Finance chrétienne - Antoine Romain Cuny de la Verryère - E-Book

Finance chrétienne E-Book

Antoine Romain Cuny de la Verryère

0,0
92,99 €

-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Il existe, à notre époque, de multiples acteurs, activités et principes éthiques financiers qui relèvent du christianisme. Qu’elle soit d’origine catholique, protestante ou orthodoxe, la « finance chrétienne » complète la large gamme des finances éthiques (finance verte, impact investing, etc.).

Le lecteur découvrira, entre autres, les bitcoins chrétiens, les activités des Templiers, la controverse sur le prêt à intérêt, ou les kirchliche Banken.
Il pourra parfaire ses connaissances sur les acteurs financiers chrétiens d’Europe, d’Afrique ou d’Amérique. Sa lecture pourra également le mener à s’intéresser aux papes Médicis, aux monts-de-piété, ou encore au contractus trinus. À moins que sa curiosité ne le conduise, plus simplement, à s’interroger sur les ressorts du conséquentialisme, de l’éthique des vertus ou des « structures de péché financier » ?

Le présent ouvrage expose, de façon didactique, les notions fondamentales de la « finance chrétienne ». Accessible à tous, il s’adresse plus particulièrement aux étudiants, universitaires et praticiens, chrétiens ou non, curieux d’histoire économique et qui espèrent en une finance plus juste.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
MOBI

Seitenzahl: 605

Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



La collection Cahiers financiers rassemble des monographies de qualité orientées vers la pratique. Les Cahiers traitent de sujets bien délimités dans le domaine des sciences financières.

Sous la direction de Bruno COLMANT docteur en sciences de gestion et ingénieur commercial (ULB), titulaire d’un MBA en finance (Purdue University – États-Unis) et d’une Maîtrise en Sciences Fiscales (ESSF). Titulaire des certifications d’analyste financier et de Risk Manager, il est expert-comptable et conseil fiscal agréé. Il est membre de la Commission des Normes Comptables, du Conseil Supérieur des Finances, du Conseil Central de l’Économie et de la Commission de Gouvernance Corporative. Il enseigne la comptabilité financière dans différentes institutions universitaires belges (Vlerick Management School, UCL, Facultés Universitaires Saint-Louis et ICHEC), luxembourgeoise et à l’Université de Genève.

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.larcier.com

© ELS Belgium s.a., 2019Éditions LarcierRue Haute, 139/6 – 1000 Bruxelles

EAN : 978-2-8079-1590-9

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour ELS Belgium. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

Dans la même collection

1 Les obligations. Notions financières essentielles

Bruno COLMANT, Vincent DELFOSSE et Louis ESCH, 2002, 131 p.

2 Le système financier islamique. De la religion à la banque

Imane KARICH, 2002, 144 p.

3 La fiscalité des entreprises. Aspects économiques de la concurrence fiscale dommageable au sein de l’Union européenne

Emmanuel RUBENS, 2002, 218 p.

4 Les stock options en Belgique. Considérations financières et fiscales

Bruno COLMANT, Jacques GHYSBRECHT et Benoît WALTRÉGNY, 2002, 113 p.

5 Les instruments financiers optionnels

Pascal PHILIPPART, Bruno COLMANT, 2002, 149 p.

6 Produits dérivés de crédit. Applications et perspectives

Bruno COLMANT, Jacques GHYSBRECHT et Bruno RAUÏS, 2003, 178 p.

7 Efficience des marchés : concepts, bulles spéculatives et image comptable

Bruno COLMANT, Roland GILLET, Ariane SZAFARZ, 2003, 96 p.

8 Les dividendes, la fiscalité et les comportements opportunistes

Jérôme WOUTERS, 2003, 102 p.

9 La décote boursière des holdings belges : décrypter l’énigme financière

Bruno COLMANT, Alexandre DETOURNAY et Leslie SERVAT Y, 2003, 159 p.

10 Les nouveaux défis financiers et techniques de la fonction de trésorier

François MASQUELIER, 2003, 240 p.

11 Valeur et risque des brevets pour les biotechnologies. Considérations financières et fiscales

Georges HÜBNER, Pierre-Armand MICHEL et Mélanie SERVAIS, 2003, 92 p.

12 Les normes comptables IAS 32 et IAS 39 sur les instruments financiers

Origine, dispositions, applications et exemples

Bruno COLMANT, Jean-François HUBIN et François MASQUELIER, 2004, 403 p.

13 Les stock options en Belgique. Considérations fiscales, financières et comptables

Bruno COLMANT, Jacques GHYSBRECHT, Jacqueline HAVERALS et Benoît WALTRÉGNY, 2004, 221 p.

14 Les obligations. Concepts financiers et comptables essentiels

Bruno COLMANT, Vincent DELFOSSE et Louis ESCH, 2004, 221 p.

15 Le financement des ventes par le compte-clients

Bernard ROSEN, 2004, 91 p.

16 Les obligations convertibles

Bruno COLMANT et Vincent DELFOSSE, 2005, 224 p.

17 Le risque opérationnel. Implications de l’Accord de Bâle pour le secteur financier

Ariane CHAPELLE, Georges HÜBNER et Jean-Philippe PETERS, 2005, 224 p.

18 Financial buy-outs. Value drivers, deal structuring, financial instruments and funds. Analysis from investor and management standpoints in Belgian practice

Hugues LAMON, 2005, 214 p.

19 Les obligations souveraines. Situation du marché, évaluation du risque-pays, et gestion des défauts

Kim OOSTERLINCK et Ariane SZAFARZ, 2005, 105 p.

20 Les accords de Bâle II pour le secteur bancaire

Bruno COLMANT, Vincent DELFOSSE, Jean-Philippe PETERS et Bruno RAUÏS, 2005, 267 p.

21 Application des normes comptables. IAS 32 et IAS 39 en 2005

Bruno COLMANT, Jean-François HUBIN et François MASQUELIER, 2005, 267 p.

22 La bancassurance en mouvement

Bernard DE GRYSE, 2005, 104 p.

23 La finance comportementale

Amos SUSSKIND, 2005, 116 p.

24 Les carrousels à la TVA. Étude économique et juridique

Claire KAECKENBEECK, 2005, 118 p.

25 Les stock options. Analyse en droit fiscal, social et comptable belge

Bruno COLMANT, Nadine BEAUFILS, Françoise PLATTEBORSE et Gauthier RAZÉE, 2006, 205 p.

26 Les intérêts notionnels. Aspects juridiques, fiscaux et financiers de la déduction pour capital à risque

Bruno COLMANT, Pascal MINNE, Thierry VANWELKENHUYZEN, 2006, 112 p.

27 L’image fidèle dans l’ordre comptable belge. Réflexions concernant une exigence inaboutie

Bruno COLMANT, Michel DE WOLF, 2007, 90 p.

28 Monde changeant des assurances

Bernard DE GRYSE, 2007, 222 p.

29 La réassurance

Jean-François WALHIN, 2007, 302 p.

30 Application des Normes comptables. IAS 32, IAS 39 et IFRS 7

Bruno COLMANT, Jean-François HUBIN et François MASQUELIER, 2007, 160 p.

31 Les déductions fiscales à l’impôt des sociétés

Pascal MINNE, Thierry VANWELKENHUYZEN, Bruno COLMANT, 2008, 158 p.

32 Les marchés de quotas de CO2

Arnaud BROHÉ, 2008, 146 p.

33 La titrisation du risque d’assurance

Valentin BAUWENS, Jean-François WALHIN, 2008, 244 p.

34 Efficience des marchés. Concepts, bulles spéculatives et image comptable

Bruno COLMANT, Roland GILLET, Ariane SZAFARZ, 2009, 94 p.

35 Islam : droit, finance et assurance

Jacques CHARBONNIER, 2011, 304 p.

36 Bâle II et le risque de crédit. Les règles actuelles et leur évolution sous Bâle III

Alain VERBOOMEN, Louis DE BEL, 2011, 320 p.

37 La réassurance,

Jean-François WALHIN, 2e édition 2012, 451 p.

38 Titres et bourse,

Joseph ANTOINE, Marie-Claire CAPIAU-HUART,

Tome 1 – Instruments financiers, 3e édition 2012, 394 p.

Tome 2 – Marchés-transactions-placement, 3e édition 2012, 532 p.

39 Fund industry in Luxembourg,

Danielle SOUGNÉ (dir.), 2013, 128 p.

40 Les agences de notation financière. Entre marchés et États

Bruno COLMANT, Etienne de CALLATAŸ, Xavier DIEUX, Benoît FRYDMAN, Jean-Marc GOLLIER, Alexandre HUBLET, Caroline LEQUESNE-ROTH, Gregory LEWKOWICZ, Kim OOSTERLINCK, Hugues PIROTTE, Arnaud VAN WAEYENBERGE, Edith WEEMAELS, 2013

41 Pratiques et techniques bancaires,

Yassine BOUDGHENE et Eric DE KEULENEER, 2e édition 2016, 305 p.

42 Les contrats de la finance islamique, Analyse prospective

Chihab Mohammed HIMEUR, 2018, 250 p.

Reeds verschenen in deze reeks

1 De techniek van het effectiseren en toepassing op de Belgische markt

Caroline JANSSENS, 2003, 192 p.

2 De Belgische Commercial Paper-Markt

Hubert OOGHE en Veerle VOET, 2003, 112 p.

3 Financing entrepreneurial companies. How to raise private equity as a high-growth company

Sophie MANIGART en Miguel MEULEMAN, 2004, 140 p.

4 The Real Options. Approach to Strategic Capital Budgeting and Company Valuation

Wouter DE MAESENEIRE, 2006, 190 p.

« Alors…

Dieu voulant qu’on fût juste en toute chose,

Et afin d’éviter que le monde n’implose,

Mêla à ses lois les principes économiques,

Pour donner vie à la finance catholique. »

Sommaire

PRÉFACE

PROPOS LIMINAIRE

LISTE D’ABRÉVIATIONS

INTRODUCTION

Section 1. Finance morale et immorale

Section 2. Une finance chrétienne ?

Section 3. Définition

Section 4. Plan de l’ouvrage

Partie I Les acteurs financiers chrétiens

Chapitre I. Les acteurs cléricaux

Section 1. Aperçu historique

Section 2. Acteurs cléricaux contemporains

Chapitre II. Les acteurs laïcs

Section 1. Organisation

Section 2. Recensement

Synthèse de la première partie

Partie II Les principes financiers chrétiens

Chapitre I. Les principes cléricaux

Section 1. Principes financiers catholiques

Section 2. Principes financiers protestants

Section 3. Principes financiers orthodoxes

Section 4. Principes financiers religieux non chrétiens

Chapitre II. Les principes laïcs

Section 1. Principes financiers chrétiens

Section 2. Principes éthiques profanes

Chapitre III. Les tentatives de synthèses

Section 1. Les Princificats opérationnels

Section 2. Le Protocole d’Investissement Réorienté

Synthèse de la deuxième partie

Partie III Les opérations financières chrétiennes

Chapitre I. Les opérations de banque chrétiennes

Section 1. Les moyens de financement

Section 2. Autres services bancaires

Chapitre II. Les transactions financières chrétiennes

Section 1. Les instruments financiers

Section 2. Autres services

Chapitre III. Innovations récentes

Section 1. La finance sociale

Section 2. Autres

Synthèse de la troisième partie

CONCLUSION

ANNEXES

BIBLIOGRAPHIE

INDEX

Préface

Le concept de Finance Chrétienne est apparu récemment. Le 15 août 2015 a été publiée la première charte fondamentale de la finance éthique chrétienne. Le concept de Finance Catholique, s’appuyant notamment sur la Doctrine Sociale de l’Église, était apparu peu avant.

Il faut bien reconnaître, que de vouloir allier la finance et la foi chrétienne, constitue un défi majeur pour le monde du marché et pour celui de la religion. Pensons simplement à cette phrase de Jésus dans l’Évangile : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent » (Matthieu 6,24 ; Luc 16,13). Pourtant le mot argent revient 484 fois dans l’Ancien Testament et 38 fois dans le Nouveau Testament.

Docteur en droit, président fondateur de l’Observatoire de la Finance Chrétienne (OFCCFO), Monsieur Antoine Cuny de la Verryère, a beaucoup œuvré, non seulement pour faire connaître la Finance Catholique et la Finance Chrétienne, mais aussi pour que ces principes puissent être réellement mis en œuvre.

Cet ouvrage, qui offre une présentation transversale de la finance éthique chrétienne compatible à travers le monde, et donc pas uniquement en fonction de notre pays, constitue comme un condensé de ce qui peut être exposé en la matière.

Il présente dans ses trois parties, les acteurs, les principes et les opérations financiers chrétiens, en tenant compte à chaque fois d’exposer le contexte historique, les évolutions et la mise en œuvre pour aujourd’hui.

L’auteur s’appuie sur les nombreux documents des Églises chrétiennes et, en particulier ceux de l’Église catholique, qui a beaucoup réfléchi à ces questions financières depuis la première encyclique sociale de Léon XIII, Rerum Novarum du 15 mai 1891. Toute cette réflexion se retrouve dans ce qu’on appelle la Doctrine Sociale de l’Église que Monsieur Cuny de la Verryère cite abondamment jusqu’aux derniers textes publiés récemment comme « Oeconomicae et pecuniariae quaestiones » sur des considérations pour un discernement éthique sur certains aspects du système économique et financier actuel, du 23 mai 2018. Le concept de finance chrétienne souligne les correspondances entre les diverses confessions chrétiennes. Il permet de s’inscrire dans le cadre des relations œcuméniques, récemment encouragées par le pape François lors de sa visite au Conseil Œcuménique des Églises à Genève le 21 juin 2018 où il a appelé à « un nouveau printemps œcuménique ».

On sent clairement dans le texte l’importance majeure que revêt l’encyclique Laudato Si du pape François, sur la sauvegarde de la Maison commune, publiée le 24 mai 2015, qui a amené plusieurs acteurs financiers à vivre une réelle conversion en la matière.

Ayant côtoyé Monsieur Antoine Cuny de la Verryère, dans le cadre d’un groupe bancaire tenant à mettre en œuvre les principes financiers catholiques (Princificats), j’ai pu apprécier sa rigueur intellectuelle et sa volonté de mettre en œuvre ces principes de finance chrétienne. Ces deux aspects se retrouvent dans cet ouvrage où l’auteur ne renie rien de ses compétences et de sa foi. C’est la meilleure manière de comprendre le concept de finance chrétienne.

+ Nicolas SOUCHUÉvêque d’Aire et Dax

Propos liminaire

Le présent ouvrage poursuit le travail accompli précédemment dans le livre « Finance Catholique » paru aux éditions EMS, en juillet 2013. Certaines définitions, notamment celle de « finance chrétienne », ont été nuancées. Son contenu a été enrichi par les évolutions des dernières années et les développements ont été approfondis sur plusieurs aspects (philosophie, éthique des affaires). La présentation a aussi été élargie à toute la « finance chrétienne » afin de donner une vue décentralisée et plus équilibrée des finances protestantes, catholiques romaines et orthodoxes, et en essayant de redistribuer la part léonine précédemment octroyée au catholicisme romain et à la France.

Par ailleurs, si la version de 2013 se présentait comme une démonstration, celle de 2018 se veut davantage une compilation. L’ouvrage précédent était alors le premier du genre, non parce qu’il n’existait pas d’ouvrages traitant d’éthique chrétienne en matière financière, mais en raison de son caractère multidisciplinaire et normatif en faveur du concept « finance catholique ». Jean-François Boudet, Maître de Conférences, a ainsi écrit, qu’il s’agissait « d’un travail capital qui dépasse la seule réflexion théologique pour essayer de définir ce qu’est la finance catholique à travers l’histoire, l’économie, le droit ou la dogmatique catholique »1. Cette reconnaissance a été suivie de plusieurs publications académiques qu’il fallait également incorporer.

1. J.-F. BOUDET, « Note de lecture sur Antoine R. Cuny De La Verryère, Finance catholique. Au fondement de la finance éthique et solidaire » in Revue Société, Droit & Religions, no 4/2014, p. 145-150.

Liste d’abréviations

ABSS

Administration des Biens du Saint-Siège

ACAT

Association des chrétiens pour l’abolition de la torture

AIF

Autorité d’information financière

AMF

Autorité des marchés financiers

AOR

Administration des œuvres de religion

APRA

Association populaire révolutionnaire américaine

APSA

Administration du patrimoine du siège apostolique

ARC

Alliance of Religions and Conservation

ASIC

Australian Securities and Investments Commission

ASSS

Administration spéciale du Saint-Siège

BFS

Baptist Financial Services

BICE

Bureau International Catholique pour l’Enfance

Bull. civ.

Bulletin civil de la Cour de cassation

Cass. ass. Plén.

Assemblée plénière de la Cour de cassation

Cass. Ch. mixte

Cour de cassation Chambre mixte

Cass. Soc.

Cour de cassation Chambre sociale

CCDU

Christian Community Credit Union

CCFD

Comité catholique contre la Faim et pour le Développement

CENCO

Conférence épiscopale nationale du Congo

CFDT

Confédération française démocratique du travail

CFFCU

Catholic Family federal Credit Union

CFTC

Confédération française des travailleurs chrétiens

CIC

Codex Iuris Canonici

CIS

Contrat à impact social

CLD

Coopérative libanaise de développement

COE

Comité d’Orientation Éthique

CORAR

Compagnie d’Assurance et de réassurance du Rwanda

CPJP

Conseil Pontifical « Justice de Paix »

CVTC

Contribution volontaire sur les transactions de change

DEE

Doctrine économique de l’Église

DFE

Doctrine financière de l’Église romaine

DICI

Document d’information clé pour investisseur

DSE

Doctrine sociale de l’Église

DVE

Doctrine des vertus de l’Église

ECCU

Evangelical Christian Credit Union

ECFA

Evangelical Council for Financial Accountability

EHD

Entreprendre pour Humaniser la Dépendance

EKK

Evangelische Kreditgenossenschaft Kassel

ESG

Environnementaux, sociaux et de gouvernance

ETF

Exchange Traded Funds

EUSEF

Règlement européen sur les fonds d’entrepreneuriat social européen

FATF

Financial Action Task Force

FCP

Fonds commun de placement

FMI

Fonds monétaire international

GAFI

Groupe d’action financière

GIIN

Global Impact Investing Network

IDES

Institut de Développement de l’Économie Sociale

IES

Initiative pour une Économie Solidaire

IFF

International Financial Facility

IFOD

Institut Financière pour les Œuvres de Développement

IOR

Institut pour les œuvres de religion

IRI

Institut de reconstruction industrielle

IRPEF

Imposta sul reddito delle persone fisiche – Impôt sur le revenu de la personne physique

ISR

Investissement socialement responsable

IVG

Interruption volontaire de grossesse

LPWGS

Listed Places of Worship Grant Scheme

OCDE

Organisme de coopération et de développement économique

ODD

Objectif de Développement Durable

OMD

Objectif du millénaire

ONU

Organisation des Nations unies

OPC

Organisme de placement collectif

OPCVM

Organisme de placement collectif en valeurs mobilières

P. ex.

Par exemple

PAESS

Préfecture pour les affaires économiques du Saint-Siège

RDC

République Démocratique du Congo

RIM

Réseau Interdiocésain de Microfinance

RSE

Responsabilité sociale des entreprises

SEPA

Single EURO Payments Area – Espace unique de paiement en euros

SIDI

Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement

SNL

Solidarité Nouvelle pour le Logement

Introduction

1. La finance est classiquement désignée comme l’art d’acquérir de l’argent2. À notre époque, la finance correspond aux activités dont l’objet st d’obtenir ou de placer de la monnaie (fiduciaire, scripturale, électronique, crypto…) ou des instruments financiers (titres et contrats financiers). Ces activités font appel à des services, infrastructures, agents économiques, qui sont inclus dans une définition large de la finance. Son domaine ne se restreint plus seulement à « fournir de l’argent à l’économe » comme au temps d’Aristote3, mais consiste également à faire circuler des valeurs de toute espèce4, et à se protéger des risques5 qui menacent l’économie réelle6 et la finance elle-même7. Il est difficile de dater précisément l’apparition des activités financières, sans doute sont-elles inhérentes à toute activité commerciale humaine8. Depuis son apparition, la finance a connu plusieurs révolutions, dont il faut citer au moins trois étapes décisives : aux XIII-XIVe siècles, la création, sous leurs formes modernes, de la première bourse à Bruges et de la première banque à Florence ; au début du XVIIIe siècle, la consécration de la finance à un niveau public, par la création de la première banque centrale, à Londres, ce qui va permettre de multiplier les financements9 ; à la fin du XXe siècle, l’apparition de produits plus complexes développés mathématiquement et la forte multiplication des transactions résultant de la dématérialisation informatique, permettant à tous de conclure, instantanément, de façon quasi-anonyme, des transactions à distance. Aujourd’hui, dans les pays développés, la finance est devenue omniprésente10, omnisciente11 et omnipotente12.

Section 1.

Finance morale et immorale

2. La division opérée par Aristote, reprise plus tard par saint Thomas d’Aquin, entre une chrématistique13 naturelle et une chrématistique commerciale, aboutit à distinguer fondamentalement deux formes de finances. D’une part, une finance morale qui est liée à la nécessité de l’économie productive, d’autre part, une finance immorale, qui consiste à accumuler de la monnaie pour elle-même et non en vue d’une fin autre que le plaisir personnel14. Or, la crise financière de 2008, du reste comme l’avait fait celle des Savings and loan, a révélé combien les comportements de certains acteurs financiers étaient entachés d’immoralité. Si les origines de la crise de 2008 ont pu de prime abord sembler d’ordre technique15, aujourd’hui la responsabilité des agents humains est unanimement reconnue16. Les témoignages ne manquent pas au sujet des comportements inadmissibles adoptés par les négociateurs financiers (traders), certaines banques d’investissement et hedge funds : soit sous la forme de spéculations abusivement haussières, parfois au détriment des populations les plus pauvres de la planète17 ; soit sous la forme de spéculations baissières consécutivement à des attentats terroristes ou à de mauvais indicateurs économiques ; soit encore sous la forme de salaires disproportionnés payés grassement, appelés « bonus » (comme au casino), à des individus devenus, par la force des choses, irresponsables, égoïstes, cupides, narcissiques, et vivant dans une luxure choquante (prostitution, drogues, richesse ostentatoire) ; soit enfin, sous le forme de montages financiers nocifs à l’économie réelle, comme par exemple les mécanismes incontrôlés de dilution des risques (titrisation)18.

3. Au lendemain de la crise, la question éthique est ainsi devenue un enjeu majeur pour réguler et moraliser le comportement des acteurs financiers. Si les débats sur une éthique financière profane existent en Occident, depuis plusieurs décennies, sous l’égide du développement durable ou de la lutte contre l’aléa moral19, et a favorisé l’émergence d’une « finance responsable » (ISR) et d’une « finance sociale dynamique » (impact investing)20 ; si par ailleurs la réglementation prudentielle s’est enrichie, à tire-d’aile, de nombreuses limites afin d’empêcher que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets21 et bien qu’un certain nombre de banques se soient réformées, malgré tout, la question éthique reste vivace22. Les menaces et les dangers sur le monde et l’humanité n’arrivent pas comme mars en carême, car ils sont permanents, et on ne manque pas de chiffres alarmants. À chaque fois, la question éthique peut être posée, qu’il s’agisse de l’endettement public, du financement de la décarbonation ou de la déforestation23, des conflits à travers le monde24, de l’extinction des espèces25, ou de l’intelligence artificielle26. En 2014, trois millions d’enfants périssaient d’inanition pendant qu’une manne de 900 milliards de dollars de bénéfices se déversait sur les banques. Si le bien-être économique mondial s’est indubitablement accru au cours de la seconde moitié du XXe siècle, parallèlement, les inégalités se sont amplifiées au sein des pays et entre les nations, et un grand nombre de personnes continuent de vivre dans l’extrême pauvreté. Or les « critères obsolètes » qui ont abouti à la crise des subprimes continuent de gouverner le monde, observait, en 2018, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi27. Alors on s’interroge : que font les acteurs financiers face à ces catastrophes et ces injustices ? Et mon banquier investit-il mon argent en dépit du bon sens ?

4. Pour sûr, l’argent que nous confions nous engage moralement envers les générations futures. Ces dernières années ont vu l’émergence de stratégies dites « à impact » où l’épargne va au-delà de la prise en compte des seuls critères ESG pour chercher à objectiver les effets extrafinanciers des investissements28. La seule prise en compte des critères environnementaux et sociaux ne suffit pas, il faut l’assortir d’objectifs chiffrés incontestables mesurés dans le temps. Les communautés chrétiennes déjà sensibilisées aux questions éthiques dans la finance, ont redoublé de vigilance et d’activisme. Depuis 2014, le Vatican organise des conférences biannuelles sur la finance sociale (« Vatican Impact Investing Conference »)29. L’Église romaine, dans la continuité de sa doctrine sociale, a développé des positions innovantes sur les sujets économiques et financiers, notamment par le biais de son Conseil Pontifical « Justice et Paix », dans des notes publiées en 2008 et 2011. Plusieurs recommandations concrètes, de caractère technique, sont apparues (condamnation des paradis fiscaux, plus de réglementation financière, etc.). Le pape François ne ménage pas ses efforts en faveur du développement des ODD30 et de la finance sociale, et l’encyclique Laudato si du 18 juin 2015 a marqué un engagement sans précédent. Pour lui, il est clair que, « pour fonctionner correctement, l’économie », tout comme les autres sphères de l’activité humaine, « a besoin de l’éthique ; non pas d’une éthique quelconque, mais d’une éthique amie de la personne »31. Ainsi, en octobre 2017, une coalition de quarante institutions chrétiennes à travers le monde, comprenant des banques et des organismes de microfinance, a-t-elle décidé de se désinvestir du charbon, du gaz et du pétrole. Il s’agit du plus grand désinvestissement jamais réalisé par des institutions religieuses32. Cet élan s’est poursuivi en 2018 sur les plans opérationnel33 et doctrinal34. Car il faut « éliminer les causes structurelles des dysfonctionnements de l’économie mondiale et corriger les modèles de croissance qui semblent incapables de garantir le respect de l’environnement »35. De tels désinvestissements éthiques ne sont pas totalement inédits : déjà, dans les années 1970-1980, plusieurs banques avaient protesté contre l’apartheid sud-africain36. La finance peut être un instrument mis au service de causes justes.

5. Toutes croyances confondues, les religions du monde constituent le troisième groupe d’investisseurs37 et gèrent plus de la moitié des écoles du monde. Elles sont un moteur de changement incontournable pour un développement durable. Rien qu’aux États-Unis d’Amérique, selon une étude réalisée en 2016, les religions contribueraient annuellement pour environ 1 200 milliards de dollars de valeur socio-économique à l’économie : 418 milliards de dollars proviendraient de congrégations religieuses ; 303 milliards de dollars d’universités, d’organismes de bienfaisance et de systèmes de santé ; et 437 milliards de dollars seraient issus d’entreprises confessionnelles38. Or le christianisme était, en 2015, avec ses 2,4 milliards de fidèles, la première religion du monde en nombre de fidèles devant l’islam qui compte 1,7 milliards de fidèles39. Cependant, comparé à la finance islamique, du côté des acteurs financiers chrétiens, le secteur, quoique dynamique et en croissance sur tous les continents, reste encore très immature. Des infrastructures professionnalisées font également défaut comme, par exemple, en matière de centralisation et de partage des informations ou de notation extrafinancière. La finance chrétienne s’adresse aussi aujourd’hui principalement aux institutions et les produits destinés aux personnes physiques restent sous-développés. Pourtant, une finance chrétienne ouverte à tous devrait pouvoir compter sur les mêmes particularismes que pour les organisations religieuses.

Particularismes de l’Investissement Chrétien40

Respect de la foi : Non seulement les organisations religieuses croient qu’il est important d’incorporer les croyances religieuses dans leurs investissements, dans une large mesure, ils pratiquent également l’investissement conforme à la foi.

Au-delà du rendement : les organisations religieuses sont davantage motivées par l’impact qu’elles peuvent avoir sur le comportement de l’entreprise ou la société que par les rendements financiers.

La foi comme identité de l’investisseur : les organisations religieuses se mélangent difficilement avec la communauté générale de l’ISR. Cependant, les activités ne diffèrent pas beaucoup de celles de la communauté des investisseurs responsables.

« Impact Investing » revitalisé : les organisations religieuses ont une légère préférence pour investir dans des projets ou des entreprises qui font du bien, plutôt que d’adopter une approche « best in class »41 ou d’exclusion.

Relativisme économique : les sciences économiques ne sont pas considérées comme de véritables sciences mais comme un instrument qui peut être mis au service d’idéaux42.

Section 2.

Une finance chrétienne ?

6. La religion chrétienne, symbolisée par l’agneau christique, et la finance, symbolisée par le veau d’or, se connaissent intimement et à telle enseigne qu’elles se confondent parfois dans le vocabulaire usuel ou technique. Par exemple, en langue anglaise, on emploie le terme « redemption » pour désigner le remboursement d’une dette financière ; en allemand, les notions de « culpabilité » et de « dette » sont désignées par « Schuld »43 ; en français, on « rachète ses fautes ». En latin, la prière enseignée par Jésus, le Pater Noster, se réfère au terme « debita », et le « credo » et « crédit » ont la même étymologie. Plusieurs paraboles illustrent explicitement cette affinité. Dans celle de la drachme perdue, le repentir et l’expiation reviennent, par analogie, à encaisser une pièce de monnaie : dans le premier cas, le passif est diminué, dans le second, l’actif est augmenté, ce qui est équivalent sur le plan comptable. Le concept de « péché » est ainsi étroitement lié au concept de « dette » morale envers le rédempteur qui a, par sa crucifixion, « racheté » le genre humain44.

7. Le parallélisme entre mécaniques spirituelle et financière frappe par sa fréquence et sa prégnance. Alors pourquoi cette hostilité réciproque et cet antagonisme a priori irréconciliable ? La Bible contient des condamnations univoques à ce sujet, notamment : « Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon »45. Réciproquement, les grands argentiers de Wall Street ou de la City rendent régulièrement la monnaie de la pièce en finançant des intérêts ou des idéologies religiophobes. Les deux maîtres, Dieu et Mammon, apparaissent ainsi bien en concurrence dans le champ de l’action comme si, mis côte à côte, le veau d’or et l’agneau christique devaient ruer dans les brancards. En réalité, leur opposition n’est pas systématique. Le spirituel vise certes « l’enrichissement » intérieur et le financier la richesse extérieure mais, en pratique, le for intérieur et l’enveloppe extérieure se confondent. Pour filer la métaphore platonicienne : l’âme de l’Homme et de la Société serait comme un cocher conduit par un attelage ailé ; d’un côté, un veau d’or paré de pierres et, de l’autre, un agneau éthéré paré de lumière, l’un faisant irrémédiablement tomber le char vers les plaisirs instantanés et l’autre travaillant, au contraire, à le maintenir près des cieux éternels.

8. Et la Bible instaure un dialogue constant entre le cocher, le veau et l’agneau et n’est pas avare en paraboles où les réalités spirituelles sont expliquées à partir de situations financières concrètes (p. ex. les paraboles des deux débiteurs, des talents, du riche insensé, de l’intendant fidèle et prudent, du trésor caché, de l’intendant infidèle). Évidemment, c’est le message spirituel qui est central pour le Chrétien. Toutefois, le raisonnement financier qui sert de base à l’analogie devient, pour le Financier, digne d’enseignements pour une pratique financière éthique solaire46. Au surplus, les autres passages de la Bible, qui ne visent pas littéralement des activités économiques, sont sources de préceptes et de valeurs. Même lorsque la Bible ne parle pas de finance, des conseils lumineux transparaissent en termes de respect de la vie, de générosité ou d’abnégation. Et l’Église a, sans interruption, eu des positions sur les sujets économiques et financiers (p. ex. la prohibition de l’usure, la protection des pauvres). Ainsi l’encadrement éthique des activités financières et le développement récent de finances durable et sociale trouve-t-il des relais profonds dans la sphère spirituelle. Car le veau a beaucoup à apprendre de l’agneau et il est dans l’intérêt du cocher de les coordonner.

9. Pourrait-il se faire que les Saintes Écritures révélassent des principes financiers éthiques ? Sur le fond, très certainement. Mais sur la forme, l’agneau n’est pas fait d’or mais de lumière, et le signifiant « finance chrétienne » apparaît, en grande partie, contestée. L’Église romaine, soucieuse de l’esprit de charité, s’est montrée jusqu’à présent peu encline à accoler l’épithète « chrétien » au nom « finance » et préfère les termes « finance sociale ou RSE » (impact investing), voire de « finance basée sur la foi » (faith-consistent investment). L’expression de « finance catholique », pour commode qu’elle soit, serait inadéquate pour décrire ce que l’Église entend promouvoir comme type de finance « car les critères mis en avant par l’Église catholique (romaine) s’agissant du monde de la finance ne sont pas confessionnels, mais éthiques »47. En outre, il a longtemps été affirmé que la Bible ne comportait pas de « structures économiques, sociales, juridiques révélées »48. Par conséquent, la finance ne peut être « chrétienne », au regard de sa substance. D’autres raisons permettent de comprendre ce rejet, notamment la crainte d’« effrayer » ou de « communautariser ». L’antagonisme entre une finance chrétienne et une finance non-chrétienne ferait obstacle à la vocation universelle de l’Église et à son idéal réconciliateur.

10. Cependant, ces objections, outre qu’elles rappellent parfois la pastorale de l’enfouissement49, apparaissent peu pragmatiques aux yeux de certains laïcs et praticiens, surtout dans le contexte de déchristianisation de l’Europe et de globalisation des échanges. Ces dernières années ont ainsi vu l’utilisation de l’expression « finance chrétienne » émerger de façon plus ou moins souterraine, sous l’impulsion de fidèles désireux d’une finance clairement identifiable dans ses finalités et son identité. Depuis 2013, par exemple, on trouve sur l’encyclopédie en ligne de référence (Wikipédia) des pages dédiées à la finance chrétienne en anglais, français, allemand, italien et arabe. Les médias se sont également emparés du concept50. De façon plus anecdotique, Monsieur Ernst von Freyberg, président du Conseil de surveillance de l’IOR, l’a employé dans une déclaration publique51. Les acteurs financiers semblent de moins en moins effrayés, même en France, pays très attentif à la neutralité religieuse, où le groupe financier Arkéa fonda, en 2017, le comité « Princificat » (contraction de « principes financiers catholiques »). D’autres initiatives, à travers le monde, en faveur d’une finance ouvertement chrétienne tendent à se multiplier où, à chaque fois, le veau d’or épouse l’esprit et le nom de l’agneau. Mais, souvent, c’est sous les termes « faith-based investment » ou « faith-consistent investment » (en français, « investissements conformes à la foi ») qu’on trouve le plus de résultats sur la Toile.

Section 3.

Définition

11. La finance chrétienne peut être décrite, de façon imagée, comme ayant pour but d’être plus morale que la finance représentée dans le « Loup de Wall Street »52. C’est une finance qui applique des critères éthiques et moraux afin de conjurer la spéculation à tout va, les rémunérations indécentes, ou les investissements où l’Homme se trouve réduit à une variable comptable. Le banquier, au lieu d’être un prédateur, est alors un contributeur élémentaire du Bien Commun et de l’intérêt général. Il place l’argent, non pas sur les grosses entreprises du Dow Jones, mais de préférence sur des PME ou des sociétés de petite taille afin de promouvoir un développement à échelle humaine. Il n’investit pas non plus sur des sociétés du type Ashley Madison qui font la promotion de l’infidélité, ou des sociétés qui polluent et détruisent l’environnement de manière irrémédiable. Le banquier, qui appartient à une banque chrétienne, n’exige pas des rendements de 10 % et ne se gargarise pas de la flambée des métaux ou de l’augmentation du prix de l’immobilier. Au contraire, le banquier de la finance chrétienne veut promouvoir le développement de tout Homme et de tout l’Homme, conformément au souhait de l’Église. Il veut que les biens de consommation élémentaires soient rendus accessibles au plus grand nombre. Il veut que le développement soit durable mais également vertueux et que les plus-values ne servent pas seulement à l’enrichir personnellement mais aussi à aider les autres, notamment, en favorisant le micro-crédit au profit des populations défavorisées, ou en faisant une donation à une association humanitaire pour lutter contre l’illettrisme ou pour aider les personnes souffrant d’un handicap53.

12. Sur le plan académique, sans doute en raison de la controverse sur le signifiant, il est délicat de trouver des travaux qui explorent rigoureusement le signifié (concept). La « Charte fondamentale de la finance éthique chrétienne » propose une définition conceptuelle. Publiée le 15 août 2015 par l’Observatoire de la finance chrétienne, cette charte a été rédigée par des laïcs financiers, juristes et universitaires européens qui se sont donné, eux-mêmes, voix au chapitre. Disponible en plusieurs langues, elle se veut être une synthèse des pratiques et principes financiers chrétiens recensés à travers le monde. Selon son article premier : « Doivent être identifiés comme faisant partie du domaine de la Finance Éthique Chrétienne, l’ensemble des acteurs, activités, produits, comportements, concepts et organisations, relevant du secteur bancaire, financier ou assurantiel, respectueux des Principes Fondamentaux exposés [dans ladite Charte] ». Cette définition appelle plusieurs remarques.

13.Un concept éthique et économique. La finance chrétienne n’est, certes, pas considérée comme un syntagme théologique. Ce nonobstant, les sources de la finance chrétienne sont duales sur le plan conceptuel et vont puiser tant dans les écrits théologiques (y compris les textes de la Bible et le magistère de l’Église) que dans ceux des sciences sociales (économie, droit, etc.), et on est tenté de conclure à sa nature hybride. Toutefois, le père Dom Pascal-André Dumont a objecté que la finance catholique ne correspondait pas à des activités financières « confessionnelles » mais « éthiques », et on comprend que cela suffise à exclure la référence au catholicisme. Cette distinction fondée sur la différence entre morale (« confessionnel ») et éthique, deux concepts ambivalents54, se comprend mieux si, premièrement, la morale se rapporte à des absolus, négatifs, irrationnels, d’ordre théologique et, deuxièmement, l’éthique à des raisonnements, positifs, rationnels, d’ordre philosophique (conséquentialisme, déontologisme, éthique de la vertu, voy. infra, nos 259 à 266). Une alternative apparaît alors : soit la substance du concept de finance chrétienne ne serait pas seulement éthique si les motivations profondes (Charité, Espérance, Foi) ou la finalité poursuivie (le Salut des âmes) à l’origine de cette finance sont transcendantales (proposition no 1) ; soit la substance du concept serait seulement éthique s’il est fait fi de ces aspects surnaturels et qu’elle se définit par sa seule finalité éthique, c’est-à-dire la poursuite du Bien Commun. La finance chrétienne ne viserait alors nullement l’évangélisation mais le développement intégral de tout Homme et de tout l’Homme (proposition no 2). Cette seconde proposition semble largement corroborée par la pratique et la doctrine. En effet, dans la plupart des cas, on peut très bien ne pas être chrétien et faire de la « finance chrétienne » ou, inversement, être chrétien et ne pas faire de « finance chrétienne ». Mais la justesse de la première proposition ressurgit avec le concept « Christian faith-based investment » (investissement fondé sur la foi chrétienne) si c’est la foi qui motive et conditionne la praxis financière55 et si la question du « pourquoi » prend le pas sur celle du « comment »56 conformément aux Particularismes de l’Investissement Chrétien exposés ci-dessus. Enfin, si l’éthique (normative ou réaliste) et le confessionnel s’excluent absolument, comment expliquer l’existence d’une éthique chrétienne57 ?

14. La question de la nature ontologique de la finance chrétienne, peut rappeler un débat plus ancien qui eut cours au sujet de la « philosophie chrétienne ». De nos jours, l’expression « philosophie chrétienne » est aussi rare dans les milieux universitaires athées58 que dans les encycliques papales59. Son bien-fondé serait largement contesté, la philosophie excluant par définition tout lien avec les dogmes. D’ailleurs, il n’existerait pas de « physique ou de chimie ou de géométrie chrétienne »60. Parmi les thuriféraires qui soutiennent, au contraire, l’existence d’une philosophie chrétienne : d’une part, certains la considèrent comme un acte de la raison pure, sans lien avec les dogmes chrétiens, mais qui leur devient rattaché dès lors qu’il tend à démontrer leur pertinence et à conduire jusqu’à la foi (M. Blondel) ; d’autre part, elle est vue comme inhérente à la théologie chrétienne parce que celle-ci créerait elle-même des concepts philosophiques (p. ex. création, nature, péchés61) pouvant engendrer cet acte de la pensée, et la philosophie elle-même peut être irriguée à sa source par la théologie (J. Maritain, N. Berdiaeff, M. Bosterud)62. Rapporté à la « finance chrétienne », il fait peu de doute que celle-ci soit irriguée par la théologie sociale et l’herméneutique. Ceci dit, il peut être considéré que les deux ordres restent distincts bien que la relation qui les unisse soit intrinsèque. Pour paraphraser Jacques Maritain au sujet de la philosophie chrétienne, la finance chrétienne, prise en elle-même, que ce soit dans une tête païenne ou dans une tête chrétienne, relèverait de critères « intrinsèques strictement naturels ou rationnels », et la dénomination chrétienne appliquée à la finance ne serait ainsi « dépendante de la foi chrétienne ni dans son objet, ni dans ses principes, ni dans ses méthodes »63. En d’autres termes, la finance chrétienne serait alors, avant tout, un concept de la raison pure, de nature éthique et économique.

15.Un concept social téléologique. La finance chrétienne vise un but social et éthique (la recherche du Bien Commun) et mobilise des moyens économiques à cette fin (prêts, investissements, etc.). Au regard de la typologie financière existante, une analyse sommaire des « principes fondamentaux » visés par la Chartre citée ci-dessus atteste que la finance chrétienne est, techniquement, une finance dite « éthique » qui cumule, à la fois, les critères de la finance dite « durable » (« finance ISR ») et ceux de la finance sociale, notamment la « finance solidaire ». De plus, elle peut ajouter d’autres critères éthiques spécifiques à la religion chrétienne et à sa définition de la dignité humaine. En d’autres termes, la finance chrétienne peut être qualifiée, techniquement, comme un sous-genre de la finance durable et solidaire. Les concepts juridiques et économiques qui sous-tendent la finance chrétienne sont généralement similaires à ceux de la finance durable et solidaire et, plus récemment, de l’impact investing.

16. Il convient de préciser, pour faciliter l’analyse, que les éléments constitutifs du concept de finance chrétienne peuvent être classés selon trois catégories : des acteurs financiers (dimension personnelle ou ratione personae), des principes encadrant des activités financières (dimension éthique ou ratione principiorum) et des opérations financières elles-mêmes (dimension réelle ou ratione rei). Cependant, la finance chrétienne ne se résume pas à l’union de ces éléments mais se définit, comme nous l’avons dit, plutôt au regard de sa finalité : la recherche du Bien Commun64. La finance chrétienne est ainsi, par définition, nécessairement conforme à des objectifs généraux de justice, de respect mutuel, de saine gestion et d’honnêteté. Les vertus de charité, de force, de prudence et de tempérance l’innervent sans relâche. Et elle vise obligatoirement à favoriser la dignité de la personne humaine, le Bien Commun et la solidarité, dans le respect du principe de subsidiarité. Elle encourage, en toute hypothèse, un développement durable et vertueux65.

17.Au minimum, un syntagme étendard et structurant. Comme exposé précédemment, le concept fait l’objet de controverses doctrinales au regard de la référence chrétienne. Le qualificatif « chrétien » dérange et de nombreux acteurs financiers chrétiens préfèrent se référer à une finance éthique qui ne donne pas son nom et où le veau d’or épouse l’esprit mais pas le nom de l’agneau. Ils voient alors dans la finance chrétienne un « concept marketing » plus qu’un concept ontologique. Les promoteurs le regardent, au contraire, comme une modalité, inhérente au christianisme et fondamentale pour développer une finance véritablement désireuse du Bien Commun. Peut-être qu’un tel débat théorique sur le signifiant (l’expression) n’est pas fondamental tant qu’il ne dénature pas le signifié (le concept) et on pourrait, tout aussi bien, le nommer « finance fondée sur la foi chrétienne » (Christian faith-based finance) ou « finance conforme à la foi chrétienne » (Christian faith-consistent finance) ou encore « finance du veau agnelé ». En revanche, même si elle n’est pas de facto la plus répandue, l’expression « finance chrétienne » nous paraît effectivement commode car elle est explicite et concise ; elle permet de désigner clairement les activités financières qui se conforment à l’éthique ou à la foi chrétienne, peu importe qu’il s’agisse plus techniquement de finance solidaire, d’impact investing, ou d’ISR de conviction, et de faire le lien entre une finance éthique vertueuse et le christianisme. De surcroît, la finance chrétienne, en n’étant pas ostensiblement désignée de « chrétienne », souffrirait d’un manque patent de visibilité médiatique. Les consommateurs et investisseurs, non éclairés sur l’existence de cette finance alternative, continueraient à s’adresser aux entreprises responsables des maux d’hier et cautionnerait, de ce fait, des investissements controversés.

18. Sans trancher ce débat, pour notre part, et pour plus de clarté, nous distinguerons selon que les acteurs, principes et activités constituant ladite « finance chrétienne » se réfèrent explicitement et ostensiblement, ou non, à des préceptes chrétiens, sans que cela n’emporte de jugement de valeur sur le fond et les motivations. C’est seulement en présence de références explicites que, dans le présent ouvrage, on parlera de « finance chrétienne » stricto sensu. À défaut, l’expression « finance chrétien-compatible » paraît plus appropriée dans la mesure où l’éthique sous-jacente reste indéterminée et ses relations avec la religion controversées. Aussi doivent être considérés comme « chrétien-compatibles », les principes financiers qui partagent des finalités similaires aux principes financiers chrétiens (désignés « principes chrétien-compatibles ») et les acteurs financiers et les opérations financières qui se conforment, à tous les niveaux, à des principes chrétien-compatibles (désignés respectivement « acteurs chrétien-compatibles » et « opérations chrétien-compatibles »).

Finance chrétienne

Définition

Dimension personnelle

Dimensionéthique

Dimensionréelle

Périmètre

Acteurs financiers ostensiblement chrétiens

Principes financiers ostensiblement chrétiens

Opérations financières ostensiblement chrétiennes

Stricto sensu

Lato

sensu

Acteurs financiers

chrétien-compatibles

Principes financiers

chrétien- compatibles

Opérations financières

chrétien- compatibles

19.Un concept faîtier. Les « principes fondamentaux » auxquels se conforme la finance chrétienne, selon la charte de 2015, proviennent de la synthèse des principes établis par les différentes Églises composant la Chrétienté de part en part, qu’elles soient catholiques romaines, réformistes, orthodoxes ou d’autres sensibilités et quelle que soit la région du monde d’où elles sont issues. En réalité, le concept désigne donc moins « une » finance chrétienne que « plusieurs » finances chrétiennes avec toute leur diversité. Par exemple, certains chrétiens ont pour tradition de ne pas investir dans l’alcool, les paris, le tabac ou l’armement. D’autres traditions n’ont aucun problème avec cela66. Qui plus est, des divergences peuvent surgir au sein même d’une tradition, d’un pays à l’autre. Aussi, un rapport mettait-il en évidence, en 2010, l’homogénéité des opinions d’investissement des institutions religieuses et l’hétérogénéité des pratiques67. À l’inverse, force est de constater de nombreux points de convergence éthiques entre les cultures, qui seraient les expressions d’une sagesse morale commune68. La finance chrétienne est, en d’autres termes, un concept synthétique fondamentalement œcuménique (malgré sa nature essentiellement éthique), aux contours universaux, qui regroupe toutes les manifestations passées, présentes et futures des finances chrétiennes.

Section 4.

Plan de l’ouvrage

20. S’il est avéré que la Bible n’est pas un manuel de comptabilité et que les Églises n’ont, pour le moment, pas encore établi de corpus de règles techniques pour organiser les activités financières au niveau transactionnel69, malgré cela, force est de constater qu’il existe bien, à notre époque, de multiple acteurs, activités et principes éthiques financiers qui relèvent du christianisme, et qui complètent la gamme des finances éthiques.

21. Afin de donner un aperçu général, historique et contemporain, de ce que représente la finance chrétienne, dans ses trois dimensions, seront tout d’abord présentés, de façon large, les principaux acteurs financiers chrétiens (Partie I), puis recensés et analysés les principes financiers chrétiens (Partie II), et enfin, seront décrites plusieurs opérations financières chrétiennes (Partie III).

2. « Ars acquirendi pecunias ».

3. Aristote oppose la finance à l’économie. Celle-ci aurait pour objet l’acquisition des richesses naturelles (agriculture, métallurgie, etc.), celle-là serait l’art de fournir à l’économe l’argent dont il a besoin (ARISTOTE, Politique I, Marietti, no 98). Mais aujourd’hui la finance semble avoir acquis une dimension plus large.

4. Les créances et valeurs peuvent aujourd’hui porter sur des biens corporels mobiliers (denrées alimentaires) ou immobiliers (résidences…) ou des biens incorporels (créances, brevets…).

5. On peut distinguer plusieurs grandes catégories de risques (naturels, économiques, sociaux). La protection contre les risques a lieu financièrement au moyen de stratégies de couverture ou de transfert des risques (p. ex. CDS, dérivés de crédit, titrisation). Il existe même des couvertures de couverture (ABS²…) qui sont traités par les financiers et non pas les assureurs.

6. P. ex. le risque de défaut des acteurs économiques pour rembourser leurs emprunts (bancaire ou sur les marchés).

7. P. ex. le risque de marché, qui consiste au risque de fluctuation boursière et de perte de valeur des instruments financiers en cotation.

8. On peut soutenir que les activités financières existent depuis que l’argent ou les titres de créance existent. On a retrouvé en Mésopotamie des tablettes en argile datant du deuxième millénaire avant notre ère sur lesquelles étaient gravées des transactions portant sur des produits agricoles ou des métaux (N. FERGUSSON, The ascent of money – a financial history of the world, penguin books, Londres, 2009, p. 28). Ces tablettes n’étaient pas constituées de métaux précieux, néanmoins le droit de créance qu’elles incorporaient, leur attribuait la même fonction que la monnaie métallique, au sens où elles servaient elles-aussi de moyen de paiement (à la façon d’effets de commerce ou de chèques).

9. Ce sera pour partie à l’origine de la première révolution industrielle (cf. F. BRAUDEL, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, vol. 3, Paris, Armand Colin, 1986).

10. C’est par elle que transitent les flux monétaires et les titres de créance, au travers des banques, ou des marchés financiers, des assureurs, des sociétés de gestion. En 2011, il y avait 600 sociétés de gestion en France gérant 1 226 Mrd EUR (AMF, Faits & chiffres 2011, p. 10 [www.amf-france.org/documents/general/10470_1.pdf]). En France, le secteur de la finance emploie un peu moins d’1 million de personnes (secteurs public et privé confondus). Il représente environ 4,5 % du PIB en France et en Allemagne, contre 15 % au Royaume-Uni.

11. Les informations financières diffusées de façon simultanée aux quatre coins du monde par internet et les médias financiers permettent de connaître, grâce à de multiples indicateurs économiques, la santé financière des entreprises commerciales, des États, des ménages. Par ailleurs, les risques politiques (p. ex. guerres), les produits culturels (marché d’art, le vin, etc.), tout intéresse la finance de sorte qu’elle se mêle de tout, tout le temps.

12. De nombreuses personnes politiques proviennent du secteur de la finance. Par ailleurs, la finance a une influence sur les politiques publiques (par le biais de la dette publique, du financement de l’économie et de l’orientation des investisseurs), et peut faire chuter des gouvernements politiques, voire mettre des pays en situation de défaut (p. ex. crise grecque).

13. De chrèmatistikos, qui concerne la gestion ou la négociation des affaires et plus particulièrement les affaires d’argent.

14. « Il y a deux finances : la première est dite monétaire, parce qu’elle acquiert de l’argent avec de l’argent, et en vue de cet argent lui-même ; l’autre finance est dite économique, qui acquiert de l’argent à partir des choses naturelles, comme les fruits (de la terre) et les animaux, comme il a été dit : Cette dernière finance est nécessaire à la vie des hommes, et donc elle est louable : l’autre, au contraire, la monétaire passe de ce qui est nécessaire à la nature à ce que réclame la concupiscence, comme il a été dit plus haut, et donc il est juste qu’elle soit condamnée. Cette finance, en effet, n’est pas conforme à la nature, parce qu’elle n’est ni tirée des choses naturelles, ni ordonnée à suppléer à la nécessité de la nature, mais elle procède uniquement par l’échange de deniers ; à savoir que l’homme gagne de l’argent à partir de l’argent » (Commentaire du traité de la politique d’Aristote par saint Thomas d’Aquin).

15. Les défauts massifs des emprunteurs américains ayant résulté de facteurs purement techniques dus à la montée des taux d’intérêt conjuguée à la chute du prix de l’immobilier américain, alors que celui était constitué en garantie des prêts.

16. C’est le facteur humain, composé de personnalités et d’organisations (économistes, professionnels de la finance, autorités publiques) qui se sont rendus coupables d’avoir conçu ou autorisé ces mécanismes financiers programmés pour aboutir un jour mécaniquement au krach. Aujourd’hui, il est unanimement reconnu que la crise résulte de prime abord des décisions qui ont abouti à la dérégulation des marchés financiers et ont permis une cupidité illimitée des opérateurs. C’est le facteur humain personnifié par des individus en quête de profit immédiat qui apparaît comme la véritable origine de la crise.

17. P. ex. la crise du blé. En juillet 2008, l’indice FAO des prix alimentaires mondiaux avait en effet grimpé de 6 %, porté par la flambée des cours du blé, du maïs et du soja (A. BOLIS, « La spéculation coupable de la flambée des prix des aliments ? » in Le Monde, 13 septembre 2012).

18. Ils sont nombreux les Jérôme Kerviel à avoir vu dans un attentat terroriste, un cataclysme, une guerre ou de mauvais indicateurs économiques une opportunité de spéculer à la baisse. La perte de valeurs morales des traders a été dénoncée par les financiers eux-mêmes, comme Nomi Prins qui a décrit la totale inhumanité des négociateurs qui continuaient de spéculer le jour de l’attentat du 11 septembre 2001 (M. ROCHE, J. Fritel, Goldman Sachs – La banque qui dirige le monde (75 minutes), France, 4 septembre 2012 [1re diff. Arte]). Cette immoralité est d’autant plus choquante pour les peuples que sont apparus des liens consanguins avec le pouvoir politique. Suite à leur renflouement par la FED, les banques états-uniennes ont parfois été décrites comme des « mafias subventionnées par le gouvernement » (L. Lyster – N. Prins, capital account (entrevue), RT America, 29 novembre 2011), alors qu’en parallèle éclatèrent plusieurs scandales mettant en cause soit des banques de réputation internationales (p. ex. Goldman Sachs s’agissant des produits ABACUS [SEC release, SEC Charges Goldman Sachs With Fraud in Structuring and Marketing of CDO Tied to Subprime Mortgages, 16 avril 2010, www.sec.gov] ou Barclays sur des manipulations du Libor), soit des dirigeants ou anciens dirigeants financiers (p. ex. Madoff, Strauss-Kahn).

19. L’amoralité des acteurs financiers est parfois désignée, économiquement, par les expressions « risque moral » ou « aléa moral ». Techniquement, l’aléa moral désigne plutôt la déresponsabilisation des acteurs financiers qui, étant protégés par des barrières juridiques ou financières, adoptent des comportements plus risqués susceptibles d’être dommageables à la collectivité.

Pour le sujet qui nous intéresse, il s’agit plutôt « d’éthique » ou de « moral » qu’il est question, pris comme synonymes, en tant qu’ils concernent « le sens des actes, la nature des normes qui les guident, les objectifs qu’ils poursuivent, les limites qui les bornent », et qu’ils désignent « l’ensemble de jugements relatifs au bien et au mal, comme valeurs absolues ou transcendantes, destinées à régir la conduite des hommes » (B. BOUQUET, Éthique et travail social – Une recherche du sens, 2e éd., Paris, Dunod, 2012, p. 12-13). L’aléa moral ne semble être qu’un cas particulier de « structures de péché financier ».

20. En janvier 2017, l’Initiative Finance du Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP FI) a lancé, avec un groupe de banques et d’investisseurs représentant 6 600 milliards de dollars, des « Principes pour la Finance à Impact Positif ». Ces principes visent à « diriger les centaines de milliards de dollars gérés par les banques et les investisseurs » vers le financement des Objectifs de Développement Durable.

21. P. ex. rémunération des négociations, fonds propres, compensation des produits dérivés.

22. E. TERAZONO, « FCA warns on risk of commodity trading market abuse » in Financial Times, 4 septembre 2015. Ainsi, le prix nobel d’économie Joseph E. Stiglitz pouvait toujours déclarer en septembre 2012 que « les marchés ont un pouvoir énorme mais ils n’ont pas un profil moral intrinsèque » (Joseph E. STIGLITZ : « Plus une économie est inégalitaire moins elle est efficace » (entrevue), B. BASINI in Le Journal du Dimanche, 2 septembre 2012).

23. L’équivalent, en forêts, de la surface de la Belgique disparaît chaque année.

24. Le Global Peace Index de 2017 indiquait une déterioration sensible des conditions de paix dans le monde.

25. Ainsi, 43 % des lions ont disparu depuis 1993. Le 21 mars 2018, le dernier mâle rhinocéros blanc a été euthanasié.

26. D. MARLIN, « Millennials, This is how artificial intelligence will impact your job for better and worse », Forbes, 16 janvier 2018.

27. Congrégation pour la Doctrine de la Foi et al., Oeconomiae et pecuniariae quaestiones, 17 mai 2018, no5.

28. H. CONDÉ PIQUER, Les investisseurs en quête d’impacts. Stratégies, innovations et défis, étude Novethic, septembre 2017.

29. Voir le site de la conférence : www.viiconference.org.

30. P. ex. E. HARRIS, « Pursue the common good, not allure of money, Pope tells finance students » in Catholic news agency, 19 octobre 2017.

31. BENOÎT XVI, Lettre encyclique « Caritas in veritate », in La Documentation catholique, 106 (2009), p. 776.

32. Ceci témoigne de l’ampleur que prend ce mouvement au sein de la communauté catholique depuis la publication de l’encyclique papale Laudato Si. Parmi les institutions, on peut noter la présence de l’une des premières banques catholiques, la Banque allemande pour l’Église et Caritas, et de Oikocredit, un des plus gros opérateurs de micro-crédit au niveau mondial, présent sur les marchés français de l’épargne solidaire et du micro-crédit.

33. C. ALVAREZ, « 35 nouvelles institutions catholiques, dont le secours catholique, désinvestissent les énergies fossiles », Novethic, 22 avril 2018.

34. Voir le texte « Oeconomicae et pecuniariae quaestiones » publié en mai 2018 par la Congréation pour la Doctrine de la Foi et le Dicastère pour le Service du Développement Intégral.

35. BENOÎT XVI, « Discours au Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège », 8 janvier 2007.

36. M. PALMER et al., Faith-Consistent Investing and the Sustaible Development Goals, 2016, p. 12.

37. B. RIAZAT, « Ban Ki-moon urges religious leaders to “act boldly” to protect people and planet » in The guardian, 3 novembre 2009.

38. B. J. GRIM, « Religion may be bigger business than we thought. Here’s why », World Economic Forum, 5 janvier 2017.

39. T. M. JOHNSON et al., « Christianity 2015 : Religious Diversity and Personal Contact » in International Bulletin of Missionary Research, vol. 39, no 1, 2015.

40. K. VAN CRANENBURGH et al., From Stewardship to Power – Religious Organisations and their Investment Potentials, 2014, p. 11.

41. Dans le cadre de l’Investissement Socialement Responsable (ISR), l’approche Best-in-class est un type de sélection ESG consistant à privilégier les entreprises les mieux notées d’un point de vue extra-financier au sein de leur secteur d’activité.

42. M. PALMER et al., « Faith-Consistent Investing and the Sustaible Development Goals », mars 2017, p. 14.

43. Cette proximité entre finance et religieux a peut-être des origines préchrétiennes. Dans la culture germanique, en ancien haut allemand (Althochdeutsch), la chose/personne sacrifiée au cours d’un culte rendu à une divinité se disait « geld » et en anglo-saxon « gild ». L’argent qui se dit en allemand contemporain « das Geld » serait donc par nature indissociable d’un culte voué à la divinité. Ces correspondances n’ont pas abouti, pour autant, à la consécration pleine et entière d’une « finance chrétienne ».

44. Voir également, F. NIETZSCHE, La généalogie de la morale, 1887, dissertation 2 : « le concept moral essentiel “faute” (Schuld) tire son origine de l’idée toute matérielle de “dette” (Schulden) ».

45. Matthieu 6:24.

46. Voir également, P. DE LAUZUN, Finance : un regard chrétien – de la banque médiévale à la mondialisation financière, Paris, Embrasure, 2013, p. 13.

47. Dom Pascal-André Dumont affirme ainsi que « l’expression de “finance catholique”, pour commode qu’elle soit, est inadéquate pour décrire ce que l’Église catholique entend promouvoir comme type de finance. Car les critères mis en avant par l’Église catholique s’agissant du monde de la finance ne sont pas confessionnels, mais éthiques. Ce qui préoccupe l’Église catholique s’agissant de la finance est qu’elle soit au service de l’homme, de tout homme et de tout l’homme. Il n’est pas spécifiquement catholique de dénoncer, comme le fait le pape François, l’idolâtrie de l’argent et la “dictature de l’économie dépourvue de visage et d’objectif véritablement humain”. Si l’Église catholique s’engage ainsi pour une finance dont l’humain soit le centre, c’est en tant qu’ “experte en humanité”, comme le disait le pape Paul VI : le but de l’Église catholique n’est donc pas de constituer une “finance catholique”, mais de promouvoir tout ce qui peut contribuer à réconcilier finance et dignité de l’homme, par-delà les différences confessionnelles ».

48. « Dans le Judaïsme ou dans l’Islam, la doctrine religieuse embrasse les domaines du droit et de la morale. Il y a alors des structures économiques, sociales, juridiques révélées. On a pu parler d’une doctrine économique d’Israël. Mais le christianisme témoigne contre une telle conception. (…) L’objet du message chrétien, c’est le salut des âmes, non l’organisation des sociétés » (D. VILLEY, « L’économie de marché devant la pensée catholique » in Rev. éco. politique, nov.-déc. 1954).

49. L’Europe connut un mouvement d’abandon des références chrétiennes dans la sphère politique dès le milieu de XXe siècle. Par exemple, en France, la Ligue ouvrière chrétienne née du catholicisme social qui choisit, en août 1941, de changer de nom, devenant, pour mieux « pénétrer la masse ouvrière », le « Mouvement populaire des familles ». Le même problème toucha la CFTC qui se scinda en deux mouvements (CFDT et CFTC maintenue). Cependant, dès le pontificat de Jean-Paul II, cette pastorale a été corrigée, en invitant notamment les écoles à faire une annonce explicite de l’Évangile. Ainsi, en 2013, Mgr Castet, évêque de Luçon, déclara : « Le temps de l’enfouissement est dépassé. La foi des chrétiens doit savoir se faire entendre et participer au débat public ».

50. R. SANDERSON, « Giovanni Bazoli, chairman, Intesa Sanpaolo » in Financial Times, 23 février 2014.

51. A. GAGLIARDUCCI, « Vatican bank releases balance sheet, continues reform » in Catholic news agency, 8 juillet 2014.

52. Le « Loup de Wall Street » (The Wolf of Wall Street) est un film américain réalisé par Martin Scorsese, sorti en 2013. Inspiré d’une histoire réelle, il raconte l’ascension d’un courtier en bourse – Jordan Belfort – interprété par Leonardo DiCaprio, vers la gloire, la fortune…

53. A. CUNY DE LA VERRYÈRE, « De l’apport de la finance chrétienne » in La Tribune, 26 août 2015.

54. « Faut-il distinguer entre morale et éthique ? À vrai dire, rien dans l’étymologie ou dans l’histoire de l’emploi des mots ne l’impose : l’un vient du grec, l’autre du latin, et les deux renvoient à l’idée de moeurs (ethos, mores) ; on peut toutefois discerner une nuance, selon que l’on met l’accent sur ce qui est estimé bon ou sur ce qui s’impose comme obligatoire. C’est par convention que je réserverai le terme d’“éthique” pour la visée d’une vie accomplie sous le signe des actions estimées bonnes, et celui de “morale” pour le côté obligatoire, marqué par des normes, des obligations, des interdictions caractérisées à la fois par une exigence d’universalité et par un effet de contrainte. » (P. RICOEUR, Soi-même comme un autre, septième étude, 1990, Points Essais, no 330).

55. Selon Aristote, la praxis a une finalité interne à l’action, non séparable de l’action (« Le fait de bien agir est le but même de l’action. »).

56. M. PALMER et al., « Faith-Consistent Investing and the Sustaible Development Goals », mars 2017, p. 10.

57. A. KAYAYAN, « L’Esprit de la loi – Éléments pour une éthique chrétienne et réformée », Foi et vie réformées, 1996.

58. P. GILBERT, « Actualité d’une philosophie chrétienne » in Raisons politiques, 2001, no 4, p. 17.

59. Voir notamment LÉON XIII, Lettre encyclique Aeterni Patris sur la philosophie chrétienne, 4 août 1879 ; JEAN-PAUL II, Lettre encyclique Fides et Ratio sur les rapports entre la foi et la raison, 14 septembre 1998.

60. N. LÉON, « La notion de philosophie chrétienne » in Revue néo-scolastique de philosophie, no 44, 1934, p. 341.

61. J. MARITAIN, « De la notion de philosophie chrétienne » in Revue néo-scolastique de philosophie, no 34, 1932, p. 165.

62. N. LÉON, op. cit., p. 343 ; M. BOSTERUD, J. M. VORSTER, « Reoriented Investment Protocol – a Christian-ethical perspective on investments » in In Skriflig, vol. 51, 2017, no 1.

63. J. MARITAIN, op. cit., p. 163.

64