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À un moment ou à un autre, chaque agent pastoral doit offrir un soutien temporaire ou accompagner longuement une personne en souffrance. Que faire dans ces situations ? Où trouver l’inspiration ? Comment agir efficacement ? "Dieu face à la souffrance" répond à ces questions en s’inspirant de la compassion divine, particulièrement celle du Christ, et il propose une éthique pastorale visant à renforcer une compassion profondément évangélique, essentielle pour accompagner au mieux ceux qui en ont besoin.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Prêtre du diocèse de Sangmélima au Cameroun,
Armand Abeme allie expertise en anthropologie, psychothérapie et théologie pratique. Depuis plus de dix ans, il exerce son ministère pastoral dans l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, où ses compétences multidisciplinaires enrichissent son accompagnement spirituel et communautaire.
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Seitenzahl: 113
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Armand Abeme
Dieu face à la souffrance
Jalons pour une éthique pastorale
de la compassion
© Lys Bleu Éditions – Armand Abeme
ISBN : 979-10-422-5779-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Préface
Depuis plusieurs années, j’ai la joie d’accompagner l’Abbé Armand Abeme sur les chemins de la pastorale de la santé. Ce fut une vraie rencontre avec un apôtre de la compassion ! À maintes reprises, même dans des situations extrêmes de fin de vie, j’ai pu ressentir la qualité de sa présence auprès du souffrant. J’ai vu son regard profond, empli de tendresse et de bienveillance, plonger dans celui torturé d’un malade ; j’ai écouté ses silences respectueux qui rejoignent la personne dans son vécu ; j’ai entendu sa parole délicate qui rencontre l’autre dans sa dignité. J’ai assisté à la conversion libératrice d’hommes en colère contre Dieu et le monde après avoir reçu le sacrement de réconciliation. J’ai écouté le témoignage de malades apaisés et relevés après avoir reçu de ses mains l’onction ; j’ai ressenti la caresse d’un souffle de vie se répandre sur la personne et toute l’Assemblée à l’occasion d’une bénédiction. Avec une grande générosité du cœur, l’Abbé Armand, animé de la joie et de l’espérance évangéliques, nous rappelle le chemin emprunté par Jésus, le prophète de la compassion.
Tout au long de notre ministère d’aide, au cœur des paroisses, nous avons rencontré beaucoup de bénévoles, débordant d’énergie, d’enthousiasme, animés par un réel désir de témoigner de leur foi, d’apporter le Pain de vie aux malades, aux aînés, aux personnes isolées, aux plus démunis… parfois, hélas, de manière oppressante, par charité égocentrée, souvent par maladresse, liée sans doute à un manque d’encadrement et de formation, car la pastorale de la santé ne s’improvise pas !
Si ce ministère, intrinsèquement évangélique, ne doit pas devenir une institution administrative rigide, il exige néanmoins la maîtrise de certaines compétences, dans un contexte social et communautaire solidaire. Tout est important dans l’attitude de l’aidant : la qualité de l’écoute, la position du corps, l’intelligence des gestes, l’intonation de la voix, le choix des mots, le respect des silences… Mais si la pratique confère une réelle expertise, la rencontre avec chaque souffrant est cependant unique ! L’agent pastoral, en s’inspirant du Christ et envoyé par Lui, doit être un accompagnateur capable de responsabiliser la personne souffrante afin de lui permettre de grandir dans son humanité et dans sa spiritualité, et devenir l’acteur de son relèvement, lui révélant ainsi, tel le sel de la terre, son essence la plus intime.
Cet essai est le fruit d’une longue expérience de terrain, en Afrique et en Europe, au cours de laquelle l’Abbé Armand Abeme a été très souvent confronté à la souffrance humaine, dans des contextes culturels et socio-économiques bien différents. Dans cette approche théologique, philosophique et anthropologique, l’Abbé Armand Abeme met à la disposition des accompagnateurs quelques outils, inspirés de la vie du Christ, pour une éthique pastorale de la compassion, respectueuse et relevante, qui réveille l’énergie vitale de la personne, lui permettant d’exister autrement qu’en souffrant. À l’image de Jésus, nous sommes invités à prendre le chemin d’une conversion missionnaire, chère au Pape François, afin de faire des agents pastoraux des témoins de la compassion divine pour le monde.
Dominique Oriani Vieyra
Introduction
Ce livre est le fruit de 12 années d’expérience pastorale comme prêtre en Afrique d’abord, et en Europe ensuite. Ici ou là, j’ai été régulièrement confronté à la question de la souffrance qui touche diversement les personnes. À ce titre, j’ai souvent été sollicité pour des services divers (écoute, accompagnement, conseil, prière, charité matérielle, etc.), plus particulièrement dans le cadre des pastorales de la santé et du deuil. Sensible à la façon dont les personnes vivaient et comprenaient leur souffrance, et bien plus, à la manière, parfois ambiguë, avec laquelle les agents pastoraux se comportaient vis-à-vis d’elles dans ces moments de fragilité, il m’a semblé important de partager quelques modestes réflexions à tous ceux qui, comme moi, pratiquent un ministère d’aide. En effet, un jour ou l’autre, tout agent pastoral peut se retrouver en situation de devoir offrir un soin pastoral passager ou de devoir accompagner plus longuement une personne frappée par une souffrance quelconque. Que faire dans ce cas ? De quoi s’inspirer ? Comment s’y prendre ? L’objectif de ce livre est de répondre à ces questions.
Celles et ceux qui ont déjà souffert un jour et qui savent ce qu’est la douleur causée par une souffrance, quelle qu’elle soit ; celles et ceux-là qui ont déjà ressenti le besoin de trouver de l’aide auprès d’une autre personne ; celles et ceux qui ont été satisfait-e-s ou déçu-e-s par la personne à qui leur demande d’aide avait été adressée ; celles et ceux qui une fois dans leur vie, ont soulagé la douleur d’une personne en détresse ; toutes ces personnes connaissent la valeur et l’importance de la compassion, et que cette compassion est d’or lorsqu’on traverse des moments difficiles. Il peut s’agir de la maladie, de la solitude, du chômage, de l’exil, du harcèlement, de la persécution, de la trahison, du rejet, de l’échec, de la perte d’un être cher, du manque de logement, de l’injustice, etc. Certaines de ces souffrances laissent sur les personnes qui en font l’expérience, des marques reconnaissables extérieurement et physiquement. D’autres, touchant plus à la dimension intérieure des personnes, ne sont saisissables qu’à partir d’une mise en récit, par les concernés, de la souffrance qui les affecte. Quoi qu’il en soit, la souffrance, qu’elle soit physique, sociale ou morale, cause une détresse chez la victime désormais en droit de solliciter ou de bénéficier de l’aide. Cette aide se veut une attention particulière portée à sa souffrance dans le but de l’en relever à la mesure du possible, avec les ressources dont on dispose. La tradition judéo-chrétienne qualifie cette attention de compassion, qui est la capacité à partager la souffrance d’autrui et à lui venir en aide.
La Bible, abondamment traversée par la question de la souffrance, fait largement écho à la compassion, celle de Dieu d’abord, et ensuite celle qui est exigée impérativement au peuple de l’Alliance. Face à la détresse dont son peuple est parfois victime (exil, péché, guerre, persécution…), Dieu se montre sensible, pris de pitié et déterminé à l’en sortir. L’écho de cette miséricorde de Dieu est présent dans plusieurs textes bibliques comme nous le montrerons plus loin. Et puisque l’homme est invité à imiter Dieu, la compassion devient aussi dans la Bible un impératif spirituel et moral pour les israélites. En Jésus de Nazareth, la compassion prend un visage encore plus prophétique, salvifique et eschatologique. En effet, par son attitude bienveillante, sympathique et miséricordieuse en face des personnes qui souffrent, le fils de Marie et Joseph sera le prophète de la compassion. Aujourd’hui, l’Église, ayant reçu mission d’être signe de l’amour de Dieu pour le monde, s’emploie, à travers divers services pastoraux, à témoigner de cette compassion divine à celles et ceux que la souffrance affecte et qui attendent, espèrent ou sollicitent une aide. Nos milieux et services pastoraux nous font ainsi rencontrer chaque jour, des personnes souffrantes, aux demandes et attentes multiples et variées. Dans cette offre, une place particulière est accordée à la visite des malades, des prisonniers, des personnes esseulées et âgées, et à l’accompagnement des personnes endeuillées. D’autres services encore, plus charismatiques, de par leur inspiration missionnaire, se dévouent spécialement pour des catégories sociales particulièrement vulnérables dont la souffrance est parfois un marqueur social (handicapés, sans-abri, migrants et bien d’autres victimes de la vie…) C’est ainsi que prêtres et autres agents pastoraux se trouvent régulièrement à offrir aux personnes : soins, écoute, conseil, accompagnement, prière, présence, sacrement, afin de les relever autant que possible, de leur détresse. C’est particulièrement à ces personnes engagées dans cette pastorale de la compassion que ces réflexions sont destinées. Il s’agira de s’inspirer de la façon dont Dieu, et en particulier le Christ, se montre compatissant, afin de proposer aux agents pastoraux une éthique pastorale nécessaire à une compassion plus évangélique.
Le premier moment de ces réflexions traitera de la réaction de Dieu face au mystère du mal, particulièrement de la souffrance humaine ; le second offrira une approche philosophique et anthropologique de la compassion ; le troisième aidera à découvrir en quoi consistait la compassion de Jésus ; le quatrième moment proposera quelques principes pour une meilleure pastorale de la compassion par les agents pastoraux.
Comment Dieu réagit-il face au mal et particulièrement la souffrance, lorsque celle-ci fait de l’homme sa victime ?
1.1. L’irrationalité de la souffrance
La souffrance est une expérience qui affecte la condition humaine. De bout en bout, elle est présente à travers la Bible qui l’évoque avec réalisme. En effet, la Bible est largement traversée par des cris d’hommes et de femmes touchés dans leur corps comme dans leur âme, par la peine. Les manifestations de cette souffrance sont variées et multiples : maladie, guerre, famine, exil, injustice, mort, stérilité, haine, etc. C’est cette expérience douloureuse que rapportent en particulier les Psaumes, le Livre de Job, le Livre des lamentations, où l’exaspération humaine monte parfois vers Dieu comme plainte et prière. À cette douleur exprimée par des personnes, Dieu a souvent donné une réponse bienfaisante : il entend le cri du malheureux (Ps 34,6) ; il console l’esprit abattu (Ps 18,14) ; il protège l’étranger, la veuve et l’orphelin (Ps 146,9) ; nourrit l’affamé et relève le faible (Lc 1,46-56) ; prend soin de son peuple (Ex 3,7-8 ; Jn 10,1-42). Toutes ces formes de souffrances rappellent la misère qui peut non seulement détruire, mais perturber l’homme et affecter sa dignité au point de susciter en lui des questionnements radicaux. Jean-François Dupeyron a alors raison lorsqu’il écrit :
« L’expérience de la souffrance renvoie en effet le sujet humain à sa finitude, à son impuissance et à sa misérabilité. Au plus fort des tourments éprouvés et des affres ressenties, le Soi ne peut plus prétendre être comme maître et possesseur de la nature et de lui-même ; il n’est qu’un faible morceau “de chair et d’esprit” en proie au dénuement et à l’impuissance »1.
Ainsi, la souffrance désoriente l’homme et le met en question tout en le confrontant à ses propres limites. Face aux questionnements qu’elle suscite à propos de la souffrance, la Bible ne prétend pas cependant en détenir une réponse toute faite. Elle y consacre néanmoins tout un Livre dont le personnage est Job. L’expérience de ce personnage montre comment la souffrance met à mal la dignité humaine et pousse à s’interroger sur le sens même de la vie et la cohérence de notre identité personnelle. La souffrance est ainsi une épreuve du sens et du non-sens dans la mesure où défigurant l’homme, elle suscite des questions fondamentales se rapportant au sens de l’existence. Cri de révolte devant la douleur comme en témoignent également le Livre des Lamentations et certains Psaumes, la souffrance prend aussi la forme d’une plainte et d’une prière qui interpellent Dieu. Ces textes, en étant des réflexions sur la souffrance, tentent, à la différence du Livre de Job, d’esquisser des éléments de compréhension à la question du sens de la souffrance dans l’existence humaine. Mais rigoureusement parlant, y a-t-il une raison à la souffrance ? La souffrance est-elle raisonnable et rationnelle ?
Les tentatives d’explication qui veulent parfois rendre compte du sens de la souffrance dans la Bible n’effacent pas le côté scandaleux et inacceptable de cette réalité. Le caractère irrationnel de la souffrance apparaît encore plus quand la Bible nous fait découvrir un Dieu qui paradoxalement, est lui-même touché par la souffrance. En effet, par l’incarnation en Jésus de Nazareth qui connaîtra le rejet, la persécution, la violence, la passion, la mort, Dieu se trouve lui-même concerné et affecté par la souffrance. Jésus, qui en fait l’expérience et l’assume, dévoile que Dieu n’est pas épargné par cette réalité traumatisante. Mais si Dieu y est autant impliqué, n’est-ce pas pour la combattre et en relever l’homme ? Face au problème de la souffrance que rapporte la Bible, on découvre donc finalement un Dieu engagé à y répondre parce que la souffrance, fut-elle parfois une grâce selon certaines traditions spirituelles, reste tout de même la manifestation du mal.
1.2. Ad Deum et Cum Deo
Le mal, il faut le combattre. Ce combat est celui de Dieu. Le théologien Adolphe Gesché exprime cet engagement de Dieu à lutter contre le mal, en utilisant deux expressions pleines de sens : Ad Deum et Cum Deo