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Après une argumentation solidement fondée sur des études de cas irréfutables, l'auteur ne peut que constater que chez les peuples dits "sauvages", les manifestations supranormales sont identiques à celles obtenues par les médiums des sociétés "avancées". L'opinion que ces phénomènes, quand ils ne résultent pas de tromperies délibérées, reposent sur des illusions, des expériences mal montées ou de fausses interprétations, est donc à réfuter totalement. Ce que l'on appelle "supranormal" est en réalité un champ d'action naturel partagé par tous les humains. Une base sûre pour une science encore à venir... (Édition annotée, traduction corrigée.)
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Seitenzahl: 238
Veröffentlichungsjahr: 2021
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Des manifestations supranormales chez les peuples sauvages
Ernest Bozzano
Édition annotée
Fait par Mon Autre Librairie
À partir de l’édition Jean Meyer, Paris, 1927.
Traduction corrigée. Les notes entre crochets ont été rajoutées pour cette présente édition.
https://monautrelibrairie.com
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© 2021, Mon Autre Librairie
ISBN : 978-2-38371-039-4
Table des matières
Des manifestations supranormales chez les peuples sauvages
Conclusions
Des manifestations supranormales chez les peuples sauvages
Il suffit de consulter les œuvres des plus éminents anthropologistes et sociologues pour constater que ces auteurs reconnaissent tous, d’un commun accord, que la croyance en la survivance de l’esprit humain est universelle.
E. B. Tylor, dans son ouvrage : Primitive Culture, remarque que « la formule minime pour définir une religion consiste dans la croyance à l’existence d’entités spirituelles », croyance que l’on rencontre « au milieu des races humaines les plus arriérées avec lesquelles nous sommes parvenus à entrer en rapports suffisamment intimes ». Il fait ressortir, un peu plus loin, que « la croyance en des entités spirituelles implique, en son plein développement, la croyance en l’existence d’une âme survivant à la mort du corps ». Et il poursuit en disant :
Cette croyance est la base fondamentale de toute philosophie des religions, à partir des religions des sauvages les plus arriérés, pour arriver à celles des peuples les plus civilisés ; cette même croyance constitue d’ailleurs la philosophie la plus ancienne et la plus universelle.
Grant Allen remarque à son tour :
La religion contient en elle-même un élément infiniment plus ancien que ne l’est la religion elle-même, plus fondamental et persistant que toute croyance à Dieu ou aux Dieux ; c’est-à-dire, plus ancien, même, que l’usage de se rendre propices les Dieux et les esprits au moyen de rites et offrandes, et cet élément est la croyance en la survivance des trépassés. Or, c’est sur cette croyance universelle primitive que sont fondées toutes les religions. (The Evolution of the idea of God, page 42).
Brinton écrivit :
Je vous démontrerai qu’il y a des religions tellement rudimentaires qu’elles n’ont ni temples, ni autels, ni rites ; mais il m’est impossible de vous démontrer qu’on en rencontre une seule ne nous apprenant point la croyance à des entités spirituelles communiquant avec les hommes. (Religions of Primitive People, page 50).
Et Goblet d’Alviella :
Des découvertes des derniers vingt-cinq ans, surtout dans les grottes de la France et de la Belgique, ont montré d’une manière décisive qu’à l’époque du mammouth, l’homme pratiquait déjà les rites funèbres, croyait à la survivance de l’âme, possédait des fétiches et peut-être aussi des idoles. (Hibbert Lecture, page 15).
Powers dit des Californiens :
Je suis absolument convaincu que la grande majorité des Indiens de Californie n’ont aucune idée d’un Être Suprême ... J’affirme en outre, et en connaissance de cause, qu’il n’existe aucun terme indien correspondant à Dieu ... Ils croient bien à l’existence de nombreux esprits, surtout méchants, dont quelques-uns ont forme humaine ; d’autres s’incarnent en des quadrupèdes et des oiseaux... (Tribes of California, page 413-414).
Et voici l’avis d’Huxley :
Il y a des peuples sauvages sans un Dieu, dans le propre sens du mot, mais il n’y en a point sans « esprits » (Lay Sermons and Addresses, page 163).
Herbert Spencer conclut en disant :
Nous rencontrons partout l’idée de la survivance de l’esprit à la mort du corps, avec toutes les conceptions multiples et compliquées qui en résultent. Nous la rencontrons identique aussi bien dans les régions arctiques que dans les régions tropicales ; autant dans les forêts de l’Amérique du Nord que dans les déserts de l’Arabie ; dans les vallées de l’Himalaya comme dans les étendues de l’Afrique ; sur les pentes des Andes comme dans les îles de la Polynésie. Cette idée est exprimée avec la plus grande netteté par des races si différentes, que les techniciens sont amenés à penser que leur transformation s’est accomplie avant la distribution actuelle des terres et des eaux ; c’est-à-dire, aussi bien parmi les têtes à cheveux plats qu’entre celles à cheveux bouclés, ou à cheveux laineux ; chez les races blanches comme chez les jaunes, les rouges, les noires ; chez les peuples les plus arriérés et sauvages comme chez les barbares semi-civilisés et ceux qui se trouvent à l’avant-garde de la civilisation. (Sociologie, vol. II, p. 689).
Ces citations reproduisent la pensée des anthropologistes et sociologues les plus éminents ; je ne pense donc pas qu’il soit nécessaire d’en ajouter d’autres à l’appui de cette affirmation, théoriquement très importante ; les hommes de science sont d’accord pour reconnaître que, si d’un côté l’on peut affirmer qu’il y a des peuples ignorant l’existence de Dieu, d’autre part, tous les peuples de la terre partagent la croyance en la survie de l’esprit à la mort du corps. Seulement, ces mêmes hommes de science ne se trouvent plus d’accord lorsqu’il s’agit de rechercher la genèse de cette croyance universelle ; aucun d’eux ne parvient à des conclusions satisfaisantes à ce sujet. Herbert Spencer entrevoit la vérité, mais comme il ignore les manifestations métapsychiques, il est contraint de formuler des inductions incomplètes et insuffisantes, en se bornant à affirmer que la croyance en la survivance de l’âme tire son origine des rêves, combinés au fait de reconnaître son image réfléchie dans l’eau, ou d’observer son ombre accompagnant les mouvements du corps. Comme on peut le voir, ces inductions prouvent que la puissante mentalité d’Herbert Spencer s’acheminait sur la bonne voie, bien qu’elle n’ait pu atteindre le but, par manque de connaissance du matériel brut fourni par les faits supranormaux, qui étaient indispensables à l’orienter dans sa recherche.
Ce qui n’a pas été fait par Herbert Spencer a été tenté avec succès par l’anthropologiste bien connu Andrew Lang dans son ouvrage : The Making of Religion, où il applique les méthodes de l’analyse comparée aux croyances des peuples primitifs, relativement aux manifestations télépathiques, télesthésiques, clairvoyantes, de hantise, etc., considérées dans leurs rapports avec les manifestations modernes et telles qu’elles se produisent spontanément et expérimentalement parmi les peuples civilisés. Une fois son analyse terminée, il utilise les résultats, scientifiquement irréfutables, auxquels il est parvenu, pour suggérer les modifications qu’il estime nécessaires aux théories des anthropologistes lesquels, refusant toute croyance aux récits de ces manifestations chez les sauvages, ne savent en tenir aucun compte pour formuler leurs inductions sur la genèse de la croyance à la survivance de l’âme et à l’évolution des religions.
Dans l’introduction de son ouvrage, M. Lang remarque :
Mon but est d’examiner les prétendues « pratiques superstitieuses » et les « croyances » des sauvages qui y correspondent, en recourant à la méthode de l’analyse comparée. Je comparerai donc les preuves ethnologiques, concernant les croyances et coutumes des sauvages, avec les meilleures preuves de « transmission de pensée », d’ « hallucinations véridiques », de « personnalités alternantes », etc., telles qu’elles se réalisent chez les peuples civilisés, soit spontanément, soit expérimentalement. Tout cela soulève l’objection de la validité des preuves ethnographiques que j’ai présentées ; objection importante, et que je me mets en devoir de réfuter, en remarquant que les récits des sauvages à cet égard sont incontestablement à la hauteur d’un grand nombre parmi les meilleures preuves sur lesquelles les anthropologistes fondent leurs inductions ; ce qui fait qu’il ne reste aux oppositeurs qu’à repousser en masse toutes les preuves, en les déclarant des « racontars des explorateurs et des missionnaires ». Mais la meilleure preuve de leur authenticité se trouve dans leur admirable concordance – évidemment non préméditée – avec tous les autres récits épisodiques analogues, d’où qu’ils viennent, et quelle que soit l’époque où les faits concernés se sont réalisés. Lorsque les circonstances que nous relatent les explorateurs anciens et modernes, instruits et ignorants, mystiques et sceptiques, concordent dans leurs modalités de manifestation, nous recueillons ainsi les meilleurs critériums de preuves que l’anthropologie est en état de fournir. En outre, lorsque nous constatons que ces étincelles de vive lumière dont s’éclairent les ténèbres de l’anthropologie – étincelles négligées jusqu’ici – existent déjà non seulement dans les superstitions populaires des races humaines, mais sont attestées par des centaines d’épisodes arrivés à des personnes vivantes fort respectables, cultivées et qualifiées, nous ne pouvons légitimement nous empêcher alors de tenir compte de ces concordances fort éloquentes, et il nous est impossible de continuer irraisonnablement à prétendre que ces récits, lorsqu’ils se produisent chez les peuples civilisés, ne sont que des survivances de superstitions sauvages, et pas autre chose.
Après avoir rapporté ces considérations de M. Lang et en me disposant à établir un essai de classification des manifestations supranormales se produisant chez les sauvages, il ne me reste qu’à faire valoir, pour mon compte, les mêmes raisons présentées par l’anthropologiste dont je viens de parler.
Certes, il ne m’est pas possible d’étayer les faits que je vais rapporter en ayant recours aux témoignages directs des protagonistes et des témoins. Cependant l’on doit tenir le plus grand compte du fait que les récits des missionnaires et explorateurs, non seulement concordent entre eux, mais qu’ils concordent aussi, dans leurs moindres détails, avec les récits des faits correspondants qui se réalisent aujourd’hui, et qui se sont toujours réalisés, chez les peuples civilisés. Il est aisé de comprendre que ces éloquentes concordances relativement à des manifestations étranges et inouïes – concordances trop nombreuses pour pouvoir être expliquées par l’hypothèse des « coïncidences fortuites » – amènent nécessairement à reconnaître l’authenticité des faits.
Il est véritablement intéressant d’observer que les manifestations supranormales chez les sauvages, non seulement sont conformes aux modalités de réalisation chez les peuples civilisés, mais qu’on constate aussi un parfait accord entre les sauvages et les civilisés dans les procédés qu’on emploie ici et là pour choisir les sujets les mieux prédisposés pour devenir « sorciers » d’une part, « médiums » de l’autre ; il en va de même pour les systèmes empiriques d’ « entraînement » employés pour favoriser l’émergence des facultés supranormales subconscientes chez les novices.
Ainsi, nous trouvons que chez les Zoulous, les Esquimaux, les Samoyèdes, « sorciers », « médecins » sont choisis dans la classe qui, en Europe, fournit les meilleurs sujets hypnotiques, c’est-à-dire chez les jeunes gens psychopathiques, ou nerveux ou hystériques, ou même épileptiques, soumis ensuite à des pratiques longues et méthodiques, d’ « entrainement », parmi lesquelles on enregistre les jeûnes prolongés, l’isolement rigoureux dans les cavernes, l’ingestion de drogues spéciales, l’aspiration de vapeurs dégagées par des brasiers, sans préjudice de la pratique journalière d’autosuggestions méthodiques et d’autohypnose.
Lorsque les initiés ont reçu une préparation suffisante, le chef de la tribu fait l’essai de leurs capacités supranormales en ayant recours à des méthodes analogues à celles des peuples civilisés. C’est ainsi que chez les Indiens du Pérou, les Apaches, les Iroquois, les Hurons, les Australiens, les Maoris et les indigènes de la Polynésie, la méthode la plus en vogue est la « vision dans le cristal », où le globe de cristal est habituellement remplacé par une coupe ou une calebasse remplie d’eau dans laquelle le candidat doit regarder fixement. En d’autres tribus, on met à l’épreuve les candidats en cachant à leur insu différents objets un peu partout, et en les invitant à les retrouver. Ceux des candidats qui surmontent ces premières épreuves sont déclarés « sorciers ».
Quand il s’agit de communiquer avec les « esprits des décédés », les parents forment cercle autour du sorcier médium, après avoir fait l’obscurité dans la hutte ; précisément tout comme on agit dans les cercles expérimentaux des peuples civilisés. Quand on ne fait pas l’obscurité, le sorcier se place à l’intérieur d’une hutte plus petite, qui sert de cabinet médiumnique, et les expérimentateurs s’assoient tout autour.
Chez plusieurs tribus du Canada, chez les Samoyèdes, les Australiens, les Esquimaux, il est d’usage d’entourer tout le corps du sorcier avec une grosse corde de lianes, ou toute autre sorte de lien, de manière à le mettre dans la condition d’une momie égyptienne. M. Lang suppose que cet usage (si on considère en même temps le fait que, chez les peuplades qui le pratiquent, il est traditionnel d’envelopper de même les cadavres avant de les ensevelir) a la signification symbolique de placer le voyant dans la condition des morts, afin qu’il parvienne plus facilement à se mettre en rapport avec eux.
Je m’arrête là, ce que j’ai exposé suffit à montrer que les manifestations supranormales, telles qu’elles se réalisent chez les sauvages, doivent être regardées comme des manifestations réelles, certaines et indiscutables, autant que les manifestations analogues chez les peuples civilisés. En effet, s’il n’en était pas ainsi, on ne rencontrerait point la triple et parfaite concordance que nous venons de signaler entre les deux ordres de manifestations, soit au point de vue des critériums à l’aide desquels on choisit les sensitifs, soit sous celui des systèmes empiriques par lesquels on favorise l’émergence des facultés subconscientes chez les initiés, soit enfin relativement aux modalités par lesquelles se manifestent les facultés dont il s’agit.
Je passe donc sans plus à l’exposition des cas, en commençant par une excursion rapide dans le vaste domaine des phénomènes de mouvements d’objets sans contact (« télékinésie »), voire même de mouvements d’objets en contact avec le sorcier ou les consultants, mais selon des circonstances de lieu et de temps qui excluent toute fraude consciente.
***
M. Lang est parfaitement fondé à supposer que l’une des causes principales de la naissance de la religion « fétichiste » parmi les sauvages est imputable à l’observation des phénomènes d’objets se mouvant sans contact en présence des sorciers. Il écrit à ce propos :
Maintenant nous tâcherons de démontrer la probabilité que le Fétichisme (croyance qu’un esprit anime et régit des objets inanimés, ou se manifeste par leur intermédiaire), doive son origine à des faits qui ne sont peut-être pas normaux, ou qui, tout au moins, semblent supranormaux aux sauvages ... Nous avons vu quelle est la raison pour laquelle un sauvage suppose qu’un esprit habite certaines choses inanimées, telles qu’un crâne, ou d’autres restes humains ; mais comment a-t-il pu parvenir à s’imaginer qu’un esprit ait fixé son habitat dans un morceau de bois ou dans une pierre ? ... Charles Darwin a vu deux femmes malaises de l’île de Keeling qui avaient habillé une grosse cuillère de bois comme on habille les poupées ; cuillère préalablement déposée sur le tombeau d’un de leurs morts, fort regretté. Or il se produisait ceci : à chaque retour de la pleine lune, la cuillère s’animait, en sautillant et en dansant frénétiquement, comme le font les guéridons au cours des modernes séances spirites.
John Bell, dans son livre Journey in Asia, cite l’épisode d’un Lama mongol auquel on avait volé différentes pièces de damas. Voici la méthode à laquelle il eut recours pour découvrir le coupable : il s’assit sur un tabouret ; celui-ci, en glissant et en sautant, le transporta jusqu’à la tente du voleur. En de pareilles circonstances, les indigènes croient naïvement que le tabouret est animé de mouvements spontanés.
Rowley raconte que, dans le Manganjah, un sorcier, voulant découvrir un criminel, pratiqua des cérémonies magiques sur deux bâtons, qu’il plaça ensuite dans les paumes d’un jeune homme. « Tout à coup, les bâtons commencèrent à s’agiter violemment dans les mains du jeune homme ; puis, ils le forcèrent à tourner vertigineusement, comme s’il était devenu fou ; enfin ils lui échappèrent pour aller rouler aux pieds de la femme d’un chef, qui fut aussitôt dénoncée comme coupable. »
Duff Macdonald, décrivant les pratiques magiques usitées chez les Yaos, remarque : « Les sorciers remettent à un homme un bâton, qui se met aussitôt en mouvement comme s’il était animé, et entraîne enfin très rapidement celui qui le tient vers l’habitation du voleur ou du criminel... »
Ces derniers faits, constatés dans des contrées sauvages, en rappellent d’autres, analogues, chez les peuples européens, et spécialement les exploits du fameux Jacques Aymar, de Lyon, qui découvrit des assassins au moyen de la « baguette divinatoire. »
Le docteur Codrington trouva, dans la Mélanésie, un usage analogue ; là, on croit explicitement que les bâtons sont mus par des « esprits ». Le magicien et une autre personne tiennent le bâton, chacun d’un côté, en demandant quel est l’esprit qui tourmente le consultant. Quand on nomme l’esprit de qui vient l’obsession, le bâton s’agite violemment.
Parmi les Zoulous, ces manifestations prennent des aspects curieux. Nous avons déjà relaté l’anecdote d’un Zoulou, appelé John, qui, ayant un shilling à dépenser, consulta d’abord un sorcier, mais refusa de le payer en estimant qu’il n’avait pas reçu de lui des réponses satisfaisantes. Il garda donc son capital pour récompenser une manifestation plus méritoire. Et il s’en fut chez un sorcier appelé Unomantshintshi, qui opérait au moyen d’ « Umabakula », c’est-à-dire de baguettes dansantes, qu’il décrit ainsi : « Si elles veulent dire non, elles se laissent tomber immédiatement ; pour répondre oui, elles se soulèvent et dansent beaucoup ; elles sautent enfin sur le consultant. Elles se fixent à l’endroit où cette personne est malade, et ainsi localisent l’affection. Si c’est à la tête, elles sautent à la tête… Nous attachons plus de foi à Unomantskintski [sic] qu’aux devins. Mais il y a peu d’hommes qui aient l’Umabakula. »
Quoi qu’il en soit John fut entièrement satisfait, paya de son shilling et rentra au camp. – Ces baguettes ont la longueur d’un pied. Il ne semble pas qu’on les croie mues par des esprits, ni qu’elles soient considérées comme des « fétiches ».
Tylor cite une forme, très familière parmi les sauvages, d’expériences avec le pendule. Chez les Karens, un anneau est suspendu par un fil sur une cuvette. Les parents du décédé s’approchent, l’un après l’autre, et frappent sur la cuvette. Lorsque arrive le tour de celui qui est le plus cher au décédé, « l’esprit » se manifeste en tirant le fil, en l’entortillant jusqu’à le rompre et en le faisant tomber dans la cuvette. (Lang, op. cit., p. 147-151.)
J’extrais cet autre exemple de « télékinésie » beaucoup plus complexe que ceux dont il vient d’être fait citation du livre du Dr Gibier : Le spiritisme-fakirisme occidental, p. 67-68. Le magistrat-chef de l’État de Wisconsin écrit en ces termes au gouverneur du même État, M. Tallmadge :
J’ai conversé la semaine dernière avec H. John du Bay, que je connaissais un peu. Il a passé toute sa vie au milieu des Indiens et a été durant plusieurs années l’agent de la Compagnie américaine pour le trafic des fourrures. Il m’a raconté plusieurs faits qui prouvent que les communications avec les habitants de l’autre monde sont très communes chez les Indiens. Il m’a dit que, dans différentes occasions, il a vu un médecin indien construire trois huttes dont il enfonçait les pieux dans la terre, et qu’il recouvrait de peaux de daim formant de petites tentes qui ne pouvaient contenir qu’une personne assise. Ces tentes étaient placées à environ trois pied de distance l’une de l’autre. Dans l’une, le médecin plaçait ses mocassins, dans l’autre ses guêtres et il se postait lui-même dans celle du milieu.
Alors tout Indien qui voulait converser avec l’un de ses braves défunts posait ses questions. Aussitôt les tentes commençaient à se pencher d’un côté et de l’autre, comme si elles eussent été secouées par quelqu’un placé à l’intérieur, et l’on entendait des voix sortir de l’une ou de l’autre et quelquefois de toutes en même temps.
Ces sons n’étaient intelligibles que pour le « médecin » qui se chargeait de les traduire. Du Bay dit qu’il a saisi ces tentes bien souvent et qu’il a employé toutes ses forces pour arrêter leurs mouvements, mais en vain ; qu’il a alors soulevé les peaux, et qu’il s’est assuré qu’il n’y avait personne à l’intérieur.
Pour ce qui concerne ce dernier exemple, il faut noter d’abord le phénomène du mouvement des tentes dans lesquelles il n’y avait personne ; phénomène de « télékinésie » fort remarquable, mais que l’on rencontre assez fréquemment dans les récits des explorateurs et des missionnaires ; on peut le comparer aux meilleurs du genre obtenus avec des médiums européens, tels que D. D. Home et Eusapia Palladino.1 Il importe, en outre, de faire état de l’autre phénomène, celui de la « voix directe » qui, à son tour, se réalise assez souvent dans les expériences des « sorciers » ou « médecins » sauvages, et dont nous donnerons plus loin des exemples. Inutile d’ajouter que, chez les peuples civilisés, on obtient actuellement des manifestations analogues bien plus merveilleuses.
Pour ce qui se rapporte à l’ensemble des phénomènes mentionnés, il reste à ajouter que M. Lang a recueilli de nombreux exemples de cette catégorie et qui se sont passés chez les tribus les plus différentes du monde. On peut en déduire que les phénomènes de « télékinésie » se produisent plus fréquemment chez les peuplades sauvages que chez les civilisés ; ce qui est dû au fait que, dans les milieux sauvages, ils ont été constamment favorisés et développés avec soin, alors que, dans les milieux civilisés, ils ont été, durant des siècles, unanimement rejetés par les érudits et les profanes, comme de misérables superstitions de l’ignorance la plus crédule ; ce qui a entraîné le résultat de condamner à l’ostracisme scientifique un élément de recherches très important, qui intéresse également la physique, la physiologie, la psychologie et l’anthropologie.
Quant à l’authenticité absolue des phénomènes de « télékinésie » se produisant chez les peuples sauvages, et surtout, quant à ceux paraissant les plus douteux, c’est-à-dire les mouvements de la tente dans laquelle se trouve l’individu, il est opportun de reproduire ici l’attestation de l’un de ces devins, converti au christianisme ; attestation importante, parce qu’elle fut faite au lit de mort, à la demande d’un missionnaire.
Dans l’ouvrage de Mme Emma Hardinge Modern American Spiritualism (p. 486-487), on lit l’épisode suivant que raconte le missionnaire Rev. William M. Johnson, protagoniste de l’épisode rapporté. Il écrit donc :
Wau-chus-co était un remarquable Ches a-Kee, ou devin, qui mourut en 1840 à Round Isle, près de Macinac. Depuis dix ans, il menait une vie exemplaire de parfait chrétien, et appartenait à l’Église Presbytérienne ... Ayant appris qu’il était à la fin de sa vie, j’allai le voir. Il me salua en disant : « Entrez, entrez, mon Nosis (petit-fils) ». Je m’assis à côté de lui, en allumant la pipe pour lui faire plaisir, et, peu après, je lui dis : « Mon cher Né-mé thos-miss (Grand’père), tu es très vieux et affaibli ; tu ne peux espérer vivre encore longtemps. Voudrais-tu me dire la vérité au sujet de tes pratiques de jadis, quand tu faisais le devin ? Qui donc agitait la tente dans laquelle tu prophétisais ? » Il garda un instant le silence et puis il répondit : « Mon Nosis, tu es presque de ma gens ; je sais que je vais bientôt mourir ; je te dirai donc la vérité. Sache que, tout jeune encore, pour devenir devin, je me suis soumis à un jeûne de dix jours consécutifs, conformément à l’usage de ma tribu ; plus mon corps était affaibli par le jeûne, plus augmentait le pouvoir de mon esprit, de mon âme. En une seule vision, j’embrassais une très vaste étendue de pays ... Puis un esprit supérieur vint me parler, en m’exhortant à avoir recours à lui dans les moments où je le jugerais nécessaire. Peu après, ma mère m’apporta de la nourriture, et alors je terminai le grand jeûne.
La première fois que je prophétisai, ce fut au cours d’une expédition guerrière. Nous avions été vers Chicago, et le chef craignait que l’ennemi ne nous attaquât par surprise. Nous restions dépourvus de vivres ; le cas était urgent. Le chef me pria instamment de questionner l’avenir ; je finis par consentir. Après m’être préparé, je m’introduisis dans la tente « Ches-a-Kee » ; aussitôt, je me rendis compte de la présence d’un esprit d’après les violentes oscillations de cette tente. Alors, les chefs guerriers s’écrièrent : « Esprit, fais-nous savoir où sont nos ennemis ! » – Et voilà que ma vision spirituelle s’étendit sur de vastes régions qui m’étaient inconnues ; et ceci de manière que tout objet devenait visible pour moi. Je découvris que nos ennemis se tenaient dans leurs villages, sans aucun soupçon du danger qui les menaçait. Je parcourus en outre une région voisine où le gibier abondait. Je rapportai tout cela aux guerriers qui m’avaient consulté. Le lendemain, nous avons obtenu une abondante nourriture en chassant dans la région que j’avais aperçue ; quelques jours après, nous avons vaincu l’ennemi et nous sommes rentrés dans nos villages avec les trophées de la victoire.
Depuis ce jour, j’ai souvent exercé mes facultés dans la tribu à laquelle j’appartenais ; pour satisfaire les incrédules, je permettais qu’on me liât comme on voulait. Quelquefois, on plaçait un homme à l’intérieur de la tente, qui oscillait et vibrait quand même sitôt qu’un esprit se manifestait ; les cordes avec lesquelles on m’avait attaché se dénouaient et me laissaient libre. Souvent, j’apercevais un globe de lumière dans l’ouverture placée au centre de la tente, de bizarres figures d’esprit apparaissaient par cette ouverture. Les paroles qu’ils m’adressaient pouvaient être entendues de tout le monde mais j’étais seul à les comprendre ... Mon « Nosis », maintenant je suis devenu un fervent chrétien, et mes jours sont comptés ; ce que je viens de te dire est la vérité, la pure vérité. Je ne sais expliquer le pouvoir dont je disposais ; mais ce n’est pas moi qui agitais la tente. J’entrais en communication avec des êtres surnaturels, ou des intelligences pensantes, ou des esprits, qui agissaient sur ma pensée, ou sur mon âme, et me révélaient ce que je décrivais...
Telle est l’intéressante déclaration faite à son lit de mort par un Peau Rouge devin et converti au christianisme depuis plus de dix ans. Elle acquiert donc la valeur d’une attestation importante en faveur de l’authenticité des phénomènes des « tentes oscillantes », même lorsque le « docteur-sorcier » se tient à l’intérieur. On a vu d’ailleurs que, dans le cas qui précède, les mouvements des tentes avaient lieu lorsque personne ne se trouvait à l’intérieur ; et nous citerons plus loin d’autres cas analogues de tentes fortement secouées dans des conditions inconciliables avec l’hypothèse de la fraude ; sans compter que cette hypothèse n’est pas soutenable pour quelques exploits des « bâtons animés » que nous avons signalés déjà. En somme, on doit conclure que l’authenticité des phénomènes de « télékinésie » se produisant chez les peuples sauvages est, de toute manière, démontrée.
***
Je termine le groupe des phénomènes physiques, ou qui apparaissent surtout physiques dans leur ensemble, par un épisode de « lévitation » du corps humain.
Je l’extrais de la revue l’Écho du Merveilleux du 15 novembre 1904, qui l’a puisé dans le North American Review d’octobre 1904, où a paru le récit du prestidigitateur Kellar, retour d’un long voyage d’étude dans l’Afrique du Sud (Zoulouland). Il expose, entre autres, le fait suivant :
J’ai vu, au Natal, un sorcier qui a provoqué la lévitation d’un jeune Zoulou en agitant une poignée d’herbe sur sa tête. C’était le soir ; autour des feux de mon camp s’était réuni un groupe de « fakirs » auxquels je fis voir quelques-uns de mes jeux de prestidigitation. Cela les intéressa médiocrement. Après quoi, l’un d’eux s’éloigna pour revenir avec un docteur en sorcellerie d’un aspect répulsif, et qui fut le protagoniste du phénomène que je vais rapporter. Il se fit longuement prier avant de se décider à me donner une démonstration de ses pouvoirs ; mais à la fin, il saisit une sorte de massue, et la fixa à l’extrémité d’une courroie longue de deux pieds environ. Alors un jeune indigène, haut et athlétique, dont les yeux se fixaient anxieusement sur ceux du sorcier, prit un bâton noueux, l’assujettit à l’extrémité d’une seconde courroie analogue à l’autre, et longue, elle aussi, de deux pieds environ. Alors, les deux hommes se mirent à faire tourner les deux engins autour de leur tête, en se tenant à une distance d’environ six pieds l’un de l’autre, tout en gardant le silence. Ils étaient l’un et l’autre bien éclairés par la lumière des feux. Lorsque leurs deux fléaux s’entrechoquaient, une étincelle se produisait, ou plutôt une petite flamme qui semblait passer d’un fléau à l’autre ; à la troisième étincelle, il y eut une explosion, à la suite de laquelle le bâton du jeune Zoulou se brisa en morceau ; lui-même tomba sur le sol, inanimé.
Alors le sorcier réunit une poignée de hautes herbes, dont la tige pouvait être longue de trois pieds, et se tenant loin du feu, il la fit tourner autour de la tête du jeune Zoulou qui gisait, comme mort, bien éclairé par le feu. Peu après, je vis ces herbes s’allumer, bien que le sorcier fût à une vingtaine de pieds des feux, et puis brûler lentement. Alors, le sorcier s’approcha davantage du corps inanimé de l’indigène, en faisant passer doucement ces herbes enflammées devant son visage, il un pied de distance. À ma grande stupeur, je vis ce corps se détacher lentement du sol et flotter en l’air à une moyenne de trois pieds de hauteur. Il s’élevait ou descendait selon que les « passes » faites avec la gerbe enflammée étaient lentes ou rapides ; et lorsque la gerbe, consumée par le feu, tomba à terre en cendre, le corps du Zoulou tomba à son tour. Quelques passes magnétiques pratiquées par le sorcier sur les mains du jeune homme suffirent il le réveiller ; il se leva sans paraître avoir souffert de l’expérience à laquelle il venait d’être soumis.
Inutile de faire remarquer que les phénomènes de « lévitation » du corps humain se sont toujours réalisés et se réalisent encore chez les peuples civilisés. Il suffira de rappeler les fameuses lévitations de Saint Jean de Copertino, de D. D. Home, de William Stainton Moses, et plus récemment, du célèbre médium islandais Indridi Indridason.