From Moscow with love - Tome 1 - Ana Charlotte - E-Book

From Moscow with love - Tome 1 E-Book

Ana Charlotte

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Beschreibung

Entre mystères, amour et pouvoirs, Margaux se battra coûte que coûte pour découvrir la vérité.


En rentrant d'un séjour professionnel de deux ans en Afrique, Margaux reçoit une lettre écrite par son père, décédé huit ans plus tôt. Avec ses deux sœurs, elle décide d'accéder à son souhait en dispersant ses cendres en Russie, la terre de leurs ancêtres, et de partir en quête de ce secret de famille.

Au détour de plusieurs rencontres, elles vont prendre conscience du danger de leur identité tenue à rester cachée. Entre Mikhaïl, le fils d'amis de ses parents, et Alekseï, le mystérieux inconnu, Margaux devra se sacrifier afin de protéger ses sœurs.


Pour sa première saga, Ana Charlotte signe un roman poignant, mêlant passions, drames et trahisons, en plein cœur de la Russie.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Écrire a toujours été un exutoire pour Ana Charlotte, mais c'est devenu une passion après avoir écrit une trentaine d'histoires. Alors, au détour d'une aventure de trois ans en Afrique, elle a décidé de pousser ce rêve un peu plus loin en écrivant ses propres romances, remplies de rebondissements.



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Prologue

Autant que je m’en souvienne, j’ai toujours aimé voyager. Pendant ma plus tendre enfance, je passais chaque été avec mes parents, puis en famille avec mes sœurs, dans un pays différent. Leur plus grand vœu était de nous faire découvrir le monde, de nouvelles cultures. Tout simplement de nous ouvrir aux autres.

Je peux vous assurer que nous en avons vécu des choses invraisemblables.

Je me souviens notamment d’un jour, pendant un voyage au Sénégal, où nous devions passer sur un pont parsemé de trous. Il était à peine plus large que la voiture elle-même. Non, non, je ne suis pas marseillaise, mais je peux vous assurer que l’on ne roulait ni à deux véhicules sur ce pont ni à plus de dix kilomètre-heure. Sinon, c’était la noyade assurée. Bref, une structure semblable à du gruyère, rien de plus facile pour circuler.

Et ce jour-là, mon père a bien géré.

Nous sommes également partis en Chine. Un matin, nos parents ont testé notre résistance face au vide. Ils nous ont bandé les yeux le temps du trajet, puis ils nous ont abandonnées au milieu d’une passerelle en verre, suspendue à trois cents mètres, au-dessus du vaste canyon du Zhangjiajie. Imprononçable mais inoubliable !

C’était une expérience des plus vertigineuses. J’avais quinze ans à l’époque, Anna dix et Julia cinq.

Quels horribles parents, me diriez-vous ! Détrompez-vous, ils étaient formidables. Nous leur devons les plus beaux souvenirs de notre vie. Ils ont ainsi réussi à prouver au monde entier qu’il n’était pas impossible de concilier voyages et vie de famille. Nous nous sommes rendus sur tous les continents. Et même dans les pays les plus chauds, les plus rudes, les plus grands, les plus froids. Tous, sauf en Russie.

Encore aujourd’hui, à vingt-huit ans, j’ignore toujours pourquoi nous ne nous y sommes jamais aventurés. C’est un mystère que mon père semble avoir voulu emmener dans sa tombe.

Il est décédé à l’aube de mes vingt ans, d’un infarctus du myocarde, en pleine ascension du Machu Picchu. Il s’est effondré au sol, une fois au sommet. L’arrivée des secours fut pourtant assez rapide, mais il était déjà trop tard.

Ce jour-là, j’ai perdu mon confident, mon mentor. Le premier homme de ma vie.

Les années qui ont suivi, ma mère a décidé de ne plus s’éloigner de la civilisation, ne privilégiant plus que les grandes villes du monde. Peu à peu, j’ai cessé de passer mes vacances avec elles. Je ne vivais plus que pour mes cours. Une fois diplômée, je me suis consacrée à ma vie professionnelle. Je me suis notamment lancée dans l’interprétariat et la traduction. Ce n’était pas tous les jours facile, mais aujourd’hui je suis à la tête du département de traduction du Parlement européen. Il se situe à Luxembourg, capitale du pays éponyme.

En parallèle, je suis devenue secouriste bénévole, ce qui m’a permis de participer à de nombreux projets humanitaires. Mon père, qui était un grand chirurgien, m’a transmis ce besoin de me rendre utile et d’aider les autres.

Mais, dans tout ça, il y a toujours eu peu de place pour une vie amoureuse. Je ne suis pas isolée pour autant. J’ai des sœurs géniales, « attachiantes » comme on dit, et un formidable meilleur ami, Marc, qui est militaire dans une branche classée secret défense. Ce n’est pas comme si je ne côtoyais personne d’autre, mais cela se limitait souvent à la sphère professionnelle. Et je ne m’imaginerais jamais me mettre en couple avec un vieil ambassadeur ou tout autre diplomate, que je croise presque tous les jours. Sans oublier, que je suis une fervente adepte du « je ne couche pas avec un collègue ». J’ai tout de même voulu tester pour confirmer mon choix. Et ça a tenu six mois ! Record maximal de longévité d’une relation amoureuse, pour moi en tout cas.

Finalement, peut-être que je ne suis pas faite pour la vie à deux.

Je suis Margaux, bientôt trentenaire, une phobique de l’engagement et de l’abandon. Voici une super présentation pour une réunion des célibataires endurcis anonymes.

Toujours est-il que je suis de retour en France après deux ans d’expatriation en Afrique. Je suis revenue dans l’appartement que je m’étais acheté, pour vivre près de ma famille, tout en conservant une vie privée. Même si ce n’est qu’un quatre pièces, il n’a rien à envier à mon duplex luxembourgeois. Il est spacieux, silencieux, et la vue sur la forêt est à couper le souffle. C’est un « petit repaire nature » dans ce monde bien industrialisé.

En rentrant, j’ai reçu une drôle de « surprise », un courrier assez difficile. Vous savez, ce genre d’enveloppe qu’on ne veut pas ouvrir, parce qu’on a peur de ce que ça va nous révéler. Non, je ne parle pas du rappel des impôts ou d’une créance pour un crédit immobilier. Je parle de cette lettre reçue avec huit ans de retard. Celle avec une écriture identifiable entre mille : une lettre de mon père.

J’ai mis un peu de temps à réaliser qu’elle était bien réelle. Je n’ai pas osé l’ouvrir sur le coup, j’avais peur de son contenu. Pourtant, au bout de trois jours, l’impatience de la lire a pris le pas sur mes craintes.

Voici comment elle commence :

« Ma belle Margaux,

Je te regarde aujourd’hui et je m’émerveille en voyant avec quelle facilité tu dévores tes bouquins d’anapath’ et de pharmacologie. Je ne voulais pas t’influencer dans cette voie, mais je suis heureux et très fier que tu veuilles devenir médecin. Je sais que tu feras de grandes choses. »

Je ne peux m’empêcher de penser : « s’il savait ! »

Ne seriez-vous pas en pleine confusion ? Vous devez sûrement être en train de vous dire « mais elle n’est pas censée être traductrice ou quelque chose comme ça ? » C’est le cas, mais comme je vous l’ai dit, je me suis concentrée sur mes études. À dix-sept ans, j’ai eu mon baccalauréat scientifique, avec mention « très bien ». Je voulais suivre les traces de mon père, que j’admirais, alors je suis partie en faculté de médecine. J’ai brillamment réussi ma PACES1 ; et, croyez-moi, ce n’était pas joué d’avance, mais j’ai persévéré. Son décès m’a profondément chamboulée. Alors, j’ai choisi une voie parallèle et je suis devenue interprète. Je parle donc couramment dix langues, dont le chinois.

Pour autant, je n’ai pas pu me résoudre à arrêter mes études de médecine, je me devais d’aller jusqu’au bout. C’est donc ce que j’ai fait. Mais en dehors de mes « vacances humanitaires », je n’ai pas vraiment eu l’occasion de pratiquer. Je n’avais pas la force de poursuivre cette carrière, sans mon modèle. Alors, j’ai choisi une filière tout aussi utile. Parce que comprendre autrui est important, surtout quand il s’agit de soigner un blessé dans un pays défavorisé. Connaître la langue qu’il ou elle parle est donc un plus non négligeable.

Je reporte mon attention sur le courrier entre mes mains. Je fonds en larmes alors que je n’ai pas encore lu la moitié de la lettre.

« Si tu lis cette lettre, c’est que je n’ai plus la chance d’être auprès de vous quatre. Je ne l’ai dit à personne ; même pas à ta mère, mais il y a quelques semaines, on m’a diagnostiqué un cancer du foie métastasé. Tu sais aussi bien que moi que je n’ai aucune chance de survie. Je ne voulais pas perturber vos vies et surtout pas que vous gardiez une horrible image de moi. Alors, j’ai continué à vivre pour vous, pour nous. Pour tous ces moments que je voulais encore passer à vos côtés. Ne m’en veux pas, ma princesse, tout ce que je souhaitais, c’était passer chaque instant à vos côtés, et faire ce dernier voyage avec vous.

J’ai une dernière demande pour toi, et pour tes sœurs. Je souhaiterais que mes cendres soient dispersées en Russie, au sommet du mont Narodnaïa ; la « montagne du peuple ». Tous nos ancêtres reposent là-bas.

Ce serait une bien longue histoire que de t’expliquer ce qui me rattache à la Russie. Ce qui vous rattache à ce pays. Mais, moins vous en saurez, moins vous serez en danger.

Le moment venu, lorsque vous vous rendrez là-bas, je vous dévoilerai cette partie de mon histoire, de votre histoire.

Je vous aime.

Papa »

Je continue de pleurer comme une madeleine, tellement il me manque. Mais maintenant, en prime, je me pose des milliers de questions.

1. Première Année Commune aux Études de Santé.

Chapitre 1

Je me regarde dans le miroir. Ça fait deux jours que j’ai lu cette lettre, qu’elle a tout bouleversé en moi. Deux jours que je ne fais que pleurer, penser à lui et pleurer encore.

J’étudie ma mine quelques instants. Mes longs cheveux châtains sont collés à mon visage, mes yeux marron sont rougis à cause de toutes les larmes que j’ai versées. Mon nez est tellement irrité à force de me moucher. Je ne ressemble à rien, si ce n’est à Chewbacca quand il n’est pas réveillé.

Je dois me faire violence pour me lever. Mes sœurs ne vont pas tarder à arriver. Il fallait absolument qu’elles sachent pour cette lettre. Je n’ai rien révélé sur l’objet de mon invitation. Je ne veux pas risquer qu’elles aient un accident sur la route ni qu’elles aient l’idée de me faire interner à cause d’un courrier vieux de huit ans. Une sonnerie retentit sur mon portable, m’informant qu’elles ne sont plus qu’à une vingtaine de minutes d’ici. Cette information me donne la force suffisante pour filer dans la salle de bain. Rien de mieux qu’une bonne douche pour se revigorer.

J’ai à peine fini que j’entends une voiture rouler sur le gravier de la cour. Mes deux terreurs de sœurs sont là !

J’enfile au plus vite un jean ainsi qu’un t-shirt quelconque, et me dirige vers la porte d’entrée, les cheveux humides. Lorsque je découvre leurs visages si familiers, j’explose en sanglots.

— Eh bien, nous aussi nous sommes heureuses de te revoir ! s’exclame Anna en venant m’enlacer.

Julia en fait de même. Que c’est bon de les retrouver !

— Vous m’avez tellement manqué ! je confie, en me dégageant doucement de leur étreinte. Allez, entrez ! J’ai un tas de choses à vous dire.

Mes deux sœurs sont intriguées. Je n’ai pas pour habitude de leur cacher quelque chose. Mais je reste persuadée qu’il faut que j’y aille en douceur. Elles sont à des années-lumière de se douter de ce qu’il se passe.

Je les rejoins sur le canapé et leur raconte quelques mésaventures africaines vécues pendant ma dernière mission diplomatique. Je parle volontairement de l’état des routes et de leurs « tranchées ». Oui, parce que les routes là-bas sont faites à la va-vite, et rapidement, des trous apparaissent. Surtout après une bonne saison des pluies.

Cela produit l’effet attendu, et leur rappelle le passage sur le « pont troué du Sénégal », comme le dit Anna.

Je saisis l’occasion pour parler de notre père et leur montre la lettre. Elles la prennent délicatement, comme si c’était un objet sacré, et la lisent en silence. Je les vois passer par plusieurs émotions pour finir par exploser en sanglots.

D’un coup, Julia tique sur la date.

— Elle t’a été envoyée il y a huit ans ? relève-t-elle d’une voix légèrement aiguë. Et ce n’est que maintenant que tu la reçois ?

— Je ne pense pas, je lui réponds tout en montrant l’enveloppe. La date du cachet de la poste remonte à il y a une semaine. Papa a dû la donner à quelqu’un et lui a demandé de la poster plus tard.

— Mais pourquoi maintenant ? m’interroge Anna en s’essuyant les yeux avec un mouchoir.

— Je n’en ai aucune idée. Je suis complètement déboussolée.

— Si ça se trouve, c’est un fake, lâche ma plus jeune sœur. Quelqu’un qui fait une hyper mauvaise blague.

— Non, affirme ma cadette. Regardez ce symbole, ici. C’est celui d’un notaire. Ce n’est pas un faux document. Il vient vraiment de papa, constate-t-elle émue.

Anna connaît bien tout ça, elle est juriste pour une grande compagnie aérienne. La loi et la certification des documents, c’est son domaine.

— Mais tout ça paraît si irréel, lance Julia. Papa était gravement malade, mais personne ne l’a remarqué ! rappelle-t-elle abasourdie. Et maintenant, nous avons des ancêtres russes ! s’insurge-t-elle.

Elle marque une pause et repart dans son monologue :

— En plus, notre nom de famille est tout sauf russe. Cinelli, ça fait italien, pas russe ! Sans parler de nos prénoms, bien français, ajoute ma benjamine en étalant ses jambes sur la méridienne.

— Je suis comme vous, je n’y comprends rien. Enfin, sauf la partie du cancer. J’ai vu qu’il était plus fatigué qu’avant, mais comme il passait plus de temps à l’hôpital, pour moi c’était à cause du travail. Tout prend son sens. J’aurais dû...

— Est-ce que vous pensez qu’on doit en parler à maman ? m’interrompt Anna, désemparée.

— Oui, mais pas pour sa maladie. Elle s’en voudrait toute sa vie.

— On ne pourra pas lui parler d’une seule partie, vous savez très bien qu’elle voudra la lire, explique Julia tout en pianotant quelque chose sur son téléphone.

Je ressens le besoin de me lever. Je les écoute, tout en restant silencieuse. Je m’arrête devant les cadres remplis de photos de famille, posés sur mon buffet. Je réalise qu’il y en a beaucoup avec mon père.

— Je suis certaine qu’en abordant la partie sur notre passé, elle se focalisera sur ça, évoque Anna. Si papa était lié à la Russie, elle l’aurait su. Pourquoi tant de cachoteries ? Pourquoi ne nous a-t-elle rien dit après sa mort ?

— Oh la la, si ça se trouve on va découvrir qu’en fait, ils font partie de la mafia ou du KGB, clame la benjamine de notre fratrie en imitant un espion.

Espionnage et mafia, le combo de choc. Cette jeune fille passe beaucoup trop de temps sur Netflix.

— Ça doit être quelque chose de grave et de douloureux, s’ils sont partis et n’y ont jamais remis les pieds. Vous vous rendez compte, ils ont été déracinés depuis au moins vingt-cinq ans, réalisé-je, attristée.

Je déclare cela tout en admirant une photo de nous cinq.

Elle a été prise lors d’un séjour en Égypte, on discerne parfaitement les pyramides de Gizeh en fond. Papa tenait Julia dans ses bras, maman irradiait de bonheur, et Anna et moi étions toujours fourrées l’une avec l’autre. C’était tout juste avant la Chine. Je ne peux m’empêcher de penser que peut-être tous ces voyages avaient un but caché. Se créer des repères au cas où il serait nécessaire de quitter le pays. Je ris intérieurement. Bravo, Julia, tu as réussi à me contaminer avec tes théories farfelues.

Je me tourne vers mes sœurs et les détaille un instant. En deux ans, elles ont beaucoup changé. Même si, grâce à internet, nous avons la possibilité de nous voir via FaceTime toutes les semaines, je réalise à quel point elles sont bien loin des enfants sur cette photo. Étant l’aînée, je me suis toujours sentie investie de cette mission de veiller sur elles, même à des milliers de kilomètres. Malgré notre âge et la distance, ça nous arrive parfois de nous chamailler encore, mais nous pouvons toujours compter les unes sur les autres.

Anna me rejoint en voyant que j’essuie une larme au creux de mon œil. Elle me serre fort dans ses bras. Nos parents n’avaient pas de chouchous, mais elle sait que mon père et moi, nous avions un lien privilégié.

— Câlin groupé ! s’écrie Julia en nous sautant dessus.

Heureusement que je les ai, ces deux-là ! La vie serait bien terne, autrement.

Elles décident qu’il est temps de manger et m’annoncent qu’elles aimeraient aller dans un restaurant qui vient d’ouvrir, non loin d’ici. Ce qui veut dire dans leur langage qu’elles veulent me maquer.

C’est la question récurrente dans leur bouche. « Quand est-ce que tu te trouves quelqu’un ? »

Anna est en couple avec Liam. Il a dix ans de plus qu’elle et a l’air d’être un type bien. Il est directeur dans un grand hôtel parisien. Ils ne vivent pas ensemble, mais ils semblent heureux ainsi. Moi, à sa place, je ne pourrais m’empêcher de me demander tous les quarts d’heure s’il me trompe. Mais la confiance est la clé, il paraît. Julia, quant à elle, du haut de ses dix-huit ans, est avec un jeune de son âge depuis un an. Un an, vous vous rendez compte ?

Je n’ai même pas réussi à dépasser ne serait-ce que la moitié avec Nathan. Six mois, je suis arrivée à six mois avec mon collègue rattaché au consulat de Norvège. Heureusement, sa mission a pris fin et je n’ai plus jamais été amenée à le revoir. Notre rupture fut assez brutale, mais je suis persuadée que toute femme qui se respecte aurait réagi de la même manière. Je lui avais passé les clés de mon appartement pendant un séjour à l’étranger. Je suis rentrée plus tôt que prévu, j’avais envie de le surprendre. Et on peut dire que je l’ai pris par surprise. Quand la porte s’est ouverte sur mon ancien salon, je l’ai vu chevauché par une bimbo blonde, hôtesse de l’air. J’ai quitté mon appartement, non sans avoir balancé toutes leurs affaires par la fenêtre ! Cela m’a vaccinée contre les relations amoureuses.

Je crois de plus en plus que, nous les femmes, nous n’avons pas vraiment besoin des hommes. Oui, ils sont beaux, ils sont gentils, ils prennent soin de nous et tout ce bla-bla des femmes dépendantes. Mais non, tout ce qu’il nous faut, c’est un peu de confiance en nous, et être fières de qui nous sommes.

Il n’est pas encore venu l’homme qui me rendra esclave de lui.

Julia me sort de mes pensées en me demandant ce que je souhaite commander. Ma cadette la coupe et se demande si leurs passeports sont encore valables. Je vérifie tout cela et poursuis mes démarches.

— Alors, on va y aller ! j’annonce, fermement décidée à honorer la requête de notre père.

— Nous allons retrouver cette famille de mafioso qui est la nôtre ! s’écrie Julia le poing levé vers le ciel, toute guillerette.

— On n’attend pas d’en avoir parlé à maman avant de prendre les billets d’avion ? me questionne soudainement Anna.

— Si on avait le temps devant nous, je t’aurais écoutée. Mais si on veut respecter la demande de papa, on doit le faire rapidement. L’été sera bientôt là.

Je m’installe avec les filles devant mon MacBook pro. Nous regardons les conditions à remplir pour entrer dans le pays et pouvoir y rester deux mois environ.

Je clique sur le site diplomatie.gouv. Celui-ci nous présente tous les risques que l’on peut encourir : risque terroriste, risque d’empoisonnement, risque de vol, et beaucoup d’accidents de la route.

Ne serait-ce pas un moyen détourné de nous empêcher d’y aller ou quoi ?

Il nous faudra donc nous procurer un passeport à jour et un visa de l’ambassade de Russie, mais aussi remplir une « carte migratoire ». Histoire de bien fliquer les gens. Et le pire, c’est que si vous dépassez le temps de votre visa, vous restez emprisonnés. La plupart des pays mettent les personnes qui ne possèdent pas de papiers dehors. La Russie, elle, fait l’inverse.

J’attrape mon sac à main et récupère mon portefeuille pour prendre ma carte bancaire. Je paie les visas, puis je me rends sur la page d’Air France. Nous regardons les vols disponibles aux dates qui nous conviennent et j’achète les billets d’avion. Voilà, en quelques minutes, nous avons sauté le pas.

Nous partirons dans deux jours, le 16 juin, le jour de la fête des Pères.

Chapitre 2

La veille de notre départ, histoire qu’elle ne puisse pas nous mettre des « bâtons dans les roues », nous nous retrouvons au domaine familial, chez notre mère. Nous allons lui annoncer notre voyage et lui révéler que nous sommes au courant pour nos origines russes. J’espère qu’elle ne fera pas de malaise.

Anna est déjà arrivée, sa BMW série 5 est garée sur le parking de la villa, elle-même construite sur un terrain de trente hectares. Rien que ça, me diriez-vous. J’ai toujours trouvé que cela faisait beaucoup trop d’espace. D’ailleurs, je complexais quand j’invitais des copines. Elles pensaient toutes que nous étions fortunées et que nos parents cachaient leur argent. Aujourd’hui, je me dis qu’elles avaient peut-être raison. Nous n’avons jamais manqué de quoi que ce soit. Notre père voulait que nous puissions nous épanouir et, plus tard, y construire notre propre demeure. Pour toujours être auprès d’eux.

Je m’arrête un instant sur le perron, et jette un regard en direction de l’écurie. Papa a toujours aimé monter à cheval, il nous a transmis à chacune cette passion. Il ne voulait pas nous imposer de compétition, alors nous avons appris, à notre rythme, à la maison. J’avais une magnifique jument selle français, baie cerise. Un amour. Elle est partie la même année que Papa. Depuis, je n’ai plus mis un pied dans un étrier.

Mon doigt frôle à peine la sonnette que j’aperçois le visage de Julia, à l’étage, se pointer devant une fenêtre. Un nœud commence à se former dans mon estomac. Ça fait un moment que je n’ai pas parlé à ma mère. Il est vrai que je parlais toutes les semaines à mes sœurs pendant ces deux années en Afrique, mais avec elle, c’était plus difficile. J’ai dû l’appeler trois fois maximum en un an.

Quelle fille indigne !

Entre nous, ça n’a pas été facile. Surtout depuis le décès de mon père. Lorsque j’ai décidé de me lancer dans la voie professionnelle qui est la mienne aujourd’hui, elle a eu beaucoup de mal à l’accepter. Elle m’en a énormément voulu. Elle disait sans cesse « tu me fais honte, tu bafoues la mémoire de ton père ». Elle ne savait pas qu’en parallèle, je continuais mes études de médecine. Elle a changé de comportement de manière radicale, uniquement avec moi.

Seuls mes sœurs et Marc, mon meilleur ami, étaient au courant. Anna a voulu lui dire à plusieurs reprises. Elle ne supportait pas l’attitude de maman à mon égard. Mais je lui ai demandé de ne rien révéler, prétextant que c’était sûrement une manière pour elle de faire son deuil, de s’en prendre ainsi à moi. Et puis, si elle avait su, elle aurait tout tenté, mais vraiment tout, pour que j’abandonne mon nouveau projet. Alors que je sais, au fond de moi, que mon père m’aurait comprise et soutenue. Mais il n’était plus là pour faire entendre raison à ma mère. Et, à cette époque, je n’avais plus la force de m’opposer à elle. Au fur et à mesure, nous nous sommes donc éloignées.

Ma cadette ouvre la porte d’entrée et me tire de mes pensées.

— J’ai cru que tu n’allais jamais venir ! lance-t-elle en me serrant dans ses bras.

— Désolée, j’étais perdue dans mes souvenirs. Ça fait tellement longtemps que je ne suis plus venue ici. Je pensais qu’elle l’aurait fait détruire, lui avoué-je en désignant l’écurie.

— Julia et moi nous y sommes opposées, m’annonce-t-elle en regardant à son tour vers notre refuge équestre. Même si tu étais la meilleure d’entre nous, on ne voulait pas renoncer à ça. Alors, on a racheté des chevaux. Il y a même un palefrenier et quelques cavaliers qui viennent les faire travailler quand on ne peut pas. Si tu veux, nous pourrons y faire un tour après, me propose-t-elle en posant sa main sur mon épaule.

— Voyons déjà comment se passe cette annonce, déclaré-je en me retournant vers l’entrée de la maison.

Mon regard se pose sur la femme qui nous fait désormais face. Mon sang se glace instantanément. Elle est là, droite comme un i, dans l’embrasure de la porte. Notre mère a bien vieilli en deux ans, ses cheveux sont maintenant d’un blanc immaculé. Étonnamment, son visage me paraît moins froid que dans mes souvenirs. Elle esquisse même un sourire à mon attention. Je crois halluciner. Si ça continue, c’est moi qui vais faire un foutu malaise.

— Bonjour, Margaux, je suis heureuse de te revoir, déclare-t-elle en venant m’enlacer.

Je suis littéralement figée par sa réaction, mais je me laisse faire même si je ne suis clairement pas à l’aise. Par respect, je lui rends légèrement son étreinte. Au bout de quelques minutes, Julia surgit de nulle part, me permettant de reprendre une distance acceptable.

— Vous êtes toutes là, et personne ne me prévient ! s’exclame-t-elle faussement boudeuse.

— Je ne savais pas que votre sœur serait parmi nous, relève maman.

— Surprise ! lâché-je en me reculant les bras ouverts.

— C’est une agréable surprise, reprend-elle.

Nous restons toutes les trois bouche bée.

Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de ma mère ?

Sans un mot, elle retourne dans la maison. Presque solennellement, nous suivons ses pas, en silence. Rien n’a changé à l’intérieur. La villa est toujours aussi agréable et chaleureuse que dans mes souvenirs d’enfant.

Nous nous installons tranquillement à table et déjeunons. Anna en profite pour raconter une des dernières affaires qu’elle a eue à traiter à son travail. L’admiration brille dans le regard de maman. J’aimerais tellement qu’il en soit de même à mon égard.

D’un coup, deux yeux verts se tournent vers moi. Elle va me parler, encore.

— Et toi, Margaux, qu’as-tu de beau à me raconter ? Tu as passé deux ans en Afrique, je suis sûre que tu as dû en vivre des choses intéressantes !

Je suis abasourdie. Vite, il faut que je réponde quelque chose, sinon elle va se braquer ou s’énerver.

— J’ai assisté plusieurs ambassadeurs. Ce n’était pas toujours facile, parce que même s’ils arrivent à communiquer, ils ne sont pas toujours prêts à accepter certaines visions des choses ou certaines traditions. Mais la plupart du temps, j’ai évité que certains conflits subsistent.

— Tu es bien modeste ! clame Anna. Elle a permis la signature d’un partenariat important pour la survie de millions de personnes, révèle-t-elle.

— Ce n’est pas rien, estime ma mère.

Les vieux démons reviennent. En dépit de son accueil plutôt cordial, je perçois toujours de l’amertume dans son regard. J’en déduis qu’elle est toujours déçue que j’aie décidé d’emprunter une autre voie professionnelle que celle pour laquelle elle me prédestinait.

Je me lève de table pour me rendre sur la terrasse et prendre l’air. Julia en fait de même. Je m’assieds sur une des chaises longues, les yeux tournés vers le ciel gris qui nous domine. Il semble être l’écho de ce que je ressens. J’ai presque envie de repartir d’ici. Ma sœur saisit mon trouble et prend ma main dans la sienne.

— Je sais que ce n’est pas facile pour toi de revenir ici, après le décès de papa et ce qu’elle t’a fait vivre. Mais nous sommes là toutes les trois, unies.

— J’ai juste envie de savoir ce qu’elle va répondre à nos questions.

— Nous avons deux options : soit elle va nous zigouiller, soit elle va s’évanouir, déclare ma sœur en mimant un malaise.

J’éclate de rire. Elle a le don pour dédramatiser toutes les situations.

— Dans la deuxième option, au moins elle nous laissera tranquilles.

— Vilaine ! chuchote-t-elle. Allez, viens, nous devons venir en aide à Anna.

Effectivement, nous voyons à travers la baie vitrée qu’elles sont dans une grande discussion. Notre sœur paraît mal à l’aise. Elle pointe un doigt dans notre direction tout en continuant de parler. Julia se précipite à l’intérieur et prend la parole, sans pincettes.

— Nous devons te parler d’un sujet délicat ! Il nous concerne toutes les trois. Et en y réfléchissant, il se trouve que toi aussi, maman, tu es impliquée.

Cette dernière se fige instantanément, comme si elle avait vu un fantôme. Cela saute aux yeux, elle nous cache bien quelque chose. Son corps se raidit encore plus lorsque je m’installe à leurs côtés, sur le canapé.

Je me décide à prendre la parole afin d’évacuer toute cette pression.

— J’ai reçu une lettre de papa, il y a quelques jours. Elle a été envoyée par un notaire...

— Je suis au courant pour la lettre, déclare-t-elle en me faisant face.

— Comment ça ? Tu l’as lue à son insu ?

— Non, mais il m’a dit qu’il t’écrirait ses dernières volontés, me répond-elle avec un calme olympien. J’ignorais quand tu la recevrais.

— Dedans, il nous demande de répandre ses cendres en Russie.

À peine terminé-je ma phrase que son visage change d’expression. Elle paraît effrayée à l’évocation de ce pays. Elle ne dit rien et attend que je poursuive.

— Il nous dévoile également que nous avons des origines russes, mais refuse d’en dire plus dans cet écrit. Est-ce que tu pourrais nous éclairer, s’il te plaît ? lui intimé-je en la fixant.

— Ce moment devait arriver un jour où l’autre ! clame-t-elle en se levant d’un bond. Je reviens.

Elle quitte la pièce et nous laisse là, médusées par ce qui se trame. Julia ne peut s’empêcher de sortir une bêtise.

— Voilà, je suis sûre qu’elle est partie chercher un flingue pour nous menacer de taire son secret. Ils sont du KGB ! murmure-t-elle.

— Arrête tes idioties ! lâche Anna en la fustigeant du regard.

— Et toi, qu’en penses-tu ? demande la benjamine en me sortant de mes pensées.

— Je ne crois pas une minute qu’ils aient été du KGB. Mais je pense qu’il y a un plus gros secret à découvrir et que de toute façon, maman ne nous dira pas grand-chose. Papa l’a écrit, il ne veut pas nous mettre en danger. Nous en saurons plus une fois sur place. Je suis certaine qu’il n’y a que là-bas que nous pourrons apprendre la vérité, conclué-je.

— J’ai l’impression d’être dans un épisode de Mission Impossible, s’imagine Julia.

— Tu as toujours eu une imagination débordante, ma chérie ! relève notre mère en surgissant de nulle part.

Cela nous fait sursauter toutes les trois. Elle tient un petit coffre en bois dans ses mains. Il est décoré d’ornements, et en dessous de sa serrure, nous découvrons une reproduction de la Cathédrale Saint Basile. Vous la connaissez sûrement, au moins visuellement. La plupart des gens la prennent pour un palais avec des bulbes de toutes les couleurs en haut des tours. C’est une manière bien sommaire de résumer son architecture.

Nous comprenons ainsi que tout ça est bien réel, et que nous avons un lien avec ce pays.

— Je ne peux pas tout vous révéler, commence notre mère en s’asseyant, mais voilà quelques photos de toi et Anna en Russie. Nous y avons vécu quelques années. Et pour des raisons que je ne peux pas vous avouer, nous avons dû partir pour ne plus jamais pouvoir y revenir. Regardez, c’était notre photo de famille, nous montre-t-elle.

Dessus, on y voit notre père assis sur un grand fauteuil en velours rouge, comme ceux du musée Tussauds à Londres, dans la zone réservée à la Reine Élisabeth II et à sa famille. Il me porte dans ses bras. Ma mère est assise à ses côtés, dans un fauteuil similaire et porte un bébé dans ses bras, qui logiquement est Anna.

Nous nous passons le cliché et chacune admire ce qu’elle voit. Maman poursuit ses révélations.

— Mon prénom n’est pas Madeline, mais Masha, nous apprend-elle.

— C’est joli, lance ma cadette. Est-ce que ça signifie quelque chose ?

— Souveraine, nous répondons ma mère et moi, en chœur.

Mes sœurs me dévisagent. Elles savent très bien que je n’ai pas la maîtrise de cette langue, alors ça les étonne que je sache ça. Je leur explique simplement que c’est une variante de Marie.

Alors que le silence règne entre nous, je me décide à annoncer la nouvelle.

— Nous partons demain matin pour Moscou, maman.

— Toutes les trois ? demande-t-elle calmement, ce qui m’étonne.

— Oui, toutes les trois, reprend Anna.

D’un coup, ma mère se tourne vers nous et nous serre dans ses bras. Elle nous donne quelques conseils pour nous débrouiller une fois sur place. Je suis surprise par ce revirement de comportement.

— Est-ce que vous avez trouvé un endroit pour dormir ? nous interroge-t-elle.

— J’ai réservé des chambres dans un des meilleurs hôtels de la ville.

— S’il te plaît, Margaux. Je sais que tu connais de très bons endroits, que tu connais du monde partout, mais je souhaiterais que vous alliez chez des vieux amis de la famille, les Andreikov, quémande-t-elle avec un peu trop de gentillesse dans sa voix. Au moins, je saurai que vous serez en sécurité.

Sa demande m’intrigue, mais je ne veux pas m’attirer ses foudres. Papa aussi parlait de sécurité dans sa lettre. Alors, comme nous ne savons pas de quoi il s’agit, autant lui faire confiance.

— D’accord, maman, nous irons chez ces personnes.

— Tu verras, ça te rappellera peut-être quelque chose chez eux, m’informe-t-elle.

J’en déduis que ce sont des gens qui nous ont connues, des gens proches. Et peut-être qu’ils pourront nous orienter sur les recherches au sujet de notre secret de famille. Je remercie ma mère pour son soutien. Ça signifie beaucoup pour moi qu’elle ne s’oppose pas à ce voyage. Mais je suis tout de même inquiète ; sa réaction me semble étrange. Elle n’est pas dans son état normal.

Chapitre 3

Finalement, nous sommes toutes restées dormir au domaine familial. Maman a insisté pour que nous restions auprès d’elle, avant ce grand départ. Elle nous a beaucoup parlé des Andreikov, ses amis chez qui nous séjournerons pendant un peu plus de deux mois.

Ils ont également trois enfants, trois garçons. Et ils ont à peu près le même âge que nous. Je ne peux m’empêcher de trouver cela bizarre. J’apprends également que nos parents les connaissaient depuis leur plus tendre enfance. Ils sont même au courant de leur évasion forcée, c’est tout ce qu’elle a bien voulu nous confier.

Saurons-nous vraiment un jour ce qu’il s’est passé pour qu’ils fuient leur pays ?

Maintenant que je sais que nous avons des origines russes, je ne peux m’empêcher de trouver ça un peu égoïste de leur part, de nous priver de notre passé. Qu’y a-t-il eu de si grave ?

Le lendemain, nous nous levons aux aurores. L’avion décollant à 9 h 30, nous devons être à l’aéroport de Roissy, trois heures avant. J’ai pris les billets en première classe, nous aurons donc moins de temps à attendre pour les formalités de vérifications. Mais l’aéroport est tout de même assez grand. Il n’égale pas ceux de Pékin ou de Dubaï, mais je connais Julia et son amour des boutiques, encore plus lorsque c’est détaxé.

Maman a insisté pour nous conduire à Paris, enfin je devrais plutôt dire son chauffeur, mais l’intention y est. Elle n’a plus pris le volant depuis le décès de Papa. Martin l’emmène n’importe où depuis ce jour. Il est devenu comme un membre de la famille. Je pense qu’elle est toujours capable de prendre le volant, mais qu'elle n’en a plus l’envie.

Une fois arrivées à l’aéroport, elle nous serre l’une après l’autre dans ses bras. Je ne peux pas m’empêcher d’avoir l’impression qu’elle nous fait ses adieux, qu’on ne va plus la revoir.

Une fois toutes les valises sorties de la voiture, j’ai le sentiment qu’il nous manque quelque chose. Je me tourne alors vers Anna pour qu’elle vérifie.

— Il n’y a plus rien dans le coffre. Je vais regarder dans l’habitacle, m’informe-t-elle en s’exécutant.

Soudain, elle claque violemment une des portières et se met à crier sur notre benjamine.

— JULIA ! Tu n’avais qu’une chose à prendre et tu l’as oubliée dans la voiture. L’urne de papa ! lance-t-elle en la foudroyant du regard.

— C’est bon, je suis déjà assez stressée par ce voyage, n’en rajoute pas s’il te plaît, lui rétorque l’intéressée.

— Je vais la prendre, déclaré-je en rejoignant Anna. J’ai encore beaucoup de place dans ma valise cabine.

Je récupère l’objet si précieux, et le range. Nous saluons une dernière fois notre mère et pénétrons dans l’aéroport. Nous nous trouvons dans le terminal 2E, je le connais bien. C’est le même pour les voyageurs à destination de Pékin, New York ou Abidjan. Les filles me suivent jusqu’aux guichets première classe. Les formalités sont rapidement réglées.

Délestées de nos grosses valises, nous pouvons nous rendre à la porte d’embarquement K32.

Nous passons les douanes sans souci. J’ai les documents nécessaires pour le transport de l’urne et l’autorisation de dispersion des cendres en Russie, grâce à mes collègues de l’ambassade de France. Je leur suis d’ailleurs très reconnaissante, ils ont fait ça en un temps record.

Ensuite, nous prenons le métro qui nous mène aux zones internationales et aux boutiques en duty free. Les filles se ruent au Starbucks pour commander deux refreshas menthe — citron vert et un mûre — hibiscus, pour moi.

Je m’éloigne un peu, et j’en profite pour apprendre quelques mots utiles en russe phonétique, comme « spasibo » qui signifie « merci » ou encore « pogrebal'naya ùrna » qui veut dire « urne funéraire ». Mon Dieu que c’est compliqué à prononcer. À côté, le chinois est un jeu d’enfants.

Nous flânons tranquillement dans les allées de magasins renommés. Anna s’attarde chez Burberry. Et pour une fois, c’est elle que je dois empêcher de dévaliser toute la vitrine. Julia en profite pour se rendre chez Longchamp.

— Je sais que nous avons de la place en cabine, mais pas besoin de rajouter une tonne de choses, les filles, leur rappellé-je. Il faudra tout transporter avec vos petits bras, les taquiné-je.

— Et si nous prenions quelque chose pour nos hôtes ? propose soudainement Anna.

— J’y ai déjà pensé, pendant que vous étiez focalisées sur vos pulsions d’addicts au shopping, plaisanté-je. Tout est dans ma valise, précisé-je en désignant mon bagage à main.

— Alors nous avons encore le temps pour aller dans d’autres boutiques, lance Julia toute joyeuse.

Je les suis, tout en envoyant des messages à Marc. Il hallucine en apprenant toutes les révélations que je lui fais.

« Sérieusement, je suis sur le cul. Toi, russe ! Et dire que je pensais que tu étais à cent pour cent française. Mais maintenant je comprends mieux certaines choses... »

Je ne vois pas du tout de quoi il peut parler, alors je demande des précisions sur ses pensées :

« Que veux-tu dire ? Tu m’intrigues là ! »

Sa réponse met du temps à me parvenir. Je sens la bêtise arrivée à dix kilomètres à la ronde.

Mon téléphone signale finalement un nouveau texto :

« Comment te le dire sans te choquer ? Je comprends mieux la proportion de tes attributs féminins. »

J’éclate de rire en découvrant sa réponse, ce qui a le don de faire se tourner vers moi les visages de nombreux voyageurs.

« Plus rien ne me choque venant de toi, mais je note que tu t’es attardé sur ma poitrine. La prochaine fois, je vérifierai que tu me regardes bien droit dans les yeux. »

Je ris de ma réponse lorsqu’une annonce attire mon attention :

— Les passagers du vol AF 1044 à destination de Moscou sont attendus porte d’embarquement numéro 32.

Je me retourne vers mes sœurs pour les interpeller.

Une fois qu’elles sont arrivées à ma hauteur, nous nous hâtons en direction de la porte d’embarquement. Nos billets d’avion et passeports sont à nouveau vérifiés, puis nous pénétrons enfin dans l’appareil.

Chaque siège est convertible en lit. Leur design crée une zone silencieuse et invisible des autres voyageurs. Nous avons chacune notre compartiment pour ranger deux valises cabine. Une fois convenablement installées, nous nous retrouvons dans l’espace salon, afin de ne pas perturber les autres personnes.

J’envoie un dernier message à Marc, avant de mettre mon téléphone en hors-ligne :

« Nous sommes sur le point de décoller, je t’appelle une fois arrivée. Bisous »

Sa réponse ne se fait pas attendre :

« Bon vol, ma Margaux, et fais attention là-bas. Bisous »

Marc est toujours très protecteur avec moi. Je ne sais pas si c’est en rapport avec son métier ; il officie dans le renseignement, mais ça a toujours été comme ça. Je le connais maintenant depuis douze ans. Nous nous sommes rencontrés lors de la journée d’appel pour la défense. Vous savez, ce document que vous devez présenter pour le bac ou le permis. Eh bien, c’est à l’issue de cette journée que vous le recevez. Enfin, bref, toujours est-il que nous avions fait l’initiation aux premiers secours ensemble, et il m’avait pelotée. Je lui ai donné une claque magistrale, la marque sur son visage ne laissait planer aucun doute. À la fin, il est venu s’excuser. En discutant de choses et d’autres, nous avons fait connaissance et aujourd’hui nous sommes les meilleurs amis du monde.

Tous les gens autour de nous pariaient sur le fait que nous finirions ensemble. C’est vrai qu’il est bel homme, je le reconnais. Il fait un mètre quatre-vingt et est très bien bâti. Il a les cheveux bruns et les yeux bleus. Sans oublier son cœur d’or. Tout ce qu’il faut pour me faire craquer. Mais les relations amoureuses ne sont vraiment pas pour moi. Je préfère de loin conserver notre amitié si précieuse.

Nous décollons une demi-heure plus tard, une fois tout le monde à bord. Mes sœurs retournent se coucher, elles ne sont pas très matinales.

Je me plonge dans un roman pour me changer les idées. Ça parle de trois femmes quasi trentenaires qui font un pacte pour se marier avant leurs trente ans. Le livre me plait beaucoup car mes frangines auraient pu me faire un coup du genre. En plus, c’est léger à lire et rafraîchissant.

Le vol se passe sans turbulences jusqu’à destination. Avant l’atterrissage, je me lève pour réveiller les deux marmottes qui m’accompagnent.

Une fois sur la terre ferme, nous nous rendons dans la zone pour faire tamponner les passeports. C’est assez rapide, puis nous récupérons nos bagages. Là aussi, nous ne tardons pas.

Enfin, nous cherchons la sortie. Jusque-là, nous suivions le flux de voyageurs, car je suis incapable de lire le cyrillique et l’anglais ne semble pas être marqué en dessous de tous les mots, sur les panneaux d’affichage. Ou peut-être est-ce le stress qui perturbe ma concentration ? C’est bien ma veine.

— Par ici ! crie Julia en montrant la flèche de la sortie.

— C’est vraiment dur de se retrouver là-dedans ! lâche Anna. C’est quand que tu te mets au russe ? me taquine-t-elle.

— J’y songerai au retour.

C’est vrai, si nous sommes bien russes, il faudra que j’apprenne cette langue.

Elles passent les portiques de sécurité, sans encombre. Je pose mes bagages sur le tapis pour les rayons X, et la valise cabine en dernier. Je passe le portique sans problème et commence à récupérer tranquillement mes affaires.

Soudain, j’aperçois le visage du policier qui scanne les valises, se crisper.

— Preduprezdeniye o bombe !2 crie-t-il subitement.

Je n’ai pas compris tout ce qu’il disait, mais j’ai reconnu le mot bombe. Tous les visages aux alentours se braquent sur moi. Mais qu’est-ce qu’il se passe ?

Une dizaine de policiers m’encerclent, arme au poing. Ils me hurlent dessus, mais je ne comprends pas un traître mot. Un agent me passe les menottes et m’emmène autre part. C’est sympa l’accueil en Russie.

Anna et Julia attrapent mes autres valises, et me suivent à toute vitesse. Je suis enfermée dans une pièce avec vitre sans tain. Ils saisissent mon bagage à main et l’ouvrent. L’un d’eux récupère l’urne de papa, comme si ce n’était rien d’important, et la pose violemment sur la table.

— Be careful, it’s fragile ! hurlé-je.

Mais ils ne semblent pas se soucier de ce que je leur dis. Je demande alors un interprète.

— Perevodchik !3

L’un d’eux lève un sourcil à mon intention, puis parle avec son collègue. Ce dernier sort. Je me tourne vers Anna qui a pu me rejoindre, et lui fais signe d’appeler Marc depuis mon téléphone. Lui, il sait parler russe.

— Je crois qu’ils pensent que c’est une bombe, chuchoté-je à son attention.

Le policier revient seul. Visiblement, il n’y a pas d’interprète disponible pour m’épauler. Heureusement pour moi, Marc décroche à la première tonalité. Anna lui explique vite fait la situation et me le passe en visio. Il discute avec les agents puis m’explique ce qu’ils me reprochent.

— Je ne savais pas que tu étais si pressée de me retrouver. Tu n’avais pas besoin d’inventer une excuse pour que l’on s’appelle, me lance-t-il le sourire aux lèvres. Ces chers messieurs pensent que tu as une bombe dans l’urne.

— Attends, je sors tous les documents. C’est écrit en anglais, ils doivent comprendre, non ?

— Je suis désolé, je crois que tu es tombée sur ceux qui n’ont pas envie de faire d’efforts. Attends, je vais traduire. Peut-être qu’ils se montreront cléments.

Il commence un long monologue auquel je ne comprends strictement rien. Mais ça a l’air d’adoucir les policiers. Ils me rendent mes affaires et nous laissent enfin sortir.

— Je ne te remercierai jamais assez, déclaré-je à mon ami.

— On trouvera comment tu pourras te rattraper ! lâche-t-il en souriant. Tu sauras à l’avenir qu’en plus de l’anglais, l’allemand et le chinois, sur des documents internationaux, il faut ajouter le russe. Tout de même, c’est le comble pour la responsable du département traduction, ajoute-t-il en riant.

— Vas-y, moque-toi !

Nous conversons encore quelques minutes, puis je raccroche.

— Comment on fait maintenant ? demande Julia en regardant la foule, à la sortie.

— Quelqu’un doit venir nous chercher, lui réponds-je.

— Si ça se trouve, ils sont déjà partis, suppose Anna. Vu le temps que ces idiots de policiers nous ont retenues.

— Là ! s’écrie Julia en sautillant. Regardez ces deux mecs trop mignons, ils tiennent des pancartes avec nos prénoms. Nous sommes sauvées, ajoute-t-elle très joyeuse.

Nous avançons vers eux. J’ignore pourquoi, mais le plus âgé me semble familier. Ses deux yeux bleus me happent, ils ne cessent de me scruter. Il est bien plus grand que Marc. C’est déstabilisant. L’autre homme, ce doit être son cadet. Ils se ressemblent clairement. Lui a les cheveux noirs et semble tout aussi musclé. Je leur dis bonjour dans un russe hésitant.

— Bienvenue, répondent-ils en chœur.

— Ça alors, vous parlez français ! s’exclame Julia. C’est extra.

Ils éclatent de rire. En grands gentlemen, ils récupèrent nos bagages pour nous amener à leur voiture.

Moscou, nous voilà !

2. « Alerte à la bombe ! », en russe.

3. « Interprète », en russe.

Chapitre 4

Dans la voiture, nous faisons plus ample connaissance. Celui qui est un peu plus âgé que moi se prénomme Mikhaïl, j’ai le réflexe de l’appeler Michaël, d’ailleurs. Son frère, Vassily, a vingt-trois ans comme Anna. Le dernier, Pietro, a un an de moins que Julia. Ils ont fait leurs études en France, d’où leur parfait accent français, qui a totalement séduit ma très jeune sœur.

Nous leur racontons notre mésaventure, ou comment j’ai failli finir en prison en tant que pseudo terroriste. Cela les fait marrer, et encore plus lorsque je leur révèle que je suis interprète.

La route n’est pas bien longue jusqu’à ce qu’on atteigne la demeure de leurs parents. Enfin, je devrais plutôt dire le château de leurs parents. Le chemin qui mène à l’entrée est bordé d’une petite forêt. De cette manière, ils sont à l’abri des curieux. Nos chevaliers servants nous déposent devant le parvis, où des employés de maison récupèrent nos valises. Ils nous saluent silencieusement. Mikhaïl attrape mon bagage à main puis nous entraîne à l’intérieur.

Le hall d’entrée est immense, ce qui n’est pas étonnant quand on voit l’extérieur, et l’endroit splendide. Deux escaliers bordent la mezzanine face à nous. Un lustre en cristal illumine la pièce de mille feux. La décoration est de très bon goût. Mes yeux s’attardent sur deux hommes en costard, qui nous dévisagent depuis une petite pièce adjacente. Cela me paraît être une salle de vidéosurveillance, je suis intriguée quant à l’identité et la profession de nos hôtes.

Ensuite, les deux frères nous accompagnent jusqu’au salon. Il est tellement vaste ; il peut sûrement accueillir une vingtaine de personnes, et chacun conserverait son propre espace vital. Deux canapés d’environ huit places trônent autour d’une belle table basse. Une grande cheminée en marbre se situe au bout de la pièce. Sur son rebord, j’aperçois de nombreux cadres photo, mais de là où je suis, il m’est impossible d’en apercevoir les détails. De larges baies vitrées entourent la pièce. Elles laissent passer le soleil, qui baigne le salon de lumière. J’espère pour eux qu’ils ont une bonne isolation thermique, parce qu’en hiver ça ne doit pas être simple à chauffer.

Mikhaïl réalise que je suis perdue dans mes pensées et que je ne suis plus la visite. Alors, il saisit ma main en plein vol, ce qui me fait sursauter. Quasi instantanément, je me défais de son emprise.

Je le fixe droit dans les yeux. Ils sont si bleus que ça me déstabilise. Je pourrais presque m’y perdre. Mon regard passe ensuite sur ses lèvres si attirantes. On aurait envie d’y goûter.

OK, stop, Margaux ! Le changement de pays te chamboule un peu trop !

Il décèle mon trouble et s’en amuse.

— Tu sais, nous avons vécu ensemble quelques années ! m’apprend-il en se rapprochant de moi.

Je recule, perturbée par cette soudaine proximité. Réalise-t-il seulement qu’il est un peu trop proche de moi ? Cela ne semble guère le gêner, il poursuit la discussion comme si de rien n’était :

— Je sais que tes parents ont dû fuir, mais vous êtes en sécurité avec nous. Et puis personne d’autre ne sait qui vous êtes. Vous n’avez plus les mêmes prénoms qu’avant. Et puis vous avez tellement changé. Surtout toi ! ajoute-t-il en levant une main pour caresser mon visage.

Je ne réagis pas. Je suis encore choquée par ses révélations. Il ne s’arrête pas dans sa lancée, son contact me fait frissonner. Ce n’est pas normal, mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?

J’inspire un instant et sors de ma léthargie :

— Excuse-moi, mais je ne me souviens pas réellement de toi ! lâché-je en m’écartant de lui.

— Attends, lance-t-il en rattrapant ma main, je veux t’aider à te souvenir, t’aider à retrouver ton passé.

Marc dirait que ce mec est louche, parce qu’il est trop mielleux et qu’il ne veut sûrement qu’une chose : me mettre dans son lit. En vérité, il choisirait sûrement un autre terme, mais je ne suis pas comme lui. Je décide toutefois de laisser le bénéfice du doute à Mikhaïl. Après tout, je ne suis pas du genre à juger une personne sans l’avoir côtoyée un minimum.

— C’est louable de ta part, confié-je en m’approchant de lui, mais la prochaine fois que tu touches mon visage, je te fous une claque.

Voilà, ça c’est dit ! Les limites sont posées.

— Je suis heureux de voir que tu as toujours du caractère ! J’aime ça.

Je ne sais pas quoi répondre à cela. Il a le don de me laisser sans voix.

J’entends des bruits de pas approcher, et me retourne. C’est Anna qui revient dans la pièce où nous nous trouvons. Ma sauveuse !

— Bah alors ! Tu t’es perdue ? demande-t-elle une fois à ma hauteur, en fusillant Mikhaïl du regard. Viens voir nos chambres ! Elles sont juste magnifiques.

Je n’ajoute rien, et quitte le salon en sa compagnie. En entrant dans mes quartiers, comme le dit ma cadette, je me décide enfin à parler :

— Merci mille fois, Anna ! Tu m’as sauvée. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais j’étais comme hypnotisée par lui.

— J’ai vu ça ! D’ailleurs, ça me choque venant de ma sœur qui est anti relations amoureuses, justifie-t-elle en m’imitant.

— Je ne suis pas contre les relations amoureuses, c’est juste que pour le moment, je ne ressens pas le besoin d’être avec quelqu’un, déclaré-je en me dirigeant vers une fenêtre.

J’aperçois un balcon avec une agréable vue sur l’énorme jardin de la propriété.

— Est-ce que tu crois qu’ils sont de la noblesse ? m’interroge Anna, en s’asseyant sur mon lit.

— Je n’en ai aucune idée ! J’ai pu entrevoir des peintures sur lesquelles ils étaient représentés, et en général, ce n’est pas le commun des mortels qui a ça chez soi, rétorqué-je en revenant vers elle. Ou alors ils ont un énorme égo !

— Ça ne m’étonnerait pas de ton cher prétendant ! plaisante-t-elle.

Je ne peux qu’acquiescer. Ce mec est plus que confiant au sujet de sa propre personne. Et pourtant, il m’intrigue.

— Au fait, où est Julia ? demandé-je subitement, pour changer de sujet.

— Elle a l’air sous le charme de Vassily, m’explique-t-elle.

— Je dois avouer que les frères Andreikov dégagent un certain magnétisme. Il n’y a que toi qui leur résistes, remarqué-je.

— C’est parce que moi, je suis heureuse en couple, clame-t-elle le sourire aux lèvres. D’ailleurs, il faut que je te laisse, j’ai promis à Liam de l’appeler.

Elle quitte ma chambre à toute vitesse. J’en profite alors pour défaire mes valises. Je dépose l’urne de notre père sur la commode. Au moins, là, elle ne risque pas de tomber. Je me rends ensuite dans la salle de bain attenante, pour prendre une bonne douche revigorante. Après le trajet en avion puis en voiture, elle me paraît amplement méritée.

Une fois lavée, je retourne dans ma chambre, une longue serviette nouée autour de ma poitrine. Heureusement, elle couvre tout mon corps, car je manque de la perdre, lorsque Mikhaïl fit irruption dans la pièce, sans s’être annoncé.

Ses yeux me détaillent de la tête aux pieds avant qu’il ne s’excuse.

— Désolé, je ne savais pas que tu serais...

— Nue sous une serviette dans ma chambre ! terminé-je sa phrase, le ton sec. En même temps, les gens civilisés savent qu’il faut toquer à la porte et attendre d’être invité à entrer ! Je vais devoir en parler avec tes parents, il y a sûrement quelque chose à revoir pour parfaire ton éducation !

Il s’approche, tel un félin qui a l’intention de se jeter sur sa proie.

— Ne t’inquiète pas, même si j’aime les femmes de caractère, je préfère qu’elles soient consentantes, me susurre-t-il à l’oreille.

En dépit du fait que ses propos m’agacent, ses paroles provoquent une explosion de chaleur en moi. Pourquoi faut-il que mes hormones me trahissent ? Je m’écarte, en vérifiant que ma serviette tient toujours.

— Et donc, pourquoi es-tu venu me voir ? lui demandé-je en essayant de reprendre un peu de contenance.