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Patrick Huet, écrivain et Fleuve-trotteur, voulut un jour découvrir l'âme de la Saône. Par un bel été ensoleillé, il s'est donc emparé de son sac et a entrepris de la longer entièrement à pied. Une aventure fantastique qu'il vous raconte au fil de son carnet de voyage, de la source au confluent. Étape par étape, il partage avec vous chaque parcelle des bords de Saône. Mais aussi, les personnes rencontrées, les lieux traversés... tant de souvenirs merveilleux et d'épisodes insolites au long de ces 500 km. Cette version reliée comporte également en annexe 20 pages de photos tout en couleur. Découvrez la Saône telle que vous ne l'avez jamais vue.
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Seitenzahl: 193
Veröffentlichungsjahr: 2016
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Par un bel été ensoleillé, Patrick Huet, écrivain et fleuve-trotteur, s'est emparé un jour de son sac à dos et a entrepris de longer toute la Saône à pied.
Une aventure fantastique qu'il vous raconte plus loin au fil de son carnet de voyage.
Dédicace
Carnet de voyage
Brève présentation de la Saône
La légende la source de la Saône
Légende de Pagny le Château
Poèmes sur la Saône
Photos de la Saône
Index des personnes et organismes cités
Index des noms de lieux cités
Je voudrais adresser mes remerciements à ceux qui ont contribué à l'accomplissement de cette aventure, notamment à Hélène Brossard Maurice Lacaton, Michel Raffin, Jean-Pierre Reynaud, Jean Théolier, Jean-Noël Zapp, de même qu'à la société Lafuma, l'Alliance Des Rhôdaniens, et la Confrérie Des Avalants Navïeurs des Chemins d'Eau.
À tous les médias qui ont fait connaître cet événement, presse, radio, télés, numériques, à c-alyon.com, à l'AFP de Lyon, etc., dont vous trouverez les noms en annexe et à tous ceux croisés au hasard de ma route et qui m'ont accueilli lors de mon expédition.
Tous mes remerciements aussi à NICOLE pour ses conseils dans la correction du manuscrit.
Patrick HUET
Le train s'en allait vers les Vosges... sans moi !
Je le contemplais, ahuri, sidéré, mais à l'évidence il s'en allait, et je restais bêtement sur le quai à le regarder diminuer à vue d'oeil sur les rails encore sifflants de la Part-Dieu.
Ma grande expédition vers la source de la Saône commençait par un ratage complet.
Depuis l'été dernier, je ne cessais d'y penser. Longer toute la Saône (480 km), de la source au Confluent, en suivant au plus près ses rives. Découvrir les chemins oubliés de longue date et retrouver le parfum du soleil qui rayonne librement loin de la pollution stagnante des grandes villes.
Toutefois, j'avais longtemps hésité.
L'an 2000 s'était avéré pluvieux, et le printemps 2001 avait satisfait aux voeux les plus chers des escargots. Il ne s'était pas passé un seul jour sans qu'une pluie abondante ne vienne diluer le sol boueux. Inondations, crues, averses, tout cela m'avait amené à reporter ma décision à plus tard.
Heureusement, à la fin du mois de mai, le soleil avait recouvré son ardeur. Les nuages s'étaient dissipés, évaporant par la même occasion mes doutes sur la météo de l'été. Il ferait beau, j'en étais sûr ; désormais, j'étais résolu à mener à bien mon aventure.
D'abord, il me fallait situer exactement la source de la Saône.
J'acquis les cartes Michelin correspondantes (au 1/200 000 ème) et, crayon à la main, je remontai le tracé de la rivière jusqu'au département des Vosges. Là, un triangle bleu indiquait « Source de la Saône » sur la commune de Vioménil, à proximité de Vittel et de Contrexéville, deux villes réputées pour la qualité de leurs eaux. Plus proche encore, je découvris Bains-les-Bains, une désignation évocatrice de vacances.
Poursuivant la préparation de ma randonnée, je relevai le nom des agglomérations en bordure de Saône puis à l'aide d'un fil à coudre et d'un double décimètre, je calculai la distance d'un village à un autre. Rien de plus simple, un centimètre sur le plan correspondant à deux kilomètres sur le terrain.
En moins d'une heure, j'avais établi la distance exacte à parcourir d'une ville à une autre, voire d'un hameau à un autre.
Mon objet consistant uniquement à longer la rivière, il m'était inutile, pensais-je, d'utiliser une carte d'état-major plus détaillée. En effet, quoiqu'il puisse arriver sur place, et même si je devais opérer un détour pour une raison ou pour une autre, je finirai toujours par retrouver la Saône un peu plus loin.
Mon parcours théorique déterminé au kilomètre près, sur le papier, je saisis mes informations sur ordinateur, et en sortis une feuille de route particulièrement précise, avec le nombre de jours total selon une moyenne de 25 à 30 kilomètres quotidiens. Celle-ci me sera extrêmement utile par la suite.
Ceci étant fixé, je voulais donner à mon expédition une prédominance poétique.
La Saône, rivière tranquille bordée de longs arbres aux ramures sans fin, m'avait toujours invité à la poésie, que ce soit à Lyon ou dans les localités proches.
J'ignorais ce qu'il en était sur l'ensemble de son trajet, mais quelque chose en elle m'inclinait à la rêverie. L'idée prit ainsi naissance : le thème de mon voyage serait de redécouvrir la poésie des bords de Saône.
Ma plume s'envola et, sur les lettres de « la Saône », je tentai d'exprimer ce que son âme m'inspirait.
Ce poème acrostiche, je l'imprimai en une centaine d'exemplaires afin de l'offrir aux personnes que je croiserai lors de ma descente, et plus particulièrement aux agglomérations que je traverserai.
Dans le même temps, j'envoyais des courriers à ces communes riveraines pour les aviser de mon itinéraire et de la date prévisible de mon passage chez elles.
Les jours passant, j'en parlais de plus en plus, autour de moi.
Des amis de l'Alliance Des Rhodaniens, notamment Michel Raffin, son président, ainsi que Jean Théolier et son épouse Hélène Brossard, séduits par ce projet, se proposèrent de soutenir mon initiative auprès de différentes municipalités.
Une autre de mes connaissances, monsieur Maurice Lacaton de « K communication », me conseilla de contacter la société Lafuma, très ouverte sur le monde du sport nature.
Je fus reçu par monsieur Jean-Noël Zapp en charge de la diffusion des sacs à dos dans le monde entier. Grâce à son attention, j'ai pu en essayer plusieurs types, chacun vraiment très différent dans le dessin et les fermetures, avant de m'arrêter sur l'un des derniers modèles présentant l'avantage d'une ouverture au milieu du sac et d'une autre en bas. Je rencontrai également Jean-Pierre Reynaud, responsable du développement chaussure, et acceptai volontiers de tester un prototype de chaussures, pas encore commercialisées, ceci pour des études complémentaires.
Ainsi équipé, je me sentais prêt à affronter, sourire au vent, des marches de trente kilomètres par jour. On verra par la suite ce sourire s'estomper nettement dès le deuxième jour de cette randonnée. En cet instant, je n'en étais pas encore là.
En cette mi-juillet, la préparation du voyage faisait briller mon regard de toutes les merveilles de l'aventure. La poésie des bords de Saône, déjà, m'inondait d'un charme pastel et peignait mes songes de nouvelles couleurs.
Des réponses m'arrivaient chaque jour ou presque des communes de la Saône, me félicitant pour mon entreprise et m'encourageant chaleureusement. Madame Janine Monchablon, maire de Vioménil, fort élégamment, se proposait de venir me chercher à la gare de Bains-les-Bains, de sorte que je n'aie pas à effectuer à pied les quinze kilomètres la séparant de la source.
La préparation administrative terminée, il me fallait aussi me préoccuper de la préparation physique. Certes, comme je marche régulièrement au long de l'année, je n'avais pas de réelles nécessités, néanmoins un entraînement spécifique ne pouvait être superflu.
Des amis se prêtèrent de bon coeur à cet entraînement et je remercie particulièrement Carole qui m'accompagna lors d'une première sortie dans les Monts d'Or, à un frôlement de Lyon. Malheureusement, nous avions pris un mauvais chemin, ce qui en rallongea sensiblement la durée. Quant au raccourci que nous avions voulu emprunter, il finit brusquement dans des taillis et sur des à pic, et contribua pour beaucoup à doubler notre temps de promenade.
Quoi qu'il en soit, mes jambes s'avérèrent aussi sûres que je le pensais et prêtes à affronter les grandes randonnées.
***
Face aux rails, ce lundi 30 juillet, quand je réalisai que c'était bien mon train qui s'en allait sans moi, je fus d'abord pétrifié. Non que le fait de rater fut catastrophique en soi, il y en avait forcément d'autres. L'ennui était que la maire de Vioménil devait m'attendre à la gare de Bains-les-Bains. Or, je n'avais pas son numéro. Aucun moyen donc de la prévenir et de lui indiquer que je serai en retard. Je me précipitai aussitôt pour changer de billet. La chance n'était décidément pas de mon côté, car le prochain train pour Bains-les-Bains partait à 12 h 35 de Lyon pour arriver à 18 h 5 à la place de 15 h.
Une énorme différence !
Il était écrit que la malchance ne pouvait pas me poursuivre éternellement. Un appel vibra sur mon portable, provenant d'un journaliste de la Liberté de l'Est qui s'enquérait de mon arrivée à Vioménil. Je lui expliquai brièvement mon problème. Grâce à lui, je pus obtenir un numéro de téléphone à Vioménil et informer Madame de mon retard.
Apaisé sur ce point, il ne me restait plus qu'à attendre trois heures supplémentaires avant de prendre mon vrai départ. Pour tuer le temps, je m'attardais à la lecture du journal « Le Progrès » de ce jour où Robert Luc, dans un bel article, signalait mon périple. Puis j'appelai plusieurs amis. Quelques minutes avant que le train de 12 h 35 entre en gare, j'eus la surprise de voir l'un d'eux, Jean Atlan, surgir sur le quai pour me souhaiter un bon voyage. Sa présence était sympathique, il n'empêche que, échaudé par l'expérience précédente, je gardais un oeil vigilant sur les panneaux annonçant l'arrivée du train. Que je le rate une fois, passe encore. Deux fois, pas question ! c'était un plaisir que je n'avais nulle envie de savourer à nouveau.
Reconnaissons-le, je n'étais pas grand amateur de ce genre de plat.
Avant même que le convoi ne s'arrête le long de la voie, j'étais déjà prêt à me précipiter à l'intérieur. Je grimpai en toute hâte pour ne rencontrer que des compartiments bondés. Je pus enfin en trouver un dont l'unique place vide me tendait ses accoudoirs.
Grincements des roues sur les rails, premiers soubresauts des wagons et voilà le train qui démarre, balayant la tension de ces dernières heures.
Les immeubles de Lyon défilaient peu à peu et l'on sentait s'élever la vitesse. Le parc de la Tête d'or disparut, puis la ville entière s'effaça de la vue et des pensées. Lyon n'était plus. L'horizon du coeur n'était rempli que des rives futures des sources de la Saône et de la ligne des Vosges.
Il faisait excessivement chaud, et les adolescents comme les enfants semblaient s'être donné le mot pour se rassembler dans ce train justement. En cette fin de juillet sans doute se rendaient-ils d'un lieu de vacances à un autre.
Au fil des kilomètres, la chaleur augmentait sensiblement. Elle en devenait étouffante. La torpeur aurait fini par m'engourdir si les discussions des deux collégiens en face de moi n'avaient pas autant pétillé de bonne humeur.
Au bout d'une heure trente, un employé de la SNCF vint réquisitionner notre habitacle pour y installer un bar. Je ne bondis pas d'enthousiasme à cette demande, car localiser une place dans ce train bondé ne serait pas facile. L'homme nous apprit alors que la climatisation de ce compartiment était en panne. Dans les autres, elle fonctionnait parfaitement et nous y serions au frais. À l'annonce de cette nouvelle, le mécontentement qui me gagnait se dissipa aussitôt et mon empressement s'accentua.
Par chance, un compartiment s'était presque vidé au cours de l'arrêt précédent, les deux collégiens et moi-même nous nous y précipitâmes. Un autre adolescent ainsi qu'une dame blonde s'y trouvaient déjà. Notre arrivée en fanfare créa tout de suite une animation tonique, quoiqu’involontaire, dans l'atmosphère apaisante de la cabine.
Les présentations s'échangèrent : les collégiens se rendaient à Belfort chez leurs parents et la dame blonde prenait un repos estival.
On voulut tester mon sac, et quand je leur affirmai en toute bonne foi qu'il devait peser ses douze kilos, l'un des ados resta sceptique.
« Il doit faire 20 kilos au moins, il est aussi lourd que mon petit frère qui fait 20 kilos. »
En le reprenant en main, je ne sais pourquoi, je le sentis plus lourd qu'à mon départ. Le sourcil arqué, je m'interrogeai : par quel mystère ce sac, si léger tout à l'heure, s'était-il alourdi ? Était-ce un effet d'autosuggestion, une illusion musculaire ? Toujours est-il qu'à mon bras désormais ses douze kilos initiaux penchaient singulièrement vers la vingtaine.
Je balayai ces questions ! l'important était qu'il soit bien attaché au corps et qu'il l'accompagne dans ses mouvements.
À 18 h 6, j'arrivais enfin à Bains-les-Bains. 18 h 6 à la montre, 16 h 6 à l'heure solaire, c'est à dire en pleine fournaise, alors que le soleil tombait en déluge sur mon visage et sur la place vide de la gare. Cinq minutes plus tard, des journalistes de la Liberté de l'Est se garaient à proximité. Je les avais eus sur mon téléphone portable au cours de l'après-midi et mon interlocuteur Monsieur Mazeaud avait accepté de m'emmener jusqu'à la source.
Petit problème : la communication s'était interrompue durant la conversation. Je ne savais pas s'il avait reçu la totalité de mon message et, ici, je n'avais plus de réseau pour le recontacter sur son mobile. Le plus ennuyeux, c'était qu'en voyant la place déserte, je m'étais inquiété et, par le biais d'une cabine, j'avais contacté un taxi pour me rendre à Vioménil.
Je leur expliquai mon souci et mon souhait d'attendre le taxi puisque je l'avais appelé. Il arriva bientôt. Une dame le conduisait, très cordiale au demeurant, et me proposa d'annuler la course étant donné que les journalistes m'accompagnaient à leur bord.
Quelques minutes d'interviews avec ces derniers... puis, sous les pneus de leur voiture, l'asphalte se déroula, long ruban étincelant sous le soleil vif. Les lacets se délassaient entre les forêts interminables.
Vioménil, enfin ! Des petites maisons chaudes éparpillées dans le parfum léger de la campagne, puis la rue centrale, une fontaine à l'eau claire. La source ? Non, pas encore ! D'abord, suivre un panneau fléché. Trois cents mètres plus loin, une aire de repos parfaitement gazonnée invitait les voyageurs à s'y prélasser. Mais ce qui attirait le plus le regard, c'était ce menhir planté vers le ciel à côté d'un menu ruisseau. Et tout près de ce menhir... des habitants de la commune.
Après les contretemps et les multiples appréhensions de ne pas arriver à l'heure, l'accueil des villageois me réchauffa le coeur. Toutes les tranches d'âge se reflétaient dans ce groupe. Je ne m'attendais pas à ce que tant de monde soit présent. Mon rêve prenait pied dans la réalité comme je foulais mes premiers pas à la source de la Saône.
Gentiment, Janine Monchablon, la maire de Vioménil, prononça un charmant discours et me remit un parchemin relatant les origines de la Saône. Je lui offris en échange un poème aux louanges de la rivière.
Vinrent ensuite la découverte de la source et les premières photos en compagnie des journalistes de la Liberté de l'Est et de l'Est Républicain.
De la source, j'avais préféré jusque-là n'en voir aucune illustration, afin d'arriver ici l'esprit vierge de toute représentation. Je savais que la Saône débutait par une source d'allure modeste, je n'avais pourtant pas imaginé à quel point cette dernière était minuscule. Le mince filet qui s'échappait d'un court muret était si faible, si ténu qu'au premier abord, je pensais que la source était tarie.
Mais non, de l'eau coulait bien dans cette rigole pierreuse que le gazon embrassait. Même si mon oeil avait de la peine à percevoir son mouvement, le filet d'eau serpentait jusqu'à une fontaine située en contrebas. Un ruisseau secondaire venait également s'y déverser, renforçant déjà le débit de la source.
« Cette fontaine s'appelle un égailloire à chevaux » m'apprit un des anciens de Vioménil. Jadis, on y menait les chevaux pour les faire boire, les laver, bref un endroit propice à les égayer ! Plus tard, dans la soirée, je devais camper sur le terrain de football pour la nuit. Sur cette plage verte, ma tente minuscule et d'un vert plus profond ressemblait à un igloo. La famille Colnot, que j'avais rencontrée auparavant, lors de mon arrivée, m'invita à m'installer de préférence dans leur jardin plutôt que sur cet espace vide. J'acceptai bien volontiers et le lendemain matin, nous prîmes tous ensemble (Nicole et Régis Colnot et leurs enfants, Aurélie et Benoît) un petit déjeuner revigorant.
La veille, j'avais consigné quelques notes rapides sur mon carnet afin d'y enregistrer les moments forts. À partir d'aujourd'hui, je m'efforcerai de retracer chaque soir les événements de la journée.
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Mardi 31 juillet 2001 - 17 h 35 - arrêt après le port aux kayaks, juste avant le hameau « Le Hubert ».
Aux alentours de 9 heures, je quittai la famille Colnot. Guidé par leur jeune garçon, Benoît, je me rendis à la source de la Saône, 800 m plus loin. Le ciel, d'une pureté de saphir, libérait des cascades de soleil sur le village. Le pépiement de la source s'alliait à celui des oiseaux, avec toutefois des accents plus cristallins.
Plusieurs habitants de Vioménil devaient me rejoindre bientôt et faire quelques pas en ma compagnie au bord de la Saône. J'attendais également une délégation de la Confrérie des Avalants Navilleurs des chemins d'eau et de l'Alliance des Rhodaniens, représentée pour l'une par Monsieur Joël Blancart accompagné de son épouse Claudine, de Jannine Hornez, de Danièle Moulet et René Frairot et pour l'autre par M. Jean Théolier et Hélène Brossard.
À dix heures, nous nous retrouvâmes donc, tous amoureux de la Saône et des cours d'eau en général, auprès de ce fameux égailloire à chevaux. Après une petite cérémonie amicale et les photos souvenirs, les nôtres autant que celles des journalistes, le temps était venu de se couler à pas feutrés le long du fil argenté de la Saône.
Une dizaine d'habitants engagea ses semelles à la suite du plus ancien d'entre eux qui nous narrait au cours de la promenade des épisodes d'autrefois. Passé l'égailloire, il nous fut impossible de rester près de l'eau, le ruisseau filant derrière les murs de plusieurs maisons ou s'infiltrant dans un chenal envahi jusque dans son lit par une épaisse végétation.
Une étroite ouverture nous mena au coeur d'une forêt si fraîche qu'elle appelait le sourire. Quelques détours plus loin, la Saône nous rejoignit, jeune ruisseau au clapotis joyeux qui nous lançait des baisers de cristal à travers le sous-bois. Par intermittence, nous la voyions courir entre les arbres, jouer sur les pierres et les cailloux, s'éclipser derrière un massif pour réapparaître peu après, encore plus pétillante.
L'O. N. F. (Office National des Forêts) exploitait le bois de cette forêt, ce qui expliquait la présence de cette voie carrossable le long de la Saône. En dépassant une large clairière hérissée d'herbes sauvages, l'ancien nous apprit qu'une grande et belle demeure s'y élevait autrefois. Des responsables de l'O. N. F., lors de son acquisition, avaient préféré la raser, peut-être pour ne pas avoir le souci de son entretien. Quel dommage ! Je lui aurais, quant-à-moi trouvé un autre usage. (Si un responsable quel qu'il soit lisait ces lignes, qu'il sache que je suis justement à la recherche d'un pied-à-terre pour y créer une maison entièrement faite en poésie.)
Au bout d'une heure, nous nous séparâmes. Les habitants de Vioménil se préparèrent au retour. Ils avaient encore une heure de marche avant de retrouver qui son travail, qui la douceur paisible de son jardin. Un dernier signe d'adieu, et je continuai mon propre chemin sous les ramures ombragées du sous-bois.
La jeune Saône chantonnait dans le bruissement des feuillages. L'air avait cette légèreté qu'on ne trouve que dans la fraîcheur des bois quand les différentes essences mêlent leurs parfums en une symphonie olfactive.
Ce premier départ en solitaire se berçait de gazouillis flûtés montant parfois de derrière un arbre ou du plus profond d'un buisson.
La Saône s'était quelque peu élargie. Il lui arrivait de dépasser les soixante centimètres de largeur lorsque le terrain s'aplanissait, mais le plus souvent, elle voguait entre 40 et 50 centimètres. Son eau était si transparente qu'elle laissait fuser la moire dorée des cailloux de son lit.
Un quart d'heure plus tard, le chemin forestier sortait de la couverture des bois pour filer à l'air libre, ocre ruban écrasé par le soleil. D'ailleurs, à peine avais-je mis un pied hors de la forêt qu'il s'écroula sur ma tête et mes épaules. Le sable de la piste en reflétait un feu intense qui m'obligeait à recourir aux bons offices de mes lunettes de soleil. Je les positionnai sur mes lunettes de vue, de sorte qu'elles soient fermement maintenues.
L'ombrage de la forêt me manqua soudainement. Sa disparition causa un soupir de désappointement au fond de moi sans pour autant affecter la fébrilité de mes pieds qui se hâtèrent de découvrir ce nouveau parcours.
Le sol parut monter peu après, si légèrement que mes jambes ne le remarquèrent même pas. Tout en prenant de la hauteur, il s'éloignait du ruisseau - pas de beaucoup, juste assez pour que je n'aperçoive du cours de l'eau que les taillis qui le recouvraient.
Ce matin, la famille Colnot m'avait indiqué que la météo annonçait une journée de canicule égale à la veille. L'on prévoyait les cinquante degrés durant l'après-midi ! Casquette sur la tête, lunettes de soleil aux yeux, je n'étais pas loin de penser que ces cinquante degrés avaient déjà commencé leur cuisson. Pour intenses qu'ils fussent, ces rayons solaires ne pouvaient cependant rivaliser avec le souffle plus brûlant encore de l'aventure. Mon corps avançait de lui-même, gagné lui aussi par cette excitation qui le dynamisait.
Plusieurs cavaliers apparurent soudain en haut d'une butte, pulvérisant de la poussière dans leur trot. Haute stature et large poitrail, ils me parurent impressionnants, ces chevaux, quand ils me frôlèrent à trente centimètres. Deux charmantes écuyères me saluèrent gracieusement. Je leur rendis leur sourire avant de reprendre ma route un bref moment interrompue.
Pas la moindre brise ne venait caresser les herbes chétives poussant de chaque côté de la bande sableuse. On eût dit que le soleil éteignait le moindre souffle dans une chape brûlante, tout comme il éteignait les cris des animaux.
À plusieurs reprises, je me désaltérai à la gourde judicieusement attachée à mon sac à dos grâce à une attache que m'avait donnée Monsieur Colnot. Elle pendait à hauteur de ma hanche droite, un simple geste de la main, et je pouvais me rafraîchir sans avoir besoin de descendre l'imposant paquetage et jouer des bras pour le réinstaller.
Curieusement, le sac ne pesait rien sur mes épaules. Rien ou presque ! On aurait dit qu'il était une autre partie de mon corps, désireux autant que moi de s'engager sur les sentiers de l'aventure. Le chemin sablonneux finit brusquement sur une route goudronnée. Un coup d'oeil sur la carte Michelin pour m'assurer qu'il menait bien à Belrupt, et me voilà reparti.
Belrupt, immobile sous la pesanteur du soleil, charmait la vue. Un terrain de gazon tendre, si doux au regard après les reflets cinglants du sable, accueillait le marcheur d'un parfum subtil. Au milieu de tout ce vert, un moulin magnifique dressait ses pierres anciennes à cinq mètres de mes pas.
Une légère déception se manifesta lorsqu'il s'avéra impossible de longer les berges du ruisseau. Les langues de terre qui le bordaient se présentaient ou trop boueuses ou appartenant à une propriété privée. Il ne restait que la voie goudronnée. Selon la carte, dans un premier temps, elle s'éloignerait un peu de la Saône avant de la rejoindre pour suivre son cours sur plusieurs kilomètres.
Alors, pas d'hésitation !