Du beau et de l'art - Victor Cousin - E-Book

Du beau et de l'art E-Book

Victor Cousin

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"Du beau et de l'art" de Victor Cousin est une exploration philosophique approfondie des concepts de beauté et d'art, présentée par l'un des penseurs les plus influents du XIXe siècle. Publié en 1836, cet essai offre une analyse systématique des fondements esthétiques et des principes qui sous-tendent la création artistique. Cousin commence par définir la beauté comme une idée universelle et intemporelle, distincte des goûts personnels et des modes changeantes. Il s'appuie sur la tradition philosophique, notamment sur les travaux de Platon et Kant, pour situer la beauté dans le domaine des idées pures. Pour Cousin, la beauté est une manifestation de l'idéal, une réalité transcendante qui trouve une expression imparfaite dans le monde matériel. L'essai se poursuit par une discussion sur la nature de l'art. Cousin voit l'art comme une tentative de représenter et d'incarner cette beauté idéale. Il examine les différentes formes d'art, notamment la peinture, la sculpture, la musique et la poésie, en soulignant comment chacune cherche à capturer l'essence de la beauté. Il met en avant l'idée que l'artiste, en tant que créateur, joue un rôle essentiel dans la médiation entre l'idéal et le réel. Cousin explore également les critères qui permettent de juger la qualité de l'art. Il propose que la véritable valeur artistique réside dans la capacité d'une oeuvre à refléter l'idéal et à susciter une réponse esthétique authentique chez le spectateur. Il critique les approches purement techniques ou utilitaires de l'art, affirmant que la dimension spirituelle et morale de l'art est primordiale. Enfin, l'essai aborde la question de l'évolution de l'art à travers les âges. Cousin reconnaît que les expressions artistiques varient en fonction des contextes historiques et culturels, mais il soutient que l'idéal de beauté reste constant. Il examine comment différents mouvements artistiques, du classicisme au romantisme, ont interprété et cherché à atteindre cet idéal. "Du beau et de l'art" est un texte fondamental pour comprendre les théories esthétiques de Victor Cousin et leur impact sur la philosophie de l'art. Avec une écriture claire et érudite, Cousin offre une vision cohérente et inspirante de la beauté et de l'art, invitant les lecteurs à réfléchir profondément sur la nature de l'expérience esthétique.

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Seitenzahl: 87

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Des facultés de l’ame qui concourent à la perception du beau. — Des différens genres de beauté et de leur harmonie. — Du génie et de l’art. — Des principaux arts, de leur but commun et de leurs moyens différens. — Architecture et sculpture. — Musique et peinture. — Suprématie de la poésie.

Sommaire

Début du texte

I

II

III

L’esthétique, ou la théorie du beau et de l’art, est la partie de la philosophie qui a été le plus négligée parmi nous. On ne rencontre pas une seule ligne sur ce grand sujet avant le père André et Diderot. Diderot, qui avait des éclairs de génie, où tout fermentait sans venir à maturité, a semé çà et là une foule d’aperçus ingénieux et souvent contradictoires[1] ; il n’a pas laissé une théorie sérieuse. Dans une école contraire et meilleure, disciple de saint Augustin et de Malebranche, le père André a composé sur le beau un livre estimable, où il y a plus d’abondance que de profondeur, plus d’élégance que d’originalité [2]. Condillac, qui a écrit tant de volumes, n’a pas même un seul chapitre sur le beau. Ses successeurs ont traité la beauté avec le même dédain ; ne sachant trop comment l’expliquer dans leur système, ils ont trouvé plus commode de ne la point apercevoir. Grace à Dieu, elle n’en subsiste pas moins et dans l’ame et dans la nature. Nous allons essayer d’en recueillir les traits essentiels sans les altérer par aucun préjugé systématique ; nous en laisserons paraître la variété, et nous tâcherons aussi d’en saisir l’harmonie. Nous l’étudierons successivement dans l’homme qui la connaît et qui la sent, dans les objets de tout genre qui la contiennent, dans le génie qui la reproduit, dans les principaux arts qui l’expriment chacun à leur manière selon les moyens dont ils disposent.

Commençons par interroger l’ame en présence du beau.

1. ↑Pensées sur la Sculpture, etc. — Le Salon de 1765, etc.

2. ↑œuvres philosophiques du p. André ; bibliothèque Charpentier.

I.

N’est-ce pas un fait incontestable qu’en face de certains objets, dans des circonstances très diverses, nous portons ce jugement : Cet objet est beau ? Cette affirmation n’est pas toujours explicite. Quelquefois elle ne se manifeste que par un cri d’admiration ; quelquefois elle s’élève silencieusement dans l’esprit qui à peine en a conscience. Les formes de ce phénomène varient, mais le phénomène est attesté par l’observation la plus vulgaire et la plus certaine, et toutes les langues en portent témoignage.

Quoique les objets sensibles soient ceux qui, chez la plupart des hommes, provoquent le plus souvent le jugement du beau, ils n’ont pas seuls cet avantage ; le domaine de la beauté est plus étendu que le monde physique exposé à nos regards ; il n’a d’autres bornes que celles de la nature entière, de l’ame et du génie de l’homme. Devant une action héroïque, au souvenir d’un grand dévouement, même à la pensée des vérités les plus abstraites puissamment enchaînées entre elles dans un système admirable à la fois par sa simplicité et par sa fécondité, enfin devant des objets d’un autre ordre, devant les œuvres de l’art, ce même phénomène se produit en nous. Nous reconnaissons dans tous ces objets, si différens qu’ils soient, une qualité commune sur laquelle tombe notre jugement, et cette qualité nous l’appelons la beauté.

En vain on a tenté de réduire le beau à l’agréable.

Sans doute la beauté est presque toujours agréable aux sens, ou du moins elle ne doit pas les blesser. La plupart de nos idées du beau nous viennent par la vue et par l’ouïe, et tous les arts, sans exception, s’adressent à l’ame par le corps. Un objet qui nous fait souffrir, fût-il le plus beau du monde, bien rarement nous paraît tel. La beauté n’a point de prise sur une ame occupée par la douleur.

Mais si une sensation agréable accompagne souvent l’idée de la beauté, il n’en faut pas conclure que l’une soit l’autre.

L’expérience prouve que toutes les choses agréables ne nous paraissent pas belles, et que parmi les choses agréables celles qui le sont le plus ne sont pas les plus belles : marque assurée que l’agréable n’est pas le beau, car si l’un est identique à l’autre, ils doivent toujours être proportionnés l’un à l’autre, et ils ne peuvent être séparés.

Or, tandis que tous nos sens nous donnent des sensations agréables, deux seulement ont le privilége d’éveiller en nous l’idée de la beauté. A-t-on jamais dit : Voilà une belle saveur, voilà une belle odeur ? Cependant on le devrait dire, si le beau est l’agréable. D’un autre côté, il est certains plaisirs de l’odorat et du goût qui ébranlent plus la sensibilité que les plus grandes beautés de la nature et de l’art, et même, parmi les perceptions de l’ouïe et de la vue, ce ne sont pas toujours les plus vives qui excitent le plus en nous l’idée de la beauté. Des tableaux d’un coloris médiocre, ceux de notre admirable Lesueur, par exemple, ne nous émeuvent-ils pas plus profondément que telles œuvres éblouissantes, plus séduisantes aux yeux, moins touchantes à l’ame ? Je dis plus : non-seulement la sensation ne produit pas l’idée du beau, mais quelquefois elle l’étouffe. Qu’un artiste se complaise dans la reproduction de formes voluptueuses, en agréant aux sens, il trouble, il révolte en nous l’idée chaste et pure de la beauté. L’agréable n’est donc pas la mesure du beau, puisqu’en certains cas il l’efface et le fait oublier ; il n’est donc pas le beau, puisqu’il se trouve, et au plus haut degré, où le beau n’est pas.

Ceci nous conduit au fondement essentiel de la distinction de l’idée du beau et de la sensation de l’agréable, à savoir la différence de la sensibilité et de la raison.

Quand un objet vous plaît, si l’on vous demande pourquoi, vous ne pouvez rien répondre sinon que telle est l’impression que vous éprouvez en ce moment ; et si on vous avertit que ce même objet produit sur d’autres une impression différente et leur déplaît, vous ne vous en étonnez pas beaucoup, parce que vous savez que la sensibilité est diverse, et qu’il ne faut pas disputer des sensations. En est-il de même lorsqu’un objet ne vous plaît pas seulement, mais lorsque vous jugez qu’il est beau ? Lorsque vous prononcez, par exemple, que cette figure est noble et belle, que ce lever ou ce coucher de soleil est beau, que le désintéressement et le dévouement sont beaux, que la vertu est belle, si l’on vous conteste la vérité de ces jugemens, alors vous n’êtes pas aussi accommodant que vous l’étiez tout à l’heure ; vous n’acceptez pas le dissentiment comme un effet inévitable de sensibilités différentes ; vous n’en appelez plus à votre sensibilité, qui naturellement se termine à vous ; vous en appelez à une autorité qui est faite pour les autres comme pour vous, celle de la raison. Vous vous croyez le droit d’accuser d’erreur celui qui contredit votre jugement ; car ici votre jugement ne repose plus sur quelque chose de variable et d’individuel, comme une sensation agréable ou pénible. L’agréable se renferme pour nous dans l’enceinte de notre propre organisation, où il change à tout moment, selon les révolutions perpétuelles de cette organisation, selon la santé et la maladie, l’état de l’atmosphère, celui de nos nerfs, etc. Mais il n’en est pas ainsi de la beauté : la beauté, comme la vérité, n’appartient à aucun de nous ; c’est le bien commun, c’est le domaine public de l’humanité ; personne n’a le droit d’en disposer arbitrairement ; et quand nous disons : Cela est vrai, cela est beau, ce n’est plus l’impression particulière et variable de notre sensibilité que nous exprimons, c’est le jugement absolu que la raison impose à tous les hommes.

Confondez la raison et la sensibilité ; réduisez l’idée du beau à la sensation de l’agréable, le goût n’a plus de loi, la distinction du bon et du mauvais goût est abolie. Si je n’aime pas l’Apollon du Belvédère, vous me dites que je n’ai pas de goût. Qu’est-ce à dire ? n’ai-je pas des sens comme vous ? l’objet que vous admirez n’agit-il pas sur moi comme sur vous ? l’impression que j’éprouve n’est-elle pas aussi réelle que celle que vous éprouvez ? D’où vient donc que vous avez raison, vous qui ne faites qu’exprimer l’impression que vous ressentez, et que j’ai tort, moi qui fais précisément la même chose ? Est-ce parce que ceux qui sentent comme vous sont plus nombreux que ceux qui sentent comme moi ? Mais le nombre des voix n’est pour rien ici. Le beau étant défini ce qui produit sur les sens une impression agréable, une chose qui plaît, fût-ce à un seul homme, fût-elle affreusement laide aux yeux du genre humain tout entier, doit être cependant et très légitimement appelée belle par celui qui en reçoit une impression agréable, car pour lui elle satisfait à la définition. Il n’y a plus alors de vraie beauté, il n’y a plus que des beautés relatives et changeantes, des beautés de circonstance, de coutume, de mode, et toutes ces beautés, quelque différentes qu’elles soient, seront toutes légitimes, pourvu qu’elles rencontrent des sensibilités auxquelles elles agréent. Et comme il n’y a rien en ce monde, dans l’infinie diversité de nos dispositions, qui ne puisse plaire à quelqu’un, il n’y aura rien qui ne soit beau, ou pour mieux parler il n’y aura ni beau ni laid, et la Vénus des Hottentots égalera la Vénus de Médicis. L’absurdité des conséquences démontre l’absurdité du principe. Il n’y a qu’un moyen d’échapper à ces conséquences, c’est de répudier le principe, et de reconnaître que le jugement du beau est un jugement absolu, et, comme tel, radicalement différent de la sensation.

Enfin, et c’est ici le dernier écueil de la philosophie qui tire toutes nos idées des sens, n’y a-t-il en nous que l’idée d’une beauté imparfaite et finie, et en même temps que nous admirons les beautés réelles que nous présente la nature, ne nous élevons-nous pas à l’idée d’une beauté supérieure que Platon appelle excellemment l’idée du beau, et que, d’après