(É)perdu - Christopher Quarez - E-Book

(É)perdu E-Book

Christopher Quarez

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Beschreibung


À 30 ans, l’auteur claque la porte d’un quotidien bien rangé, et d’une carrière prometteuse dans les médias, pour s’élancer sac au dos, dans onze mois de voyage. Ce qui ne devait être qu’une pause devient, par la force des événements, un tour du monde improvisé. Du Vietnam au Laos, en passant par l’Indonésie et l’Australie, il marche, il doute, il écrit. Au fil de ces 100 000 kilomètres parcourus, quelque chose en lui recommence à respirer. C’est l’histoire d’un homme — mais surtout celle de chacun. De celles et ceux qui se sentent à l’étroit dans leur quotidien. De ceux qui rêvent de sens, de souffle, de simplicité. De ceux qui ne veulent plus seulement exister, mais vivre. "(E)PERDU" est le journal intime d’un homme en quête de sens. Un récit brut et lumineux, comme une pause existentielle dans une époque trop rapide.

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Seitenzahl: 140

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture

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Publishroom Factorywww.publishroom.com

ISBN : 978-2-38625-923-4

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Page de titre

Christopher QUAREZ

(É)PERDU

Journal intime d’un tour du monde improvisé

Une partie des bénéfices est reversée à NK SEEDS, une association franco-suisse qui œuvre pour l’accès à l’éducation et à la santé au Laos.

Avant-propos

Cette photo, c’est moi. En septembre 2021. À la télévision. En pleine « lumière ». Costume bien repassé, sourire maîtrisé. Tout va bien. Du moins, en apparence.

Ce que cache le cliché, c’est une autre histoire.

Avec le recul d’aujourd’hui, ça me saute aux yeux : je suis épuisé. Je ne parle des cernes qui creusent mon visage causé par les nuits sacrifiées et les réveils aux aurores. Ni même de ma silhouette maigrichonne.

Non, je parle de cette fatigue plus profonde causée par le fossé devenu béant entre ce que je montre et ce que je ressens. Vous ne le voyez pas, mais moi je (re)vis cette bataille de l’intérieur.

Je suis planté, là, à faire mon métier — à jouer le sujet d’une « belle famille » qui ne l’est pas vraiment — mais je ne m’y retrouve plus.

Derrière ce sourire, il y a le doute.

Derrière ce sourire, il y a le mal-être.

J’essaie de les compter : deuxième… ou peut-être troisième burn out ? Je ne sais plus, à vrai dire.

Je suis certain qu’il y a eu au moins deux aller-retour en catimini aux urgences de l’hôpital Sainte Anne, en pleine nuit. Pour des crises d’anxiété devenues incontrôlables. L’une des expériences les plus traumatisantes que j’ai eu à vivre. Je ne la souhaite à personne.

Cette sensation de devenir fou. Et l’anéantissement qui va avec. Dieu que l’on peut se sentir seul, à ce moment-là.

Mais je m’accroche. De toutes mes forces. Sans me douter que le pire restait à venir : la rupture, pro et perso. Et le deuil qui l’accompagne.

En fait, tout ce que je dégage sur cette photo, c’est un monstre. De perfection.

Dire que « faire de la télé », c’était mon rêve !

Un rêve que j’ai défendu bec et ongles. Sans me rendre compte que je m’y enfermais, croyant – à tort – qu’il était destination.

Un point d’arrivée, quelque part au bout d’un effort, et d’une reconnaissance attendue. Rien de tout ça.

C’est Jim Carrey qui a dit un jour : « Je pense que tout le monde devrait accomplir ses rêves pour comprendre que ce n’est pas la réponse. »

Réussir contre soi n’est pas une victoire.

L’image ne suffit pas.

Je ne le savais pas encore, mais dans les mois qui ont suivi cette prise, j’ai décidé de quitter ce décor. J’ai choisi de partir. Pas parce que je savais où aller — mais parce que je ne pouvais plus rester là.

Chapitre 1Le choix

« La vie est une succession de choix qu’il faut savoir assumer ensuite. » (Joël Dicker)

Oraison (France), 29 juillet 2022

J-11. À quelques pas du vide. Le grand saut. L’heure des au revoir. Le regard inquiet de mes parents. Quelques cartons, empilés dans un coin de la maison. Et ce sac à dos de 65 litres, dérisoire pour contenir une vie entière.

Paris. Mon travail. Mon appartement. Tout ce que j’étais jusqu’ici tient désormais dans ce sac. Je devrais être excité. Euphorique, même. Mais une sensation plus lourde me colle à la peau, comme si ce bagage pesait plus que son propre poids. Comme s’il contenait tout ce que je laissais derrière moi.

Tiraillé entre la promesse d’une liberté infinie, le désir de partir à la découverte du monde, et de me réinventer. Et de l’autre, une angoisse persistante, comme si tout ce que je connaissais, tout ce qui faisait partie de ma vie, filait entre mes doigts. Mon cœur balance entre l’excitation et la peur.

Je devrais être serein, mais je me sens vulnérable. C’est l’heure des au revoir, mais aussi de cette prise de conscience que, malgré la promesse de l’aventure, il y a des choses que je ne pourrai jamais retrouver une fois que le pied sera mis hors de ce seuil. Et je me demande si ce voyage me fera grandir ou si, au contraire, il me plongera dans un vide que je n’avais pas anticipé.

Dans ce courant de pensées, en plein cœur de cette transition, un message inattendu me ramène. Gabrielle. C’est bien la dernière chose à laquelle je m’attendais !

Elle savait pour mon départ. Elle veut me voir. Mon alarme intérieure se déclenche. J’ai beau l’entendre hurler, je ne l’écoute pas.

Je réponds à son message.

Québec (Canada), 17 septembre 2022

Jour 37.— Tu ne peux pas être heureux avec quelqu’un si tu n’es pas heureux avec toi-même.

La phrase tombe, sèche, comme une sentence. Le ton est froid. Il contraste avec la chaleur moite de l’été qu’on vient de passer dans le sud de la France, quelques semaines avant mon départ pour l’Australie.

Un contraste saisissant, comme l’est notre relation. Tantôt brûlante, tantôt glaciale.

À l’image de ce bar de la rue Saint-Jean, presque vide pour un jeudi soir, où l’ambiance semble hésiter entre l’intimité et le malaise. Elle est là, en face de moi, les yeux dans sa pinte. Moi, je scrute ses silences. On parle, mais rien ne s’échange vraiment. Je ne sais plus sur quel pied danser. Sommes-nous un couple ? Des amis ? Des étrangers qui essaient de sauver ce qui n’existe peut-être déjà plus ?La bière a un goût amer. Comme si elle hésitait elle aussi.

Puis on se lève, presque mécaniquement. Les mots sont rares, les gestes aussi. En sortant, j’ai levé les yeux. J’ai lu le nom de l’endroit : Le Sacrilège. Ça ne s’invente pas. Tout prend sens. Nous étions là, attablés, à profaner un sentiment noble, celui de l’amour.

En face, l’église Saint-Jean-Baptiste. Sur le parvis, un dernier baiser. Puis elle disparaît dans la nuit. Emportant avec elle un court chapitre de ma vie. Court, mais suffisant pour tout faire basculer.

Sous une pluie fine, à la nuit tombée, je longe, hagard, cette rue Saint-Jean pour retourner à mon hôtel. J’essaie de comprendre. J’essaie de mettre un semblant de raison dans tout cela : comment ai-je pu perdre la tête à ce point ? Comment en suis-je arrivé là ? Comment ai-je fait pour tomber si bas ?

Aéroport international Montréal Trudeau (Canada), 18 septembre 2022

Jour 38. Une nuit blanche passée à essayer de répondre à ces interrogations. Le film tourne en boucle dans l’avion au-dessus de l’Atlantiqueet m’écrasait contre le hublot, où défilait l’immensité noire.

Je croyais qu’elle était la femme de ma vie, occultant qu’elle en avait décidé autrement une première fois pour nous deux. Après seulement quelques mois de relation, la nouvelle était tombée, foudroyante, par SMS : Chris, j’ai fait une fausse couche. Je tiens pas à ce qu’on aille plus loin. Je te demande de respecter mon silence.

Après plusieurs tentatives désespérées, elle obtient ce qu’elle voulait : mon silence, au prix d’un conflit intérieur assourdissant. Un uppercut. Brutal. Implacable. Personne ne m’avait jamais frappé aussi fort qu’elle. Et dans son sillage, elle avait laissé un vide impossible à combler.

Voilà que l’histoire se répète presque en tous points de l’autre côté de l’Atlantique, où elle vit désormais. Nos chemins avaient pourtant bifurqué : elle, au Canada, moi, en Australie. J’aurais probablement dû y voir le signe d’une telle distance qui nous séparait. Mais est-ce que 14.000 kilomètres suffisent vraiment à éteindre un sentiment ? Au fond, ce ne sont que trois coups d’avions, et quarante heures de voyage passées entre les airs et les aéroports. Pas pire, dirait-on en bon canadien !

Alors à qui la faute si je me retrouve désormais à errer à l’étranger ? Personne d’autre que moi-même. C’est comme si je savais au fond de moi que je faisais fausse route depuis le début. Je le savais, mais je me suis entêté. Pas de visa, pas de travail, quelques économies… Ce plan était voué à l’échec !

Mais je voulais y croire encore. Je pensais que c’était la seule façon de réparer ce qui avait été brisé en moi. Oui, c’est ça ! Peut-être que j’espérais que tout se réparerait : la rupture brutale, le rejet, le silence atroce, la perte d’un enfant qu’on n’a jamais vraiment pleuré à deux. Je cherchais une seconde chance. Pour nous. Pour moi. Pour ce qu’on aurait pu être. Le combat entre l’illusion du « peut-être » et la réalité du « non » fait du mal. J’ai eu peur d’accepter que ce fût vraiment fini, et je n’étais pas prêt à l’admettre.

Mais parfois, il faut un électrochoc. Un déclic. N’importe quoi, pour remettre du mouvement dans l’inertie. Alors, j’ai ouvert mon ordinateur, tapé « destinations bon marché depuis Montréal », et attendu un signe.

Il est apparu sous la forme d’un mot : Indonésie.

Ubud (Bali, Indonésie), 22 septembre 2022

Jour 42. La pluie, fidèle compagne de mes errances, continue de tomber sans relâche. Mais ici à Bali, elle a quelque chose de différent : elle apaise, sublime les rizières verdoyantes qui s’étendent devant moi. Un calme religieux plane, contrastant avec la tempête qui m’habite.

J’ai beau être lucide, je m’accroche à mon téléphone, envoyant des messages dans l’espoir de la faire revenir. Mais ses réponses se raréfient, jusqu’à disparaître. Et dans ce silence, je m’enfonce un peu plus. Je m’en veux. Je lui en veux. Je m’en veux de surcroît d’inquiéter mes proches qui me voient me perdre ainsi. Gabrielle a toujours eu cette faculté de déclencher des alarmes autour de moi. Quand elle est réapparue dans ma vie, mes proches l’ont vue venir. Ils ont préféré se taire, par respect, mais ils savaient.

Je suis à Bali. Et je persiste à me demander comment j’ai pu en arriver là.

Sous le porche de mon bungalow en bois, je contemple la pluie, le regard perdu. Jusqu’à ce que celui-ci se porte sur une silhouette familière qui fend l’allée. Je reconnais la jeune femme belge avec qui j’ai partagé un taxi depuis l’aéroport la veille. Nous n’avions échangé que quelques mots pendant les deux heures de trajet, épuisés par nos voyages respectifs.

Elle s’approche avec un sourire hésitant.

— Toi aussi, tu ne trouves pas le sommeil… Je peux m’asseoir ?

J’acquiesce sans une parole. Elle s’installe à côté de moi, et nous restons un moment à observer la pluie, dans ce matin silencieux. Puis elle brise le silence.

— Je ne t’ai pas demandé dans la voiture… Mais qu’est-ce qui t’amène à Bali ?

Je soupire, cherchant mes mots.

— Moi-même, j’essaie de comprendre.

Elle esquisse un sourire bienveillant.

— Par où commencer, dans cecas ?

Je prends cette question comme une invitation. Les mots sortent, hésitants, puis s’enchaînent. Je lui raconte tout. Gabrielle. La seconde chance. Le parachutage. Pour finir par cette phrase que je me répète en boucle :

— J’ai tout gâché. Je suis un monstre. Je m’enveux.

Elle m’écoute, patiente et attentive. Puis, doucement, elle répond :

— Tu sais… Aimer, c’est laisser l’autre libre de choisir. Si elle a choisi de partir, peut-être que l’aimer vraiment, c’est accepter ça. Mais si elle revenait un jour, souviens-toi de t’aimer toi-même. Parce qu’elle a déjà choisi, une fois, de ne pas t’aimer. Et tu mérites quelqu’un qui choisira de t’aimer, toi.

Ubud (Bali, Indonésie), 24 septembre 2022

Jour 44. J’ai beau m’arrêter sur la sagesse simple, mais percutante de cet échange avec cette jeune femme que je n’ai croisée qu’une fois, ici, à Ubud, le rejet de Gabrielle continue de m’obséder. Je lui écris encore, je lui raconte ce (re)départ. Mais chaque message ressemble à une bouteille envoyée à la mer que les vagues me ramènent inlassablement.

Depuis mon arrivée en Indonésie, il y a moins de 48 heures, le temps semble s’être considérablement ralenti. Les jours se confondent, les heures n’ont plus d’importance. Cette incertitude flottante est devenue mon quotidien depuis un mois et demi. Les nuits, elles, sont agitées.

Ce dernier matin à Ubud, l’insomnie ne m’épargne pas. Il est 5 heures, et je décide de marcher. Marcher est une chose simple, presque instinctive, et cela m’aide toujours à mettre un peu d’ordre dans mes pensées. Je m’enfonce dans les rues crépusculaires, et bientôt, à quelques pas de mon hôtel, je tombe sur un marché alimentaire.

Je découvre un monde parallèle. Une effervescence discrète anime les allées. Des visages concentrés s’affairent entre des étals chargés de fruits, d’épices, et de plats inconnus. Les odeurs sont envoûtantes, mêlant douceur sucrée et chaleur épicée. Je suis manifestement le seul touriste ici : les regards se posent sur moi, curieux, mais bienveillants. Mon estomac gronde. À croire que cette vieille dame, installée derrière sa roulotte, l’avait entendu. Elle m’interpelle d’un sourire. Un sourire franc, pur, d’une simplicité désarmante. Sans un mot, elle me tend un curry de poulet accompagné de riz, emballé dans une feuille de bananier.

Je mange. Je dévore, littéralement. Le curry est riche et épicé, le riz parfaitement collant. Chaque bouchée m’apporte une satisfaction que je n’attendais pas. Ce simple repas me rappelle ce que c’est que de ressentir la faim, et de la combler.

Nous ne partageons pas de mots. Je ne parle pas balinais, et elle ne parle pas anglais. Mais il se passe quelque chose. Son sourire me raconte des choses que je croyais oubliées : la résilience, l’accueil, la puissance des gestes simples. Ce sourire a touché quelque chose en moi, une part que j’imaginais éteinte.

Je m’assieds sur le trottoir, derrière sa roulotte, comme à l’abri du doux vacarme. À mes côtés, deux Balinais, probablement des habitués, mangent en silence. Ils me regardent et sourient. Je leur rends leur sourire. Pour la première fois du voyage, je ressens un semblant d’apaisement. Je relâche.

Lovina (Bali, Indonésie), 26 septembre 2022

Jour 46. Un dernier bout de trajet cahoteux sur un chemin de terre, le chauffeur me dépose enfin devant le Summer Guesthouse Lovina. Je me tiens là, planté devant cette maison d’hôte qui semble sortie d’un autre temps. Au centre de l’établissement, une piscine ornée d’un dauphin en mosaïque me fixe, impassible. À croire qu’on voulait vraiment rappeler aux visiteurs qu’ici, c’est le sanctuaire des cétacés. Kitsch ? Oui, absolument. Sur plusieurs blogs de voyageurs, ce lieu mentionné paraissait prometteur. Allons voirça !

Je rencontre la propriétaire, une femme au visage marqué par les années, mais dont l’énergie chaleureuse irradie. Elle m’escorte à travers le jardin jusqu’au bloc des chambres, un bâtiment modeste à deux étages, à moitié englouti par les plantes tropicales.

L’air frais me surprend. La climatisation ronronne doucement, et le dortoir est presque désert. Presque. Sur un lit, en face de l’entrée, un jeune homme est assis. Ses traits sont doux, son allure impeccable, presque trop propre pour ce décor de routards. Ses affaires, éparpillées sur le matelas, donnent l’impression qu’il est en transit, mais impossible de savoir s’il vient d’arriver ou s’apprête à partir. Curieusement, sa simple présence me rassure. Ce sentiment de relâchement me prend par surprise. C’est comme si un poids tombait de mes épaules, celui d’une solitude que je traîne depuis trop longtemps. Un fardeau invisible.

Nous échangeons quelques mots en anglais, mais rapidement, nos accents nous trahissent. Deux Français, au bout du monde, à Lovina, dans ce petit dortoir improbable. Nous rions, presque malgré nous. Je pose mon sac au pied de son lit, marquant symboliquement le début de la rencontre.

— Moi, c’est Erwan.

— Chris, lui réponds-je.

Erwan, un Nantais, en vadrouille pour six mois et traverse l’Indonésie d’ouest en est.

— Qu’est-ce que tu fais ici à Lovina ?

— Je prolonge mon visa, l’administration a mon passeport pour les formalités.

Je comprends que Lovina n’était pas son choix, mais il était coincé là.

La conversation se poursuit timidement.

— Et toi, tu viens d’où comme ça ?me lance-t-il.

Une question simple, à laquelle je n’ai pourtant pas de réponse évidente. Et puis, qu’entend-il par d’où viens-tu ? J’avoue avoir perdu tous mes repères. De Paris ? Ce n’est plus tellement vrai étant donné que j’ai quitté le cadre de la Ville Lumière. De Québec ? Ce serait trop long à expliquer. D’Australie ? Le point de départ de toute cette aventure, devenu exil, éclipsé par le Québec…

Je finis par déballer tout mon sac. Je lui fais le récit de ce début de voyage rocambolesque, absurde quand je le raconte. Les mots sortent, bruts, jusqu’à s’effilocher en larmes que je ne tente même pas de cacher. Il ne bronche pas et continue de trier ses affaires sans se presser. Peut-être parce qu’il porte lui aussi le poids d’une séparation qui ne porte pas son nom, qu’il tente de comprendre et d’accepter au gré des kilomètres. Nos récits se croisent et s’entrelacent, et le temps, lui, semble se ralentir un peu plus.

La fin d’après-midi approche, et il lance une proposition inattendue :

— Ça te dit qu’on prenne un apéro au bord de la piscine ?