Dis, c'est quoi l'euthanasie ? - Jacques Brotchi - E-Book

Dis, c'est quoi l'euthanasie ? E-Book

Jacques Brotchi

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Beschreibung

J’ai passé 45 années de mon existence à sauver des vies, à soulager la souffrance. Neurochirurgien, j’ai lutté contre la mort avec des fortunes diverses, quand le scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’existaient pas. À l’époque, on ne parlait pas de la qualité de la vie, mais seulement de la sauver à n’importe quel prix. Puis la notion d’acharnement thérapeutique est née. Parallèlement, des soins palliatifs de qualité se sont développés, dans le but d’épargner des souffrances aux malades. Certains ont préféré demander à leurs médecins d’abréger leur agonie, mais ces derniers ne pouvaient accepter, car pratiquer une euthanasie était alors puni par la loi... Jacques Brotchi retrace, dans un dialogue avec sa petite-nièce, l’évolution de la notion d’euthanasie et ses implications morales en Belgique et ailleurs. Avec clarté et délicatesse, il explique dans quelles circonstances chacun peut bénéficier du droit de choisir sa fin de vie et ainsi partir dans l’apaisement et la dignité.




À PROPOS DE L'AUTEUR 




Jacques Brotchi (Bruxelles) est professeur émérite de l’Université libre de Bruxelles et chef de service honoraire de neurochirurgie à l’hôpital Erasme. Devenu sénateur en 2004, il a toujours tenu à participer à l’amélioration de la qualité de vie de ses concitoyens. Il est actuellement président honoraire du Sénat.

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Dis,

c’est

quoi

l’euthanasie ?

Jacques Brotchi

Dis, c’est quoi l’euthanasie ?

Renaissance du Livre

Drève Richelle, 159 – 1410 Waterloo

www.renaissancedulivre.be

Renaissance du Livre

@editionsrl

directrice de collection : nadia geerts

maquette de la couverture : aplanos

mise en page : morgane de wulf

illustrations : © serge dehaes

imprimerie : v.d. (temse, belgique)

isbn : 9782507056667

dépôt légal : D/2020.12.763/02

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.

l’euthanasie ?

Jacques Brotchi

préface de Guy Haarscher

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Préface

Voici un petit livre bien utile pour faire comprendre les enjeux de la question si controversée de l’euthanasie. Son auteur était tout désigné pour accomplir cette tâche pédagogique et citoyenne. Jacques Brotchi est connu comme grand neurochirurgien et professeur d’université : il a créé le service de neurochirurgie de l’hôpital Érasme (hôpital académique de l’Université Libre de Bruxelles). Il a été confronté aux situations souvent dramatiques dans lesquelles peut s’exprimer une demande d’euthanasie. Mais il s’est également engagé en politique pour défendre des causes qui lui sont chères. C’est ainsi que, dans l’exer-cice de son mandat de sénateur belge, il a soutenu et défendu dans de nombreux médias la loi de 2014. Cette loi étend aux mineurs, sous certaines conditions, la loi de 2002 ouvrant un droit à l’euthanasie.

Jacques Brotchi nous explique de façon très pédago-gique en quoi l’euthanasie, qui consiste pour un médecin à donner intentionnellement la mort à la demande d’un patient, constitue un acte d’humanité permettant à un individu de mourir dans la dignité, quand telle est sa volonté. Bien entendu, la loi de 2002 impose des condi-tions strictes pour que l’acte d’euthanasie soit légal : l’auteur nous rappelle qu’il faut que le patient soit majeur

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ou mineur émancipé, atteint d’une maladie incurable, qu’il ait exprimé librement, lucidement et de façon répé-tée sa volonté (sans pression extérieure), et que ses souffrances physiques ou psychiques soient insuppor-tables et inapaisables. D’autres exigences sont inscrites dans la loi, dont la création d’une Commission fédérale de contrôle et d’évaluation chargée de vérifier la légalité des euthanasies pratiquées et de faire régulièrement un rapport au Parlement sous forme de statistiques et d’une évaluation de la loi.

À l’origine, en 2002, la loi ne s’appliquait qu’aux individus majeurs (et aux mineurs émancipés). Le professeur Brotchi a été la cheville ouvrière du processus ayant mené à une nouvelle loi, votée en 2014, rendant pos-sible, encore une fois dans de strictes conditions, l’eu-thanasie des mineurs. La loi de 2014 exclut dans ce cas la souffrance psychique comme motif d’euthanasie, à la différence de la première loi. L’enfant doit posséder une « capacité de discernement », et les parents doivent don-ner leur accord. Cette extension du champ d’application de la loi a été critiquée, et pourtant Jacques Brotchi montre de façon lumineuse, sur un exemple poignant, à quel point un enfant, atteint d’une maladie incurable et génératrice de souffrances inapaisables, acquiert rapi-dement la maturité nécessaire à un choix éclairé – il peut même parfois devenir plus lucide, dit l’auteur, qu’un adulte confronté à la même situation après un accident.

Jacques Brotchi est avant tout un médecin. Il nous raconte par exemple le cas d’une enfant de huit ans ren-versée par une voiture : il a dû prendre le risque, dans

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une urgence extrême, de trépaner à mains nues. Il l’a sauvée et elle vit aujourd’hui une vie tout à fait normale.

La Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas se sont dotés de législations très avancées en la matière. En revanche, la France est toujours réticente à l’égard de l’euthanasie. La loi Leonetti de 2005, relative aux droits des malades en fin de vie, permet de refuser l’acharne-ment thérapeutique (« obstination déraisonnable ») ; elle autorise aussi la « sédation profonde et continue » jusqu’au décès, c’est-à-dire, pour calmer des douleurs insupportables, l’administration (seulement en extrême fin de vie), de médicaments ou de traitements qui peuvent entraîner la mort. Mais Jacques Brotchi affirme de façon convaincante que tout cela se situe bien en deçà des exigences d’une mort digne sans souffrances inutiles. Il nous rappelle les exemples récents de Nicole Boucheton, vice-présidente de l’Association française pour le droit de mourir dans la dignité, ainsi que de l’écri-vaine Anne Bert, qui a dû faire le voyage en Belgique pour pouvoir mourir dignement. Il nous raconte égale-ment la terrible saga juridique autour du cas de Vincent Lambert, victime d’un accident de moto, tombé dans un coma profond, sans qu’ait été obtenue une amélioration de son état. Une partie de la famille – des catholiques intégristes – s’est opposée par tous les moyens de droit à la sédation profonde. La Cour de cassation a fini par l’autoriser, et il est mort le 11 juillet 2019.

Les déclarations anticipées de souhait d’euthanasie sont possibles dans le cadre de la loi belge. Comme l’indique l’auteur, chacun de nous peut, après un accident ou une

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maladie qui s’aggrave rapidement, se trouver confronté à une telle situation, ce qui donne tout son sens à la décla-ration anticipée. La déclaration, nous rappelle Jacques Brotchi, doit être faite par écrit en présence de deux témoins dont l’un au moins n’aura pas d’intérêt matériel à la mort de celui qui l’a rédigée. Elle doit désigner une ou des personnes dites « de confiance », qui prendront la décision dans l’hypothèse où le patient ne serait plus capable de faire un choix conscient.

Bien sûr, un médecin ne peut se voir obligé de pratiquer une euthanasie (pas plus d’ailleurs qu’un avortement) et a le droit d’invoquer la clause de conscience. Mais la loi de 2002 n’offre pas cette possibilité aux institutions : si, objecte à juste titre l’auteur, un hôpital excluait l’eutha-nasie de façon générale dans son règlement, il violerait tant l’esprit que la lettre de la loi. Il faut refuser et sanc-tionner de telles pratiques, qui détourneraient de son sens la notion de « clause de conscience », laquelle, comme le terme l’indique, constitue une prérogative uniquement individuelle.

Le droit à l’euthanasie s’inscrit dans le sillage d’un long combat pour la dignité de l’individu. Kant, dans son opuscule Qu’est-ce que les Lumières ?, déplorait que l’humanité soit encore maintenue dans un état de mino-rité : les individus étaient dirigés de l’extérieur, par les Églises et les pouvoirs autoritaires, ils ne contrôlaient pas leur propre existence, ils étaient hétéronomes (leur orientation de vie leur était dictée par autrui, par les pouvoirs spirituel et temporel). Kant en appelait au contraire à l’autonomie des individus : osez penser par

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vous-mêmes, prenez votre destin en mains, pourvu bien entendu que vous ne causiez pas de tort à autrui. Cette conception a été théorisée et radicalisée plus tard au XIXesiècle par le philosophe John Stuart Mill, dans On Liberty(1859). La société n’a pas le droit de m’empêcher de faire quelque chose, elle ne peut agir contre mon gré que si mon action se révèle dommageable pour autrui (harm principle). Pour tout ce qui concerne mon propre bonheur et le sens que je veux donner à ma vie, elle n’a pas de légitimité pour intervenir, pour me traiter « comme un enfant ».

Cette haute idée de la liberté et de l’autonomie a mis beaucoup de temps à s’incarner dans les lois et dans les mœurs. Elle s’étend aujourd’hui aux choix ultimes de l’individu, quand il se trouve dans les conditions décrites plus haut et qu’il a besoin de l’intervention des médecins pour accomplir sa volonté de mourir dans la dignité. La deuxième loi belge sur l’euthanasie nous a même ame-nés à mettre en question la différence rigide entre adulte et mineur : elle a pris en compte une capacité de discer-nement susceptible de se manifester bien avant l’âge de la maturité légale, dont témoignent des enfants placés dans les conditions terribles que décrit si bien le présent ouvrage. En ce sens, tous ceux qui ont combattu et com-battent encore aujourd’hui pour un droit à l’euthanasie, bien sûr encadré comme tout droit, poursuivent le long combat des Lumières contre l’hétéronomie des indivi-dus, jusqu’aux décisions ultimes face à la souffrance, la déchéance et la mort.

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Je n’ai pu dans ces quelques lignes que donner un aperçu sommaire de la richesse de ce livre, qui devrait être lu, médité, étudié dans les écoles, parce qu’avec lucidité et probité, Jacques Brotchi déconstruit les fan-tasmes et les faux procès intentés à l’euthanasie, et qu’il tire parti de toute la richesse de son expérience de neu-rochirurgien et d’homme engagé pour nous emmener sur la voie d’un progrès de l’humanité protégeant l’auto-nomie de l’individu jusqu’aux moments ultimes de sa vie.

Guy Haarscher

Dis, c’est quoi l’euthanasie ?

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C’était à la fin d’un repas de famille. La conversation traî-nait un peu, certains avaient quitté la table, et la place à côté de moi était libre, ce dont profita l’une de mes petites-nièces pour se glisser près de moi.

Est-il vrai que tu t’es battu pour que les gens puissent bénéficier de l’euthanasie en Belgique ?

Oui, c’est exact. Tu t’intéresses à ce sujet ?

Oui, j’aimerais que tu m’éclaires sur cette ques-tion, car c’est un sujet délicat à propos duquel je n’arrive pas à avoir un avis tranché.

Je te remercie et vais faire de mon mieux. Tout d’abord, sache qu’au fil des conférences que je donnais sur le droit de choisir sa fin de vie, il m’est apparu que le public était mal informé, voire désinformé, tant sur les progrès de la médecine que sur les possibilités de terminer sa vie dans la dignité. Loin de moi la volonté de conseiller l’une ou l’autre formule. Mais il me paraît essentiel que le

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citoyen sache pourquoi nos sociétés en sont venues à se poser la question du droit de choisir sa fin de vie et com-ment les législations, suite à des débats parfois très vifs, y ont répondu en Belgique et dans d’autres pays.

Tu dois savoir ce que la loi permet et ne permet pas, afin de pouvoir choisir en toute liberté, et t’exprimer selon tes convictions et tes souhaits. Les circonstances