Histoire d'une puce pucelle qui voulut sauver le monde - Joël Carobolante - E-Book

Histoire d'une puce pucelle qui voulut sauver le monde E-Book

Joël Carobolante

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Beschreibung

Bonjour, Je m'appelle Puce, et je suis une puce. Quand ils se sont rencontrés, mon père était puceau, et ma mère était pucelle. En venant au monde, je ne pouvais donc qu'être puce et , de fait, puce je naquis. En tant que fille de pucelle, ou plutôt d'ancienne pucelle, et pucelle moi-même, je me sentis vite promise à un destin extraordinaire. Des voix intérieures me prédisaient que j'avais un grand dessein à accomplir, mais je n'avais aucun idée de ce dont il pouvait bien s'agir. En outre, je n'avais personne à qui me confier : tout cela était si étrange, comment les autres puces auraient-elles pu me comprendre ? Peut-être que je me trompais, mais je les soupçonnais d'être à mille lieux de mes mystiques interrogations. Vous vous dites que c'est impossible : une puce n'est qu'une puce, un misérable insecte, sans la moindre dose d'intelligence, fût-elle de dimensions homéopathiques. Une puce ne peut que vous piquer bêtement, alors que vous ne lui avez rien demandé, sinon de vous laisser tranquille. Et encore, vous piquer ? Mais qu'est-ce qu'une piqûre de puce comparée à une piqûre de moustique, d'abeille ou de guêpe ? La puce ne joue pas dans la même catégorie, c'est vrai ! Et comment pourrait-elle jamais avoir ne fût-ce qu'un soupçon d'intelligence ? Non, elle ne saurait vous raconter sa vie dans un livre. Une puce ne s'exprime que par ses mini-piqûres, non par on ne sait quelle écriture. Je suis sûre que vous pensez ainsi. C'est vrai, vous avez mille fois raisons. Mais vous ne savez pas tout.

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Seitenzahl: 160

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Vous voulez ma vraie photo ?

Table

I La pucelle

II Franck Frank

III La réunion

IV La voie de la pucelle

V Les voix de la pucelle

VI Le triomphe et la gloire

VII Le monstre de Frankenstein

VIII Le bûcher final

Appendice

I

La pucelle

Bonjour, je m’appelle Puce, et je suis une puce.

Quand ils se sont rencontrés, mon père était puceau, et ma mère était pucelle. En venant au monde, je ne pouvais donc qu’être puce et , de fait, puce je naquis.

En tant que fille de pucelle, ou plutôt d’ancienne pucelle, et pucelle moi-même, je me sentis vite promise à un destin extraordinaire. Des voix intérieures me prédisaient que j’avais un grand dessein à accomplir, mais je n’avais aucun idée de ce dont il pouvait bien s’agir. En outre, je n’avais personne à qui me confier : tout cela était si étrange, comment les autres puces auraient-elles pu me comprendre ? Peut-être que je me trompais, mais je les soupçonnais d’être à mille lieux de mes mystiques interrogations.

Vous vous dites que c’est impossible : une puce n’est qu’une puce, un misérable insecte, sans la moindre dose d’intelligence, fût-elle de dimensions homéopathiques. Une puce ne peut que vous piquer bêtement, alors que vous ne lui avez rien demandé, sinon de vous laisser tranquille. Et encore, vous piquer ? Mais qu’est-ce qu’une piqûre de puce comparée à une piqûre de moustique, d’abeille ou de guêpe ? La puce ne joue pas dans la même catégorie, c’est vrai ! Et comment pourrait-elle jamais avoir ne fût-ce qu’un soupçon d’intelligence ? Non, elle ne saurait vous raconter sa vie dans un livre. Une puce ne s’exprime que par ses minipiqûres, non par on ne sait quelle écriture. Je suis sûre que vous pensez ainsi.

C’est vrai, vous avez mille fois raison. Mais vous ne savez pas tout. Ce n’est pas de votre faute : vous ne pouvez pas tout savoir. Ce que vous ignorez, c’est que je suis une puce spéciale, une puce programmée pour une mission précise. J’ai été conçue et je suis née dans un laboratoire de recherche scientifique lorrain, à Nancy. Je ne suis donc pas une vulgaire puce, et c’est pourquoi je peux m’exprimer dans ce livre. Pour faire simple, et ma modestie naturelle dût-elle en souffrir, je dois vous confesser que je suis une puce intelligente.

Comment une puce pourrait-elle être intelligente ? vous demanderez-vous sans doute. Peut-être en modifiant ses gênes pour qu’elle se mette à écrire ses mémoires ou faire quoi que ce soit d’autre de plus sensé qu’une vulgaire piqûre ? Ce ne fut pas le cas pour moi : je suis restée une puce naturelle, « bio » si vous voulez (comme vous le dites si bien), je ne suis pas devenue transgénique ou je ne sais quoi d’autre. Une puce « pucée » alors ? Les savants injectent parfois une puce électronique dans un insecte pour mieux le contrôler ou le suivre. C’est le cas, par exemple, pour les mouches drosophiles ou pour les papillons. Fort bien, mais pensez-vous vraiment que l’on pourrait injecter une puce dans une puce ? Je veux dire, bien sûr, croyezvous qu’il serait possible d’injecter une puce électronique dans une puce tout ce qu’il y a de plus puce, la puce que l’on peut trouver enfouie dans les poils d’un chien ou d’un chat, voire sur vous-même ? Je pense que vous voyez tout de suite le problème : une puce, c’est vraiment tout petit ‒ j’entends la vraie puce ‒ beaucoup trop petit pour y injecter une puce électronique, même toute petite. La miniaturisation a beau faire des progrès, il y a quand même des limites. Si vous aviez rêvé d’un mariage entre une puce électronique et une vraie puce, c’est raté ! Point de mariage, ni de bébés puces ! Point de puces mi-insectes, mi-robots ! Je vous l’accorde, si cela eût été possible, cela eût pu donner au final quelque chose d’intéressant, relevant de la science-fiction à l’échelle des puces. Mais non, si je peux m’exprimer ainsi dans ce petit livre, ce n’est pas grâce à une puce électronique, ni à des électrodes qui relieraient mon cerveau à un ordinateur. Ni non plus grâce à des nanopuces, des nanoparticules, ou encore à je ne sais quoi d’autre du domaine de la physique quantique. Tout n’est pas encore possible avec ces êtres minuscules que sont les puces. Un jour, sans doute, il en sera autrement. Des découvertes extraordinaires nous attendent au tournant, et les puces, les vraies, vous surprendront certainement. Songez à tout ce que vous pouvez faire dès maintenant avec ces pseudo-puces que sont les puces électroniques ! Elles sont partout, vous ne pouvez plus vous en passer ! Eh bien, les vraies puces n’ont pas dit leur dernier mot ! Un jour, elles aussi vous épateront encore, n’en doutez pas ! En attendant, pour me permettre de m’exprimer, mes savants lorrains ont alimenté une intelligence artificielle, afin qu’elle puisse, autant que possible, traduire en mots ce que j’ai vécu et ressenti. Ah ! l’intelligence artificielle ! C’est un domaine on ne peut plus à la mode, dont on ne cesse de parler, en bien comme en mal ! Rassurez-vous : dans mon cas, au moins, son utilisation a été très limitée, je l’ai dit, juste un peu comme un système de traduction automatique. Vraie puce j’étais, et vraie puce je suis restée !

Vous penserez sans doute que ce procédé pour exprimer en mots mes actes et mes ressentis n’est pas parfait, mais ne doutez pas qu’il se rapproche de la réalité. Moi-même, j’en suis la première étonnée (vous me direz que c’est l’intelligence artificielle qui s’exprime ainsi, non moi la vraie puce, mais passons...). Quand vous lisez ces lignes, c’est donc comme si vous me lisiez, moi, la vraie puce. Après, il a fallu toute l’ingéniosité et l’efficacité de quelques savants, et d’un en particulier, pour me porter où je suis maintenant, car si je suis une vraie puce, je suis quand même issue d’un élevage sélectif. Je suis donc une puce naturellement améliorée ! Je ne vais pas vous en révéler tous les secrets, mais dans ce livre je vous raconterai quand même mes actions et je vous ferai partager mes ressentis, sinon mes pensées. Mon œuvre, en somme, l’œuvre de ma vie, mon chef d’œuvre, si vous voulez. N’ayez crainte : ce ne sera ni trop long, ni trop compliqué. Une petite puce a beau avoir accompli une œuvre exceptionnelle, en tous points remarquable, elle sait encore se tenir, rester à sa place, ne pas se prendre pour plus grande qu’elle n’est. Alors, écoutez-moi maintenant, sans m’interrompre ! Merci !

II

Franck Frank

Ma petite patrie, c’est la Lorraine, là où je suis née. La Lorraine ! D’un point de vue géographique, ce n’est certes pas le cœur de la France, ce n’est assurément pas son centre, mais en ce qui concerne l’histoire, c’est bien là que son cœur a battu le plus vite. La croix de Lorraine, emblème de la France libre pendant la Seconde Guerre mondiale, symbolise le lien l’unissant à la nation française. Seule région frontalière de trois pays ‒ la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne ‒ et longtemps possession du Saint-Empire romain germanique, la Lorraine a vu son histoire tumultueuse liée à celle de l’Alsace. En partie rattachée avec elle à l’Allemagne de 1871 à 1918, la Lorraine a particulièrement souffert lors de la Première Guerre mondiale, à Verdun et ailleurs. L’histoire de la Lorraine, outre celle des guerres, c’est aussi celle de Jeanne d’Arc, native du village appelé aujourd’hui Domrémy-la-Pucelle, à quelques dizaines de kilomètres de Nancy. La Pucelle ! Pucelle comme moi ! Pucelle j’étais, et je le suis restée dans mon laboratoire, car son directeur et les scientifiques qui se sont occupés de mon cas n’ont jamais prévu de prince charmant pour moi. Peut-être que, dans le cadre de leurs recherches, ce n’était tout simplement pas possible ou souhaitable. Je ne leur en veux pas : ma destinée était ailleurs. Certes, j’ai eu une autre vie les fois où je suis sortie du laboratoire, mais je vous raconterai cela plus tard. En tout cas, native de Lorraine, j’ai forcément entendu parler de la Pucelle (celle de Domrémy), dès ma plus tendre enfance.

Quel rapport avec moi ? Je vous rassure : je n’ai jamais entendu de voix me demandant de bouter hors de France qui ce soit ! Heureusement, car je crois savoir que depuis Jeanne la Pucelle le nombre d’étrangers en France a quelque peu augmenté. Mais je ne veux pas, et je ne vais pas polémiquer ! Ce n’est pas le sujet ! Par contre, je me dois de vous dire que je me suis vite sentie appelée à faire quelque chose, non seulement pour mon pays la France, mais même pour beaucoup plus, pour le monde entier ! Vous allez vous demander comment une simple puce, pucelle de surcroît, pourrait connaître quelque chose du monde et de la vie. Vos interrogations me paraissent légitimes, et je vais volontiers vous répondre. Mais avant cela, il faut que je vous parle un peu plus de mon laboratoire natal. C’est un laboratoire spécialisé dans la recherche médicale, plus particulièrement dans la prévention des maladies, notamment des épidémies et pandémies. Rien que de plus normal, en somme, sauf que son directeur, Franck Frank (le premier Franck est son prénom, l’autre, c’est son nom, attention à l’orthographe), natif de Domrémy-la-Pucelle (comme par hasard !), s’est un jour senti investi d’une mission spéciale. Non, il n’a pas entendu des voix, quoique...

C’était en février 2022, lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie poutinienne. Franck Frank avait alors compris que le monde marchait sur la tête. Dans le cas concerné, c’était principalement le dirigeant russe qui avait assurément perdu un boulon en envahissant un pays voisin, au mépris de toutes les règles de droit et de tous les accords internationaux. Mais en y réfléchissant, il n’y avait pas que lui. Des guerres, il y en avait encore ailleurs, dont on parlait moins. Et puis, il y avait aussi la pandémie de Covid-19 dont le monde n’était pas encore sorti, alors même qu’elle avait fait des milliers et des milliers de victimes. Comme si cela ne suffisait pas, il y avait encore le très grave problème du dérèglement climatique, avec ses nombreuses conséquences, dont notamment des canicules plus fréquentes, et puis le manque d’eau, la sécheresse ici et là ‒ alors même qu’il y avait encore des inondations, que le niveau des mers ne cessait d’augmenter et que l’érosion menaçait de nombreuses côtes dans le monde entier. Un peu partout, la mer avançait sur les terres. Certes, la Lorraine n’était pas menacée (il y avait de la marge), mais Franck Frank ne s’en sentait pas moins concerné.

Que faire ? s’était-il alors demandé. Oui, que pouvait-il faire à son niveau, en tant que scientifique, et plus précisément en tant que chercheur ? Pour la pandémie, il ne pouvait assurément pas faire grand chose. De toute façon, les vaccins étaient là, et la pandémie était en régression. Quant au dérèglement climatique, le sujet était énormément vaste. Certes, comme tout un chacun, Franck Frank pouvait essayer de diminuer son empreinte carbone, mais il savait bien que cela aurait fort peu d’incidences sur l’évolution du climat. Quant à la paix dans le monde, il n’avait pas la prétention de croire qu’un petit scientifique comme lui pourrait changer le cœur des hommes pour rendre ceux-ci un tant soit peu plus raisonnables. Pour parler de paix, il y avait les Nations-Unies, certains dirigeants, des associations et des organismes internationaux, des sages et des philosophes, des religieux aussi ‒ mais pas tous. En fait, c’était le bazar. Il y avait pas mal de personnes qui prônaient la paix, mais la paix n’était toujours pas là. Elle avait de multiples apôtres, mais au final, ils étaient tous impuissants.

Franck Frank se dit alors qu’il faudrait vacciner l’humanité contre la violence, la haine, la jalousie, le racisme et tout ce qui allait avec ‒ bref, contre la bêtise. Idée creuse ! Il n’y avait aucun vaccin de ce type sur le marché ! Fallait-il l’inventer ? Et, même si quelqu’un était assez génial pour l’inventer, comment vacciner des milliards de personnes ? L’idée semblait se détruire d’elle-même.

Comme de nombreux chercheurs, Franck Frank faisait des expériences sur des animaux : des souris, des rats, mais aussi des insectes. Justement, il en était là dans ses pensées quand un beau jour (façon de parler, il pleuvait) une autre idée lui vint. Il réfléchissait tout en regardant une bande de puces qui étaient devant lui. En fait non, elles étaient devant lui, mais il les voyait sans y penser, donc il ne les regardait pas, car il avait la tête ailleurs. Et puis, soudain, il se dit que ses pensées étaient absurdes, il secoua la tête, et ce fut alors qu’il regarda les puces, et l’une d’entre elles en particulier. Tel Archimède avec son « Eurêka ! », il se réjouit aussitôt de sa trouvaille. Oui, bien sûr ! C’était cela ! Pour sauver le monde de lui-même, il fallait faire appel à la plus petite créature qui soit ‒ ou l’une des plus petites ‒ cette fameuse puce qu’il avait devant lui. Inutile de vous préciser que cette puce, c’était moi ! Je pense que vous l’aviez deviné. J’étais là, dans ce laboratoire, avec mes copines, chacune dans sa cage vitrée, et nous attendions notre nourriture. Car à part manger et faire je ne sais quoi d’autre, nos journées se suivaient sans avoir jamais rien de spécial. En tout cas, personne ne nous avait encore demandé de sauver le monde ! Car il s’agissait rien de moins que cela !

Pour Franck Frank, le monde devait être sauvé par la puce, car c’était un petit insecte qui, à défaut d’être populaire ou de passer pour un animal de compagnie, convenait quand même le mieux pour la mission à laquelle il songeait. Mieux en tout cas que les mouches, moustiques, tiques, punaises, guêpes, abeilles et compagnie. Dans le lot, les abeilles avaient certes meilleure réputation, mais elles étaient beaucoup trop grosses pour ce à quoi pensait Franck Frank. Les puces avaient bien un petit passé sulfureux : elles avaient jadis propagé la peste en Europe, ce qui avait quand même décimé la population. Mais bon ! Tout cela était oublié ! Maintenant, le terme « puce » était devenu affectueux : on disait « ma puce » à son enfant ou à son animal de compagnie, voire à une amie ou à un ami, ou encore à la personne aimée. On employait aussi l’expression « se mettre la puce à l’oreille » de façon positive. Et puis encore, on parlait du « marché aux puces » de façon plutôt sympathique et nullement péjorative. Même l’expression « secouer les puces de quelqu’un » n’était pas bien méchante.

Franck Frank admettait certes que les puces pussent («pussent » : voyez ma culture ! Du moins celle de mon intelligence artificielle... C’est l’imparfait du subjonctif du verbe « pouvoir » ; il faut l’employer ici si l’on veut respecter la concordance des temps en langage châtié), que les puces, donc, pussent avoir de petits défauts, comme de piquer leurs hôtes, ce qui pouvait causer des démangeaisons, des irritations ou des allergies ‒ sans parler de la peste bubonique, mais on en a déjà parlé, on ne va pas y revenir sans cesse. C’est passé, oublié !

En tant que puce, je suis entièrement d’accord : passons outre ces petits désagréments sans importance. Et puis, je sais bien que vous les humains qui avaient des chiens ou des chats, vous leur mettez des colliers anti-puces, sans vous soucier vous-mêmes du bien-être des puces. Vous nous considérez comme des parasites, des nuisibles à éliminer, sans autre forme de procès ‒ tandis que Franck Frank, mon maître, mon géniteur même, nous voyait bien autrement. Pardonnez-moi le jeu de mots si facile : à force de nous regarder, cela lui avait mis la puce à l’oreille. De fait, pendant longtemps, cela cogita fort dans son cerveau : il avait une idée derrière la tête, mais elle lui semblait trop tordue pour qu’il lui fît face et l’exprimât publiquement.

Il est maintenant grand temps de lui laisser la parole. Nous allons le retrouver lors d’une des réunions qu’il organisait périodiquement dans son laboratoire avec ses collaborateurs.

III

La réunion

‒ Bonjour à tous. Nous allons commencer. Un peu de silence, s’il-vous-plaît ! Bien ! Je voudrais vous faire part d’une idée que j’ai eue.

Ses collaborateurs se turent et se tournèrent vers Franck Frank, leur directeur et maître à penser. Ils étaient tout ouïe comme un seul homme. En fait, il y avait autant d’hommes que de femmes. C’était la parité parfaite : six hommes et six femmes. Ils se nommaient Kevin, Teddy, Romain, Yann, Quentin, Guillaume, Amélie, Julie, Camille, Mathilde, Marie et Stéphanie. À eux douze, ils en connaissaient un brin sur les animaux, et en particulier sur les insectes, ainsi que sur les maladies, les virus et les bactéries. Ils n’étaient donc pas du genre à avaler facilement des couleuvres. Franck Frank le savait : ils étaient à prendre avec des pincettes.

‒ Vous savez que le monde va mal, reprit-il, tout en se disant que ce qu’il disait était plutôt stupide : pourquoi répéter ce que tout le monde savait ? Ça commençait mal ! Quelque peu dépité, il allait cependant continuer de discourir, quand Amélie prit la parole :

‒ On ne le sait que trop ! La pandémie de Covid-19 n’en finit pas de finir ! Et puis, il y en aura sans doute d’autres à l’avenir. On ne peut quand même pas prévoir à l’avance des vaccins pour des pandémies qui n’existent pas encore !

Franck Frank opina de la tête :

‒ Certes, certes ! Et c’est justement ce dont je voulais vous parler ! Au lieu de nous intéresser aux vaccins, nous pourrions intervenir différemment. Nous sommes des spécialistes des insectes. Je pense que certaines de nos chères petites bêtes pourraient nous aider à modifier quelque peu la situation générale. J’entends dans un sens positif, bien sûr !

Ses collaborateurs se regardèrent sans comprendre. Ils craignaient le pire : leur directeur était célèbre pour son verbiage. Ils se méfiaient donc.

‒ Oui, mais nous, on n’entend déjà rien à ce que tu dis !

Franck Frank sourit poliment à cette remarque de Romain, puis il reprit :

‒ Certes, certes ! Comment dire ? Ce que je veux dire, c’est que le monde pourrait aller mieux, et que nous pouvons peut-être, éventuellement, faire quelque chose pour cela. Beaucoup de gens n’aiment pas trop les vaccins, ou les refusent même. Par contre, si c’est la nature qui s’en charge, ils ne peuvent rien y faire ! C’est naturel, c’est normal, c’est la vie ! Vous comprenez ?

‒ Pas vraiment ! répondit Mathilde, alors que ses collègues secouaient la tête pour faire signe que non.

‒ C’est pourtant clair ! s’exclama Franck Frank. Les insectes peuvent remplacer les vaccins ! Là est l’idée !