est égal ! Ce sera pour une autre année. » Mais très vite, je comprends qu’il a raison. Je pourrai toujours être déçue par les hommes mais jamais par Dieu. Je sèche alors mes larmes.

Alors, tout change. En fait, c’est étonnant : malgré ma tristesse, je suis profondément heureuse, et je peux dire que cette soirée a été l’une des plus belles de ma vie. Ma sœur, qui se dit athée, en a été émue aux larmes. Sur le moment, je n’ai pas compris pourquoi le Seigneur m’imposait une telle épreuve à ce moment précis où je le choisissais, car j’avais découvert son amour par l’amour de mon ami. Je le comprends rapidement après. Cette démarche, ce n’est pas pour plaire à un fiancé ou pour entrer dans un milieu que je l’ai faite ; c’est vraiment pour moi, par amour de Jésus. Ma conversion m’appartient pleinement. De plus, je suis reconnaissante envers ce prêtre pour ses paroles qui, à première vue, pouvaient manquer de compassion. Son exigence m’a ouvert les yeux.

Dans les mois qui suivent, je constate certains changements en moi. Je découvre une grande paix, je suis moins anxieuse qu’avant. Même si ça fait cliché, je peux dire que je suis passée des ténèbres à la lumière. Ma vie professionnelle aussi change, et je reprends des études. Mais surtout, avec mon ami, nous nous apercevons, chacun de notre côté, que nous ne pouvons vivre l’un sans l’autre. Dans les semaines qui suivent mon baptême, nous nous retrouvons pour ne plus nous quitter, et nous nous marions.

Pendant ma grossesse, je pars suivre une retraite fondamentale dans un foyer de Charité. C’est la première fois que je fais l’expérience du silence, ce qui me faisait très peur avant d’y aller. Mais finalement, cela m’apporte beaucoup. Tout a changé, jusque dans mes relations avec ma belle-famille. En réalité, ils ne me connaissaient pas. Comme dit saint Augustin : « On ne peut pas aimer ce qu’on ne connaît pas. » Quand ils m’ont découverte, ils m’ont vraiment accueillie. Ma belle-mère m’a demandé pardon en pleurant, nous sommes tombées dans les bras l’une de l’autre. Je crois que c’est un des pétales de rose de la « petite Thérèse », le fruit de l’intercession que je lui avais demandée.

Aujourd’hui, il m’arrive de participer à des missions d’évangélisation de rue. Moi, l’anxieuse et la timide, je me découvre des capacités insoupçonnées. Je suis surprise du lien que l’on crée parfois avec la personne rencontrée. C’est plus facile avec des musulmans, ils s’arrêtent et on peut parler longuement avec eux et avoir un vrai échange. Quand j’évoque mon parcours de foi, je ne parle pas de conversion. Je trouve ce terme inadapté, et bien plus encore celui d’apostasie. Je n’ai pas eu l’impression de renoncer à quelque chose ; il n’y a pas eu de rupture dans mon cheminement spirituel. En devenant chrétienne, j’ai trouvé la parfaite expression de ce que je vivais intérieurement. J’avais déjà Jésus et Marie dans ma vie auparavant, et en allant plus loin, j’ai véritablement rencontré Jésus en tant que « le Chemin, la Vérité et la Vie ». Je n’ai pas non plus rompu avec ma famille, ni avec mon milieu d’origine. Ayant grandi en banlieue, j’en ai conservé certains codes ; par exemple je dis les choses sans filtre. Mais je suis profondément apaisée et j’ai gagné en douceur, grâce au Seigneur.

Pour conclure, je voudrais dire ceci : rien n’est impossible à Dieu, le temps de Dieu n’est pas le nôtre. Quand il frappe à la porte et que tu lui ouvres, ta vie est transformée, ainsi que tout ton être. Plus précisément, en profondeur, je suis toujours la même, bien que ma vie ait été complément bouleversée… Mais par la foi, je suis devenue une version améliorée de moi-même. Dieu m’a offert une seconde chance. Je rends grâce chaque jour !

1. La chapelle de la rue du Bac, à Paris, est aussi appelée chapelle Notre-Dame-de-la-Médaille-Miraculeuse depuis les apparitions de la Sainte Vierge à sainte Catherine Labouré en 1830. La Vierge Marie lui a demandé de faire frapper à son effigie des médailles qui se sont rapidement diffusées dans le monde entier et sont à l’origine d’une intense dévotion et de nombreuses grâces.

2. Les parcours Alpha sont destinés à tous ceux qui souhaitent découvrir ou redécouvrir le cœur de la foi chrétienne, dans un cadre convivial. Beaucoup de recommençants, en France et ailleurs dans le monde, témoignent combien ce parcours a été une étape stucturante dans leur chemin de foi. Pour aller plus loin : www.parcoursalpha.fr.

3. Mohamed (ou Mahomet, Mohammed, ou encore Muḥammad), né à La Mecque vers 570 et mort à Médine en 632, est le fondateur de l’islam, et est considéré comme le prophète majeur de cette religion.

Témoignage de

Mokrane et Rabia

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Tout fut par lui. »

Jean 1, 1-3

Où Mokrane, jeune algérien, est attiré par la figure d’un Dieu non pas vengeur et punisseur, mais plein d’amour. Où Rabia, sa femme, musulmane fervente, bien que bouleversée en apprenant son baptême, décide de rester à ses côtés en espérant le faire revenir à l’islam. Et comment le Seigneur leur réserve à tous deux de belles surprises.

Je m’appelle Mokrane-Augustin. Je suis né en Algérie dans les années 1970, plus précisément en Kabylie. Ma famille était musulmane par tradition mais ne pratiquait pas. Je ne les ai jamais vus faire la prière rituelle ou aller à la mosquée. Par contre, ils faisaient le ramadan4. Ils étaient croyants : ils croyaient en l’existence d’un Dieu, Allah, et en l’au-delà. Et le ramadan était pour eux une façon de ne pas couper les liens avec Allah, une sorte de passerelle. En fait, autour de moi, c’est généralement arrivés à un âge mûr, voire avancé, que les gens se mettent à pratiquer, comme pour se mettre en règle et effacer ce qui n’a pas été très joli dans leur vie avant le grand saut dans l’au-delà. De plus, en général, ils connaissent peu le Coran. Même quand ils pourraient avoir accès au texte, ils ne s’autorisent pas à chercher à comprendre par eux-mêmes, comme si c’était un péché contre la foi. Ils préfèrent laisser à l’imam le soin de commenter des extraits choisis. Le système de transmission du Coran reste essentiellement oral, comme dans les premiers temps de l’islam. Je crois que c’est cette relative ignorance qui permettait une certaine tolérance.

À partir des années 1990, les choses se mettent à changer. C’est ce qu’on appelle la décennie noire. L’Algérie entre dans une crise multiple, économique, politique, sociale et culturelle. Par le biais des médias et de l’école, le gouvernement et les islamistes enferment le peuple dans une idéologie qui nous vient d’Égypte, d’Iran ou d’Arabie saoudite. Parmi les pays qui se disent arabes, l’Algérie est l’un des seuls où il est permis d’enseigner la philosophie. Malheureusement ce n’est pas pour permettre aux gens de penser par eux-mêmes mais seulement pour affirmer que le capitalisme et le communisme sont mauvais, et que la seule voie médiane acceptable est celle de l’islam. Dans mon lycée, le professeur de philosophie est islamiste, et c’est le message qu’il nous fait passer. On trouve des professeurs islamistes dans d’autres matières également. Nous sommes peut-être leurs soldats de demain, alors ils s’intéressent à nous. Ils ont gagné la mosquée, la télévision, et maintenant l’école, qui deviennent tous lieux d’endoctrinement.

Le régime de Boumédiène et les islamistes entretiennent des rapports ambigus. Ils poursuivent le même but, à savoir l’arabisation et l’implantation de l’islam. Par exemple, le président Boumédiène, dans sa révolution agraire, a fait construire en 1973 mille « villages socialistes », dérivés d’un lointain modèle soviétique, tous équipés d’une mosquée. Autre point commun, tous veulent le pouvoir politique… Et si le régime cherche à réprimer les islamistes, ce n’est pas parce qu’ils sont islamistes, mais parce qu’ils sont ingérables et risquent de le renverser. Dans cette confusion, on ne sait plus très bien qui est à l’origine des enlèvements et assassinats qui se produisent presque chaque jour. Et n’importe qui peut en être victime. Nous vivons dans un climat de peur, jusqu’à avoir peur de notre ombre. Pourtant, même au sein de la dictature, il existe des espaces de liberté. Dans nos villages kabyles, par exemple, on peut parler de tout sans risque. Il reste aussi une certaine liberté de parole à travers des journaux de langue française. Il me semble que la langue française favorise la liberté de parole, les valeurs humaines et la démocratie.