Faits divers brestois et léonards - Louis Gildas - E-Book

Faits divers brestois et léonards E-Book

Louis Gildas

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Beschreibung

FAITS DIVERS DE TOUT LE XXE SIÈCLE EN PAYS DE BREST, D'IROISE, DES ABERS, DE LESNEVEN, DE LANDERNEAU…

"Lire un livre de Louis Gildas, c’est s’installer au coin du feu dans la pénombre, un verre de chouchen à la main, et entendre, à travers les mots, sa voix si reconnaissable qui résonne. C’est entamer un voyage breton, à travers les talus et les champs, à travers les âges." Baptiste SCHWEITZER, rédacteur en chef de France Bleu Breizh Izel.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Louis Gildas est né il y a déjà joli temps à Lambézellec. L’âge venu, il a contribué à plusieurs titres de la presse quotidienne et à des magazines nationaux comme étrangers. Chroniqueur faits divers sur les ondes de France Bleu Breizh Izel et de France Bleu Limousin, il a également tenu une même rubrique sur AQUITV en Dordogne, première télévision privée hertzienne de l’Hexagone.

Retrouvez les podcasts de l’émission Faits divers en Bretagne sur les sites de France Bleu Breizh Izel et Radio France.

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Couverture

Page de titre

BIBLIOGRAPHIE

Histoires des tramways de Haute-Vienne et de Limoges, CPE, 2001.

Brest, pays des Abers, Déclics, 2003.

Recettes bretonnes de mamm gozh, CPE, 2004.

Recettes périgordines de nos grands-mères, CPE, 2004.

Recettes limousines de nos grands-mères, CPE, 2004.

Recettes du Nord de nos grands-mères, CPE, 2005.

Recettes du Quercy de nos grands-mères, CPE, 2005.

Recettes normandes de nos grands-mères, CPE, 2005.

Recettes picardes de nos grands-mères, CPE, 2005.

Recettes aveyronnaises de nos grands-mères, CPE, 2006.

L’affaire Mis et Thiennot, BD, CPE, 2007.

Lorsque Brest était jeune fille, CPE, 2007.

Recettes pieds-noirs de nos grands-mères, CPE, 2007.

Le bonheur est en Limousin, CPE, 2009.

Langues et Chansons du Limousin, CPE, 2011.

Tonton, Nantes et moi, L’apart éditions, 2013.

Les Mystères de la Haute-Vienne, De Borée, 2013.

Un siècle de faits divers en Finistère, De Borée, 2014.

20 faits divers en Bretagne, chroniques radiophoniques de France Bleu Breizh Izel, Éditions des Montagnes Noires, 2018.

Faits divers en Bretagne, 2e saison des chroniques radiophoniques de France Bleu Breizh Izel, Éditions des Montagnes Noires, 2019.

C’est difficile de se dire adieu, chroniques brestoises 1950-1970, Éditions des Montagnes Noires, 2022.

Faits divers en Bretagne, 3e saison des chroniques radiophoniques de France Bleu Breizh Izel, Éditions du Palémon, 2022.

Faits divers en Bretagne, 4e saison des chroniques radiophoniques de France Bleu Breizh Izel, Éditions du Palémon, 2023.

Faits divers brestois et léonards, Éditions du Palémon, 2024.

À tous ces malheureux qui, victimes ou coupables, ont eu un jour l’honneur tout relatif de figurer à la rubrique faits diverset surtout à Alex, Loulou et Loullig

Les faits divers, ce sont aussi des faits qui font diversion

Pierre Bourdieu

Et Brest dans tout ça !

À Brest, La Dépêche, rebaptisé en 1944 Le Télégramme, règne sans partage sur la ville depuis 1886, année de sa création. À ses origines, La Dépêche est un quotidien laïc et républicain tendance rad-soc, puis au fil des temps de moins en moins rad-soc. Quant au « sans partage »… il est peut-être un peu vite dit. En effet, depuis janvier 1902, un concurrent, à sa mesure, a vu le jour à Rennes, le clérical Ouest Éclair, aujourd’hui Ouest-France. À l’époque, les Zefs de l’arsouille et des faubourgs ne lisent pas Ouest Éclair, leur journal c’est La Dépêche, même si ce canard professe des idées bourgeoises, voire réactionnaires, et n’est pas toujours tendre avec la classe ouvrière. Dès son premier numéro, le 19 novembre 1886, le quotidien s’intéresse bien sûr aux faits divers. Les faits divers c’est la vie de tous les jours, la vie des autres et, osons le dire, on veut tout savoir des malheurs d’autrui. Il faut que ça se sache ! Le premier à le comprendre, c’est Moïse-Polidor Millau. Un patron de presse qui va mettre, dès 1869, le fait divers à la une du Petit Journal, son quotidien, et ça durera ainsi jusqu’en 1944. Pourquoi dit-on faits divers, d’ailleurs ? Bonne question. Tout simplement parce que dans un journal, on ne savait pas où classer ces affaires de veaux à cinq pattes, de feux de cheminée et de rentières égorgées. Ce n’est pas de l’économie, ce n’est pas de la politique, ce n’est pas de la culture, même si parfois le fait div s’y trempe. La Dépêche mais aussi le prude Ouest Éclair exploitent le filon. Ainsi, dans son premier numéro, La Dépêche raconte les mésaventures d’une famille de Saint-Marc aux prises avec une lampe à l’huile fichant le feu à la cuisine, et en pied du papier, une petite fille légèrement brûlée ! Le journal donne les noms, l’adresse, la profession… l’âge, enfin tout, une sorte de fiche de police. D’ailleurs, c’est la fiche de police communiquée par évidemment les argousins. La presse et la police, des relations pas toujours simples, mais des relations, n’est-ce pas ? Les deux font un peu le même métier, ils veulent savoir !

Pour en revenir à notre quotidien, ce jour-là on trouve en bonne place vingt lignes sur trois hommes mordus par un cheval, puis quoi encore ? Ah oui, ces femmes peu vêtues dans un quartier chaud de Brest. En attendant mieux, en attendant le crime crapuleux qui est en embuscade !

Rien de nouveau sous le soleil d’Occident, à Brest on vole, on tue, on viole, on escroque comme partout ailleurs. Mais nous sommes au ponant du continent eurasiatique, la Vladivostok de l’ouest. Mon pote Hervé Bellec a fait en train Brest-Vladivostok. Il en a tiré un reportage savoureux. Les Sirènes du Transsibérien, aux éditions Géorama. À lire toute affaire cessante. Brest le bout du bout, on ne peut pas aller plus loin, au mieux on revient sur ses pas. Si on arrive ici c’est que l’on a été chassé de partout ? C’est possible, c’est pas certain. Mais ça, c’était hier, avant les cataclysmes. Il y en a eu deux, les B 17 et les Lancaster puis Mathon, le reconstructeur. Mais ceci est une autre histoire car à Brest il y a l’océan et les fortunes de mer, il serait d’ailleurs plus convenable de parler d’infortunes et ça, ça forge les âmes. Brest, étrange ville, étrange accent, étranges brestôa qui ne lésinent pas sur la consommation des boissons fortes, on dirait même qu’elles coulent à flots dans les gosiers, et bien sûr nos faits divers s’en ressentent durement. Au fil des ans, des décennies, l’alcool et les Zefs1est une constante, bringues et noces crapuleuses sont au menu. Les Zefs sont réputés râleurs, querelleurs, bagarreurs, prompts parfois à jouer du couteau et ça finit mal. C’est le grand théâtre de la vie, disait à Lambézellec ma Mémé philosophe qui prenait la vie comme elle venait. Il est vrai qu’elle avait tant connu de bouleversements. Tant que tant, disait-elle, en découvrant dans son journal du matin la chronique du 12 degrés et du coffreur coffré. À deux pages de là, Youri Gagarine et John Glenn arpentaient les étoiles.

Louis GildasAr Verouri, février 2024

1 Brestois.

Année 1900

BrestJour de l’an mouvementé !

Dans la soirée du 1er janvier 1900, monsieur N., alors qu’il rentrait paisiblement chez lui, fut victime d’un véritable guet-apens.

Il passait par la place de la Liberté pour se diriger vers la rue Fautras lorsqu’il fut lâchement agressé par deux individus. Les deux escarpes se jetèrent sur lui, le terrassèrent et tentèrent de lui enlever sa montre et son porte-monnaie.

Aux cris poussés par la victime, des passants accoururent, et non contents de faire fuir les détrousseurs, ils se lancèrent à leur poursuite.

Les deux coupe-jarrets eurent alors la bonne idée de passer devant le poste de police de la mairie. Patatras ! Le moins véloce des deux fut saisi au collet par les deux sergents de ville en faction. Face aux accusations de ses poursuivants et devant les explications fumeuses de l’individu, les agents l’écrouèrent sur-le-champ.

Il s’agissait d’un certain Mascord, un déserteur âgé de vingt-sept ans. Dès le lendemain, il fut déféré au parquet.

Quant à son complice, il semblerait qu’il courut encore longtemps.

Ouessant Ouessant zone limite.

Mercredi 5 mars au petit matin, le sergent Bertin et le caporal-fourrier Moussu, du détachement du 2e régiment d’infanterie de marine, furent, à proximité de l’église, agressés par quatre individus.

Les deux soldats sortaient du cabaret et s’apprêtaient paisiblement à regagner leur casernement, au fort Saint-Michel, lorsqu’ils furent lâchement attaqués par-derrière !

Le sergent Bertin, renversé d’un violent coup à la tête, s’écroula sur le sol tandis que le caporal-fourrier, aux prises avec trois hommes, parvint néanmoins à les tenir en respect.

Alerté par les cris et les bruits de lutte, un voisin, monsieur Malgorn, adjoint au maire de l’île, intervint et mit en fuite les agresseurs, non sans les avoir auparavant identifiés.

Il s’agissait de quatre ouvriers maçons, Sébastien Guezennec, vingt-quatre ans, Alphonse Scrignac, vingt-six ans, Pierre et Guillaume Thomas, deux frères, âgés respectivement de dix-neuf et vingt-quatre ans.

Avisés, dès le lendemain, les gendarmes de Saint-Renan vinrent cueillir les quatre courageux assaillants.

Si les intéressés ne firent aucune difficulté pour reconnaître les faits, ils exprimèrent néanmoins des regrets pour leur conduite de ce soir-là.

Comme souvent dans ces sortes d’affaires, l’alcool fut invoqué telle une excuse !

Les quatre prévenus furent laissés en liberté provisoire. Ils comparurent ultérieurement devant le tribunal correctionnel de Brest.

LambézellecPetite guerre.

Depuis le début l’année 1900, des garnements de Saint-Martin et de Lambézellec se réunissaient sur le territoire de cette dernière commune pour s’adonner au jeu dit de la « petite guerre ».

Un jeu loin d’être un simple amusement sans risque ; en effet, des personnes avaient été blessées et plusieurs vitres brisées par les pierres lancées par les galopins.

À quelques jours de là, quelques-uns furent surpris, rue Massillon, à envoyer des projectiles à l’aide de frondes qu’ils appelaient « blette ». Longtemps après et jusque dans les années 1960, ces redoutables frondes brestoises étaient toujours connues sous ce même nom.

Mais la police veillait et l’agent Paugam avait rédigé un constat. La mairie, qui n’était pas en reste, avait averti les parents qu’une surveillance active serait exercée par la police et un procès-verbal dressé contre les enfants qui s’adonneraient à ce censément jeu de la « petite guerre. » Scrogneugneu !

BrestLa question des allumettes.

En septembre 1900, La Dépêche, en sa tribune libre, signalait « à qui de droit » les plaintes réitérées du public concernant la mauvaise qualité des allumettes.

Précédemment, Le Matin avait fait connaître aux autorités compétentes, qui d’ailleurs s’en étaient émues, les réclamations des consommateurs quant à la quantité d’allumettes contenues dans les boîtes de la régie, qui, en règle générale, était toujours inférieure à celle annoncée. Le journaliste, dans son article, faisait, fort justement, remarquer que l’État n’avait pas le droit de tromper les gens sur la quantité de marchandise vendue.

Mais avait-il le droit de les tromper sur la qualité du produit ? Poser la question, c’était déjà y répondre !

Pour étayer son propos, le journaliste fit emplette d’une boîte d’allumettes bougies brunes – il souhaitait des bleues, mais le buraliste lui soutint qu’il n’en avait plus. Rendu à son domicile, il en usa jusqu’à treize avant de pouvoir en flamber une. Était-ce l’humidité ? Était-ce la mauvaise qualité ? Et question qui pouvait fâcher : pourquoi, à cette époque, ne trouvait-on plus d’allumettes bleues ?

Autant de questions auxquelles monsieur l’entreposeur des allumettes à Brest fut aimablement invité à répondre, ceci dans le but de fixer une fois pour toutes les consommateurs sur la qualité du produit qu’ils achetaient !

1901

BrestNos tramways !

La Compagnie des tramways brestois avait, depuis l’été 1900, ouvert des salles d’attente à certains endroits de son exploitation. Mais, point noir, ces espaces n’étaient accessibles au public qu’en été. Il semblait en effet que la Compagnie n’eût pas pris en compte que l’hiver le vent, la pluie pussent exister dans l’aimable cité du Ponant.

Ainsi, certains usagers, pas plus satisfaits que ça, relatèrent qu’au matin du 9 janvier, par une pluie battante et un vent de noroît soufflant en rafales, au terminus de la rue de Paris, ils se trouvèrent collés au mur du bâtiment où se situait la salle de repos des employés des tramways.

Ils étaient certes tous brestois, et par là, d’autant mieux préparés à la fureur des éléments, mais quand même !

Apercevant de la lumière dans la salle, un des voyageurs frappa discrètement à la porte… Comme personne ne répondait, il insista. Las ! Rien n’y fit !

Au bout d’une demi-heure, ne voyant pas de tram arriver et craignant on ne sait quel accident, ils décidèrent d’un commun accord de faire à pied le chemin vers leurs occupations respectives, lorsque, ô surprise, ô bonheur, à la hauteur de la rue Magenta, ils virent venir à eux trois voitures se suivant à vingt mètres d’intervalle et qui, vingt minutes plus tard, purent les cueillir sur leur bout de trottoir. Il était temps, ils n’avaient plus un fil de sec !

Ils entreprirent de signaler l’incident à la Compagnie dans un courrier, non dénué d’un certain humour, espérant que celle-ci y porterait remède.

Et les signataires conclurent : « Nous avons besoin du tram, soit, mais l’administration n’a-t-elle pas besoin de nos sous ? »

Le tram de Brest

BrestL’état des rues.

En ce temps-là, il existait à Brest, mais probablement ignorée des services de voirie, une rue dénommée Choquet-de-Lindu.

Cette rue se trouvait dans un état épouvantable à tel point qu’il était devenu presque impossible aux habitants de la rue Pascal, qui la coupait à angle droit, d’accéder à leur domicile.

Plus encore, au coin de ladite rue, il y avait un trou énorme pouvant occasionner de terribles accidents. À peine plus loin, « on » se permettait de jeter des tas de terre, et à deux pas de là, un entrepreneur avait même été autorisé à faire de la casse de pierres. Pour que le tableau soit complet, la nuit, la rue se trouvait dans une obscurité totale par défaut de bec de gaz.

N’aurait-on pas pu boucher le précipice, installer un éclairage, enlever le tas de pierres risquant de faire rompre le cou aux passants attardés, ou, à tout le moins, mettre l’entrepreneur en demeure de placer une lanterne sur ses tas de cailloux ? Sans doute que non !

Pour couronner le tout, il est bon de préciser que le tombereau d’enlèvement des ordures ne passait jamais rue Pascal.

MolèneFamine à l’île Molène.

Cet hiver-là, par suite du mauvais temps qui sévissait depuis une semaine sur les côtes, les petits bateaux qui faisaient le service de Molène à partir de Brest et du Conquet ne pouvaient plus accoster. Un triste jour, l’île avait mangé ses derniers pains.

Molène étant dépourvue de boulangers, chacun faisait son pain, mais le seul moulin à vent de l’île avait été mis hors d’usage par la tempête.

Ne sachant plus à quel saint se vouer, le maire adressa alors à la sous-préfecture de Brest un télégramme : « Le pain manque, il nous faut du secours. »

Monsieur Verne, sous-préfet, réceptionna le câble le jour où il se trouvait à Plabennec où il présidait aux opérations de tirage au sort du service militaire. Immédiatement, il demanda par dépêche à monsieur le vice-amiral de Courthille une entrevue pour le soir même, à la préfecture maritime de Brest.

Dès son retour, vers six heures et demie, le sous-préfet alla s’entretenir avec l’amiral sur la situation difficile des habitants de l’île.

À la suite de cette réunion des ordres furent donnés et des mesures prises.

Moins de douze heures plus tard, à la cloche, le Titan, l’un des plus forts remorqueurs du port, fut conduit au quai des subsistances ; là, des équipes d’ouvriers chargèrent à son bord quelque mille cinq cents kilos de pain et plusieurs caisses de diverses conserves. Prudent, le sous-préfet avait assuré la marine que le montant de ces denrées serait remboursé par le département. Quelque trois heures après, dans un fracas de sirène, le Titan quitta le port, et par une mer déchaînée, accosta néanmoins à Molène.

La distribution des vivres fut instantanément faite par le maire, assisté de son conseil municipal.

L’île comptait alors cinq cent cinquante habitants et l’essentiel des hommes valides étaient pêcheurs.

Dans les environs de BrestLes petites affaires de monsieur le facteur.

À quelque vingt kilomètres de Brest, dans une contrée bordée par la mer, se trouve une commune dans laquelle le service postal à domicile se faisait d’une façon pour le moins originale.

Le facteur de l’endroit cumulait en effet deux fonctions, tout au moins c’est ce que prétendaient les langues bien pendues de la localité. Le facteur remettait, rien que de plus naturel, lettres et dépêches à domicile, et moyennant finance, il portait également un journal quotidien.

Outre que la chose ne semblait, a priori, pas très régulière, il apportait à cette prestation une touche toute particulière. Un exemple : chaque fois qu’une brave épouse de marin recevait une missive de son mari, elle devait acheter un journal.

Si elle refusait ? En ronchonnant, le facteur donnait néanmoins le courrier, mais, malice du fonctionnaire, toutes les correspondances futures étaient tout à fait, involontairement et par mégarde bien sûr, oubliées, vingt-quatre heures, quarantehuit heures ou même, targuaient quelques méchantes langues, soixante-douze heures, mais… ce devait être fortement exagéré, au fond du sac.

Sans doute pour apprendre les bonnes manières aux femmes de marins.

1902

LambézellecLe maire, les rues et autres détails.

L’état des rues de la commune était tout simplement déplorable. Ainsi, en signalant dans les colonnes de la presse qu’une couche épaisse de crotte noirâtre et glissante recouvrait les artères de Lambézellec, un rédacteur faisait remarquer que celle de Brest à Kerinou n’était pas la voie la moins défavorisée.

Il est vrai que l’administration des Ponts et Chaussées en assumait la charge. Mais il est encore plus vrai que le maire de Lambézellec devait rappeler cette administration à ses devoirs, comme il en avait de ses électeurs reçu mission. Il semblait bien qu’il n’en faisait rien, et en conséquence, l’administration n’intervenait pas !

Virulent, il estimait que toutes explications de l’édile étaient désormais inutiles, il n’était qu’un maire de la pire espèce, de celle de ces rois fainéants d’antan. Il était de plus d’un esprit sectaire, antilibéral, qui ne savait s’accommoder avec l’opinion moyenne de ses administrés. C’était dit !

Néanmoins, on lui recommandait de prendre garde, une liste se préparait dans laquelle entreraient pour une large part des contribuables de Kerinou qui seraient bien plus soucieux du bien public que ne l’avait jamais été ce maire.

Son adjoint était également passé au fil de l’épée et on lui prédisait le même sort que son chef de file, ainsi qu’aux autres sectaires du conseil qui votèrent, à bulletins secrets, l’expulsion des religieuses. « Ils céderont le pas à des hommes qui n’hésiteront pas à se consacrer au relèvement des intérêts si gravement compromis. Ainsi prendra fin une période municipale des plus néfastes », conclut le vengeur épistolaire.

Kerinou

LambézellecLes microbes du lavoir.

Monsieur le maire de Lambézellec, selon des sources bien informées, devenait de plus en plus ridicule, de plus en plus grotesque. Voilà qu’il partait maintenant à la chasse aux microbes d’une étrange manière.

Ainsi une blanchisseuse témoignait : il avait donné l’ordre à ses gardes champêtres de balayer le dessus de l’eau des lavoirs publics afin de chasser les microbes qui pouvaient surnager (sic).

Or, cette opération avait pour inévitable résultat de remuer la vase qui se trouvait au fond de chaque doué et de rendre l’eau si trouble que le lavage du linge était impossible.

C’était ainsi que monsieur le maire entendait hygiène et salubrité.

Le lavoir, haut lieu du papotage et des coups de battoir

1903

BrestDéraillement.

Le train numéro 4 qui partait de Portsall à 11 h 37 du matin pour arriver à Brest à 1 h 152 du soir passait dans les douves des fortifications, à tout juste trois cents mètres de la gare départementale, quand le fourgon du convoi dérailla subitement ! Patatras !

Fort heureusement, le train marchait, comme à son habitude, à une allure très modérée, si bien que le mécanicien put sans trop de difficulté arrêter son convoi. Les voyageurs s’étonnèrent bien un peu de ce train qui stoppait en pleine voie. Mais bon, avec ces chemins de fer tout était possible. Cependant, quelle ne fut pas leur surprise de voir le mécanicien quitter sa machine et courir à toutes jambes en direction de la gare ! Ils ne se doutaient pas un instant qu’il allait prévenir le chef de dépôt. Au bout d’un moment, il revint accompagné de plusieurs hommes d’équipe qui, sous les yeux médusés des voyageurs, s’employèrent à remettre le fourgon sur les rails en ayant pour tout équipement que la force de leurs bras. Après un petit quart d’heure de travail, tout était terminé et le train numéro 4 fit son entrée en gare d’arrivée, à peine plus en retard qu’à l’ordinaire.

BrestÀ l’assassin !

Lorsque passant rue de Paris, près de la rue Victor-Hugo, des promeneurs attardés entendirent tout à coup, partant du numéro 80, une voix de femme qui hurlait à pleins poumons « À l’assassin… à l’assassin ! », deux sergents de ville étant à proximité, alertés par les cris, pénétrèrent dans « la maison du crime. »

Mais ils ne trouvèrent pas plus d’assassinée que d’assassin. Toutefois, ils découvrirent avec stupéfaction au beau milieu de l’escalier une invraisemblable mêlée où se débattaient des locataires de l’immeuble. Les agents sifflèrent la fin de partie et à l’issue apprirent que depuis plusieurs semaines un mystérieux « farceur » s’amusait à enduire les poignées de porte de diverses matières : huile, pétrole, peinture… et d’autres encore moins avouables !

Jusqu’à ce jour, jamais personne n’avait pu prendre le plaisantin en flagrant délit de badigeonnage. Justement irrités de ces farces d’un goût douteux, les locataires, au lieu de s’unir pour découvrir le mauvais plaisant, s’accusèrent les uns les autres. Et à force de s’accuser mutuellement, ils en vinrent aux mains.

Hormis quelques horions et un œil au beurre noir, les conséquences de cette rixe furent relativement mineures si ce n’est cette jeune fille violemment émue par les événements qui tomba malade. Les médecins craignirent une fièvre cérébrale. Espérons qu’il n’en fut rien et que les locataires ennemis se réconcilièrent pour mettre la main au collet du sournois badigeonneur.

BrestFolle soirée !

L’usine d’électricité des tramways de Brest fut la cible d’une bande de quatre cents individus. Un samedi, semble-t-il, le 12 décembre au soir, l’usine aurait littéralement été prise d’assaut par une bande d’énergumènes surexcités.

Le bâtiment criblé de pierres aurait sans doute été saccagé si les gendarmes de Lambézellec, d’ordinaire si peu prompts à intervenir, n’étaient pas arrivés suffisamment tôt.

Mais devant le peu de causes d’un tel déchaînement de haine, des observateurs avertis formulèrent une hypothèse quant à l’identité du fauteur de troubles. Le 14 juin, monsieur Le Borgne, président de la Solidarité populaire, se présentait à la porte de l’usine en émettant le souhait de la visiter. Il essuya un refus catégorique de la direction.

Devant cette opposition, monsieur Le Borgne s’emporta et proféra des menaces de mort contre le chef de dépôt, monsieur Thévenet qui déposa plainte près du procureur de la République.

Or, le samedi en question, monsieur Thévenet se trouvait en compagnie de monsieur Rolland, chef de station, devant l’entrée de l’usine lorsque monsieur Le Borgne vint à passer. Celui-ci se mit alors à injurier monsieur Thévenet : « Toi, tu t’en iras pas d’ici avant que j’aie ta peau. »

Monsieur Thévenet n’attacha pas grande importance à ces menaces. Cependant, vers vingt et une heures, une bande de quatre cents individus, recrutés dans les bistrots de Kerinou, s’avancèrent vers l’usine. Ils enfoncèrent les grilles et cassèrent les lampes électriques à coups de pierres. Les six employés qui se trouvaient à l’intérieur de l’usine se munirent de barres de fer, et en compagnie du chef du dépôt, armé d’un revolver, se placèrent devant la porte d’entrée de l’usine. Les assaillants hésitèrent et déguerpirent lorsque les gendarmes, alertés par la sirène d’alarme, arrivèrent sur les lieux.

Messieurs Thévenet et Rolland furent tous deux blessés à la tête ; quant à monsieur Le Borgne, il resta introuvable.

2 Façon d’exprimer l’heure qui perdura jusqu’à la fin des années 50.

1906

GouesnouTombé du train !

C’était le 18 janvier lorsque monsieur Perhirin, ébéniste bien connu à Lannilis, attrapa au vol en gare de Brest le train départemental de 17 h 35 qui quittait son quai.

Cent mètres environ avant la station de Gouesnou, à la suite d’un faux mouvement près d’une porte restée ouverte, le voilà qu’il se retrouve sur la voie.