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Quelque chose n'allait pas dans ce petit village de Normandie où Ganaël passait ses vacances. A peine arrivé, il essuya un tir de carabine et se vit accusé d'un vol de bétail. Par la suite, il visita une étrange ferme que les employés désertaient en masse, ne supportant plus, selon leurs dires, les raclements des fantômes de la nuit. Et quand un incendie s'y déclara, il fut désigné comme l'incendiaire et pourchassé par les forces de l'ordre. Jamais autant qu'en cette nuit sans lune, ses extraordinaires facultés héritées des elfes de jadis ne lui seront aussi utiles pour échapper au piège qui se resserre sur lui.
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Seitenzahl: 110
Veröffentlichungsjahr: 2021
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Préambule
Les Reinettes
Un acheteur providentiel
Une sentinelle ombrageuse
L'incendie
La méprise
Le piège se referme
Un fantôme par trop bruyant
Marjorie
Epilogue
Qui est Ganaël ?
Le personnage principal de ce roman s'appelle Ganaël. C'est un elfe des temps anciens qui vit à notre époque. Il possède des facultés incroyables : son ouïe est si fine qu’il peut entendre la reptation d'une fourmi sur le sol. Sa vue est si aiguisée qu'il peut voir à des kilomètres.
Ces facultés extraordinaires vont l'entraîner dans des aventures souvent dangereuses, car il entend ce que certains voudraient tenir bien caché.
Pendant longtemps, Ganaël était resté amnésique. Il vivait incognito parmi les hommes des villes sous le nom de Fabrice Martin. Il se comportait en toute chose comme un humain ordinaire. Le type même de l'homme banal sans aucune flamboyance. Un jour, cependant, à la faveur d'un événement inattendu, il redécouvrit une partie de sa mémoire, mais surtout ses étonnantes capacités.
Il ne sait toujours pas d'où vient cet héritage, il continue donc de vivre comme auparavant. Mais en attendant d'en connaître davantage sur son passé, il exerce ses facultés afin d'en développer la maitrise et de les mettre au service du bien.
Debout sur une large pierre plate qui s’avançait en promontoire, Ganaël laissa son regard errer de l'autre côté du profond fossé.
La lumière du matin faisait briller le vert du sous-bois d'un éclat satiné. Les feuilles des arbres semblaient de jade et les herbes d'émeraude. C'était une belle journée d'été.
Ganaël huma les senteurs véhiculées par la légère brise et sourit à leur contact. Il était arrivé par le train de sept heures dans le petit village de Saint-Amond. Le sac sur les épaules, il avait pris la direction de la forêt, décidé à goûter pleinement ces quelques jours de vacances en Normandie et cela, sans retard. Dans son sac à dos, son matériel de camping pesait peu. Pour trois jours, il n'avait pas voulu s'encombrer outre mesure. Du reste, on annonçait du beau temps pour toute la semaine.
Le ciel, d'une limpidité absolue, démontrait, si besoin était, que les journées seraient brûlantes et les nuits douces.
Les gourdes remplies à ras bord d'une eau pure et fraîche, il s'était donc mis en route le cœur joyeux. Il était vite arrivé à la lisière d'un bois et s'y était engagé, baigné de ces parfums alertes qui s'en exhalaient.
Il marchait déjà depuis deux bonnes heures, les pas étouffés par la mousse tapissant le sous-bois, quand il parvint à ce promontoire surplombant un étroit ravin. Il avait profité de cette interruption dans le cours de sa promenade pour s'octroyer une halte et admirer le paysage.
Depuis qu'il avait recouvré ses sens elfiques assoupis des années durant, il ne se lassait pas d'en mesurer l'acuité. Il était connu auprès des hommes et de l'État civil en tant que Fabrice Martin, employé de second ordre dans une grande administration. En réalité, son nom véritable était Ganaël, et le sang des Elfes coulait dans ses veines. Jusqu'à présent, il n'avait jamais rencontré un autre de ses semblables et se considérait à juste titre comme le dernier des Elfes.
Une brume épaisse lui dissimulait une part énorme de son passé. Toutefois, ses anciennes facultés avaient été libérées et il pouvait en user à son gré.
La finesse de son ouïe était fabuleuse. Il se concentra un moment sur un hêtre situé cinq mètres derrière lui. Immédiatement, tous les sons émis sur le registre auditif d'un homme ordinaire – gazouillement des oiseaux, aboiements d'un chien – s'estompèrent et disparurent. Une foule d'autres, inaudibles habituellement, surgit alors brusquement. Il perçut distinctement la marche lente d'un puceron sur une des feuilles du hêtre.
Des flots de vibrations se propagèrent dans le fût de l'arbre et l'intriguèrent brièvement, avant qu'il ne reconnût le pas cadencé d'une armée de fourmis avançant en formation militaire sur le large tronc.
Ganaël sourit. Il lui plaisait d'entendre les innombrables petits animaux et insectes dans leur labeur quotidien. C'était un autre univers qui s'ouvrait à lui, un monde de sons infiniment ténus qu'aucune oreille humaine n’avait jamais perçus.
Il revint au registre de l'audition humaine et le précédent disparut. Il ne pouvait capter les deux en même temps, ils étaient trop éloignés l'un de l'autre. Sa vue était aussi aiguisée. En temps normal, quand il se trouvait en position de repos, son registre visuel était identique à celui d'un homme.
Il avait la possibilité néanmoins de focaliser son regard de telle sorte qu'il discernait dans les moindres détails un objet minuscule placé à très grande portée.
Il s'était amusé à plusieurs reprises à exercer ses capacités et à les mesurer. Pas plus tard que la veille, il avait tenté une expérience. Du sommet d'une colline, il s'était concentré sur une maisonnette. Il avait été particulièrement flatté de lire le nom du propriétaire sur la boîte aux lettres. Ce contentement avait grimpé jusqu'à l'enthousiasme lorsqu'il connut la distance les séparant : trois kilomètres !
Une acuité aussi phénoménale le ravissait et il ne cessait d'en subir l'enchantement. Il se disposait une nouvelle fois à user de cette étonnante faculté quand un bêlement interrompit le cours de ses pensées. Il n'était nul besoin de posséder les sens extraordinaires des elfes pour en déterminer l'origine, ni pour y percevoir de la détresse et de la peur.
Ganaël se précipita à travers les taillis et se trouva bientôt en face d'un veau sevré depuis peu. À sa vue, le jeune bovin s'approcha à vive allure et se mit à vagir.
— Alors, petit veau, tu es perdu ?
Il ne répondit pas. Ganaël répéta sa question sur différents registres, sans succès. La race bovine avait été domestiquée depuis si longtemps par les hommes qu'elle avait oublié la langue commune des insectes et des animaux sauvages. Ce n'était par ailleurs qu'un bébé, sachant à peine s'exprimer sinon par les gestes. Il utilisait un baragouinage que Ganaël était bien en peine de comprendre. De guerre lasse, il lui tapota la tête. Comment allait-il s’y prendre pour retrouver son propriétaire ?
Comme il s'interrogeait, un cliquettement métallique tinta sur sa droite ; dans le même temps, un reflet accrocha sa rétine. Instinctivement, son regard s'adapta et le canon d'un fusil lui sauta presque à la vue tant le grossissement fut rapide. Pourtant, l'arme était à plus de cent mètres.
En une fraction de seconde, il vit l'index d'une main se courber sur la détente. Sans plus réfléchir, il se jeta à plat ventre.
Une déflagration impressionnante assourdit ses tympans fragiles. Il fut obligé de les fermer mentalement pour éviter la douleur qui se propageait le long de ses conduits auditifs. Il cria.
— Arrêtez ! Ne tirez pas !
Allongé entre les herbes, il se concentra sur le fusil. L'index avait lâché la détente. Qui que fût le tireur, il avait accepté un armistice. Le danger passé, Ganaël se releva en gardant son attention sur l'homme.
Les ramures derrière lesquelles son agresseur se cachait ne lui dissimulaient pas grand-chose, pas à lui. En dépit de la distance, les traits épais d'un individu coiffé d'une casquette grise étaient parfaitement discernables.
— Que voulez-vous ? L’apostropha Ganaël. Est-ce dans les habitudes du pays de mitrailler les touristes ?
L'homme, jusqu'à présent immobile et silencieux, sortit enfin de sa réserve. Il s’avança d’un pas et lança d'une voix forte.
— Ne bougez pas ou je tire !
Mais l'index restait loin de la détente. Aussi, bien que le canon du fusil fût toujours pointé sur lui, Ganaël se sentit rassuré. Il se permit même une note d'ironie.
— Ne pas bouger, vous en avez de bonnes, vous ! Si mes renseignements sont exacts, ces terres appartiennent à la commune, vous n'avez donc aucunement le droit de m'imposer un tel ordre. Et vous vous êtes mis de fait hors la loi en agressant un honnête promeneur.
Pendant leur échange, l'homme avait continué à s'approcher de Ganaël, guettant un mouvement suspect de sa part. À dix mètres de lui, il s'arrêta. L'arme toujours pointée, il rétorqua abruptement.
— Honnête, c'est à voir ! Et promeneur, ça m'étonnerait. Depuis le petit jour, j'arpente les bois à la recherche du bétail qui m'a été volé il y a deux jours de cela. J'étais en quête de nouveaux indices. Il faut croire que la chance est avec moi. Qu'est-ce que j'aperçois ? Un inconnu qui m'a tout l'air d'être un vagabond et qui tient un de mes veaux ! J'ai de bonnes raisons de vous soupçonner.
— Je vous comprends. Cependant, vous faites erreur. Je suis un vacancier. Je suis arrivé par le train de ce matin, vous voulez vérifier ? J'ai encore mon billet dans ma poche. Ce n'est que par le plus grand des hasards que j'ai découvert votre veau. Je le croyais perdu. Sans doute a-t-il échappé aux voleurs durant un moment d'inattention.
La conversation qui suivit fut amicale. L'homme s'excusa de son tir par trop expéditif. Pour se faire pardonner, il invita Ganaël à se rafraîchir.
Il s'appelait Victorin et exploitait une petite ferme, baptisée les Reinettes, en contrebas à deux kilomètres à peine.
— Venez donc aux Reinettes ! Je vous dois bien ça !
En chemin, il expliqua la raison de son comportement agressif. Depuis quelques semaines, des inconnus s'en prenaient à son exploitation. Des pesticides puissants avaient été répandus dans plusieurs de ses champs détruisant toute la végétation, une dizaine de vaches étaient mortes après avoir bu de l'eau empoisonnée et, pour finir, une quinzaine d'autres avait mystérieusement disparu. Ce dernier coup avait été durement ressenti, d'autant plus vivement que Victorin était criblé de dettes. Les gendarmes avaient effectué une enquête, mais la piste des bêtes s'arrêtait à un ruisseau et les chiens avaient dû abandonner.
De rage, le fermier avait décidé de continuer seul ses recherches. En voyant Ganaël avec un de ses veaux, il s'était emporté et avait tiré sans réfléchir.
Une fois à la ferme et installé devant un verre de jus de pomme, la conversation de Victorin dériva sur des confidences. Veuf, il arrivait difficilement à joindre les deux bouts. Son unique enfant, une fille de vingt ans, l'avait quitté trois mois auparavant et, depuis, la vie lui était encore plus pénible.
— Oui, soupira-t-il en relevant la visière de sa casquette, elle est partie un soir, sans prévenir personne, sans un mot d'adieu. Au matin, j'ai simplement découvert une lettre là, sur un coin de la table. Elle écrivait qu'elle en avait assez de vivre pauvrement en travaillant si dur. Ce que je peux comprendre, même si l'aveu me brise le cœur. Sans parler de cette histoire de fantômes. Plusieurs fois, elle m'avait confié qu'elle ne parvenait à plus dormir, car la nuit ils troublaient son repos.
L'intérêt de Ganaël s'éveilla.
— Des fantômes ?
— Oui. C'est ce que je trouve de plus étrange dans cette affaire. Marjorie, ma fille, affirmait que les Reinettes étaient hantées. Pour ma part, je n'ai jamais rien remarqué. Il est vrai que j'ai le sommeil profond. Marjorie abordait souvent le sujet les derniers temps avant son départ, des bruits bizarres qui la réveillaient au milieu de la nuit, des grattements, des soupirs, des voix spectrales comme elle les qualifiait. La peur des revenants la clouait au lit et dès que ces bruits se manifestaient, elle relevait le drap par-dessus la tête et se rendormait tant bien que mal. Je mettais ces inquiétudes sur le compte de l'imagination trop vive d'une jeune fille sensible, isolée dans cette campagne, loin du monde et de ceux de son âge. J'ai eu le tort de ne pas me soucier de ses angoisses ni de l’inciter à rencontrer d'autres jeunes gens. Un jour, elle en a eu assez. Dans sa lettre, elle me disait qu'elle préférait partir ainsi, en catimini, parce que des adieux auraient été trop pénibles et qu'elle ne voulait pas me voir pleurer.
Un nouveau soupir, plus lourd que le précédent, s'échappa de la poitrine du fermier.
— Monsieur Victorin, je suis désolé d'avoir réveillé ces tristes souvenirs.
— Bah ! Ce n'est rien.
Il releva la tête et prit un air enjoué.
— C'est du passé, cela ; ne nous éternisons pas là-dessus ! Trinquons à l'avenir !
Comme les verres s'entrechoquaient, des coups résonnèrent contre la porte.
— Allons, bon ! Qui donc vient nous importuner ?
Dans l'encadrement de la porte, le visage embarrassé d'un homme jeune apparut. Trois autres, modestement vêtus, se tenaient deux pas en arrière.
— Ah ! C'est toi, Varon. Qu'est-ce que tu veux mon garçon ? Un ennui au poulailler ?
— Ce n'est pas vraiment cela, Monsieur Victorin.
— Et quoi donc, alors ? Si vous vous êtes déplacés à quatre, c'est que l'affaire doit être vraiment est grave. Vas-y !
Varon saisit la perche que lui tendait son patron.
— Pour être grave, elle est grave ! Pour ça, oui.
— Vas-tu parler à la fin ?
— Il s'agit de ma mère, Monsieur Victorin. Elle a été victime d'un accident. Elle vit retirée, isolée dans une campagne difficile d’accès, vous comprenez, elle a besoin de moi à ses côtés durant quelque temps. Je viens vous demander un congé.