Guérir son âme - Sylvie Casabella - E-Book

Guérir son âme E-Book

Sylvie Casabella

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Beschreibung

La Tradition transmet depuis toujours un enseignement simple et pratique de la magie de l’âme afin de guérir nos maux. Il suffit pour cela de suivre les liens vivants de ce que les anciens nommaient la langue des oiseaux. Vous le découvrirez dans Guérir son âme qui est nourri non seulement de réflexion mais aussi de nombreux exemples concrets, d’outils utilisables au quotidien, de tableaux récapitulatifs et d’entraînements pour le fil des jours.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Sylvie Casabella est psychanalyste de formation philosophique, linguistique et humaniste. Elle est aussi descendante d’une lignée de guérisseuses du peuple itinérant Yéniche dont elle a reçu les initiations par son arrière-grand-mère.

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Sylvie Casabella

Guérir son âme

© Lys Bleu Éditions – Sylvie Casabella

ISBN : 979-10-377-9079-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

C’est dans l’âme en effet […] que, pour le corps et pour tout l’homme, les maux et les biens ont leur point de départ.

Platon, Charmide

Partie I

D’ombre et de lumière

Un arbre qui grandit dans une caverne ne porte pas de fruits.

K. Gibran, Le Prophète

L’au-delà des apparences

Il n’y a malheureusement rien de plus tragiquement banal que la mort d’une personne aimée. Cependant, ce qui l’est peut-être moins n’est pas tant d’avoir perçu des phénomènes inhabituels après son décès, ce qui est très fréquent, que d’accepter de ne pas les prendre pour des hallucinations dues à l’épuisement ou aux souffrances du deuil. Ainsi, comme des millions d’autres personnes en tel cas, j’ai perçu la présence de ma mère à mes côtés après sa disparition. J’ai aussi ressenti sa confiance en mes ressources et en celles de mon frère, alors que nous avions été rappelés à l’hôpital un peu après minuit, quand elle a déserté son corps. Je l’ai visualisée me tendant une main pour me soutenir, cette main que j’ai tellement attendue de son vivant… au point de me dire que j’étais en train de voir le deuil que j’aurais aussi à faire, celui d’un espoir qui désormais n’aurait plus aucune chance de se réaliser. Mais dans les heures qui ont suivi, j’ai identifié une énergie à mes côtés, bien différente, chaude comme le bon pain dont les effluves offrent un « je ne sais quoi » de bien-être immédiat, un peu aussi comme l’odeur du café dans la maisonnée au moment du réveil. Cela me ramenait à Elle et à ce qu’elle m’avait donné de meilleur, et ressemblait aussi à une réparation pour tout le reste. Ce changement a été suivi par d’autres, par des métamorphoses observées dans les jours qui ont succédé. J’étais en effet comme en état de grâce, ce qui était un éprouvé évidemment inattendu dans ce passage en zigzag à travers une série d’obstacles1.Je me sentais mêmesoutenue par ma mère face à l’adversité de chicanes2 familiales qui sont souvent présentes au moment d’un décès. J’ai vécu tout cela comme une magie opérante qui m’a également révélé beaucoup de choses de moi-même. C’est dans ces moments réputés douloureux que j’ai pris conscience, par exemple, que je m’étais comportée jusque-là comme un soldat dans sa course en méandres pour éviter les projectiles, une attitude défensive que j’avais adoptée très souvent face à la vie. Je m’imaginais alors sur la voie du guerrier et, tout en l’ignorant superbement, j’attendais la difficulté en raison de cette vision formatée de la réalité, et pour tout dire déformée. Certes, j’avais vécu le pire dans mon enfance mais ce regard ne se justifiait plus dans ma vie d’adulte où les circonstances avaient changé. Cela ne pouvait évidemment me conduire qu’à rencontrer ce que pourtant je redoutais le plus puisque, sans le savoir, je recherchais l’adversité banalisée dans une répétition inlassable.

J’avais oublié ainsi, surtout, que le seul guerrier qui vaille est celui dont le glaive est l’amour, à entendre comme « âme-our »3, une âme de lumière. C’est l’exemple incarné par le Christ à sortir du tombeau ou de la terre des morts, ce qui est pareil. Cela signifie simplement que nous sommes invités à ne plus nous identifier à notre peau de souffrance et c’est aussi le propos du mythe de la caverne de Platon4.

Au livre VII de La République, Platon évoque en effet l’expérience commune de la caverne, comme une allégorie du monde étriqué dans lequel nous nous enfermons en raison de nos représentations, en oubliant que ce ne sont que des illusions. C’est ce que je faisais donc moi-même en avançant dans la vie comme sur un champ de bataille. Je projetais ce film dont j’étais le personnage principal, et je façonnais la prison dont je me plaignais, sans me rendre compte que j’évoluais dans une pure fiction quand je croyais l’histoire réelle.

Comme ces personnages mis en scène par Platon, je tournais le dos à la sortie de l’enfermement, par refus de la lumière du bon sens qui est pourtant la vraie vie des hommes. C’est pourquoi il m’arrive encore bien souvent de dire que nous tenons à nos symptômes car ils nous donnent imaginairement l’étoffe du héros : comme lorsque je me prenais pour une guerrière, ce qui entraînait, à mon insu, les coups et les souffrances endurées en retour.

Nous sommes donc invités, pour ceux qui l’acceptent, à identifier les facettes d’une personnalité avec ses multiples projections de rôles sociaux, pour pouvoir y renoncer et se découvrir, soi. Il est ainsi possible d’abandonner les ombres de la caverne, la terre de l’oubli, en rencontrant notre lumière intérieure si chère à la Tradition. Cela arrive donc simplement à chaque fois que nous reconnaissons notre inné, notre identité, en dessous des voiles des conditionnements.

La proposition de sortir de l’aveuglement s’annonce cependant d’une manière qui n’est pas toujours identifiée correctement car il s’agit d’une épreuve. Et les épreuves nous font souvent fuir. Elles apparaissent d’abord sous la forme d’un déplaisir qui peut devenir une souffrance, y compris somatique, si nous nous entêtons dans nos erreurs. Le pire n’est pas de rencontrer l’épreuve et le déplaisir, voire la souffrance, qui viennent nous proposer la libération quand on écoute leur sens caché. Le pire est de s’en défier ou, pire encore, de leur faire la guerre derrière une cuirasse très épaisse, en supposant qu’elle nous protège. Cette armure nous enferme pourtant, et va jusqu’à nous étouffer pour nous éviter d’éprouver, donc de vivre. Ressentir ses émotions est en effet le seul moyen de sortir du rôle que nous jouions sans le savoir, pour apprendre à y mettre du sens. Malheureusement, certains sont parfois tellement piégés dans un rôle qui les dispense de s’engager pour eux-mêmes, puisqu’ils récitent un répertoire bien rodé, qu’ils peuvent passer complètement à côté de leur vie.

C’est en reconnaissant l’imaginaire, en renonçant à être le héros d’un mauvais film, avec tous les bénéfices secondaires rattachés, et la liste peut être longue (par exemple s’identifier à un sauveur ou à une victime), que nous laissons progressivement derrière nous un corps de souffrance. Nous devenons alors peu à peu plus responsables et authentiquement nous-mêmes. L’expérience montre que lorsqu’on voit sa mise en scène, il n’est plus possible de dire ou de faire comme lorsqu’on ne savait pas. C’est ainsi que nous laissons mourir le vieil homme en nous : en cessant de nous confondre avec un personnage. Nous pouvons aussi nous souvenir que la résurrection, vue sous cet angle, consiste simplement, mais il n’est pas facile d’être simple, à sortir des pièges des conditionnements dans lesquels nous nous sommes longtemps confondus.

C’est cette invitation que nous fait la Genèse5 quand on en a une lecture symbolique. Si l’homme, en effet, a été créé à l’image déformée d’une source, il l’a aussi été à sa ressemblance. Il porte ainsi en lui la proposition de laisser l’une pour passer à l’autre, du côté d’une identité centrée d’essence spirituelle. Cette démarche est celle d’un retournement, imagé par le chemin exigeant de la canne à sucre vers le sucre. Tel nous le propose YHVH par la simple articulation de son identité. Ainsi, il est celui dont le nom peut, selon les prononciations, signifier « celui qui crée » et aussi « celui qui se révèle ». Nous sommes ainsi invités à réaliser notre nature divine en apprenant à la reconnaître, rien de moins.

Celui qui initie ce pèlerinage vers lui-même accède à la reconnaissance de ses conditionnements physiques, émotionnels et mentaux, comme images de lui-même. Dans une première étape de sa vie, ils recouvraient le dessin du Tétragramme YHVH, laquelle est son identité réelle, sa ressemblance, sa structure divine cachée. Elle se présente comme une épée dont le yod, le germe divin, est le pommeau, les deux hé, les deux parties de la garde, et le wav sa lame.

Figure 1 : l’épée du Tétagramme

Nous sommes ultimement non seulement de nature divine mais aussi l’épée de Dieu en ce monde. Et que fait une épée, si ce n’est trancher ? ce que nous comprendrons dans notre quête comme retranchement de ce que nous croyons être, soustraction qui nous conduit à révéler qui nous sommes.

Il s’agit enfin d’observer que le yod, ce germe qui s’incarne dans la matière, a en hébreu le sens de pied et de soleil, comme s’il venait nous signifier que nos racines sont en l’air et qu’elles sont de lumière. Notre identité est divine, à entendre comme lumière, et elle s’est densifiée ici-bas.

D’Esprit et de lumière

La Tradition, sous toutes les latitudes, dit à cet effet que l’Esprit, comme Lumière du monde, est présent partout, qu’il informe tout puisqu’il en est la source, et c’est pourquoi, selon la sagesse millénaire, il est possible de s’adresser à l’Esprit d’un arbre, d’un rocher, d’une cascade ou à une image sainte pour recevoir des bénédictions, des soins, voire des guidances…

C’est cela qui a souvent été raillé, qualifiant de primitive une connaissance qui commence à peine à être redécouverte par les travaux quantiques. Même s’ils ne font pas nécessairement le pont explicite entre physique et métaphysique, leurs observations le valident.

Ils nous révèlent par exemple que tout ce que nous prenons pour matériel est à plus de 99 pour cent du vide… informé et que la lumière est source de tout. Elle est à la fois la lumière6 et l’information dont naît l’énergie et la matière. On comprend mieux alors qu’il ne soit pas extravagant, pour celui qui sait se relier à cette information, d’envisager une autre voie que celle du savoir, et du raisonnement scolaire, pour étudier la voie des plantes de guérison par exemple. Celui-là peut en effet choisir d’être enseigné directement par la sagesse ancestrale des Médecines comme le font les peuples premiers.

Y compris pour quelqu’un de très matérialiste, il est aujourd’hui possible de mettre à l’épreuve une vision du monde restrictive et de la faire évoluer. La physique et la mécanique quantique offrent à cet égard des exemples particulièrement intéressants. C’est le cas de la découverte des états superposés7 des atomes, qui conduit à démontrer que le paradoxe du chat vivant et mort auquel concluait l’expérience du chat de Schrödinger8 n’en était pas un.

Cette expérimentation enferme un chat dans une boîte avec du poison et une source radioactive. Si les radiations dépassent un seuil, le poison se libère et le chat meurt, si les radiations ne dépassent pas ce seuil le chat reste vivant. Le dénominateur commun aux deux possibilités c’est que l’expérimentateur ne sait pas à l’avance ce qu’il en sera des radiations ni de la destinée du chat par conséquent. Les calculs de Schrödinger en 1935 aboutissaient au constat qu’avant l’ouverture de la boîte, le chat est à la fois vivant et mort, ce qui semble absolument impossible. Cependant, grâce à un appareillage complexe de visualisations des atomes en laboratoire, Serge Haroche a démontré la superposition des atomes en 2012, indiquant ainsi des états simultanés et le postulat validé d’un chat vivant comme d’un chat mort jusqu’à l’ouverture de la boîte. La recherche quantique déconstruit ainsi les conceptions des ombres de la caverne.

Malgré cela, beaucoup de gens ignorent superbement la magie du monde, la taxant d’illusion alors que l’imaginaire est de se limiter à une conception matérialiste et dualiste de nous-mêmes et de la vie.

Selon une observation objective, tout nous ramène pourtant à la lumière et à sa fonction organisatrice des informations. C’est exactement l’invitation de YHVH et l’impulse de son yod qui imprime l’identité divine à faire advenir au centre de nos corps de l’incarnation. Cette lumière est prisonnière de notre matière, exactement comme le dit la Tradition, et reste cependant accessible en dessous de la ligne de flottaison de notre conscience ordinaire, dans un lieu qui pour cette raison se nomme l’inconscient, ou l’âme. Mais elle n’est pas tout l’inconscient non plus. Notre identité est en effet nichée dans une partie encore plus profonde de cette instance, que Jung dénommait le Soi, et qui de tout temps s’est nommé Esprit ou Âme Lumière9. C’est là que se trouve la source d’une connaissance authentique puisqu’elle est cette lumière présente partout. Nous sommes ainsi le résultat du mille-feuille d’une intrication tripartite, où l’âme et l’Esprit agissent au nez d’une conscience encore souvent endormie, celle de l’ego (dénommée aussi moi-corps).

Le chaman et la magie

La Connaissance est universelle, évidemment, puisque présente partout dans la lumière qui a créé tout ce qui fait notre monde. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le chaman apprenne de l’Esprit, du vide informé avec lequel il a appris à se mettre en résonance. Il met ainsi en application une sagesse millénaire redécouverte par des travaux récemment nobélisés sur l’intrication quantique, un phénomène dans lequel deux particules sont en lien, quelle que soit la distance les séparant10. C’est à ce titre qu’il est champs-man, un être capable de mise en résonance assumée avec les champs d’information, et la différence avec ceux qui ne le sont pas, c’est simplement qu’il a la connaissance et l’expérience de voir, d’entendre, de ressentir, avec toutes ses oreilles, au-delà des apparences, et surtout il accepte ce langage comme inné.

C’est pourquoi j’enseigne l’Informationnel Chamanique qui doit son nom à la reliance en action avec cette source inépuisable d’informations, tout en rendant bien sûr hommage au tour de main de nos devanciers sous toutes les latitudes et à leur art d’une connaissance simple et naturelle. Simple, comme on dénommait autrefois les plantes qui guérissent.

Le chaman est ainsi un intermédiaire au service de la vie, ainsi que l’atteste son étymologie du russe shaman qui signifie « prêtre, médecin, magicien ». S’il est aisé d’entendre le chaman comme un médecin et un magicien, on pourrait légitimement s’interroger sur sa fonction de prêtre. Cela n’a pourtant rien d’étonnant puisque ce mot vient du grec presbyteros, qui signifie : « celui qui a acquis de la sagesse au service de son ministère ». C’est son exercice connaissant de la guérison qui fait du chaman un prêtre, au sens de sage.

Dans la Tradition, le chaman est ainsi celui qui guérit, qui a une connaissance en tant « qu’ancien du peuple », et c’est également à ce titre qu’il est considéré comme un magicien, comme celui qui envisage le monde par-delà les apparences.La magie s’entend alors comme une désillusion, une sortie des illusions, qui s’impose avec l’observation consciente de notre nature même d’onde et de lumière, avant d’être un corps avec sa densité. C’est cette source d’infinies connaissances dont le chaman connaît la cartographie pour accéder à ses trésors. Ainsi, voyager avec la magie, comme le fait le chaman, revient à emprunter un tapi mis en lumière.

Le mot magie vient du grec μαγεία (mageia), dont la traduction signifie à la fois« religion des mages perses » et aussi « sorcellerie ». À l’origine, il faut donc entendre la magie comme un art religieux et la sorcellerie comme son synonyme. Cela invite à nuancer le propos entre sorcellerie blanche et noire, tout comme pour la magie, et à interroger le glissement péjoratif du mot en français d’aujourd’hui.

Les mots « sorcier » et « sourcier » nous apprendront beaucoup à ce sujet car ils ont la même étymologie, même s’ils ont pourtant fini par donner deux sens différents. Comment cela a-t-il pu se produire ? Le sourcier est capacitaire à trouver l’eau, et à lire comme à dire si elle est utile à la vie, lui qui sait où creuser un puits tout comme indiquer la cause de perturbations dans une maison, celles liées au passage d’une veine d’eau souterraine par exemple. Il a pu susciter des craintes en percevant ce à quoi est aveugle le plus grand nombre. Quelles seraient les limites des pouvoirs occultes, cachés, d’un tel homme ? C’est bien cela qui a conduit à leur diabolisation et à en faire des êtres redoutés, et de sourciers à devenir sorciers. Pourtant c’est un biais de raisonnement angoissé, car non fondé, de supposer que dialoguer avec la lumière du monde, qui est en tout, ouvrirait nécessairement à de l’abus, mais cela n’est pas impossible non plus, et il appartient au magicien de se relier à la Source et de servir la vie, non de chercher à l’asservir, ce qui se produit parfois.

Cette erreur possible entre l’ombre et la lumière est à l’origine de bien des craintes, y compris des personnes qui s’initient à l’Informationnel Chamanique et qui formulent des questions pouvant se traduire par : « À quoi vais-je me relier pour dialoguer avec la musique du monde ? Est-ce que je cours le risque de me faire contrôler par des forces qui ne servent pas la vie ? » Ce sont des questions non seulement importantes mais fondamentales, car rien n’est plus facile que jouer aux apprentis imprudents et de le regretter bien vite : soit en étant coupé de sa guidance, de la source de l’âme-our, du Chaman Intérieur ; soit de s’attirer des rétorsions ; parfois les deux. Je me souviens ainsi d’une personne qui dialoguait avec les défunts qui se manifestaient dans son logis, et qui s’étonnait ensuite de se sentir épuisée, voire d’observer après ces mises en contact des perturbations dans son environnement physique comme des bruits, des objets qui tombaient, des disputes… mais bien sûr, elle ne faisait aucun lien avec la cause de tout cela. Il y a pourtant moyen d’établir ce contact en toute sécurité, oui, mais autrement que depuis son moi social, dans un juste positionnement dont la religion des mages perses devrait donner la clé puisque c’est de là que la magie tient ses origines.

Ora Lege Lege Lege Relege…

Il me semble important de questionner d’abord le vocable lui-même de religion, avant d’aborder la particularité de la source perse et de la spécificité de son culte lié à la magie.

Il n’est pas indifférent, en effet, que les deux origines principales, qui sont attribuées à « religion », sont pour l’une, relegere signifiant « relire », l’autre étant religare : « relier »11. Au premier abord, il n’est pas si évident de comprendre le « relire » comme étymologie de religion, à moins de se tourner vers les traités d’alchimie, et plus particulièrement vers le Mutus Liber12. Il donne en effet une clé à l’extracteur de lumière, car c’est justement ainsi, avec une invitation à relire qu’est nommé un axiome essentiel de la quête sur la planche XIV, à la manière d’une exhortation : « Ora Lege Lege Lege relege labora et invenies » dont la traduction est « Prie, Lis, Lis, Lis, relis, travaille (dans ton laboratoire) et tu trouveras ».

Le conseil explicite de lire est quand même étonnant, dans les apparences, puisque le Mutus Liber précise dans son introduction être « un livre sans paroles ». Nous observons un paradoxe, un écart de sens qui attire l’attention, et c’est d’ailleurs sa fonction (n’oublions pas qu’il s’adresse aux « fils de l’art » ainsi mis en alerte). Le tout début du livre est en effet rédigé par un auteur qui précise que son ouvrage ne l’est pas… et qui prend quand même soin d’inscrire la mention du « lire et relire » à la planche XIV !

Le sens se trouve sous le non-sens apparent, car les images, en effet, se lisent comme de l’écrit : les deux sont de même nature, texte ou image, une production qui tisse et lie du sens.

D’emblée, nous sommes donc invités à prendre en compte, à écouter, le « et »de cet enseignement avec notre troisième oreille, là où il donne l’apparence explicite du « ou », de l’image ou du texte. En effet, là où le langage articulé sera muet, l’art iconographique parlera.

Avec une économie de moyens propre à la transmission hermétique, notre auteur donne aussi l’indication explicite qu’il délivre « en figures hiéroglyphiques la totalité de la philosophie hermétique ». Avec ces différents indices, il met ainsi en alerte le lecteur averti. Mais ce n’est pas tout : il prend soin, en effet, de souligner encore qu’il s’agit de hauts enseignements pour celui qui se donne simplement la peine de traduire son pseudonyme d’Altus13, ce que ne manquera pas de faire celui qui est en quête de sa lumière intérieure dans l’art des transmutations, c’est-à-dire à l’alchimiste.

C’est à lui que s’adresse ce traité, à celui qui avance en intégrant la « philosophie hermétique », autrement dit l’héritage d’Hermès, le messager des dieux dans les trois mondes : corps, âme et Esprit (d’où l’invitation trois fois répétée de « lire » et l’adresse aux « fils de l’Art »).

Voici le signal donné, à lire ou entendre une langue différente de l’ordinaire… C’est qu’il s’agit ici de faire mention de la langue des oiseaux, celle des alchimistes… sans le dire !... comme le voulait la transmission depuis l’antiquité, où l’adepte faisait la promesse sur sa vie de ne pas prononcer un seul mot explicite des enseignements reçus. C’est pourquoi les quelques phrases d’Altus dans l’incipit sont si précieuses. Elles invitent à se mettre à l’écoute de la langue d’Hermès, langue qui n’est pas accessible à l’indiligent lecteur : ne parle-t-on pas de langage hermétique, dans la vie courante, pour évoquer un discours ardu et au sens difficilement accessible ?

Ici l’invitation est de s’ouvrir à l’implicite et aux secrets qu’il transmet pour celui qui sait écouter avec sa troisième oreille, celui qui tisse des liens, qui prie, comme y invite Altus, et travaille dans son laboratoire ; le microcosme de son ego-corps. Cet alchimiste y opère les transmutations qui se projetteront dans le macrocosme, le monde extérieur, sous la forme matérielle qu’elles y prendront. C’est ainsi que son labeur se reflète dans le miroir de l’art, comme c’est le cas pour tout le monde, mais lui a appris à identifier ce phénomène comme tel, ce qui est plus rare.

La langue des oiseaux, celle d’Hermès le trois fois grand, que l’adepte sait reconnaître, n’est en effet pas seulement celle des initiés pour communiquer entre eux, mais avant toute chose, elle est la manifestation, partout, de l’Éternel Présent et de son enseignement.

Le langage de la nature vivante s’adresse à celui qui s’y ouvre, et auquel est rompu tout initié, tout chaman, toute personne qui pratique l’art des intermédiaires. C’est sans doute ainsi qu’on peut comprendre la cinquième exhortation d’Altus : « relege » : relis, certes, mais que la langue des oiseaux fait aussi sonner comme « relie », mettant ainsi d’accord les deux origines proposées pour « religion », relier et relire, qui sont en outre des anagrammes l’un de l’autre.

Pour nos grands anciens, une religion est ainsi la capacité, dans le microcosme et le macrocosme, d’entendre les liens qui nous éveillent sur la nature véritable du vivant qui est comme la trame d’un tisserand. Ultimement, il n’y a en effet pas de séparation, nous sommes tous reliés comme les fils d’un même tissu. C’est cela la magie du monde.

Les fidèles de Zoroastre, conscients du sens véritable de leur pratique et de leur engagement, ont été nommés mages. Nous aussi, quêteurs de sens, nous sommes des magiciens en devenir de la désillusion complète de l’Éveil et nous sommes appelés à une démarche religieuse au service de notre lumière intérieure.

De lien en lien…

Cet état d’éveillé est ultimement notre nature véritable déjà accomplie et simultanément notre enseignante dans l’expérience relative. C’est donc elle, et elle seule que nous pouvons choisir de reconnaître dans cette fonction et qui n’a pas l’obligation absolue d’en passer par des mots pour nous enseigner. Son langage ici, celui du monde, est une capacité à émettre du sens, quel qu’en soit le moyen : émotions, gestes, hiéroglyphes, danse codifiée, sons, langues, rêves… et dans tous les cas : associations… entre les lignes, entre les mots, entre les cultures, entre… Concernant les langues, chacune avec leur idiome, elles ne sont donc qu’un des moyens possibles à la disposition du langage, et c’est une erreur de confondre les deux. Voici pourquoi, l’entraînement proposé par les maîtres imagiers est si important, de façon à « couper la tête » : le contrôle et les idées reçues.

C’est ce à quoi nous invite l’arcane XIII du Tarot de Marseille, dans cet autre traité d’alchimie qui ne dit mot, ou presque, et qui transmet l’Enseignement des grands maîtres imagiers, ici cartiers, depuis le XIVe siècle, tout en devant son nom à ses origines provençales. Elle est l’arcane sans nom, puisque contrairement aux autres lames majeures, l’image ne porte mention d’aucune indication nominative. Elle est pourtant souvent appelée à tort « La Mort ».

Figure 2 : L’arcane XIII du Tarot de Marseille, l’arcane sans Nom

Pratique 1 : Centrage 1

Sous une apparence ludique, les 22 lames du tarot racontent le chemin de l’initié en direction de sa lumière intérieure et lui proposent une guidance utile qui ne vient de nulle part ailleurs que de son centre. Pour se laisser enseigner par ce feu interne, il s’agit, avant tout, d’être à l’intérieur de son corps en conscience.

Il existe de nombreuses possibilités d’entraînement à l’écoute centrée et consciente pour nous libérer de l’ego jacassier. En voici une que vous pouvez simplement lire pour vous en inspirer ensuite :pour votre entraînement, choisissez une position confortable, et, surtout au début, fermez les yeux sur tout ce qui est dehors… pour les avoir ouverts, dedans.

Avant la connexion aux arcanes, il s’agit de s’installer dans une respiration consciente, et de sentir le retour au centre se faire dans son corps physique, en prenant le temps utile pour se laisser porter par les vagues de l’expir et de l’inspir… tandis que commence à se ressentir un centrage horizontal, de la partie gauche de notre corps équilibrée avec la droite. S’accomplit aussi un ancrage vertical, de ce qui est en bas aligné avec ce qui est en haut et réciproquement.

L’attention est, ramenée dans le cœur d’où peut s’observer cette nature ondulatoire et naturelle d’un être vivant qui respire. C’esten tous cas l’endroit de la détente, du bien-être et de la centration.Alors l’espace est perceptible, celui où les informations circulent librement comme de jolis nuages cotonneux dans le ciel bleu de notre nature, et, dans cette respiration centrée et naturelle, nous pouvons alors tirer une clé du tarot et l’écouter nous parler…

Si nous avons tiré l’arcane sans nom, qui « fauche », entendez qu’il montre la possibilité de se libérer de ce qui « ruine » notre quête et qui n’est autre que le raisonnement incessant de notre personnalité. Cette dernière défend ses illusions comme elle peut, principalement avec de nombreuses rationalisations, redoutables pièges dont l’arcane propose d’accepter la mort symbolique. C’est en effet ce que la clé XIII image sous forme de têtes qui tombent, de la chute des mains qui s’agrippaient et contrôlaient, et des pieds coupés d’un mauvais équilibre.

L’invitation est de laisser mourir l’illusion de la personnalité pour renaître à plus d’identité et de stabilité, d’initiation en initiation. Ainsi cet arcane n’a rien d’affreux, mais il est vrai que notre guidance propose avec ce tirage que nous donnions les preuves d’un engagement authentique, et qui peut être exigeant. Dans tous les cas, lire le tarot met en application que « tout est langage », ce qui ne signifie pas que tout en passe par la parole. En revanche, c’est l’affirmation que le sens est partout, sous différentes formes et que « Ce que le mot ne pouvait exprimer qu’imparfaitement, voire pas du tout, l’alchimiste l’a confié à l’image. »14 C’est ainsi qu’Altus a transmis le Mutus Liber, ce traité presque sans paroles mais non sans langage.

Dans cette transmission, nul besoin d’apprendre une grammaire savante, car c’est notre cerveau gauche, celui qui se met en résonance, qui est invité à adopter la souplesse de l’onde comme lorsque nous étions des enfants joueurs, qui prenaient plaisir à relier de nombreux points dans des magazines. Nous étions heureux de faire des ponts pour aboutir à une forme inattendue. J’aimais beaucoup ce jeu.

Il en va de même avec la langue des oiseaux. Elle nous conduit de point en point, de lien en lien, par associations parfois surprenantes qui échappent totalement à notre mental raisonneur ; d’où l’importance de « couper la tête ». Pourtant cet ego est précieux quand il faudra arriver jusqu’au sens, comme l’enfant en bonne santé qu’il peut être aussi, quand il reconnaît et nomme avec joie la forme à laquelle il est parvenu dans la reliance des points, quand il a abouti au sens caché de sa chasse au trésor.

Malheureusement, alors que le but est proche, il est possible de s’égarer, piégé par les ombres d’un ego malade, cette fois, et qui sombre dans la démesure. C’est ce qui se produit quand il prend les commandes et se met sous le feu des projecteurs dans le but d’une démonstration savante de la langue des oiseaux, ce qu’elle ne peut être. Ce sont alors les effets de manches qui sont préférés à un résultat concret, et si cela produit assurément des séductions sociales faciles, c’est pour en rester là, dans le creux de la transmission.