Guerrière - Lise Gagné - E-Book

Guerrière E-Book

Lise Gagné

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Beschreibung

Le parcours d’une vie est bien différent d’un individu à l’autre. Pour certain, le chemin sera linéaire et sans embûche. Celui que vous découvrirez tout au long de ce récit que ma conjointe vous propose, sera rempli de courbes sinueuses, de montagnes russes ainsi que de vagues vertigineuses. Encore remplie d’énergie aujourd’hui, elle vous raconte son épopée de Guerrière dans ses mots bien à elle de petite Gaspésienne. Ceux qui la connaissent bien vous diront que son grand courage ainsi que son infinie détermination auront su vaincre les hautes voltiges reliées à sa santé. Tout est possible lorsque la volonté et la résilience sont au rendez-vous ! Il ne faudrait pas oublier l’amour également car sans amour, la vie n’a plus toute sa subtilité. En ce qui me concerne tout particulièrement, elle vous racontera, entre autres, l’après-midi du 14 août 1999 à 14 :14, cette merveilleuse sortie de route qui a manifestement changé sa vie.

Bonne Lecture !

Son conjoint, Pierre

À PROPOS DE L'AUTRICE



Lise Gagné - Diplômée de l’Université du Québec à Rimouski en enseignement préscolaire et primaire, Lise travailla auprès des enfants durant plusieurs années de sa vie. Les déménagements fréquents lui infligèrent un manque de stabilité afin d’obtenir une permanence au sein d’une commission scolaire. Sa route prendra des allures insoupçonnées dû à une maladie héréditaire qui changera le cours de sa vie. L’auteure nous livre, ici, son histoire de vie. Vous découvrirez une femme forte qui a le pouvoir de s’adapter aux situations. 

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Pour commentaires ou pour commander : [email protected]

La photographie de la page couverture arrière a été prise par : Amélie Caron, photographe et vidéaste.

Couverture et mise en page : Ecoffet Scarlett

Toute représentation partielle ou totale est interdite sans le consentement explicite de l’auteure.

ISBN : 978-2-925356-21-9

Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec – 2024

La révision linguistique de cet ouvrage est assurée par Stéphanie Brière.

Cette publication est dirigée par :

Téléphone : 418-271-6578

Courriel : [email protected]

Site Web : editionsenoya.com

 

 

 

 

 

 

 

À Annick, qui a semé l’idée de ce livre.

À mon mari, Pierre, qui m’a supportée durant tout le temps de l’écriture de ce livre.

À tous mes lecteurs qui ont choisi Guerrière, mon histoire de vie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Certains prénoms ont été remplacés par des prénoms fictifs afin de préserver la confidentialité.

 

Introduction

 

 

 

— Madame Gagné, vous n’auriez pas envie d’écrire votre histoire? 

— Mon histoire?

— Bien sûr, pourquoi pas?

— Parce que je n’ai rien à raconter d’intéressant, ma belle Annick 1!

J’étais dans un état de panique totale, j’avais les yeux embués de larmes, le cœur lourd et elle me demandait d’écrire un livre. Quelle drôle d’idée!

— Vous ne voyez pas tout le potentiel que vous avez?

— Hein, moi?

— Bien oui, vous! avec votre vécu, toutes les personnes qui vivront de près ou de loin des situations semblables aux vôtres verront comment vous avez réussi à vous en sortir. Vous pourriez les aider à comprendre leur propre vécu, leurs propres douleurs et même leur propre bonheur, pourquoi pas?

Je la regardais, un peu ébahie. Comment moi, une fille toute simple qui n’a jamais écrit de livre de sa vie, je peux même envisager écrire quoi que ce soit…alors…désistement sera la solution? Me trouver des excuses pour ne pas mettre ce projet à exécution? C’était ce que je voyais comme porte de sortie.

— Tu sais, Annick, je n’ai pas trop la tête à écrire en ce moment…

— Je m’en doute bien, madame Gagné, mais si je vous en parle, c’est que peu importe si vous y mettez cinq ans, votre histoire est particulière et moi, j’aurais vraiment envie de vous lire. Moi et beaucoup d’autres, j’en suis certaine.

— Je vais y penser…, dis-je entre deux sanglots. Elle tenait bon, la petite Annick.

Elle ajouta:

— En plus, vous remontez toujours la pente avec le sourire, quoi qu’il arrive.

Mon sourire : celui qui est franc, celui qui cache souvent la douleur. À ces dernières paroles, les larmes coulaient à flots sur mes joues. Je sanglotais comme une enfant qui vivait son plus gros chagrin à vie; avec tout mon cœur et sans retenue. Plus de barrière, plus de je ne dois pas, je dois être forte… plus rien n’existait à part ma peine qui envahissait tout mon être. Au fond de moi, l’envie d’écrire était présente depuis de nombreuses années déjà, mais le moment ne s’y prêtait pas, que je me disais. J’étais beaucoup trop triste pour penser à mettre des mots les uns à la suite des autres afin de raconter mon histoire… Je me sentais au bord de l’abime en ce moment même et tout mon être tremblait tellement il avait mal. Mes pensées étaient parsemées de différentes teintes de gris, et parfois même de noir, et comme ça ne me ressemblait pas, j’allais attendre…

C’était en 2019 et je vivais une dépression avec angoisse et anxiété. Je m’étais présentée dans cet état à la greffe externe de l’Hôtel-Dieu de Québec, ne sachant plus quoi faire pour aller mieux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                    

 

 

 

 

 

 

Chapitre 1Une idée qui fait son chemin

 

 

 

Pendant le confinement dû à la Covid-19 qui nous obligea à rester chez nous, en 2020, je me remémorai la suggestion d’Annick et je percevais comme des mots, des bouts de phrases et d’histoires vécues qui se bousculaient dans ma tête et qui envahissaient du même coup tout mon cœur, tout mon être. Des émotions surgissaient de partout. Des scénarios naissaient. Peut-être que le moment était bien choisi pour moi? Les planètes, bien alignées? De banale comme je croyais, je la voyais plutôt spéciale, ma vie. Et ce qui intriguait Annick était ma capacité à me sortir de chacune des situations vécues, même si des larmes coulaient, je mettais mon armure de guerrière afin de combattre et de m’en sortir. Si Annick m’avait demandé d’écrire un livre, en 2019, c’était sans doute parce qu’elle savait que j’avais un parcours des plus inusités, différent et assez particulier pour une seule personne. Et comme elle me l’avait si bien dit, j’avais le potentiel pour l’écrire? Je verrais…

La raison de ce livre n’est aucunement une recherche de compassion pour la pauvre fille que je pourrais être. Je ne me considère pas ainsi. Oui, j’ai eu de grands défis à surmonter, mais toujours j’ai gardé espoir et cet état d’espérance constant nourrissait mon être ainsi que ma force de m’en sortir afin de retrouver mon bien-être et mon sourire. J’ai pleuré, oui, affirmer le contraire serait mentir. Mais une fois que je voyais une lueur au bout de mon tunnel, le sourire revenait et je mettais tout en œuvre pour me sortir de mon guêpier.

Je vous propose donc une «saga» personnelle où je partage avec vous des bouts de vie qui m’ont permis de grandir. Vous découvrirez ma façon de voir la vie à travers mes lunettes de femme éprouvée par des mésaventures et la maladie. Je vous ouvre mon cœur.

Chapitre 2Les débuts!

 

 

 

Il était très tôt ce jour-là, toute la maisonnée dormait encore. Même le soleil semblait vouloir paresser ce matin et moi, je me sentais prête à faire les premiers pas vers l’écriture de mon livre. Le cœur battant et vivant une très grande fébrilité, je m’installai à ma table de travail, un café à mes côtés, et je démarrai mon ordinateur. J’avais le cœur qui battait la chamade.

J’ouvris l’outil de travail «Word» et j’entrepris ce que je trouvais le plus difficile à ce moment-là, soit de me retrouver devant une magnifique page étincelante de blancheur!

D’ici quelques minutes, je saurais si j’ouvrirais mon cœur assez grand afin que vous puissiez y lire ce qu’il contenait depuis longtemps, soit une histoire…la mienne. J’avais beaucoup réfléchi à la question tout en repoussant l’échéancier et depuis quelques jours, je me disais, pourquoi pas? Si ma vie et ma façon de me sortir de mes batailles peuvent inspirer d’autres personnes à comprendre leur propre cheminement, et si je peux les aider, alors je ne perds rien à partager. Si mon parcours peut les amener à vivre mieux surtout, avec une meilleure compréhension de ce qui leur arrive, alors pourquoi pas? Une étincelle de joie envahit mon âme. Les doigts bien placés sur mon clavier, je pris une, deux, trois bonnes inspirations et expirations et… ce fut la course folle!

Une surprise m’attendait, les mots glissaient à une allure indescriptible sur les pages tellement que ça en était surprenant. Je n’arrivais pas à suivre…C’est à croire que mon histoire avait hâte d’être racontée et mise en lumière.

Je vous présente «GUERRIÈRE», mon histoire qui a pris racine près du fleuve. J’en ai fait mon allié au fil du temps.

Près du fleuve tout s’éclaire. Je grandis, je m’épanouis, je me ressource et je prie. Il est comme une force tranquille qui m’apporte son soutien et tant d’apaisement. Près de lui, je retrouve mes joies d’enfant, un sourire bienveillant et des réponses à mes demandes. Il est comme une douce oreille, un doux murmure qui me fait entrer au fond de mon âme.

Je vous offre mes vagues et comment j’ai grandi à travers elles... Vous constaterez toute l’étendue de mon océan intérieur et tous les chemins du cœur pour y parvenir!

Bonne lecture,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lise

Chapitre 3Mon enfance

 

 

 

Je suis née en Gaspésie, une région du Québec que les gens décrivent comme une des plus belles à visiter. Moi, la chanceuse, j’y habitais! Un beau petit village au bord de la mer où le bonheur sentait les odeurs enivrantes de sel et de varech (de varette comme on disait chez nous!). Parfois, il nous parvenait des «parfums» de poissons, car nous restions tout près de l’eau et du quai, là où étaient accostées les barques des pêcheurs. Marsouicomptait environ 850 âmes; les maisons longeaient pour la plupart la route 132, appelée maintenant La Route des Navigateurs, et quelques autres maisons se trouvaient sur des rues avoisinantes. D’un côté se retrouvaient de très hautes montagnes et de l’autre, la mer à perte de vue. Un vrai paradis.

Souvent, le matin, je sortais le bout de mon nez dehors juste pour sentir la fraicheur du vent. La porte entrouverte, je fermais doucement les yeux pour m’enivrer des effluves laissés par le passage de la douce brise. Comme je me sentais bien en cet instant! Rapidement, j’entendais ma mère me lancer un «Lison, ferme la porte, il fait froid ce matin, et vite, va t’habiller!». Ma chère maman avait le don de me sortir rapidement de ma rêverie.

Une fois dehors, il m’arrivait de rester sur place et d’admirer les vagues de la mer qui dansaient dans le bleu immaculé du ciel. Au loin, les barques tanguaient dans l’attente des pêcheurs qui ne sauraient tarder à les rejoindre. Les mouettes se trémoussaient près du quai. Je vivais dans un endroit magnifique, magique même. Dans ma tête d’enfant, il ne pouvait exister de plus beau village au monde, c’était impossible! Et cela même si je ne connaissais que lui. Je sentais que mes racines étaient bien ancrées dans ce havre de paix.

Entourée d’amis, je ne m’ennuyais jamais. Mes journées se vivaient dans la joie, le bonheur et les rires. Beau temps, mauvais temps, ça n’influençait pas notre humeur comme pour certains adultes que je trouvais bien plaintifs à certains moments. On aurait dit que parfois la température était ce qu’il y avait de plus important au monde pour eux! «Il fait beau aujourd’hui, n’est-ce pas, Amanda? Oui, mais… et je n’écoutais plus, j’étais déjà partie rejoindre mes amis. Avec eux, au moins, ce serait plus agréable, car peu importait la température, nous savions nous désennuyer! Nous étions très organisés pour des enfants de six ans!

C’est à cette époque que mon petit frère est né. Les cheveux très roux, il était adorable et comique. Une frimousse rare, que je me disais. Moi, j’étais une blondinette aux yeux bleus, alors rien de bien exceptionnel, selon mes propres critères, tandis que lui avait un petit quelque chose de magnifique et de différent. Je le trouvais mignon et j’aimais le prendre dans mes bras pour le bercer. Il ne pleurait presque jamais et je crois bien que son sourire était ce que je voyais de plus beau dans ma journée. Mon petit frère savait remplir mon cœur de joie. Alors qu’il était collé tout contre moi, je m’amusais à le faire rire et sourire. Quel bonheur !

Comme la maison était petite, nous dormions dans la même chambre, tous les deux, alors pour une grande fille de six ans, c’était particulier de dormir avec son petit frère qui se trouvait juste à côté dans sa couchette, mais je voyais cela comme un grand privilège qu’on m’accordait.

Il se réveillait vers cinq ou six heures du matin et malgré l’heure matinale, je lui parlais tout doucement pour ne pas réveiller nos parents.

— Bonjour, Yves! tu as bien dormi? Et…sourire! Tu es en forme? Et… sourire! Je l’adorais, mon petit frère roux!

Je m’approchais de lui et je sentais tout à coup un doux parfum… de pipi et de caca!… Ouf, au secours, la couche est pleine!

Maman arrivait comme de nulle part et venait à la rescousse! De toute manière, ce babillage avec lui ne durait que quelques minutes, car il se mettait à pleurnicher un peu et presque immédiatement apparaissait notre maman dans l’embrasure de la porte. Elle arrivait en toute hâte en bâillant, les yeux à demi fermés avec les cheveux un peu hirsutes, mais elle était déjà habillée. Je la voyais presque comme une super maman super efficace, elle était rapide pour tout, alors que moi, je prenais mon temps pour tout! En s’adressant à Yves, qui était tout heureux de la voir, elle lui disait :

— Allez, vite, mon beau bonhomme, que je te change et te donne ton déjeuner. Et à moi, elle chuchotait : Lison, il est tôt, tu peux te rendormir, Je te réveillerai quand viendra le temps de te lever pour l’école

Une offre alléchante

 

Mon père était le seul boucher du village où nous restions. Tout le monde l’appréciait, il avait comme un sixième sens pour bien connaitre les goûts de tout le voisinage. C’est sans doute la raison pour laquelle le gérant ne disait rien sur sa consommation d’alcool un peu exagérée. Cigarette au bec, une bière cachée en arrière du comptoir, il servait les clients toujours avec le sourire et une bonne humeur presque exagérée. Ma mère, elle, restait à la maison et s’occupait de nous et de toutes les tâches ménagères. Dans les années soixante, c’était la manière de vivre la plus courante.

La vie s’écoulait comme je l’aimais. J’étais jeune et même si je voyais que mon père buvait régulièrement, je n’y accordais pas trop d’importance, ça ne changeait rien à mon quotidien de petite fille. Moi, j’étais bien, j’allais dormir chez ma grande amie Yolaine, on rigolait beaucoup, car nous donnions vie à des personnages imaginaires. Nous étions enfouies sous les couvertures et notre imagination nous permettait de voir des images plutôt loufoques sur celles-ci. Un jeu magique qui précédait la période juste avant de dormir. Elle venait chez-moi et j’allais chez elle. Ses parents étaient très gentils et sa mère faisait les meilleures crêpes du village, selon mes dires. Nous nous amusions beaucoup toutes les deux.

Je ne comparais jamais ma vie familiale à celle des autres et pourtant, si je l’avais fait, j’aurais vite compris que mon père était difficile à vivre et qu’il était intransigeant avec ma mère. Pour moi, la vie, c’était ce que je vivais. Je l’aimais, ma vie. Elle était merveilleuse et le bonheur se vivait au quotidien où chaque jour devenait une explosion d’instants précieux que je savourais avec toute la fougue et la vivacité qu’on me connaissait!

J’avais beaucoup d’énergie et je parlais beaucoup! Toujours des histoires à raconter. Mon père m’appelait «La Pie». J’étais affublée de ce sobriquet qui m’allait à ravir. Je devenais sans doute un peu étourdissante avec toutes mes péripéties racontées avec grande ferveur et même aujourd’hui, ce trait de caractère me poursuit, mais j’ai perdu le sobriquet!

Les années passaient, je grandissais sans trop faire de remous. Je parlais toujours autant, mais j’étais une petite fille agréable, selon les dires de ma famille.

Un jour, au retour à la maison après l’école, je vis une grosse voiture noire garée dans l’entrée. Mon imagination débordante me fit voir une araignée dangereuse avec des tentacules énormes! Je sentais qu’il y avait un danger!

À l’intérieur, un homme un peu trapu se trouvait avec mes parents et tout le monde avait un air solennel des grands jours. Mon père, les yeux béants de sollicitude, regardait l’homme tout en passant sa main dans ses cheveux noirs épais. J’étais curieuse, bien sûr, mais ma mère me dit d’aller me changer et de sortir dehors pour trouver mes amis. Un peu déçue, je n’en saurais pas plus pour l’instant. J’étais intriguée. La voiture avait attiré la curiosité des passants et des villageois, bien évidemment. Tout le monde se demandait ce qui se tramait ce jour-là sur la rue du Quai! Même moi, ça me fatiguait. Belette comme j’étais, je n’avais aucune idée de ce qui se passait, mais je ne sentais rien de bon, une intuition!

Plus tard, je sus que cet homme avait une épicerie à vingt minutes d’où nous restions et qu’il était venu offrir un emploi à mon père. Il était plutôt venu lui faire miroiter des avantages de rêve et un salaire faramineux! Plus tard, ma mère m’avait dit que peu importait les arguments que donnait mon père, l’homme acquiesçait à toutes ses demandes! Quand mon père parlait de ce travail avec l’homme «araignée», il avait les pupilles dilatées en formes de dollars, c’était son impression.

L’homme sortit de la maison et repartit très joyeux avec le sourire aux lèvres. Je n’aimais pas ce sourire hypocrite. J’avais décidé que je n’aimerais pas non plus cet homme.

Mon père semblait flotter sur un nuage depuis la venue de l’homme chez nous. Il était de très bonne humeur et sifflotait à longueur de journée.

Je sentais que ce n’était pas un très bon présage pour moi. J’étais certaine que ma vie allait partir à la dérive et s’en aller dans une direction que je n’aimerais pas. Je me posais beaucoup de questions. Personne ne m’avait encore parlé de la visite de l’homme, mais je sentais que bientôt plus rien ne serait comme avant et que je vivrais de grands bouleversements. Au fond de mon estomac noué, une grosse boule de peine s’installa. Quelques jours plus tard, mes parents se décidèrent à me parler. Ils m’annoncèrent notre futur déménagement. Je m’en doutais bien qu’il se tramait quelque chose d’épouvantable! Je le sentais et effectivement, c’était la pire nouvelle qu’on pût m’annoncer! Dans ma tête, je répétais «je m’en doutais, je m’en doutais, je m’en doutais donc que ce serait une mauvaise nouvelle pour moi». J’étais à la fois triste et fâchée. J’en voulais à l’homme à la voiture en forme d’araignée noire qui avait pensé à mon père pour travailler à son épicerie ! En même temps, je ne pouvais y croire. Bien sûr, je ne doutais nullement des talents de boucher de mon père, mais qui pensait à moi dans cette histoire? Personne, malheureusement, que je me disais…

 

Je n’avais absolument rien à dire, j’étais une enfant! À part vivre ma peine déchirante et intense, je ne pouvais changer quoi que ce soit. Mon cœur ne comprenait pas ce qu’il vivait. Je pensais qu’il allait exploser en mille morceaux comme un casse-tête dont toutes les pièces éclataient dans tous les sens. J’étais anéantie! En quelques jours, ma vie basculait et je ne comprenais pas qu’on puisse me faire autant de peine. Devant moi, l’inconnu et l’incertitude. Sous mes couvertures, tous les soirs, je pleurais tout bas afin que mes parents ne m’entendent pas. Ils étaient si joyeux et heureux que je ne voulais pas gâcher leur bonheur. Et cela même s’ils gâchaient le mien.

 

 

DéménaGement, prise 1!

 

Tout se fit si rapidement. Ma mère trouva un appartement à Sainte-Anne-des-Monts et m’inscrivit à l’école afin que je poursuive ma 6e année. Nous étions en novembre et j’avais dix ans.

«Tu verras, Lison, tu vas aimer cette ville. Tu vas te faire de nouveaux amis.» Elle semblait sérieuse en plus quand elle me racontait ces sornettes. Tout au fond de moi, je pensais :« voyons, maman, vous m’emmenez à l’autre bout de la planète (c’était à 20 kilomètres de mon village de cœur), je vais perdre tous mes amis, ma maison, mon village, tout! Et en plus, je dois trouver cette aventure amusante? Non, ne m’en demandez pas trop. » J’avais tellement le cœur gros que rien n’aurait pu amenuiser ma peine.

Je me rappelle que la veille du départ, juste avant d’aller me coucher, mon amie Yolaine et moi étions dans les marches d’escalier qui menaient au deuxième étage de la maison et nous osions à peine prononcer un mot. Comme si tout avait été dit et que d’en dire davantage allait faire jaillir toutes les larmes qu’il me restait.

Après une courte nuit agitée, fatiguée, le lendemain matin, je fis le tour de la maison.MA maison, en regardant chaque petit racoin que je garderais dans mes plus grands et plus beaux souvenirs. Je quittais ma maison d’amour. Celle où j’avais grandi et vécu de beaux et grands bonheurs; des fous rires avec mon amie Yolaine. Non, plus jamais ce ne serait pareil. À mes presque 11 ans, on m’arrachait le cœur et tout s’écroulait autour de moi. Je me demandais comment on pouvait vivre si triste jusqu’à la fin de sa vie. J’enviais mon petit frère, qui était trop jeune pour garder des souvenirs immuables de notre village.

Nous n’emménagions pas dans une maison, mais dans un appartement. C’était comme une grosse maison bizarre et à mes yeux d’enfant, je n’avais jamais connu ce genre d’endroit pour y vivre. Aucune forme particulière et beaucoup de gens que nous ne connaissions pas. Un grand rectangle briquelé avec des fenêtres et des balcons. Je trouvais cela assez triste comme endroit. Où se trouvaient les fleurs? Le gazon? La cour? Juste de l’asphalte pour garer les voitures. Je trouvais cet endroit assez lugubre, rien ne m’attirait.

Dès le lendemain, je me présentais à ma nouvelle école. Malgré la gentillesse de l’enseignante et des jeunes de la classe, j’avais la gorge nouée. Je m’ennuyais tellement de mon beau village, ma vie, mon ancrage perdu! Je me sentis si seule pour affronter les grands vents de l’existence.

Au début, mon père adorait son travail. Il rencontrait des gens nouveaux et différents et recevait tellement de compliments sur la coupe de tel ou tel morceau de viande, je voyais dans son regard une fierté à peine voilée.

Cependant, au fil des jours, il commença, à constater quelques irrégularités et ce fut une grande déception. Rien, mais absolument rien de ce que l’homme à la voiture noire lui avait promis ne se passait comme discuté. Mon père était triste, je le voyais bien. Il regrettait amèrement d’avoir tout chambardé dans nos vies pour se retrouver dans une vieille épicerie défraichie qui avait besoin de bien plus que d’un boucher. En plus, l’homme ne le payait pas régulièrement! «La semaine prochaine, j’aurai l’argent!», qu’il disait, comme si nous allions manger que la semaine prochaine! Mon père recevait donc une paye à l’occasion. Il savait pertinemment qu’il ne nourrirait pas sa famille avec des promesses et des peut-être!

C’est pour ces raisons qu’après mûre réflexion et une bonne discussion avec ma mère, mon père choisit de regarder d’autres opportunités de travail. Quelle déception tout de même!

Il nous annonça assez rapidement qu’il avait trouvé un travail de boucher ailleurs, mais à Matane! Nous allions encore déménager, mais dans une plus grande ville, celle où habitaient mes grands-parents maternels que j’adorais! Pour moi, c’était mieux que toute autre ville qui nous aurait menés je ne sais où! Et cette fois, pas de larmes, je n’avais pas eu le temps (huit mois) de m’attacher à cette petite ville que nous quittions. J’étais donc heureuse de partir mais je m’éloignais un peu plus de mon village adoré, Marsoui. Ma mère me promit que nous allions y revenir sous peu et cela me fit chaud au cœur. Je sautai de joie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DéménaGement, prise 2!

 

À Matane, nous vivions dans un très grand appartement aux allures d’autrefois et j’adorais cet endroit! C’était immense avec des plafonds d’une hauteur vertigineuse, une baignoire sur pied, des armoires de cuisine à faire rêver, car elles étaient peintes à la main et chacune avait une forme différente de l’autre. J’étais aux anges!

Il y avait des placards tellement grands que je m’y perdais! Dans ma chambre immense, je m’étais même installé un petit atelier afin d’y jouer pendant des heures.

C’est donc dans cette ville que je commençai mon secondaire, une école juste de filles. C’était un peu curieux. Je me fis des amies rapidement. Finalement, je me sentais bien. Je m’aperçus que ma grosse boule de tristesse avait disparu! On ne vit pas avec une grosse boule au fond du ventre toute sa vie; le temps joue en notre faveur et quand le bonheur s’installe autrement, même si c’est ailleurs, elle disparait et c’est ce que je constatais! En revanche, mon village me manquait quand même, il était dans mes plus belles pensées. Je gardais des images au fond de mon cœur en me disant que j’y retournerais un jour. Ma mère me l’avait promis tout de même et je savais qu’elle tiendrait cette promesse si importante pour moi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 4Mon père

 

 

 

Mon père travailla quelques années dans cette épicerie qu’il aimait bien. Matane était sa ville natale, alors il y connaissait beaucoup de monde. Il sifflotait comme toutes les fois où il était heureux et comme toujours, les patrons étaient contents de son travail.

Ma mère et moi, nous aperçûmes qu’il buvait beaucoup et surtout de plus en plus. Je ne comprenais pas qu’il puisse chantonner et siffloter s’il était si malheureux? Il était heureux ou malheureux? On ne savait plus. L’alcoolisme est une grande maladie qui gâche beaucoup de vies. C’était le cas à la maison. Le divorce allait bientôt être la seule option qu’envisagerait ma mère si la situation ne changeait pas. Mon père, malgré toutes ses courbettes au travail, était assez difficile à vivre chez nous. Un caractère de feu, il fallait toujours rester aux aguets. Aussi, ses patrons s’aperçurent qu’il buvait, ce qui mena à un arrêt de travail.

Se voyant un peu partir à la dérive, et constatant qu’il perdait le contrôle familial en plus de tout, ce qui devait arriver arriva, jour après jour, il noyait sa peine. Assis dans sa chaise berçante à longueur de journée, il buvait à en devenir ivre mort! Tous les trois, nous avions peur de ses comportements. Il se fâchait pour des riens et de plus en plus souvent. Dans son regard, je cherchais l’étincelle pour lui parler doucement et le ramener à la raison, mais ses yeux étaient vides et vitreux. Je me disais que mon père avait vécu trop de déceptions dans sa vie et si je pensais bien faire en essayant de discuter, j’envenimais plutôt ses réactions, alors j’ai arrêté tout contact avec lui, même si nous étions dans le même appartement. Mon père ne voulait plus avoir affaire à nous. On le voyait dans un piteux état! Il se mit à menacer ma mère en l’affublant de tous les mots méchants qu’il trouva. Je savais par ma mère que tout n’était que tristesse, peur et souffrance. Mais elle ne pouvait endurer que nous restions sans rien faire. Et s’il devenait dangereux pour nous tous? Nous avions peur.

Après une grosse chicane entre mes parents, mon père sortit se chercher de quoi étancher sa soif et c’est alors que nous quittâmes l’appartement. Nous nous sommes littéralement sauvés comme des voleurs. Nous n’avions rien pris, sauf peut-être notre liberté. Ma mère quittait définitivement mon père. Nous nous sommes rendus chez mes grands-parents.

Mon grand-père n’approuvait pas le geste de ma mère, même si elle lui racontait ce que nous vivions. Il était partagé entre ce qu’une bonne mère de famille doit faire, soit de rester avec son mari pour le meilleur et pour le pire, et le fait que nous vivions un vrai calvaire. Il était d’accord avec le principe que tu ne peux plus endurer un homme qui te fait peur et qui pouvait devenir dangereux. Malgré ses convictions, il était d’accord pour nous aider. Nous nagions en pleine crise au tout début des années 70, alors comprendre et concevoir qu’une femme puisse partir de cette façon avec ses enfants tout en laissant son mari derrière, ça devenait un affront terrible pour ce dernier, mais mon grand-père ne pouvait comprendre qu’un homme puisse faire autant souffrir sa famille. Il trouva donc que ma mère avait agi avec plein de bon sens.