Faut-il tuer les chefs ? - Serge Bay - E-Book

Faut-il tuer les chefs ? E-Book

Serge Bay

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Pourquoi dans une majorité d’entreprises qu’il a accompagnées en 26 ans, l’auteur a-t-il entendu un grand nombre de salariés se plaindre des chefs ? Quels remèdes apporter à ce bruit de fond général, véritable fléau source de perte d’efficacité et de démotivation ? Aujourd’hui, il s’agit d’un enjeu crucial.

Serge Bay a occupé divers postes de direction dans des multinationales pharmaceutiques. Il a ensuite créé une société de conseils en entreprises diffusant en exclusivité les méthodes de progrès de Baxter et ArcelorMittal visant à améliorer la qualité et les performances d’usines. Il a, avec son équipe, implanté ces démarches dans plus de 75 sites industriels (Interbrew, Carmeuse, Ferrero, SCA, Avery Dennison...). Il a observé́ comment les encadrants amènent leurs équipes à atteindre les objectifs. Pour y arriver, ils ont besoin, dans une structure pyramidale, de pouvoir qui constitue un point central générateur d’efficacité, mais qui aboutit aussi souvent sur des conflits et des échecs. En parallèle, il a pu constater l’évolution des attentes du personnel en quête de plus de sens au travail et moins épanoui sous la direction d’encadrants soumis à de fortes pressions, et parfois démunis face à ces situations. La question du rôle des encadrants se pose donc et certains parlent de crise des structures pyramidales classiques, au point que l’organisation des entreprises se voit préconiser un changement net des attributions des cadres en répartissant leur pouvoir, voire nouvelles dans lesquelles même le directeur général n’a plus, ou que très peu, de pouvoir.

Dans ce livre, vous découvrirez les réponses à des questions concrètes :
• Quelle est l’importance du pouvoir, quelles sont ses diverses formes et les façons appropriées de l’exercer pour optimaliser son impact dans les organisations pyramidales actuelles ?
• Quelles sont les nouvelles alternatives d’organisation et sont-elles efficaces ?
• Que propose l’auteur à partir de son expérience ?



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Faut-il tuer les chefs ?

et implanter des méthodes alternatives de gouvernancedans nos entreprises ?

Serge Bay

Faut-il tuer les chefs ?

et implanter des méthodesalternatives de gouvernancedans nos entreprises ?

Préface

Je me suis souvent demandé comment les managers se formaient à l’animation d’équipe, petite ou grande.

Et qu’est-ce qu’un manager ? C’est un individu qui obtient tout ou partie de son résultat par le travail des membres de son équipe. C’est dire que les managers sont foison, du chef d’équipe au directeur général.

Et donc, la réponse à ma question initiale est assez désolante : comme ils peuvent.

Il y a, en effet, très peu d’entreprises dans lesquelles cette formation à l’animation d’équipe est structurée. Essentiellement dans les grandes entreprises. Mais encore faut-il que cette formation arrive à point nommé, lorsque l’on en a besoin. Sinon, que se passe-t-il faute de coaching approprié ?

Le nouveau ou la nouvelle embauchée regarde son chef procéder. S’il se débrouille bien, on peut prendre exemple. Dans le cas contraire, le brouillard s’épaissit. Et s’il n’y a pas clairement des principes directeurs, des explications qui structurent les comportements et les actions, on fera son apprentissage par essais et erreurs.

Essais et erreurs sur du matériel humain. Voilà qui est potentiellement catastrophique pour tous, l’entreprise comme les individus.

Or la question de l’animation est diffuse. Elle se confond ou se mélange avec des notions de « pouvoir », de « leadership » dont chacun a une définition qui lui est propre.

Jeunes (ou moins jeunes) arrivant en entreprise, nous sommes confrontés aux pratiques managériales et à la culture locale. La définition simple de la culture étant « la façon dont on fait les choses ici », et ce que l’on observe en termes de valeurs, croyances, attitudes et comportements.

Ce que j’apprécie dans l’ouvrage de Serge Bay, c’est qu’il rend lisible et compréhensible cette question d’animation d’équipe. Sa longue expérience d’entreprise, soit en tant que salarié, soit en tant que créateur, soit en tant que conseil, parle pour lui. Je lui sais gré d’avoir pris le temps de rédiger ce résumé de toutes ses expériences personnelles. L’ayant côtoyé durant les dix années qui viennent de s’écouler, j’ai pu personnellement apprécier sa compétence.

Il pose avec raison la question des modes de management alternatifs et des structures autres que la pyramide universellement répandue. Quelles possibilités, quelles expériences réalisées, quelles conclusions en tirer au quotidien ?

Sur l’acquis de ses expériences multiples, il construit et propose ensuite une nouvelle approche.

Robert Dapère

Ancien directeur général Operational Excellence du Groupe ArcelorMittal, et professeur au CNAM Paris.

Introduction

Il est parfois inconfortable, pour un chef, d’accepter que ses collaborateurs deviennent les acteurs de leur travail et s’approprient des responsabilités tout en développant leur autonomie. Le sentiment de fond dominant chez certains responsables est la peur de perdre leur statut, d’être débordés et de ne plus trouver leur justification dans l’entreprise.

Ils craignent de perdre le POUVOIR.

Le mot est lâché : le pouvoir. Ce sacré pouvoir…

Quelques responsables efficaces ont tout compris. Ils entretiennent et développent le jardin de leur pouvoir. Ce n’est, hélas, pas la majorité.

On ne peut pas leur en vouloir : nulle part, ces cadres ne sont formés à ce sujet. Le thème est soit tabou, soit totalement ignoré dans toutes les sociétés. La structure organisationnelle des entreprises favorise ces erreurs engendrant des dégâts importants.

Tabou, car chacun fait ce qu’il peut ou ce qu’il veut et le sujet reste une préoccupation terriblement individuelle.

Et ignoré, car personne n’a réellement conscience des jeux de pouvoir qui se trament dans les têtes.

Ici réside la raison essentielle de l’échec. Ici trouve-t-on aussi la source de tensions affectant le tissu relationnel au sein des entreprises et handicapant les performances.

La structure organisationnelle classique des entreprises a fait ses preuves, certes, mais la hiérarchie qu’elle met en place établit une relation dominant-dominé de moins en moins supportée par les subordonnés de plus en plus formés et en quête de sens dans leur travail. Les services support développent aussi un pouvoir informel, perturbant le bon fonctionnement. Ils ont mis en place et développé une bureaucratie pléthorique pas toujours utile, consommatrice de temps et génératrice de frustration aboutissant généralement à un contrôle des activités, des résultats et in fine des gens.

Qu’elles soient basées sur une structure hiérarchique, fonctionnelle, divisionnelle, hiérarchico-fonctionnelle (staff and line) ou matricielle, ces organisations comprennent une pyramide dont le squelette est formé de hiérarchiques au pouvoir plus ou moins étendu, pouvoir souvent mal géré et qui s’avère toxique pour les performances du personnel contrôlé et dominé aussi par des services parallèles aux activités censées les aider.

Il ne s’agit pas d’accabler les encadrants qui se trouvent souvent dans une position inconfortable : relayer les directives de l’étage supérieur, les faire appliquer, remonter les résultats et les informations, le tout dans un tissu relationnel qu’ils n’arrivent pas toujours à traiter correctement faute de temps, de formation dans ce domaine ou de sensibilité aux aspects humains du travail, ce qui équivaut à leur demander de se comporter en surhomme. Le but n’est pas d’accabler les services qualité, de maintenance et autres : ils sont utiles la plupart du temps, mais l’expression de leur activité se traduit aussi par des effets nocifs dus à la bureaucratie et, parfois, au besoin de pouvoir de leur dirigeant.

La structure de nos entreprises, composées de strates horizontales et de séparations verticales entre divisions et services, héritées du taylorisme et mises en place au début du XXe siècle, engendre des frustrations, de la peur, des tensions et des diminutions de performances.

Il est alors intéressant de se pencher plus avant sur le pouvoir. À travers des cas concrets vécus sur le terrain, nous allons le disséquer et voir pourquoi il est souvent mal employé.

De plus, à l’heure actuelle, les organisations les plus performantes fonctionnent au sein d’écosystèmes en réseau, échangeant des informations (données) en permanence et communiquant avec d’autres écosystèmes. Cette interaction contribue à rendre les systèmes autonomes plus intelligents, capables de trouver, bien plus rapidement qu’auparavant, de nouvelles réponses et des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent. Au fur et à mesure que les obstacles technologiques sont surmontés, les écosystèmes acquièrent de nouvelles capacités qui leur permettent d’accélérer leur cadence. Lorsqu’elle est soudaine et rapide, l’accélération présente un défi de taille pour les entreprises. Il convient ainsi de s’adapter ou… de disparaître.

Déjà, quelques d’entreprises ont entamé cette adaptation à travers diverses variantes qui bourgeonnent de par le monde.

Une enquête menée en France en 20161 auprès de plus de 1 600 encadrants français montre que le sujet le plus important pour eux est « l’entreprise libérée ». Expression étonnante supposant que l’entreprise actuelle est prisonnière. Cette connotation péjorative me met mal à l’aise, car elle renvoie à un rejet de l’existant remplacé par un vocable prometteur et positif.

En résumé, la structure pyramidale actuelle des entreprises engendre presque toujours un pouvoir toxique. Nous allons donc examiner, dans la première partie, à travers des cas concrets, pourquoi le pouvoir est difficile à utiliser correctement et quels sont les comportements adéquats à adopter pour gérer efficacement cette denrée.

Nous allons, dans la deuxième partie, illustrer ces constats à travers la mise en place d’un processus de changement impliquant l’ensemble de la pyramide et voir comment et pourquoi cette utilisation hasardeuse du pouvoir en handicape les chances de succès. Les constats nourriront notre future réflexion. Nous verrons ensuite les alternatives à la situation actuelle expérimentées par quelques entreprises dans le monde, leurs avantages et leurs inconvénients.

Enfin, nous détaillerons une alternative que j’appelle Société Experte et qui est une synthèse issue de mes expériences de terrain et des expérimentations actuelles.

Note : j’emploierai, au fil des pages, le mot « encadrant » pour désigner toute personne qui en dirige au moins une autre (cadre ou pas, du directeur général au brigadier, adjoint de contremaître).

Première partie

LE POUVOIR

Un système pyramidal fonctionne en structurant l’organisation en strates et en silos séparant les grandes activités comme la production, le commercial et autres, ce qui nécessite la mise en place d’encadrants, courroie de transmission des directives, moyen de contrôle des activités de leur équipe pour garantir l’obtention des résultats et relais vers le haut des informations utiles à la gestion par leurs supérieurs. Ils constituent donc un rouage indispensable et essentiel à ce type d’organisation. Ils sont, dès lors, dotés de pouvoir vis-à-vis de leurs collaborateurs installant ainsi une relation de dominant-dominé propice à de nocives dérives.

Le but de cette première partie est d’examiner :

- les diverses formes de pouvoir en action à l’intérieur des entreprises,

- les impacts négatifs de ces variétés de pouvoir sur les performances et la motivation,

- l’origine de ces problèmes.

Pour y arriver, il faut prendre conscience des mécanismes à l’œuvre dans les relations interpersonnelles. Les pouvoirs à l’entour des organisations (actionnaires, État, politique…) ne seront pas abordés ici, car même si l’influence de ces acteurs peut impacter fortement une entreprise, il n’en demeure pas moins vrai que le fonctionnement interne repose sur des hommes dont nous examinerons les méthodes d’organisation.

1. Définition

Un encadrant exerce l’art difficile du leadership qui est le « processus par lequel une personne influence un groupe de personnes pour atteindre un objectif commun »2.

Les mots méritent que l’on s’y attarde.

« Influence » et « commun ».

Beaucoup de participants à mes formations au leadership assimilaient « influence » avec manipulation.

Une vision saine et efficace du leadership implique que le leader qui influence ne cherche pas la manipulation : vous pouvez exercer votre leadership en manipulant, mais, à terme, les résultats vont fondre et la motivation de vos collaborateurs diminuera drastiquement.

Nous sommes bien ici dans une perspective de gestion honnête des collaborateurs, seule attitude viable et efficace à long terme.

Je viens de citer un mot plus haut qui pose généralement problème à de nombreuses personnes : manipulation. À priori, cela n’a rien de péjoratif. Déjà tout enfant, nous nous entraînions sur notre entourage et souvent avec talent. Et heureusement d’ailleurs, car une grande part de notre apprentissage passe nécessairement par la manipulation. Nous pouvons très bien œuvrer tant pour une noble qu’une mauvaise cause.

Ce mot en apparence banal a pris tout à coup une connotation négative. Si vous utilisez votre pouvoir sans obtenir satisfaction, alors vous ressentez de la frustration, de l’injustice et d’autres sentiments négatifs.

Nous passons tous énormément de temps à manipuler, à créer des contextes « favorables à »… La manipulation n’est donc pas forcément péjorative.

Si vous animez une réunion, vous manipulez, et l’effet peut être positif si c’est pour atteindre un objectif commun.

En revanche, si consciemment vous manipulez pour servir surtout vos propres intérêts, alors la relation devient négative.

Nous verrons comment la manipulation peut s’inviter dans des entreprises dites libérées.

Le mot « commun » implique d’ailleurs une approche constructive de l’influence.

Influencer le comportement nécessite du POUVOIR.

En tant que relation, le pouvoir possède une dimension dissymétrique, puisqu’il vise à produire entre les acteurs une forme d’obéissance aux commandements.3

Le pouvoir constitue donc une denrée essentielle de la réussite d’encadrants qui en disposent en quantité variable.

Il existe trois types de pouvoir qui jouent un rôle important dans la vie quotidienne.

La description que j’en fais vous permettra de percevoir les biais qu’une gestion approximative du pouvoir engendre et provoque comme conséquences dans un contexte traditionnel, soit une organisation pyramidale.

2. Les types de pouvoir

Examinons les types de pouvoir à disposition des encadrants.

Deux exemples : Patrick et Louise.

•Patrick

Patrick est jeune et vient d’être nommé à la tête du service qualité chez Trabel.

Il travaillait auparavant comme contrôleur qualité dans une entreprise plus petite. Ses compétences n’étaient pas utilisées à leur juste valeur. Ce changement est, pour lui, une reconnaissance de ses qualités.

Sa nouvelle équipe se compose de dix employés dont plus des deux tiers présentent une ancienneté de plus de dix ans.

C’est pour lui une grande opportunité. Il entend bien réussir.

Après une courte période d’observation, il a instauré une série de changements d’organisation du service et de procédures de travail.

Jean, contrôleur qualité, n’a pas apprécié que Patrick bouscule ses habitudes. « On a toujours fait comme cela », répétait-il à Patrick pourtant persuadé de la nécessité du changement.

Lors d’une réunion, Jean s’est ouvertement opposé à Patrick devant les autres membres de l’équipe. Certains ont pris fait et cause pour Jean…

Patrick a senti son autorité de chef menacée. Il s’est senti agressé et humilié devant les autres.

Patrick, ensuite, à plusieurs reprises, a tenté le dialogue avec Jean. En vain. Il a demandé à la direction de muter Jean dans un autre service, ce qu’il a obtenu.

•Louise

Louise travaille chez Derba depuis trois ans, comme employée, dans le service de planification. Elle est appréciée par ses collègues qui la trouvent conviviale et efficace. Le responsable du service des réceptions prend sa retraite. La direction propose à Louise de lui succéder et elle accepte.

Ses nouveaux collègues, méfiants, se renseignent auprès du service de planification pour connaître le comportement de Louise.

D’entrée de jeu, Louise démontre qu’elle a bien compris le fonctionnement de son nouveau service.

Ses relations avec ses nouveaux collègues sont positives.

Un matin, plusieurs membres de l’équipe lui soumettent un problème compliqué qui empoisonne, pour l’instant, le bon fonctionnement des opérations. Après avoir défini clairement avec l’équipe le sujet et ses causes en demandant l’avis de chacun, une solution est trouvée en commun.

Ce cas ne s’avère pas unique et Louise finit par être adoptée par ses collaborateurs qui reconnaissent ses compétences et lui font confiance.

Patrick et Louise ont utilisé deux types de pouvoir différents.

2.1 Le pouvoir de position

Patrick s’est comporté de façon adéquate avec Jean en utilisant à raison son pouvoir de position.

C’est sa hiérarchie qui l’a doté de ce type de pouvoir. Il a le droit de sanctionner (refuser un congé, muter, licencier…).

Il possède aussi le pouvoir de récompenser (accorder un congé, une promotion…). Ce sont ses propres supérieurs qui lui octroient ce pouvoir.

Vos collaborateurs vous obéissent parce que vous avez un titre, une fonction et la capacité de les sanctionner ou de les récompenser. C’est de l’autorité.

Le seul statut de chef suffit à obtenir la collaboration d’un subordonné. C’est la forme de pouvoir la plus utilisée.

Vous obtenez certes un résultat, mais pas toujours de l’engagement, de l’implication, ou de la motivation si vous utilisez ce seul pouvoir qui parfois, mal utilisé, engendre des effets toxiques.

•L’abus de pouvoir de position

Répété trop souvent ou utilisé de manière inappropriée, cet usage cause des dégâts. L’abus de ce comportement se constate essentiellement chez des encadrants au comportement directif.

Ils ne supportent pas que l’on contrevienne à leurs directives et ne voient que la sanction pour se faire « obéir » ou, ne sachant pas comment influencer, ils se replient alors sur ce qu’ils connaissent.

C’est également fréquent chez des « mauvais » promus. J’entends par là chez les « erreurs de casting ». J’ai rencontré beaucoup de personnes promues à partir de leur seule qualité technique (au sens large du terme). « C’est un excellent employé, donc il fera un bon chef. » Les autres qualités nécessaires pour être un bon leader sont alors ignorées, et ce, à tous les niveaux hiérarchiques, que ce soit pour le directeur général, le responsable d’un service ou d’une équipe d’opérateurs.

C’est le fameux principe de Peter4 qui est ici aux commandes.

C’est souvent le cas de chefs d’équipe d’opérateurs, mais pas seulement. Ils font partie d’une équipe, ils s’entendent bien avec leurs collègues, sont fiables, travaillent bien. Il n’y a rien ou peu à leur reprocher. Leurs qualités sont suffisantes pour leur hiérarchie pour les nommer à la tête de l’équipe. De surcroît, aucune formation au leadership ne leur est dispensée. Ils sont lâchés dans l’arène sans parachute.

Le premier problème amené par cette promotion interne est la crispation de l’équipe vis-à-vis de l’un des leurs, devenu leur chef. « Il était des nôtres et le voilà qui va nous donner des ordres. » Pas facile pour « l’heureux élu ». Ce genre de promotion est rarement un cadeau. Totalement dépourvu sur le terrain du leadership, deux solutions s’offrent à lui.

Il endosse le rôle de « il est des nôtres » et n’agit nullement en responsable. C’est de la démission. S’ensuivent une forme d’anarchie, un manque d’efficacité et une perte malheureuse d’estime du promu. Cela finit souvent mal. Mais ce jeu désastreux peut durer longtemps. J’ai connu des usines où ce mal était généralisé au niveau de la première ligne d’encadrants.

La deuxième solution consiste, pour lui, à adopter un comportement autoritaire, directif. Il ne perçoit pas d’autre solution.

De plus, il connaît bien la technique du travail à réaliser, raison, croit-il, pour imposer ses vues aux autres. Souvent, les collaborateurs de ce type de leader se démotivent et donc les performances chutent ou ils se taisent et passent beaucoup de temps entre collègues à se plaindre et à dénigrer le chef.

Cette situation crispe le responsable qui augmente son côté autoritaire sans se rendre compte de la nocivité de ce comportement. Cette spirale dramatique est courante.

D’autres encadrants persuadés de leur science font preuve d’autorité, car ils pensent qu’eux seuls possèdent la bonne manière de travailler. Autre personnalité, mêmes dégâts.

Ces encadrants ignorent ou négligent qu’il existe une autre variété de pouvoir.

Je me souviens avoir assisté à d’interminables et éprouvantes réunions organisées par un directeur général. Ses collaborateurs avaient fini par ne plus rien dire et écoutaient leur chef parler et décrire ses raisonnements et ses décisions. Ils étaient là pour recevoir les ordres puis, sur le terrain, les exécuter. Des exécutants, rien d’autre. Quand je les rencontrais ensuite, dans les couloirs et les halls d’usine, leur ressentiment et leurs critiques fusaient. Ils me disaient leur frustration et leur rancœur, mais se taisaient devant le chef.

L’excès des sanctions aboutit à une révolte larvée souvent à bas bruit (par crainte) mais bien réelle, qui handicape l’efficacité et développe les tensions. Le leader se retrouve isolé devant des collaborateurs qui n’osent plus prendre la moindre initiative. Ce qui permet au leader de confirmer ses prédictions : « Si je ne donne pas mes directives, rien ne bouge. » C’est du leadership toxique, responsable de lourds déficits d’efficacité et de bien-être du personnel d’autant plus s’il est généralisé dans la culture locale.

Cependant, il est impossible d’élargir ce pouvoir. Seule votre hiérarchie peut vous en procurer davantage, mais vous en retirer également.

Par ailleurs, les services du personnel mettent en place des descriptions de fonction (pas partout) aux répercussions pratiques pas toujours évidentes. Lequel d’entre vous pourrait me décrire les contours précis de sa fonction, connaissances qui s’estompent au fil de l’habitude ? D’autant que la réalité amène souvent des sorties de pistes : « Tu rédigeras bien ce plan (non prévu dans la description de fonction), ton prédécesseur le faisait. » Vos collaborateurs connaissent-ils exactement le contenu de cette description ?

Dès lors, des approximations, des conflits, des incompréhensions, des tensions entre services se développent et nuisent à l’harmonie et à l’efficacité.

Il est remarquable de constater que dans la plupart des entreprises, il y a une absence générale de description du périmètre du pouvoir de position de chaque encadrant et surtout de son contenu.

Cette grave anomalie constitue une énorme source de difficultés, d’inefficacité, de conflits et d’abandon du rôle de leader. C’est, par ailleurs, une faille dans laquelle s’engouffrent certains délégués syndicaux.

C’est une lacune qui paralyse nombre de chefs qui ne savent pas ce qu’ils peuvent faire ou pas et donc abandonnent le terrain au profit d’un laxisme ravageur.

Souvent, je me suis demandé pourquoi ce manque existait. Il me semblait évident que la direction aurait dû se rendre compte que ses encadrants souffraient de ce défaut de clarté.

Reste à se demander ce qui justifie le pouvoir de position.

•Pourquoi le pouvoir de position ?

La raison en est que la pyramide est divisée en silos découpés en couches horizontales et, dans chacune de ces couches, un hiérarchique est parfois assisté d’un adjoint. Chacun doit gérer son pré carré pour lequel il a besoin de disposer d’outils lui servant à être « obéi ».

L’ouvrier est dirigé par un brigadier sous la houlette d’un contremaître coiffé par le directeur de production répondant au directeur général.

Idem pour les employés.

Il faut, dès lors, coordonner le tout, diriger et contrôler. Quantité de réunions, agrémentées de multiples présentations PowerPoint souvent superflues, prennent naissance, réunions souvent mal conduites faute d’ordre du jour et de compétences maîtrisant les techniques d’animation. J’ai assisté à de nombreux meetings improductifs, mal, voire pas préparés, où la plupart attendaient simplement la fin pour retourner dans leurs services.

Nous avons formé beaucoup de personnes aux techniques d’animation de réunions pour pallier cette faiblesse. Mais nous ne pouvions rien devant les innombrables réunions inutiles générées souvent à cause de la multitude d’étageshiérarchiques et le travail en silo qui s’ensuivait, et de la bureaucratie instillée via les services support.

Pour contrôler, chaque encadrant applique ou crée des moyens permettant de vérifier que ses collaborateurs exécutent les directives et atteignent les objectifs. Les services support les inondent de contraintes visant à normer le travail et réduire les incertitudes. Les salariés sont submergés par un fatras les dépassant et pompant une énergie qui les distrait de la substance réelle de leur travail.

Les normes ISO en sont une belle illustration. Elles constituent une quasi-obligation afin d’affirmer aux clients que l’on est certifié, certificat censé assurer un niveau important de qualité.

Mais ce mode est illusoire et sert essentiellement comme argument commercial visant à se distinguer d’une concurrence qui n’aurait pas encore décroché la certification, ce qui est rare aujourd’hui.

Elle arrange bien aussi moult encadrants qui y voient un moyen d’améliorer la qualité en augmentant le niveau de contrôle. On assiste avec une certaine surprise à des débauches d’énergie importante au sein d’organisation dont l’objectif du moment est d’obtenir un certificat. L’ensemble du personnel peine à écrire des procédures décrivant des tâches non pas comme elles se déroulent réellement, mais comme elles devraient se passer. Tout autre projet passe après (à notre grand dam quand nous essayons de vendre nos méthodes).

Ensuite, ces procédures enfin terminées encombraient les armoires et étaient superbement ignorées.

Tout ça pour ça, pour une tentative, vaine, de mettre l’organisation sous cloche et se rassurer en se donnant l’illusion que tout est sous contrôle et envoyer un message de pseudo-qualité au marché.

Ces effets secondaires inhérents à une structure pyramidale amènent conflits et démotivation.

L’émission Le bonheur au travail, diffusée sur ARTE le 28 février 2018, débute par une citation du professeur Isaac Getz, professeur à l’ESCP Europe : « Les salariés engagés, c’est-à-dire ceux qui se lèvent le matin avec le sourire, c’est 11 %. Les salariés désengagés, c’est-à-dire ceux qui voient dans leur travail uniquement une source de revenus et non pour prendre des initiatives, c’est 61 % et enfin, le reste est constitué de ceux qui sont activement désengagés, qui sont tellement malheureux au travail qu’ils viennent pour démontrer leur malheur en sabotant ou détruisant… »

La théorie de Frederick Herzberg – ou théorie des deux facteurs de motivation – énonce que toute motivation repose sur une satisfaction optimale induite par deux types de facteurs :

- les facteurs d’hygiène – physiologiques ou externes : propres à tout être humain, ils se réfèrent notamment aux conditions de travail. Ils peuvent influencer l’insatisfaction et le mécontentement. L’absence de ces facteurs – ou leur disparition – ne peut à elle seule engendrer la motivation.

- les facteurs moteurs – psychologiques ou internes : propres à chacun, très personnels, ils se réfèrent à l’épanouissement personnel et sont source de motivation si tant est que l’individu n’éprouve aucune insatisfaction en parallèle.5