En finir avec les pesticides - Maria Denil-Keil - E-Book

En finir avec les pesticides E-Book

Maria Denil-Keil

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Beschreibung

Plus personne n’ignore aujourd’hui les problèmes écologiques et de santé publique que pose le glyphosate, matière active de l’herbicide Roundup. Il ne faudrait pas cependant que la lumière des projecteurs médiatiques contribue paradoxalement à maintenir dans l’ombre les centaines de pesticides de synthèse qui ont été et continuent à être disséminés dans notre environnement : ils sont tous nocifs.
Au fil des années, certaines substances particulièrement dangereuses ont été retirées du marché, mais elles ont laissé la place à d’autres, présentées à tort comme acceptables. Les nouvelles familles de pesticides s’avèrent, elles aussi, gravement problématiques pour l’environnement et la santé (néonicotinoïdes et fongicides SDHI).
Les auteurs montrent que la nouvelle législation européenne en vigueur depuis dix ans a échoué à protéger l’environnement et à réduire la contamination de nos aliments et de notre eau. Ils considèrent que la politique d’utilisation « durable » des pesticides est un véritable leurre. Elle nous emprisonne dans une logique qui convient aux multinationales, mais menace le vivant. Elle compromet en outre gravement la santé de nos enfants et des enfants à naître.
Enfin, ils plaident pour une reconversion rapide et généralisée de l’agriculture vers l’agroécologie et l’agriculture biologique, en parallèle avec l’élimination de tous les pesticides de synthèse.

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© La Boîte à Pandore

Paris

http ://www.laboiteapandore.fr

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ISBN : 978-2-39009-468-5 – EAN : 9782390094685

Toute reproduction ou adaptation d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.

Maria Denil-Keil & Paul Lannoye

En finir avec les pesticides

« Pourquoi devrions-nous accepter d’absorber des poisons sous prétexte qu’ils ne sont pas tout à fait meurtriers, de vivre dans une ambiance pas tout à fait insupportable, de fréquenter des êtres pas tout à fait ennemis, d’entendre des bruits de moteurs pas tout à fait assez stridents pour nous rendre fous ? Qui donc voudrait vivre dans un monde dont la caractéristique est de n’être pas tout à fait mortel ? »

Rachel Carson, Le printemps silencieux

Remerciements

Nous tenons à remercier chaleureusement Geneviève Hilgers pour son travail essentiel de recherche de documentation et de mise en forme des textes.

Merci aussi à Inès Trépant et Marc Fichers pour leurs conseils et informations précieuses.

Enfin, nous sommes très reconnaissants envers Michèle Goedert, Martine Dardenne, Sylviane Roncins, Viviane Lardinois, Géraldine Druart, Ann-Mary Francken, Daniel Zink, Jean Mergelsberg et Pierre Stein pour leurs encouragements et leur soutien moral.

Préambule

Comme pratiquement tous ceux de ma génération, j’ai été emporté, dès mon enfance, par la vague modernisatrice qui a suivi la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Le monde rural et les pratiques agricoles ne pouvaient que bénéficier des bienfaits d’une agronomie fondée sur une utilisation scientifiquement étayée des engrais chimiques et des pesticides de synthèse. C’était le progrès, il n’y avait pas lieu d’en débattre.

Je n’ai vraiment commencé à prendre conscience des risques graves et des failles profondes de cette vision qu’après avoir lu, dans les années 1960, les avertissements et les critiques des rares dissidents du monde agricole.

Le livre-choc de Rachel Carson, Printemps silencieux (1), publié en langue française, a logiquement ébranlé ce qui restait de mes croyances. Mais c’est au début des années 1970, une visite en curieux de la ferme de Léon Baré, pionnier de l’agriculture biologique en Wallonie (Belgique), qui m’a définitivement convaincu : l’agriculture conventionnelle à base d’intrants chimiques est globalement nocive pour l’environnement et dangereuse pour la santé ; mais en outre, les produits de l’agriculture biologique sont incomparablement plus savoureux et plus diversifiés. En toute logique, je suis devenu un adepte convaincu d’une alimentation naturelle, moins carnée et basée essentiellement sur des produits biologiques.

Ce n’est que beaucoup plus tard, en 1989, que, devenu parlementaire européen, j’ai été confronté aux textes législatifs proposés par la Commission européenne à propos des pesticides. Il s’agissait de règlementer de manière plus rigoureuse et, en principe, plus respectueuse de l’environnement et de la santé, la mise sur le marché européen et l’utilisation des pesticides.

Après de longs mois de discussions au cours desquels les propositions des parlementaires écologistes étaient poliment écoutées, mais clairement minoritaires, la directive 91/414/CEE1 mettait en place une toute nouvelle procédure d’agréation des pesticides. Une liste positive des matières actives autorisées devait être progressivement adoptée ; autrement dit, tout ce qui ne serait pas explicitement autorisé serait interdit.

C’était incontestablement une avancée potentiellement significative malgré les failles du texte. Mais il a fallu rapidement déchanter vu l’absence de réelle volonté politique de la plupart des États membres.

Après le Sommet de la Terre de 1992, à Rio, où le principe de précaution a été approuvé par tous les États membres des Nations-Unies, on aurait pu espérer une inflexion claire. Il n’en a rien été.

La mise en place de l’Organisation mondiale du commerce en 1994 m’a définitivement convaincu de ce que le libre-échange et la croissance économique avaient, pour les décideurs de toute obédience, la priorité absolue. Le principe de précaution est fondamentalement incompatible avec cette hiérarchie des valeurs. Il fallait donc lutter pied à pied pour l’imposer, sachant qu’en coulisse, le lobbying permanent des multinationales productrices de pesticides freinait des quatre fers.

En 2002, chargé par le Parlement de rédiger un rapport sur l’état d’avancement du processus d’évaluation des pesticides existants, j’ai rédigé, avec l’aide précieuse et efficace de Maria Denil, un ensemble de propositions extrêmement modérées (trop à mon avis) et approuvées par une très large majorité parlementaire.

Le Parlement européen demandait :

–qu’aucune substance présentant une des caractéristiques suivantes ne puisse être portée sur la liste positive :

•cancérigène

•toxique pour la reproduction

•mutagène

•perturbatrice endocrinienne

•persistante

•bio-accumulable

–qu’il y ait recours à l’évaluation comparative et au principe de substitution (à savoir, substitution d’une substance active pour laquelle des risques ont été mis en évidence par une substance active moins nocive) ;

–la prise en compte :

•de l’incidence sur la santé des enfants et fœtus

•des effets additifs et synergiques des pesticides

•de l’impact sur les abeilles domestiques

–la non-autorisation de pesticides demandant des restrictions d’utilisation strictes difficilement contrôlables ;

–une évaluation des métabolites équivalente à celle des substances primaires.

En 2004, Maria et moi-même, en réponse à la question de savoir si la politique et la législation européenne en matière de pesticides nous protègent réellement, répondions clairement non :

« Non seulement l’évaluation dans le cadre de la directive 91/414/CEE2 a-t-elle lieu selon un rythme ridiculement lent qui entraîne le maintien sur le marché de substances actives très préoccupantes pour la santé humaine et l’environnement, mais en outre, la procédure d’évaluation prévue ne garantit aucunement que les pesticides autorisés sont sûrs, comme le prétendent pourtant les textes.

Les problèmes de synergie liés à l’action simultanée de plusieurs substances, le rôle des adjuvants de formulation dans les produits commercialisés et donc disséminés, la non-prise en compte des effets de perturbation endocrinienne, sans oublier la non-pertinence de l’extrapolation du modèle animal à l’homme, sont autant de raisons de mettre en doute la validité de l’évaluation des risques telle qu’elle est effectuée » (2).

Nous appelions à une politique volontariste de réduction de l’utilisation des pesticides dans notre pays.

Quinze ans plus tard, nous devons constater qu’il n’y a aucune réduction dans l’utilisation des pesticides. Pourtant une nouvelle législation a été adoptée en 2009, prenant en compte certaines des demandes exprimées sept ans plus tôt par le Parlement européen.

L’appel « Nous voulons des coquelicots » demandant l’interdiction de tous les pesticides de synthèse, lancé il y a quelques mois en France par Fabrice Nicolino et François Veillerette et par la suite en Belgique par Grappe ASBL3 et une centaine de citoyens et citoyennes, me paraît être la bonne initiative à prendre aujourd’hui.

Le présent ouvrage a comme objectif d’expliquer pourquoi cette démarche s’impose. L’utilisation des pesticides repose sur l’idée fausse selon laquelle, pour nourrir le monde, il faut faire la guerre aux nuisibles. Le problème est que cette guerre tue ceux qu’elle veut détruire, mais pas seulement. Elle a fait et continue de faire des dégâts considérables depuis soixante-dix ans. Elle détruit la biodiversité, contamine notre milieu de vie et menace la santé de nos enfants. La législation actuelle, qui prétend promouvoir et règlementer une utilisation durable des pesticides, ne peut que perpétuer une situation intolérable.

Le but de ce livre est de vous le démontrer.

Paul Lannoye

1. Directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, publiée au Journal officiel no L 230, 19/8/1991.

2. Ibid.

3. Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Écologique, Association sans but lucratif, Rue Raymond Noël 100, B-5170 Bois de Villers, Belgique, www.grappebelgique.be

Introduction

Qu’est-ce qu’un pesticide ?

Pour éviter tout malentendu, nous rappelons en préalable la définition de ces substances, à juste titre mises en cause pour les dégâts qu’elles provoquent sur la nature et les êtres humains.

La législation en vigueur dans l’Union européenne distingue deux types de pesticides : les produits « dits » phytopharmaceutiques et les produits biocides.

1. Les produits « dits » phytopharmaceutiques

Au sens de la législation4, les produits phytopharmaceutiques sont destinés à :

–protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir l’action de ceux-ci […] ;

–exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, telles les substances, autres que les substances nutritives, exerçant une action sur leur croissance ;

–assurer la conservation des produits végétaux […] ;

–détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables […] ;

–freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux […].

Ces produits sont donc généralement utilisés pour lutter contre tout ce qui est supposé mettre en danger la production agricole : les insectes nuisibles (produits insecticides), les mauvaises herbes (produits herbicides), les moisissures (produits fongicides), la verse (raccourcisseurs de paille)… Les produits utilisés par les particuliers pour le jardinage et l’entretien des potagers entrent également dans la catégorie des produits phytopharmaceutiques.

Certains de ces produits sont aussi utilisés en dehors de toute menace pour la culture. C’est le cas, par exemple, de l’éthéphon, un régulateur de croissance utilisé pour augmenter la rentabilité économique des cultures (voir encadré).

Certains produits phytopharmaceutiques sont aussi utilisés comme produits biocides (voir ci-dessous) ; c’est le cas des insecticides à base de pyréthrinoïdes et du fipronil, dont la structure chimique est proche de celle des néonicotinoïdes5.

2. Les produits biocides

Au sens de la législation, les produits biocides6 sont des produits destinés à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière, par une action biologique. Les produits phytopharmaceutiques n’entrent pas dans cette catégorie. La gamme des produits biocides est très étendue puisqu’elle comprend aussi bien les produits désinfectants pour l’eau que les produits de protection du bois, les produits anti-moisissures, les rodenticides, les avicides et les insecticides anti-poux. L’intoxication par des biocides peut avoir lieu pendant leur application. Par ailleurs, ces produits peuvent aussi donner lieu à une exposition chronique à partir des matériaux (bois, tissus, cuirs…) traités.

4. Article 2 du Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, publié au Journal Officiel no L 309/1, 24 /12/2009.

5. Voir ci-dessous : « Quelques familles importantes de pesticides ».

6. Règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, publié au Journal officielno L 167, 27/06/2012.

L’éthéphon

L’utilisation des pesticides est souvent présentée comme incontournable pour empêcher les dégâts aux cultures. Des images telles que celles des cultures ravagées par une invasion de criquets pèlerins viennent immédiatement à l’esprit et légitiment pour certains le recours aux pesticides.

Sait-on pourtant que ce sont des raisons d’ordre purement économique qui sous-tendent l’utilisation de ces produits ? Le cas éthéphon est exemplaire à cet égard. Il s’agit d’un organophosphoré, et il a donc la propriété d’inhiber la cholinestérase, ce qui est particulièrement dangereux pour le cerveau en développement.

Cette substance pénètre dans la plante où elle se décompose en libérant de l’éthylène. Elle exerce une action sur le processus de maturation de la plante et c’est pour cette raison que l’éthéphon est utilisé notamment pourb :

•favoriser la maturation avant récolte des pommes, groseilles, mûres, myrtilles, airelles, griottes, agrumes, figues, tomates, betteraves sucrières et fourragères, café, poivrons, etc. ;

•accélérer la maturation des bananes, mangues et agrumes après leur récolte ;

•faciliter la récolte en relâchant la fixation du fruit pour les groseilles, groseilles vertes, cerises et pommes ;

•augmenter le développement des bourgeons des jeunes pommiers ;

•provoquer la floraison et réguler la maturation des ananas ;

•modifier l’expression du sexe des concombres ;

•augmenter l’installation du fruit et le rendement des concombres ;

•accélérer le jaunissement des feuilles de tabac à maturité ;

•stimuler le flux de latex des caoutchoucs et le flux de résine des pins ;

•stimuler une éclosion uniforme des noix…

a La cholinestérase est une enzyme primordiale pour le fonctionnement du cerveau humain.

b L’éthéphon n’est pas nécessairement autorisé pour toutes ces applications dans tous les pays de l’Union européenne.

3. Portée du présent ouvrage

Cet ouvrage ne traite que de l’utilisation des pesticides à usage agricole pour la production alimentaire. Il va de soi que la phraséologie légitimant le recours aux pesticides par la nécessité de nourrir le monde n’a aucun sens pour les cultures dédiées à des produits non alimentaires comme celle du coton ou encore de fleurs pour l’exportation.

Nous ne traitons pas non plus des biocides, bien que leur impact écologique et sanitaire soit de même nature et souvent de même gravité, notamment pour les produits utilisés dans l’habitat. Cette problématique mérite un traitement particulier qui risquait de rendre le texte indigeste, ce que nous voulions éviter.

Quelques familles importantes de pesticides

Il existe de nombreuses familles de pesticides. Nous nous contenterons d’évoquer ici les plus usitées d’entre elles.

Les organochlorés

Les insecticides organochlorés sont des composés organiques de synthèse contenant du chlore lié à un ou plusieurs atomes de carbone. Leur toxicité est très élevée et ils sont difficilement dégradables de sorte qu’ils s’accumulent dans les chaînes alimentaires. Ceci a conduit progressivement à leur interdiction, totale ou partielle.

Les organophosphorés

Les insecticides organophosphorés sont des composés de synthèse contenant du carbone et du phosphore. Leur cible est le système nerveux central et leur toxicité aiguë est très élevée. Contrairement aux organochlorés, ils n’ont pas de rémanence significative dans l’environnement.

Les pyréthrinoïdes

Les pyréthrinoïdes sont des insecticides obtenus par synthèse chimique. Leur structure est inspirée de celle de la pyréthrine, un insecticide naturel présent dans le pyrèthre, une fleur du genre du chrysanthème. Mais contrairement aux pyréthrines naturelles qui se décomposent sous l’effet de la lumière, les pyréthrinoïdes ont une demi-vie7 significativement plus longue. La cible principale de ces substances est le système nerveux central, quelle que soit l’espèce considérée.

Au cours de ces dernières années, les insecticides de cette famille ont été utilisés pour remplacer les organophosphorés, les carbamates et les organochlorés parce qu’ils étaient considérés comme beaucoup moins toxiques. Cette « bonne » réputation n’est absolument pas justifiée étant donné leurs propriétés neurotoxiques qui se manifestent surtout en cas d’inhalation ou d’absorption par voie cutanée.

Les carbamates et dithiocarbamates

Ces substances sont des insecticides et/ou des fongicides dont le mécanisme d’action est comparable à celui des organophosphorés. L’effet qu’ils produisent sur le système nerveux est plus rapide, mais dure moins longtemps. Une exposition aiguë à ces substances peut entraîner la mort par arrêt respiratoire.

Les dérivés de l’acide

Ces herbicides appartiennent à la famille des phytohormones de synthèse, dont deux représentants ont été largement utilisés comme défoliant durant la guerre du Vietnam et sont souvent contaminés par des dioxines.

Les triazines

Ce groupe comprend trois herbicides systémiques qui sont (ou ont été) abondamment utilisés pour les cultures de maïs et pour le désherbage dans les vignes : l’atrazine, la simazine et la terbuthylazine. Ces herbicides très rémanents contaminent largement tant les eaux souterraines que les eaux de surface.

Dans l’Union européenne, où ces substances servaient aussi au désherbage des vignes, l’utilisation d’atrazine et de simazine est interdite depuis le milieu des années 2000.

Les néonicotinoïdes

Les néonicotinoïdes constituent un ensemble de substances chimiques exclusivement utilisées comme insecticides pour leur action sur le système nerveux central. Ils ont été introduits sur le marché dans les années 1990 et très vite mis en cause pour leur impact sur les abeilles et autres insectes pollinisateurs. Ils sont faiblement biodégradables et leur effet toxique persistant porte atteinte à de nombreuses espèces vivantes.

Les SDHI

Les SDHI ou inhibiteurs de l’enzyme succinate déshydrogénase sont des fongicides largement utilisés depuis une dizaine d’années. Le mécanisme biologique mis en œuvre consiste à bloquer la respiration cellulaire des champignons.

7. La demi-vie d’une substance est le temps mis par cette substance pour perdre la moitié de son activité (ici, il s’agit de son activité phytopharmaceutique).

Première partie : Les pesticides contre la vie

- I - La saga des pesticides. Une histoire jalonnée de drames

Accidents et drames humains

L’année 2018 a marqué un tournant sans précédent dans la lutte menée par les écologistes et les protecteurs de la nature contre les pesticides de synthèse.

Le jugement rendu le 10 août 2018 par un tribunal californien est en effet sans précédent. Le géant des pesticides Monsanto était condamné à verser 289,2 millions de dollars au jardinier américain Dewayne « Lee » Johnson. Cet homme de 46 ans, père de deux enfants, est en phase terminale d’un cancer lymphatique. Ce cancer, il l’attribue à son exposition professionnelle aux herbicides Ranger Pro et Roundup Pro, contenant du glyphosate et commercialisés par Monsanto.

Ce jugement est d’autant plus important que le Roundup est l’herbicide le plus utilisé dans le monde. Il a eu un retentissement énorme en Europe au vu de la position de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA8), l’organisme en charge de l’évaluation préalable à l’autorisation de mise sur le marché d’un pesticide, qui persiste à considérer le glyphosate comme non cancérigène, malgré la position du CIRC9 qui a classé, en mars 2015, le glyphosate comme cancérogène probable.

Depuis lors, la polémique s’est enflammée. L’exigence d’interdiction du glyphosate est de plus en plus soutenue, tant dans la population que dans les milieux politiques. Mais cette exigence s’est heurtée au puissant lobby des pesticides qui a réussi à gagner du temps, puisque l’agréation européenne a été renouvelée pour cinq ans encore. On ne s’étonnera pas de l’influence de Bayer (qui a racheté Monsanto) sur les dirigeants allemands… et on sait que l’Allemagne pèse d’un grand poids au plan européen.

Mais ne laissons pas l’arbre du glyphosate cacher la forêt des pesticides qui depuis plus de soixante-dix ans ont été disséminés dans nos campagnes, nos jardins et même nos forêts.

L’histoire a commencé en effet avec la découverte des propriétés insecticides du DDT10 par le Bâlois Paul Muller en 1939. Cette découverte, consacrée en 1948 par le prix Nobel de physiologie et de médecine, a déclenché la guerre aux « nuisibles » que sont les insectes ravageurs, les mauvaises herbes, les moisissures et les champignons qui perturbent les cultures et réduisent les rendements.

Le DDT représentait a priori l’insecticide idéal : action rapide, large champ d’application et grande rémanence. Et, ce qui ne gâtait rien, son coût de production était modéré.

Dès lors, comme l’écrivait l’entomologiste Robert Van den Bosch en 1978 (3), pour une génération entière de chercheurs, d’enseignants et de praticiens, la protection des végétaux est devenue synonyme de lutte chimique.

Quarante ans plus tard, on peut affirmer que cette conception s’est avérée totalement erronée. En outre, elle a fait des dégâts humains et écologiques considérables.

Robert Van den Bosch cite de nombreux exemples de graves accidents dus à l’emploi des pesticides agréés par les autorités de contrôle des États-Unis et pour lesquels les prescriptions d’utilisation étaient parfaitement claires.

Parmi ces exemples, nous pointerons les drames suivants :

–En automne 1971, le leptophos, un insecticide organophosphoré synthétisé aux États-Unis est rendu responsable de l’empoisonnement de nombreux paysans et de la mort de 1 200 buffles en Égypte. Par la suite, des ouvriers de l’unité de production américaine fabriquant cet insecticide sont atteints d’une maladie nerveuse incurable causée par cette matière active.

–Aucune autre culture à travers le monde n’a subi une avalanche aussi massive de pesticides que celle du coton. L’écosystème de cette plante a souffert plus que toute autre des pulvérisations massives de produits toxiques, et les déboires économiques qui en ont résulté ont été impressionnants. Ont été concernées au premier plan l’Égypte, l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud, le Mexique, la vallée du Rio Grande au Texas, la Vallée Imperial californienne et, enfin, la vallée péruvienne du Canete. Au début des années 1950, cette dernière a subi un véritable désastre. L’impact des produits toxiques sur les populations y résidentes fut tragique. En Amérique centrale, ce sont des milliers de paysans qui ont été intoxiqués chaque année par les insecticides déversés dans les plantations de coton.

–Durant la saison 1969-1970, 383 décès et plus de 3 000 cas d’empoisonnements sérieux ont été signalés dans le seul Nicaragua.

–En 1975, les ouvriers d’une usine chimique de l’État de Virginie fabriquant le chlordécone11, un insecticide organochloré autorisé pour la lutte contre les blattes et les fourmis, présentèrent d’atroces symptômes d’intoxication dus à ce produit. L’usine fut fermée et démantelée. On s’aperçut ensuite que toute la région avoisinante était contaminée, y compris la rivière James, dont de longs tronçons furent interdits à la pêche.