Découverte de la danse de l'oiseau aux îles marquises - Guillaume Duvivier - E-Book

Découverte de la danse de l'oiseau aux îles marquises E-Book

Guillaume Duvivier

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Beschreibung

À l’occasion d’un congé sabbatique, Guillaume décide, avec son épouse, de passer plus de temps avec leurs jeunes enfants. Cette année, ils la passent en Polynésie française et explorent l’archipel des îles Marquises. Véritable source de découvertes, de réflexion et d’émerveillement, il vous invite à le suivre sur les traces de son périple riche en rencontres extraordinaires et intrigantes…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Guillaume Duvivier a ressenti le besoin d’écrire à la suite de sa découverte de la Terre des Hommes et de la légende de danse de l’oiseau. Avec "Découverte de la danse de l’oiseau aux îles Marquises", il revient sur cette expérience singulière.

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Guillaume Duvivier

Découverte de la danse de l’oiseau aux îles Marquises

© Lys Bleu Éditions – Guillaume Duvivier

ISBN :979-10-422-0156-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Poème introductif

Il y a des destinations qui vous changent comme celle des îles Marquises.

C’est un voyage qui métamorphose, qui est source de désir et de convoitise.

Il y a d’abord des rencontres de personnages qui vous mettent à l’aise,

Et aussi des réflexions, des découvertes et des paysages qui plaisent.

Bienvenue dans ce berceau, au milieu de l’océan Pacifique !

Emmenez ce que vous voulez, nul ne sait avec quoi vous repartirez.

Les maladies, les armes, les religions auront tenté de le transformer.

Cet archipel a quelque chose d’éternel que les Marquisiens veulent conserver.

Sauvages et isolées, les vallées parfois impénétrables surprennent.

Les pics et les falaises abruptes rappellent que la nature est reine.

Les légendes font danser les traditions et les tikis sont devenus sculptures.

Tout en côtoyant la culture, le mana vous trouve en pleine nature.

Et après ce voyage, comment faire pour conserver cette énergie ?

Chacun pourra garder son souvenir, sa photo, son tatouage ou sa mélodie.

Pour contribuer au maintien de cette civilisation, il suffirait d’agir ou d’écrire,

Pour aujourd’hui comme pour demain, continuer à en jouir.

Guillaume Duvivier, mars 2022

Chapitre 1

Le début du voyage

L’instant le plus heureux d’une vie humaine est le départ vers une terre inconnue.

Richard Burton

En ce lundi 31 janvier 2022, Lily-Rose fête ses cinq ans. C’est le début de la semaine et nous devons réveiller notre fille qui a toujours quelques difficultés à se lever le matin. Son frère Mathis a un réveil beaucoup plus rapide. À peine a-t-il ouvert un œil, qu’il veut déjà s’habiller et prendre son petit déjeuner. Pour Lily-Rose, c’est plus difficile. Elle a besoin de se blottir contre Céline, sa maman, mon épouse. Plusieurs minutes sont nécessaires avant de pouvoir ouvrir complètement les yeux et finalement s’étirer tel un chaton.

Je suis déjà debout depuis un long moment quand Céline, Lily-Rose et Mathis me rejoignent dans le salon de notre maison à Moorea sur l’archipel de la Société en Polynésie française. Il est 6 h du matin. Céline est étonnée de me trouver devant l’écran de son ordinateur portable. Cela doit bien faire six longs mois que je n’ai pas tapoté sur un clavier. Avant que Mathis m’attrape par le cou pour me dire bonjour, je glisse une phrase à l’oreille de Céline : 

— J’ai commencé à écrire.
— Super et sur quoi as-tu écrit ? me répondit-elle.
— Sur notre voyage aux Marquises, je lui annonce timidement.
— Tu es levé depuis longtemps ?
— Oui. Je t’expliquerai tout à l’heure.

Céline ne semble pas réellement surprise. Je referme l’ordinateur pour préparer le petit déjeuner « spécial » pour le jour d’anniversaire de ma fille.

C’est important cinq ans. À partir de cet âge, il me semble qu’il est possible d’avoir des souvenirs. Lily-Rose se souviendra-t-elle de son anniversaire passé sur une île du Pacifique ? Il est affiché 6 h 36 sur le four de la cuisine quand j’allume cinq bougies sur le gâteau. Lily-Rose, qui veut toujours tout faire toute seule « comme une grande », avait préparé son gâteau d’anniversaire la veille. Elle est sur les genoux de sa maman et souffle les bougies une par une avec une grande concentration. Ma fille grandit et j’ai la chance de profiter de ces moments jour après jour. Nous lui offrons quelques cadeaux. Le plus impressionnant d’entre eux est un flamant rose en peluche qui est presque aussi grand qu’elle. Elle est contente de s’amuser avec sa nouvelle peluche.

Les minutes défilent très vite et nous n’avons pas le temps de répondre aux nombreux messages de la famille depuis la France métropolitaine qui souhaitent un joyeux anniversaire à notre fille. Vers 7 h 15, nous emmenons nos deux enfants à l’école de Teavaro. Les journées démarrent tôt en Polynésie française et l’école commence à 7 h 30. De retour à la maison, je discute avec Céline des raisons pour lesquelles je me suis levé cette nuit. Elle m’encourage à continuer sans hésitation.

Cette nuit-là, minuit est passé d’une minute et la nuit est noire. Quelques étoiles éclairent le ciel. Je me suis réveillé subitement et me suis levé comme s’il était indispensable d’écrire quelques lignes. Ce n’était pas vital mais très important pour moi. Depuis plusieurs semaines, je repense sans cesse à l’archipel des Marquises. J’ai besoin de partager mon expérience, de partager ma découverte de « Te Hakamanu », la danse de l’oiseau.

Il faut que j’écrive notre histoire pour qu’il reste une trace. Pourquoi ? Je n’en sais encore rien. Il faut que j’écrive pour moi, peut-être aussi pour mes enfants. J’ai aussi envie de partager mon expérience avec plus de monde. Il faut qu’il reste quelque chose de ce que je vis aujourd’hui. J’ai aussi besoin d’écrire car cela m’aide à comprendre ce qui m’est arrivé. J’ai vécu une expérience qui n’est pas du tout ordinaire et qui m’a ouvert les yeux. Cette trace sera peut-être utile pour transmettre un message. Mais quel message ? Franchement, à ce stade, je n’en sais encore rien du tout !

Les flashs, dans mon sommeil éveillé, étaient si forts qu’il a fallu que je me lève, tout de suite, sans attendre. Alors je m’y mets et j’écris tout ce qui me passe par la tête. Il y a des souvenirs proches et lointains. Il y a des rencontres avec des personnes naturelles et sincères. Il y a des ressentis et des impressions qui sont souvent très positifs et en relation avec la nature. Il y a surtout des rencontres avec des personnes inoubliables.

Et surtout, je me souviens des regards ! Ce n’est pas seulement des croisements de regards, c’est réellement une porte ouverte sur l’âme de l’autre. Comme si en se regardant, il était possible de se connecter à l’autre. En se regardant dans les yeux, il se passe quelque chose que je n’avais pas perçu jusqu’alors.

En écrivant, je me rappelle les chants marquisiens et je chantonne.

En écrivant, les premiers mots et les premières phrases deviennent des paragraphes et mes idées s’éclaircissent.

En écrivant, je sais que les pages accompagnent ma transformation et que petit à petit je commence à comprendre.

En écrivant, l’envie de partager est de plus en plus forte. Le besoin de créer, de construire quelque chose commence aussi.

Une nouvelle étape arrive dans ma vie. J’ai envie de raconter. Est-ce la maturité ? Est-ce l’envie de partager les moments présents ? ou simplement le besoin de prendre le temps de faire quelque chose pour moi. L’écriture semble être le meilleur moyen de partager avec un plus grand nombre de personnes mes découvertes et la révélation qui m’est apparue.

En anglais, une abréviation existe qui s’appelle S.O.S. pour « Slower, Older, Smarter ». Cette abréviation caractérise mon état d’esprit du moment. Je ne sais pas encore les raisons qui me poussent à écrire mais cela me fait du bien, alors je continue. Je n’ai pas besoin que cela aille vite, je prends le temps nécessaire. C’est rare.

J’écris sur notre voyage aux îles Marquises ! Ce voyage cela fait très longtemps que j’en rêve et les raisons qui me poussent à écrire viennent certainement de mon passé. Je me rappelle qu’une de mes premières interrogations concernait Jacques Brel. Pourquoi est-il parti aux Marquises et resté là-bas ? C’est quelque chose que j’ai envie de comprendre, de connaître. J’ai fait la découverte de Jacques Brel vers l’âge de 18 ans grâce à Pierre, mon ami qui écoutait les chansons à texte interprétées avec ferveur par le chanteur belge. La chanson « les Marquises » est intrigante pour moi. « Gémir n’est pas de mise aux Marquises ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Et puis, grâce à notre mariage en 2004, nos familles et amis avaient participé au financement de notre voyage de noces. Le destin nous a fait choisir la Polynésie française comme destination paradisiaque. Céline et moi avions concentré nos aventures et nos découvertes sur l’archipel de la Société avec les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent en février 2005. Comme beaucoup d’autres jeunes couples en voyage de noces, nous n’avons pas eu le temps, en quelques semaines, de voyager sur les autres archipels qui sont plus éloignés. Dans un coin de notre tête, il y avait cette promesse qu’on s’était faite, un peu rêveurs, de revenir en Polynésie française avec nos enfants pour y passer des vacances.

Depuis les années sont passées mais l’envie d’un nouveau voyage en Polynésie était restée. Parfois, cette envie était très lointaine, parfois elle se faisait plus présente. J’espérais découvrir les Marquises lors de ce nouveau voyage. Nous avions raté un premier rendez-vous. Impossible de le manquer une nouvelle fois.

Avant d’arriver aux îles Marquises, il nous a fallu prendre quelques décisions. En janvier 2021, nous prenons celle de vivre une année à Moorea, l’île sœur de Tahiti. Les raisons sont multiples. La principale est le besoin de passer plus de temps avec nos enfants. Mathis, qui avait six ans, et Lily-Rose, qui allait fêter ses quatre ans, grandissent vite et nous avons le sentiment que le temps passe sans que nous en profitions suffisamment. Nous savons qu’à leur âge tout est possible sans beaucoup de contraintes et que les enfants s’adaptent très vite. Nous décidons de leur faire découvrir la Polynésie et nous partons en juin 2021. Le cadre de vie est magnifique, les Polynésiens sont accueillants et le programme de l’école est identique à celui de la France donc la destination est idéale pour nous.

Au moment où j’écris ces lignes, j’ai donc la chance de partager des moments en famille depuis plus de six mois. Je dépose mes enfants le matin à l’école. Je partage avec eux des épisodes de vie simple qui me permettent de les voir grandir. Je passe aussi beaucoup de temps avec Céline, mon épouse. Nous faisons beaucoup de rencontres et nous pratiquons aussi de nouvelles activités. En bref, je me ressource en profitant de ma famille.

Les journées passent très vite et en particulier cette journée du 31 janvier qui file à grande vitesse. Je ne résiste pas à rallumer l’ordinateur à plusieurs reprises pour ajouter et corriger quelques idées à mon brouillon.

En fin de journée, je décide d’appeler Debora, une amie marquisienne. Je lui parle de mon entreprise et elle accepte de collaborer avec moi pour enrichir et corriger ces quelques pages de son expérience de vie, de sa connaissance des Marquises. Je suis très enthousiaste car je vais pouvoir faire relire et corriger mon récit pour qu’il soit plus proche de la réalité, plus sincère aussi.

Je suis ravi car c’est aussi pour moi un moyen de garder contact avec ma nouvelle amie. Debora fait partie des rencontres marquisiennes qui ne m’ont pas laissé indifférent. Elle a un caractère très affirmé comme beaucoup de Marquisiens. C’est peut-être parce qu’elle a fait preuve de résilience pour traverser les évènements qui ont jalonné sa vie.

J’hésite encore sur la manière d’aborder ces quelques pages. C’est la première fois que j’écris. Est-ce qu’il faut y ajouter des éléments d’explication ou simplement raconter ce que j’ai vécu avec mes mots et mon expérience comme un récit de voyage ? Faut-il romancer l’histoire ? Je verrai plus tard…

Il y a tellement de choses à raconter sur les îles Marquises. Plus je me documente, plus je m’intéresse à cet archipel, à son histoire, à sa culture et plus je découvre sa richesse et sa diversité. En partageant mon expérience, j’espère donner envie à d’autres personnes de s’intéresser à cette civilisation mais j’ai aussi envie d’aider à ce que les Polynésiens redécouvrent et s’approprient la richesse de leur territoire et de leur culture.

Les îles Marquises s’appellent aussi « la Terre des hommes ». Elles sont pour moi un lieu de réflexion et de découvertes qu’il faut préserver mais aussi faire connaître. La signification de « la Terre des hommes » est pour certains « la terre des Marquisiens », en opposition à « la Terre des étrangers ». Il ne faut pas oublier que ces îles ont été « visitées » par de nombreux navigateurs tout au long de leur histoire pour finalement être colonisées par la France. Quoiqu’il en soit, nous y avons été très bien accueillis. Le cannibalisme y existe encore mais uniquement dans les lointaines histoires et les légendes !

Ces quelques pages sont donc une description de ce que j’ai vécu, pensé et même peut-être parfois imaginé. C’est avant tout un partage de mon expérience et même de mes interprétations. J’ai appris beaucoup et fait des découvertes en échangeant avec des Marquisiens mais aussi avec des personnes de passage qui sont finalement restées sur cet archipel, également avec des touristes en voyage comme nous, rencontrés sur place. Sans le savoir, ces personnes m’ont beaucoup apporté.

Éloignés de notre culture occidentale, les Marquisiens ont beaucoup de choses à nous faire découvrir. Certaines personnes connaissent les tatouages polynésiens qui sont réputés et pratiqués dans le monde entier. Les Marquisiens excellent dans cet art ! Ceux-ci peuvent recouvrir l’ensemble du corps et servent à exprimer l’identité et à valoriser l’individu et son histoire. Il y a aussi la sculpture sur le bois, sur la pierre et même la sculpture sur des ossements qui est reconnue et pratiquée sur les îles de l’archipel des Marquises.

Les chants et la danse font bien évidemment partie du patrimoine culturel. En ce qui me concerne, ma découverte la plus inattendue, est celle de la légende de la danse de l’oiseau. J’ai plaisir à partager cette révélation quand je parle de mon voyage aux îles Marquises.

Le contexte et les préparatifs de notre voyage

Avec Céline, nous avons décidé de profiter maintenant et de ne pas reporter à plus tard l’envie de « vivre notre vie ». La quarantaine a déjà sonné depuis quelques années. Nous sommes en forme physiquement et nos enfants sont épanouis. C’est la bonne période pour nous « bouger » un peu, pour nous « réveiller ». Nous voulons vivre pleinement notre vie d’aujourd’hui sans attendre demain.

Céline et moi avions également envie de quitter la France pour vivre une expérience à l’étranger ou du moins loin de l’Europe pour découvrir une autre culture. Plus jeunes, nous n’avions pas eu cette opportunité lors de nos études ou même avec nos différents emplois. Nous avons pris la décision de partir et de nous créer cette occasion par nos propres moyens. Par le passé, nous avons eu la chance de voyager à plusieurs reprises, de visiter de nombreux pays sur plusieurs continents mais vivre une année complète à l’étranger est une expérience qui nous tente depuis longtemps. Cette expérience et cette destination, nous l’avons donc choisie.

Pour réaliser ce projet, il nous fallait du temps, il fallait nous libérer de nos obligations professionnelles. Céline est en reconversion pour devenir architecte-décoratrice d’intérieur. Elle a la possibilité de retarder le démarrage de sa nouvelle activité. Elle a profité du premier semestre 2021 pour suivre une formation à Aix en Provence et le travail qui lui reste à fournir pour obtenir son diplôme peut se faire à distance.

En ce qui me concerne, je décide de faire une demande de congé sabbatique auprès de mon employeur. Elle est acceptée. C’est une manière pour moi de faire une pause dans ma carrière professionnelle et de prendre du temps pour réfléchir à la suite. Cela fait dix ans que je travaille pour le même groupe et j’ai besoin de me projeter pour les années futures et aussi de retrouver la motivation dans le travail que je fais.

J’ai quarante-cinq ans. J’ai besoin de prendre du temps pour moi et de donner plus de sens à mon quotidien. J’ai appris récemment que certaines entreprises françaises mettent en place le « congé de respiration ». Je pense que cela aurait pu correspondre à mon besoin. J’ai choisi le congé sabbatique et je suis donc libre de tout engagement pour onze mois.

Le choix de la destination est apparu comme une évidence. Le système scolaire en Polynésie française est identique à celui de la France donc tout semble plus simple pour l’éducation de nos enfants. Les températures sont agréables toute l’année. Les îles de la Polynésie française font rêver avec leurs lagons, leur végétation, leur culture et nous espérons y retourner depuis de longues années. Nous décidons donc de partir à la fin du mois de juin pour une année.

Il nous reste à trouver l’argent pour financer cette année au soleil. Pour cela, Céline et moi décidons de vendre notre maison. Quoi qu’il arrive, je me dis qu’après une année dans les îles, nous aurons certainement envie d’un nouveau cadre de vie. En vendant la maison, cela nous laisse aussi beaucoup d’options possibles pour la suite de notre année sabbatique. Allons-nous rester là-bas et y trouver du travail ? Peut-être que nous n’aurons plus envie d’habituer dans le sud de la France ? Nous avons fait les démarches nécessaires et planifié notre départ. Le projet s’est concrétisé de manière très rapide. Entre janvier et juin, nous avons donc pris la décision et trouvé la destination, vendu la maison et fait les démarches pour partir sereinement.

Nous vivons donc en Polynésie française, à Moorea, depuis plusieurs mois. Nous sommes maintenant habitués aux chants des coqs très tôt le matin et aux margouillats qui se promènent sur les murs intérieurs. « Moo’rea » signifie d’ailleurs lézard jaune en tahitien. Je suis incapable de donner la réelle origine du nom de Moorea car en Polynésie, les légendes sont nombreuses et parfois il peut y avoir plusieurs histoires pour expliquer l’origine d’un lieu. Il est donc difficile de connaître la véritable signification d’un mot mais cela fait partie du charme de cette culture du Pacifique.

Nous avons scolarisé les enfants à l’école publique de Teavaro. Nous sommes ravis de notre choix et l’école correspond tout à fait à celle que nous recherchions pour l’enseignement de nos enfants. Mathis et Lily-Rose découvrent la langue tahitienne et s’imprègnent de la culture à l’école. Ils sont épanouis et courent le matin pour aller rejoindre leurs camarades de classe à 7 h 30. Ils sortent de l’école à 15 h et ont des activités extrascolaires très variées. Mathis participe au Conservatoire chaque mercredi et vendredi après-midi. Il apprend les chants, les danses tahitiennes au rythme du Ukulélé. Cet instrument fait partie de la culture musicale en Polynésie. Lors des fêtes traditionnelles, qu’on appelle aussi « bringues », ou même lors des messes, la guitare en bois équipée de cordes en fil de pêche accompagne les chants sur l’ensemble des archipels de la Polynésie.

Lily-Rose est inscrite à une école de danse de Ori Tahiti. Elle a déjà le déhanché pour la danse rythmée des îles ! Elle adore s’habiller avec un pareo ou avec une robe fleurie aux couleurs vives. En quelques semaines, elle a également appris à nager comme un poisson dans le lagon. Les enfants ont aussi eu des cours de natation avec l’école à la plage de Temae. Mathis a également participé à son premier concours de jeux d’échecs organisés avec les différentes classes de son école.

Nous profitons des périodes de vacances scolaires pour découvrir la Polynésie avec nos deux enfants. Celles-ci démarrent justement pour une durée de quatre semaines à compter de début décembre. Noël n’est pas encore dans l’atmosphère. Ce n’est pas facile pour les enfants de se rappeler le froid alors que dans l’hémisphère sud, c’est l’été. Nous avons décidé de réaliser ce voyage aux Marquises fin décembre car la période semble idéale. Nous quittons la saison des pluies de Moorea pour rejoindre les Marquises où le climat est plus sec à cette période. Le budget est assez important en raison du coût des billets d’avion. À cette période, une seule compagnie aérienne dessert l’archipel. Nous avons optimisé le voyage sur 8 jours et 7 nuits.

Nous commencerons notre périple par Nuku Hiva où nous logerons dans une pension, puis nous rejoindrons Hiva Oa par avion pour être hébergés à l’hôtel. Nous serons de retour pour fêter Noël à Moorea.

Chapitre 2

Les personnes qui accueillent

Fais bon accueil aux étrangers, car toi aussi, tu seras un étranger.

Roger Ikor/Les eaux mêlées

Le 15 décembre 2021, nous nous levons à 4 h du matin car le décollage est planifié à 5 h 30. Il faut se lever tôt pour mériter les Marquises ! En plus, la soirée de la veille a été particulièrement animée et nous nous sommes couchés tard. Nous étions hébergés chez Geneviève et Dominique que nous avions rencontrés auparavant sur la presqu’île de Tahiti. Ils habitent à proximité de l’aéroport de Faa’a et sont en Polynésie depuis trois ans. Ils nous ont proposé de dormir chez eux afin d’éviter les frais d’hôtel mais c’était surtout une bonne occasion pour passer la soirée ensemble.

Nous avions fait leur connaissance à la pension Reva sur l’île de Tahiti lors d’un week-end en famille proche de la célèbre vague des amateurs de surf à Teahupoo. Pour se rendre à cette pension, il faut emprunter la route qui mène au bout de la presqu’île et ensuite prendre un bateau pour nous emmener dans un endroit accessible uniquement par la mer. C’était pour nous une manière de nous déconnecter de la vie quotidienne et de partager une expérience avec la nature, la montagne, l’océan. Nos enfants avaient sympathisé et cela avait contribué à nous rapprocher. Nous avions également pratiqué ensemble une activité de tressage pour réussir à finalement réaliser un plateau avec des feuilles de palmier. Le tressage fait partie du savoir-faire local. On trouve des paniers, des sacs à main, des chapeaux et même des cloisons ou des éléments décoratifs. Tout un art ! Nous avions échangé nos numéros de « Vini », l’opérateur principal de téléphonie en Polynésie française.

Lors de cette soirée à Faa’a, nous partageons nos ressentis sur l’accueil des Polynésiens et sur la facilité de créer des contacts. En étant ici, au milieu de l’océan Pacifique, nous nous bonifions au contact des habitants locaux qui sont aimables et souriants. Geneviève et Dom’ n’auraient peut-être pas imaginé nous inviter à Mérignac, près de Bordeaux, lieu de leur précédente résidence. Nous n’aurions certainement pas accepté de venir chez eux en nous connaissant si peu. Ici, les relations semblent plus simples et plus sincères. Ce n’est pas seulement parce que nous sommes français au bout du monde et que nous nous serrons les coudes. C’est quelque chose de plus, qui nous permet de présenter une meilleure facette de nous-mêmes. Nous faisons partie des Français de Métropole que les Tahitiens appellent les « popa’a ». Ce terme vient du Reo Maohi, « paapaa » qui signifie « roussi, brûlé ». Il désignait en réalité les premiers navigateurs européens brûlés par le soleil après plusieurs mois de mer.

Il y a aussi une certaine forme de mimétisme. Les Polynésiens sont accueillants. En règle générale, les gens sont très sympathiques avec nous, alors nous sommes sympathiques avec les autres. Tout simplement.

Geneviève nous présente quelques objets rapportés des îles Marquises lors de leur précédent voyage. C’est intrigant. Je me souviens qu’elle nous a présenté une herminette, un objet en bois avec une extrémité en pierre qui permet de tailler les pirogues. Il y avait aussi une sorte de pic en os très long d’environ trente centimètres qui était gravé sur le côté. Un accessoire de pêche peut-être ? Elle nous présente également une raie Manta en bois qui est très joliment exposée sur un meuble. Ils se rappellent très bien leur voyage aux Marquises et nous promettent que nous allons vivre une expérience riche en découvertes.

Geneviève fait partie des personnes avec qui il est simple d’entamer une discussion. Elle partage ses sentiments et ses ressentis sans aucun état d’âme, en toute simplicité. Tout paraît plus évident quand j’échange avec elle. J’ai pourtant l’impression qu’elle ne nous dit pas tout sur son voyage. Peut-être qu’elle veut nous préserver de quelque chose ou tout simplement nous laisser nous faire notre propre opinion sans nous influencer. Nous nous couchons tard. Je m’endors avec l’excitation de la veille du départ et quelques vapeurs de rhum Mana’o.

Le matin, Dominique nous dépose aimablement à l’aéroport qui est situé à quelques minutes en voiture. Nous le remercions après lui avoir fait promettre de venir nous voir à Moorea pour passer plus de temps ensemble.

Avant d’embarquer, nous prenons un petit déjeuner qui sera très rapide car nous sommes déjà appelés en salle d’embarquement. Les familles avec enfants sont prioritaires pour embarquer les premiers dans l’avion. Nous marchons quelques dizaines de mètres sur le tarmac et montons l’escalier qui nous mène dans l’habitacle.

Nous sommes assis dans l’avion, prêts au décollage pour les îles Marquises !

Notre arrivée aux îles Marquises !

Les quelques heures de vol et les 1400 kms passent vite. Je n’ai pas pour habitude de préparer nos voyages car j’aime me faire mon propre avis et mes découvertes personnelles. J’apprécie la magie de la surprise ou plutôt je préfère vivre les moments comme ils viennent plutôt que d’essayer de les planifier.

Pour autant, cette fois-ci, j’ai lu dans l’avion les quelques paragraphes sur les îles Marquises du Lonely Planet. J’ai profité de la sieste des enfants pour emprunter le livre que Céline avait emmené. J’ai dévoré les quelques pages. J’ai vraiment envie de m’intéresser à cette culture avant d’y être. Je ne veux pas manquer quelque chose. La vallée d’Hakaui semble être une randonnée incontournable à Nuku Hiva. Nous avons également prévu de visiter le site des grands tikis sur Hiva Oa et d’aller visiter le musée dédié au peintre Paul Gauguin ainsi que l’espace dédié à la mémoire de Jacques Brel.

Plus la destination s’approche et plus l’envie de découvrir la culture marquisienne monte en moi. C’est comme si l’arrivée aux Marquises était le début d’un voyage, d’une aventure et non l’aboutissement d’une envie qui date de plusieurs années.

Lors du trajet, nous survolons l’archipel des Tuamotu. Depuis le hublot, Céline pense reconnaître Rangiroa avec son lagon gigantesque. Effectivement, le pilote annonce par les haut-parleurs de l’avion que nous survolons cet atoll et qu’ensuite nous apercevrons Manihi. Vus du ciel, ces îlots paraissent immenses et les eaux avec des nuances de bleus magnifiques. On les appelle les îles basses. Ce sera une destination pour un autre voyage.

Ce qui nous attend, ce sont les îles hautes et la découverte des Marquises ! Notre avion atterrit vers 9 h 30 sur la piste d’atterrissage de Nuku Hiva qui longe l’océan. La demi-heure de décalage horaire avec Tahiti est une anecdote.

Nous prenons un selfie sur le tarmac avec le nom de l’aéroport en arrière-plan et le drapeau Marquisien qui a trois couleurs très vives qui sont représentées de la manière suivante :

- Le polygone jaune en haut pour la jeunesse et les réjouissances
- Le polygone rouge en bas qui est la couleur sacrée des chefs
- Le triangle blanc à gauche qui est la couleur sacrée des prêtres

À l’intérieur du triangle blanc, il y a également le Matatiki qui signifie le regard de Tiki.

Le tiki est associé à la divinité, au demi-dieu, et au premier homme dans la mythologie marquisienne. Selon une tradition, après la mort du Tiki, les hommes ont sculpté son image dans la pierre pour conserver son souvenir. Les tikis représentent aujourd’hui des ancêtres qui sont des protecteurs.

Le premier regard que je croise est donc bien celui du tiki du drapeau Marquisien qui est flanqué sur la façade de l’aéroport. J’interprète ce croisement de regard comme un signe d’accueil bienveillant.

Tout le monde est ravi d’arriver aux Marquises. Je le suis encore plus. Nous allons découvrir de nouvelles îles, une nouvelle culture, de nouvelles personnes. Les enfants sont très contents de passer 100 % de leur temps avec « Maman » et « Papa » et d’être en vacances tout simplement.

À l’aéroport, une femme nous attend pour assurer notre transfert jusqu’à la pension. Elle nous accueille avec des colliers de fleurs comme c’est la tradition en Polynésie. Elle est un peu maladroite. Les colliers de fleurs sont emmêlés les uns dans les autres. Je ressens une petite gêne chez elle et je l’aide à démêler les colliers que nous enfilons finalement autour de nos cous.

— Ka’oha nui, mave mai à Nuku Hiva, lance-t-elle.
— Ia orana, répondent timidement les enfants tout en regardant fièrement leurs colliers de fleurs.
— Merci, répondons-nous en cœur Céline et moi.
— Nous allons récupérer vos bagages et ensuite je vous emmène à votre pension, continue-t-elle en nous invitant à la suivre d’un signe de la main.

En quelques secondes, je réalise que la langue des îles Marquises n’est pas le tahitien ! Les enfants ont pris l’habitude de dire bonjour en tahitien avec « ia orana » qu’ils prononcent de manière très locale en roulant le « r » mais je n’avais encore jamais entendu les mots d’accueil marquisiens.

J’aide notre chauffeure à porter nos valises avant de grimper dans le véhicule qui nous attend à l’extérieur. La terre est sèche, l’air est presque frais alors que nous venons de quitter Tahiti sous 35 degrés avec un taux d’humidité très élevé.