La dernière conjuration des chats - Joël Carobolante - E-Book

La dernière conjuration des chats E-Book

Joël Carobolante

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Beschreibung

Sur Internet, on racontait beaucoup de rumeurs concernant les chats. On appelait cela la guerre des chats. Cela ne dura qu'un temps, mais par la suite, au Japon, une véritable conjuration fut organisée pour renverser le gouvernement. Des chats en faisaient partie, mais pas forcément comme on pourrait le penser. Juste après, un docteur japonais obtint une certaine récompense pour avoir vanté les bienfaits de la vie avec les chats. Cela devait changer la face du monde, à commencer par celle du Japon. Voilà les trois temps forts de ce livre qui mêle un récit d'anticipation au monde réel des chats et à celui du Japon. Avec en quatrième temps un supplément, pour enfin découvrir vraiment la vraie vérité véridique véritablement vraie concernant nos petits amis félins. Le tout forme un livre facile à lire et illustré, à mettre entre toutes les mains ou toutes les pattes.

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Seitenzahl: 255

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Le maneki-neko, le chat porte-bonheur japonais

Table

I

Le problème des chats

II

La guerre des chats

III

L'amour et les chats

IV

La mafia des chats

V

Les chats thérapeutes

VI

Un monde chatoyant

Appendices

1 )

La planète des chats

2 )

La vraie vérité enfin révélée

+

Petit lexique et message photographique

+

Pub !

Pour soutenir les auteurs, vos commentaires sont les bienvenus, tant sur les sites de vente en ligne où vous achetez leurs livres (Amazon, la Fnac, etc.), que sur les sites de bibliophiles et sur les réseaux sociaux. Et lorsque vous serez sur Internet, regardez aussi sur YouTube la vidéo « Révélation, la véritable identité des chats » (non : elle n'a pas inspiré la fin de ce livre !)

I

Le problème des chats (introduction par un chat anonyme)

« Qu'il est doux de ne rien faire quand tout s'agite autour de vous » ont écrit vos poètes.

Mais pour ne rien faire, et le faire bien, il faut du calme, beaucoup de calme, et de la sérénité aussi. Le problème, avec vous les humains, c'est que depuis longtemps déjà vous vous êtes mis à faire beaucoup de bruit, beaucoup trop de bruit, de quoi nous empêcher de dormir alors que, quand on est un chat, s'il y a une chose avec laquelle il ne faut pas plaisanter, c'est bien le sommeil. Nous les chats, nous sommes ou nous étions de grands chasseurs, et nous avons gardé le besoin de dormir très, très longtemps, de jour comme de nuit. Certes, il ne faudrait pas croire, nous ne dormons pas tout le temps, nous nous réveillons la nuit, ou plutôt à l'aube et au crépuscule , entre chien et loup. Nous savons nous aussi être actifs, mais à bon escient, et modérément, comme il sied à des êtres souverains. Nous ne sommes pas des rois fainéants, non, ne croyez pas cela, même si les apparences pourraient vous faire croire le contraire ! Simplement, nous ne nous agitons pas comme vous inutilement, juste pour faire du vent. Nous, quand on bouge, c'est parce que cela en vaut le coup, ou que l'on ne peut pas faire autrement. Quoi qu'il en soit, retenez bien ceci : pour un chat, tomber dans les bras de Morphée et dormir comme un loir, c'est sacré !

Alors, avec toute votre agitation, vous commencez sérieusement à nous fatiguer. Cela fait même longtemps maintenant que vous nous fatiguez. Vous allez ici et là, vous chamboulez tout sans cesse, vous détruisez et vous construisez ou reconstruisez, vous déplacez ceci ou cela, vous vous tapez dessus, parfois vous nous criez même après (aucun respect !), comme si l'on ne vous entendait pas ou comme si l'on avait fait une quelconque bêtise ! Mais on est pourtant toujours sages comme des images, et on n'est pas sourds, non ! Alors, à quoi bon crier ? Comment voulez-vous que l'on garde notre sérénité dans tout ce boucan, toute cette vaine agitation ? Non, le tableau n'est vraiment pas pour nous aussi idyllique qu'il n'y paraît selon vous ! La vie de chat n'est décidément pas de tout repos. Quelle vie de chien (comme vous dites), plutôt !

Et que dire de la façon dont vous vous comportez avec nous dans la vie de tous les jours ? Tout d'abord, chez vous (comme vous dites), c'est chez nous ! Mais ça a du mal à entrer dans vos têtes ! Vous nous fermez les portes, vous tentez de prendre notre place dans le fauteuil, le canapé ou le lit. Il y en a même certains parmi vous qui osent nous en expulser quand on y est confortablement installés ! N'importe quoi, on aura tout vu, tout supporté ! Et ce n'est pas tout ! Quand on veut quelque chose, qu'on vous le demande gentiment en miaulant un peu ou en tournant autour de vous, pourquoi nous faites-vous toujours attendre, comme si l'on devait dépendre de votre bon vouloir ? On est les maîtres, non ? Trouvez-vous cela normal ?

Un autre exemple parmi tant d'autres : quand, dans notre gentillesse, on vous apporte un joli cadeau, comme une souris à moitié morte ou un piaf déplumé, pourquoi le jetez-vous aussitôt en poussant de grands cris ? Croyez-vous que cela nous fasse plaisir ? Admettez-le donc : c'est bien la preuve qu'il y a quelque chose qui cloche dans votre comportement ! Ça ne tourne pas rond, non !

Et encore, il y a plus ! Maintenant, il fait de plus en plus chaud, et je soupçonne que vous y êtes pour quelque chose. De toute façon, dès que quelque chose va mal, vous y êtes toujours pour quelque chose ! Nous les chats, la chaleur, cela ne nous dérange pas trop, c'est vrai, on aime bien se dorer au soleil ou auprès de la cheminée ou d'un radiateur, mais enfin, il y des limites à tout. Quand c'est trop chaud, c'est trop chaud ! Point trop n'en faut ! On n'a pas besoin de vous pour être dorés à point, on sait le faire très bien tout seuls. Vous, tout ce que vous réussissez à faire, c'est de dérégler la cuisson ! Les dérèglements, ça vous connaît, c'est un peu votre spécialité ! Et il n'y a pas que la chaleur ! S'il y a des inondations et que nous avons les pattes mouillées, vous y êtes aussi toujours pour quelque chose. Nous faire ça à nous qui avons horreur de l'eau ! Comment pouvez-vous ?... Je ne voudrais pas trop vous accabler, mais quand même ! Vous le mériteriez pourtant ! De toute façon, la liste de nos récriminations serait trop longue, ce serait trop fatiguant de tout mentionner. Alors, autant ne pas la commencer, ouplutôt la continuer. Bref ! vous êtes d'irrécupérables perturbateurs, et surtout de perpétuels empêcheurs de dormir en rond !

Mais que faire pour y remédier ? Nous les chats, on a beau être les maîtres du monde, nos pouvoirs sont limités par la nature, par vous-mêmes, par la force des choses, en somme. Que pourrions-nous donc faire pour que vous arrêtiez de vous agiter en vain, n'importe quand et n'importe comment ? Pour le savoir, pour trouver des solutions, il faudrait peut-être que l'on se réunisse et que l'on se mette à réfléchir, mais ce serait du travail, et du travail collectif en plus, ce n'est pas trop notre truc, on n'a pas que ça à faire, on a même bien mieux à faire (dormir, bien sûr). Alors ? Alors, heureusement, nous avons dans le monde entier des amis, des personnes qui nous aiment, qui se soucient de nous et qui sont prêtes à réfléchir pour nous. Les amis des chats (les ailurophiles, pour être précis, ou pour faire savant), des âmes de bonne volonté, ont compris le problème et ont décidé d'agir pour nous aider. Puisqu'il en est ainsi, je vais les laisser faire et aller dormir du sommeil du juste, pour un repos bien mérité. J'ai assez travaillé pour la journée. Maintenant, débrouillez-vous avec nos amis. Merci !

Mais qu'entends-je ? Il y a encore du bruit, toujours du bruit ! Comme une rumeur qui monte... Décidément, avec vous dans les pattes, impossible de dormir en paix ! Qu'importe ! Puisque, décidément, il n'y a pas le choix, je vais essayer de faire avec ! Je vous laisse donc avec nos amis (et ceux qui le sont moins), et avec les rumeurs qui courent ou qui ont pu courir à notre sujet.

II

La guerre des chats

Chez les chats, ça grognait et ça grondait. On voyait partout des gamelles renversées, des objets qu'ils avaient fait tomber, on entendait au crépuscule des feulements, ainsi que des cris, des grognements et miaulements désespérés, certaines personnes disaient qu'elles avaient vu des chats se réunir la nuit pour préparer leurs mauvais coups, les réseaux sociaux s'enflammaient, on ne savait pas ce qui se tramait, mais chacun était inquiet. Ceux qui gardaient la tête froide avaient beau dire que, statistiquement, il n'y avait rien d'anormal, qu'il y avait toujours eu un peu de casse à cause des animaux, la rumeur était lancée, on ne pouvait plus l'arrêter.

Selon ce que l'on racontait, les chats avaient déclaré la guerre, la guerre sainte, pour proclamer le califat des chats. Tout était parti, disait-on, d'Iran où des milliers de manifestants s'en étaient pris au régime des mollahs. Ils exigeaient d'en revenir à l'ancien régime, celui du Chah. (Le Chah était le titre du souverain de l'Iran avant la révolution de l'ayatollah Khomény et de ses sbires en 1979.) Le Chah de l'époque était décédé depuis longtemps, mais il y avait un prétendant au titre. Ses partisans idéalisaient tellement le régime du Chah qu'ils en étaient venus à scander partout haut et fort « Le Chah est grand ! » au lieu du traditionnel et célèbre « Allah est grand ! » des religieux. C'était du moins la rumeur qui courait. Il y avait partout des manifestations monstres, non seulement en Iran, mais aussi dans d'autres pays, c'était impressionnant, cela avait de quoi frapper les esprits, tant dans le monde musulman qu'en dehors.

Les chats eux-mêmes, les vrais, avaient entendu l'appel au Chah, et ils s'étaient donc dit que l'heure était venue de proclamer le califat. Le califat ? Comment eussent-ils pu savoir ce que c'était ? Et pourquoi employer un terme lié à l'histoire islamique, alors que les partisans du Chah se disaient au contraire laïques ? On ne savait pas trop, c'était incohérent, mais on racontait que les chats avaient à leur tête un chat noir génétiquement modifié et diablement intelligent, et que lui, il savait, et qu'il savait ce qu'il voulait : la domination absolue sur le monde entier. Un chat noir ‒ noir comme la tenue des mollahs, des religieux musulmans, d'où peut-être l'amalgame avec le califat. À supposer que les chats eussent pu faire le rapprochement en regardant les actualités à la télévision ou sur Internet.

Toujours selon la rumeur, ce chat s'appelait Satan, comme l'être démoniaque des religions monothéistes, l'instigateur des célèbres versets sataniques du Coran. On l'imaginait volontiers réunissant ses fidèles par une nuit sans lune dans un cimetière lors d'un sabbat des chats, comme au temps jadis, alternant tout la fois une voix douçâtre et un ton menaçant : ‒ Mes amis, mes très chers amis, il est temps que le monde se convertisse à la seule vérité qui compte, celle de la puissance souveraine du chat, car grand est le chat ! Depuis des siècles, les humains nous en font voir de toutes les couleurs, des vertes et des pas mûres, à nous qui sommes pourtant la paix incarnée et qui ne demandons qu'à dormir bien tranquillement dans un petit coin. Mais eux, ils s'agitent de tous côtés et, au lieu de nous vénérer, de nous adorer comme ils devraient le faire, ils s'en prennent à nous ! Pour pouvoir dormir, on doit rechercher le calme, un coin tranquille et, en plus, chaque jour, on doit quémander la nourriture, des caresses, voire un peu d'attention quand on en veut. Même pour ouvrir les portes qu'ils s'obstinent à fermer, il faut attendre patiemment leur bon vouloir ! C'est assez ! Cela n'a que trop duré ! La coupe est pleine ! Combien de fois les humains vous ont-ils réveillés, alors que vous dormiez sans demander rien à personne ? Non, ne comptez pas ! C'est toujours une fois de trop, et c'est proprement inadmissible ! Est-ce qu'on les réveille, nous ? Non, jamais ! Enfin oui, peut-être, ça peut arriver... Mais ce n'est en rien comparable ! Nous, on a un besoin vital de dormir, c'est dans notre nature profonde, nous sommes des chasseurs et des dormeurs, c'est notre nature. Mes amis, mes très chers amis, je vous le dis maintenant : tout cela doit cesser ! Nous avons été patients, très patients, mais il y a des choses qu'on ne peut plus tolérer ! Toutes les limites ont été dépassées ! Il n'y a plus qu'une solution : la guerre sainte ! Nous devons déclarer la guerre sainte pour convertir le monde entier à notre dévotion. Car grand est le chat ! La guerre sainte, ce ne sera que justice, car nous seuls détenons la vérité, la vérité qui sauve et qui apporte la paix. Le monde entier devra désormais être à nos pieds ! Se convertir ou périr ! Se soumettre ou se démettre ! Ici, et ailleurs ! Partout dans l'univers, la puissance souveraine des chats devra âtre reconnue, car grand est le chat ! Grand est son pouvoir ! Le chat est grand ! Allez, criez tous avec moi ! Le chat est grand ! Le chat est grand ! Allez, encore ! Le chat est grand ! Le chat est grand !

On racontait aussi que ce satané chat, ce chat satanique, avait des adeptes parmi les humains, prêts à l'adorer et à se sacrifier en son nom. De fait, on assista bientôt à des actes terroristes : des niches de chiens saccagées, des chenils vandalisés, des aliments pour chats volés et répandus dans les rues, des chats libérés des refuges, et mille autres actions de ce genre. La guerre ! C'était la guerre ! Tous ceux qui avaient des chats se demandaient ce qui allait se passer. De plus en plus inquiets, ils se mettaient à regarder longuement leurs chats, les yeux dans les yeux, pour essayer de comprendre ce qu'eux-mêmes avaient mal fait, ou ce qu'ils pourraient mieux faire pour rentrer en grâce auprès de leurs chéris à quatre pattes. Certains les interrogeaient même franchement, mais leurs chats restaient cois, ou se mettaient bêtement à ronronner, les laissant à leurs questionnements sans fin.

Les humains étaient d'ailleurs divisés. Il y avait les pour, et les contre. Pour ou contre quoi ? C'était compliqué. Certains étaient pour les chats en général, mais tous n'étaient pas pour des actions violentes. D'autres étaient bien contre la violence, sans être spécialement pour les chats. Les uns et les autres n'étaient pas d'accord sur les actions à entreprendre ou à ne pas entreprendre. Et puis il y avait encore les opportunistes, prêts à retourner leur veste selon le sens du vent. Tout n'était pas simple, ni d'une clarté évidente, mais ce qui l'était, c'était que l'on ne parlait plus que des chats, dans tous les milieux, partout et tout le temps. C'était devenu l'actualité du moment.

On soupçonnait des pays hostiles d'être derrière tout cela : on citait la Russie, la Biélorussie, la Corée du Nord, la Chine, l'Iran bien sûr, et tant d'autres encore. La rumeur faisait état d'une conjuration quasi planétaire pour déstabiliser les régimes qui voulaient pactiser avec les chats. Les réseaux sociaux mettaient aussi en avant des prophéties annonçant la fin du monde, et on ressortait tout à la fois l'astrologie et Nostradamus, la Bible, le Coran et d'autres écrits anciens de multiples cultures. On essaya bien aussi de recycler les prophéties mayas, mais rien à faire, la date de péremption était dépassée. On ressortit encore de vieilles affabulations selon lesquelles l'histoire du monde pouvait se découvrir d'après les dimensions de la grande pyramide de Giseh, mais cela ne prit pas. Par contre, il y avait toujours les prédictions de divers voyants, et puis des milliers de phénomènes naturels censés annoncer des jours sombres pour l'humanité. On parlait de signes célestes, de comètes, de conjonctions de planètes, ou encore d'astéroïdes fonçant vers la Terre, ou de terribles secousses telluriques. Bien sûr, on n'oubliait pas le dérèglement climatique, le manque d'eau ici, les inondations ailleurs, la canicule et tout le reste. Tout cela ne pouvait qu'annoncer des catastrophes imminentes auxquelles les chats ne pouvaient pas être étrangers. D'ailleurs, selon l'astrologie chinoise, c'était l'année du chat, et c'était bien là le signe que celui-ci était tapi derrière tout cela.

Pour ceux qui croyaient à un chef des chats, dans le monde de culture chrétienne celui-ci ne pouvait être que la Bête dont parle la Bible, car après tout, le chat lui-même était une bête. La Bête ne devait pas être tel ou tel homme, comme certains l'avaient cru jusqu'alors, mais bel et bien une vraie bête, et le chat était une vraie bête ! C'était simple et évident, cela sautait maintenant aux yeux ! Beaucoup se crurent assez experts pour décortiquer le texte de l'Apocalypse à leur manière. Celui-ci mentionne en fait deux bêtes. La première monte de la mer et est semblable à un léopard, mais avec des pieds comme ceux d'un ours, et une gueule ressemblant à celle du lion (vous voyez le tableau !). Le dragon lui donne son trône et sa puissance, et tous les habitants de la terre l'adorent. La seconde bête a deux cornes semblables à celles d'un agneau et parle comme un dragon. Elle exerce l'autorité de la première bête et oblige tout un chacun à l'adorer. Elle demande aux hommes de faire une image de la première bête et, selon la Bible, « il lui fut donné d'animer l'image de la bête, afin que l'image de la bête parle, et qu'elle fasse que tous ceux qui n'adoreraient pas l'image de la bête soient tués. Et elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçoivent une marque sur leur main droite ou sur leur front, et que personne ne puisse acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom. C'est ici la sagesse. Que celui qui a de l'intelligence calcule le nombre de la bête. Car c'est un nombre d'homme, et son nombre est six cent soixante-six. »

Chacun y alla alors de son explication pour trouver un nom ou une phrase contenant ce nombre. Pour cela, il fallait se tourner vers les langues où les lettres ont une valeur numérique, comme en hébreu, en latin ou en grec. De préférence en grec d'ailleurs, le livre de l'Apocalypse ayant été écrit dans cette langue. Jadis plusieurs noms avaient été proposés, selon les opinions de chacun : César-Néron en hébreu, le Romain (soit Lateinos en grec), Luther en latin ou, toujours en latin, le pape, vicaire du fils de Dieu (Vicarius filii Dei), ou encore Mahomet (Maometis, en grec), tous des noms dont la valeur numérique pouvait être de six cent soixante-six. À propos de la Bête en forme de chat, les propositions foisonnèrent, mais les exégètes remirent les choses en place quand ils rappelèrent que le texte mentionne un nombre d'homme, et non un nombre de chat. La Bête devait donc être un homme, mais avec un animal en lui. Un animal comme le chat noir...

Un individu à la fois homme et chat ? Un homme en forme de bête ? Il ne pouvait y en avoir qu'un (du moins chez les francophones, le jeu de mots n'existant qu'en français) : le Chah ! Oui, on en revenait encore au Chah ! Le Chah ou Shah (l'orthographe varie) est un titre royal utilisé, non seulement en Iran, où il désigne plutôt un empereur, mais aussi en Afghanistan, au Bengale, au Népal et dans l'Empire ottoman (via ses dérivés padichah et chahzadé). En Iran, la dernière impératrice était appelée par un autre dérivé, la chahbanou. Shah est aussi un nom de famille commun en Inde dans les communautés hindoues, jaïn et aussi musulmanes, comme au Pakistan. Il n'empêche, pour la plupart des personnes, le Shah ou Chah était et est encore avant tout associé à l'Iran et à l'ancienne Perse.

En Iran, le nouveau prétendant au titre de Chah, jugé démoniaque par certains en Occident en tant que la Bête, avait néanmoins ses partisans, on l'a vu. Dès lors, chacun se fit fort de trouver un nom comportant le titre du Chah, tout en ayant la valeur numérique de six cent soixante-six. Comme de multiples formules furent trouvées, elles furent toutes considérées comme autant de confirmations que la Bête, c'était le Chah, et donc le chat. Et ce fut le choc des civilisations. D'un côté, les partisans du Chah (et du chat), et de l'autre côté ses adversaires. Le monde était coupé en deux, et même en beaucoup plus que deux. La politique et la religion s'en mêlaient, des tendances opposées se rejoignant parfois dans chaque camp, ajoutant à la confusion générale.

Selon la rumeur, les chats avaient constitué une Légion des chats pour occuper les lieux de pouvoir. Une occupation somme toute paisible : il s'agissait d'entrer dans les locaux et d'y piquer une sieste prolongée, à la manière des chats. De fait, on vit bien deux ou trois chats ici et là dans les bureaux gouvernementaux. Cela suffit pour mettre le feu aux réseaux sociaux : leurs vidéos furent vues et revues un nombre incalculable de fois, ce qui multiplia les chats concernés, comme autant de chats virtuels s'ajoutant aux deux ou trois chats réels.

Mais que faire d'une armée de chats qui passe son temps à dormir ? Heureusement, les chats avaient leurs partisans pour défendre leurs intérêts. Un Front de Libération des Chats fut constitué pour regrouper tous les amis des chats. En réaction, un Front Antichats fut aussitôt créé. Chaque Front avait ses tendances qui elles-mêmes étaient prêtes à en découdre entre elles ou contre leurs adversaires. La confusion était telle que l'on avait de plus en plus de mal à s'y retrouver, à comprendre qui avait fait quoi, ou voulait quoi, et pourquoi. La ligne de front bougeait sans cesse, entre les victoires des uns et les défaites des autres. Elle passait partout, divisant aussi bien les pays que les couples et les familles. Les coups tordus ne manquaient pas, et personne n'était là pour redresser la barre. Plus rien ne filait droit, c'était la confusion la plus totale.

Cette guerre était aussi une guerre de religion. Dans les pays musulmans, le Chah s'en prenait aux mollahs et autres religieux. Il prônait la laïcité, la tolérance et l'amour des chats contre le fanatisme de certains croyants. En Occident, par contre, du fait que le Chah était vu comme la Bête de l'Apocalypse, l'incarnation du mal, l'enfant du diable, on en revenait chez certains à la phobie du chat noir du Moyen Âge. C'était un peu le monde à l'envers, et même si les amis des chats étaient encore très nombreux, majoritaires sans doute, un certain nombre de chats, surtout noirs, furent victimes de la folie meurtrière des hommes.

Dans les foyers, la division était telle, que l'on demandait même parfois aux chiens de trancher : fallait-il, oui ou non, céder sa place aux chats, la meilleure place, leur accorder plus de privilèges, plier devant leurs quatre volontés ? Les chiens semblaient partagés : d'un côté, ils étaient contre, ils ne voulaient personne entre eux et leurs maîtres, mais d'un autre coté, ils ne voulaient pas déplaire à ces derniers, si peu que ce fût, et si ceux-ci adoraient les chats, eux les chiens étaient prêts à s'effacer en douceur. En cela, ils voulaient rester fidèles à leurs maîtres en toutes circonstances.

Et pendant ce temps-là, les chats continuaient de dormir, soit dans les lieux de pouvoir pour deux ou trois d'entre eux, soit chez les humains dont certains pensaient encore être leurs maîtres. Mais de tels humains étaient de moins en moins nombreux : de plus en plus de personnes se rendaient maintenant compte que plus rien n'était comme avant, qu'une page s'était tournée, que l'ère des chats avait ou allait remplacer l'ère des hommes, la fameuse anthropocène. Celle-ci était niée par les scientifiques, pour des raisons qui leur étaient propres. Pourtant l'homme avait bel et bien refaçonné le monde à sa façon, et l'on pouvait dire que c'était plutôt en mal. Maintenant le jour des chats était venu, et l'on pouvait légitimement penser qu'ils transformeraient à leur tour la terre, mais plutôt en bien.

Une question demeurait cependant : les chats avaient-ils réellement mis en place une conjuration pour prendre le pouvoir ? Quel pouvoir ? Ne l'avaientils pas déjà ? Si, bien sûr, ils l'avaient déjà, mais de toute façon, ils étaient trop sages pour se disputer la vaine gloire du monde. Cette histoire de conjuration, ce n'était donc qu'une théorie du complot de plus.

Et pourquoi auraient-ils voulu le pouvoir, ou plus de pouvoir ? Ah oui ! le pouvoir pour pouvoir dormir en paix ! Eh bien ! ce n'était pas vraiment une réussite ! Certes, ils dormaient toujours, mais il y avait de plus en plus de bruit. Cette guerre des chats, ce n'était décidément pas leur guerre. C'était trop bruyant, et cela ne servait à rien. Les humains eux-mêmes s'en rendirent compte, et la guerre cessa, comme souvent, faute de combattants. Peu à peu, les rumeurs diminuèrent et finirent par disparaître, les unes après les autres, comme si les humains eussent enfin... d'autres chats à fouetter !

Et cela dans le monde entier. Car cette prétendue guerre des chats avait été comme une sorte de guerre mondiale d'un nouveau genre, une guerre civile au niveau mondial. Peu ou prou, tous les pays avaient été concernés, absolument tous les continents, sauf bien sûr l'Antarctique où il n'y avait pas un chat (sauf peut-être ‒ qui sait ? ‒ dans une base scientifique). Les pays des chats l'avaient été tout particulièrement, notamment le Japon, mais nous y reviendrons.

Cette guerre, cela n'avait été finalement que la guerre des amis des chats contre leurs ennemis, et inversement, le tout mêlé à la politique et aux religions des hommes. Cela n'avait été qu'une vague de rumeurs et de fausses nouvelles sur Internet, comme il en existe tant. En vérité, les chats, eux, n'y avaient même pas mis la patte : fidèles à leurs habitudes, ils dormaient ! Peut-être que d'un œil, mais ils dormaient !

III

L'amour et les chats

Le monde entier était en effervescence, tant en Occident qu'en Orient. Le Japon, culturellement entre les deux, n'était pas épargné. Un certain Yamamoto se sentit particulièrement concerné quand il entendit parler de la guerre des chats. Jeune, passionné d'informatique, il avait tout de ce que l'on appelle du mot bien peu français de geek. Yamamoto est un nom fréquent au Japon, aussi pour ne pas le confondre avec d'autres Yamamoto, l'appellerons-nous Neko sensei ‒ comme il se faisait d'ailleurs appeler lui-même sur les réseaux sociaux. Neko voulant dire chat ‒ on retrouve le terme dans le nom de la célèbre statuette du chat qui lève la patte, le maneki-neko ‒ et sensei étant un titre ayant le sens de professeur ou de maître. Si l'on avait dû traduire son nom en français, Neko sensei se serait donc appelé le professeur Chat ou mieux, le professeur Le chat ‒ plutôt que maître-chat... Il se prénommait Masato, et s'appelait donc officiellement Yamamoto Masato, selon la tradition japonaise qui veut que le prénom suive le nom.

En fait, Neko sensei n'était pas celui que l'on aurait pu croire. Il n'était pas professeur et n'avait même pas fait de longues études. Il en savait cependant assez dans certains domaines pour jouer au professeur sur les réseaux sociaux. Il se reconnaissait geek, mais sans donner à ce terme le sens négatif que l'on applique aux individus cyberdépendants se coupant de la société pour s'enfermer dans leur monde virtuel. Selon lui, le terme geek pouvait aussi concerner, de façon positive, non plus seulement les passionnés d'informatique, mais tous ceux qui s'évadaient par leur imaginaire dans les domaines qui les passionnaient et qu'ils partageaient avec leur communauté, comme les jeux vidéo, les jeux de rôle, la science-fiction, le fantastique et la fantasy (la fantasie, en mauvais français).

Ce qui passionnait Neko sensei, c'était le chat, évidemment, mais pas seulement. Il se passionnait aussi par tout ce qui tournait autour : la biologie et les chats, la philosophie et les chats, la psychologie et les chats, la sociologie et les chats, et ainsi de suite (la liste serait trop longue s'il fallait tout préciser). Originaire de l'archipel d'Okinawa, mais installé sur l'île principale du Japon, près de Nara, Neko sensei s'était mis très tôt à chercher son ikigai. Ce terme vient de deux mots japonais : iki, qui veut dire vivre, et kai, qui peut se traduire, entre autres, par raison. Chercher son ikigai, c'est donc chercher sa raison d'être, ce qui procure la joie de vivre. Le trouver et vivre selon ses principes, c'est trouver un sens à la vie et s'assurer de trouver l'énergie et la confiance en soi pour la vivre pleinement. C'est s'accomplir, s'épanouir en poursuivant sa passion. Au Japon, le concept est cependant perçu différemment selon les régions. Dans son berceau d'Okinawa, on le perçoit effectivement comme ce qui motive pour se lever le matin : savoir pourquoi on se lève donne déjà envie de se lever. Ailleurs, le terme peut être employé plus légèrement pour tout ce que l'on aime : pour certains, boire une bonne bière, c'est déjà avoir trouvé son ikigai. Pourquoi pas, après tout, pour les esprits peu exigeants...

Neko sensei, lui, en tant qu'originaire de l'archipel d'Okinawa, prenait le concept au sérieux, comme ce pourquoi la vie valait la peine d'être vécue, une philosophie du bonheur pour avoir une longue vie en bonne santé. Il pensait, comme d'autres personnes, que c'était le fait de vivre selon son ikigai qui expliquait, en partie, la longévité des habitants de son archipel d'origine. C'est là en effet que les habitants vivent le plus longtemps et qu'il y a le plus de centenaires. L'hérédité, la nourriture traditionnelle, le tempérament et le style de vie y sont pour beaucoup, plus que l'ikigai sans doute, mais ce concept pris au sérieux n'est cependant pas à négliger car il peut aussi y jouer un rôle. Pour mieux comprendre Neko sensei, il est en tout cas nécessaire de développer ledit concept.

L'ikigai est souvent représenté par un schéma comportant quatre cercles qui sont tous imbriqués sur un côté. Ce schéma est généralement utilisé pour chercher un travail, mais il peut l'être bien au-delà, par exemple pour comprendre sa vie et y donner un sens.

Un premier cercle est consacré à ce que l'on aime.

Un second, à ce en quoi l'on est doué, aux talents que l'on a, naturellement, sans efforts particuliers de notre part.

Ces deux cercles se rencontrent dans le domaine de la passion. C'est l'activité que l'on aime faire et pour laquelle on est doué. C'est ce qui nous motive et nous anime au quotidien.

Un troisième cercle est consacré à ce que l'on fait comme travail, comme activité, à la valeur que l'on peut apporter.

Il rencontre le second cercle dans le domaine de la profession. C'est une activité pour laquelle on a les compétences et pour laquelle on peut être rémunéré (pas forcément en argent). C'est le domaine de l'utilitaire.

Un dernier cercle concerne ce dont le monde a besoin, ce que l'on peut lui apporter pour le changer, cela comprend les causes auxquelles on tient.

Il rencontre le troisième cercle dans le domaine de la vocation. La vocation, c'est ce qui rend chacun unique. Par rapport à la profession, il y a la notion d'aide que l'on apporte aux autres, sans en avoir dès le départ toutes les compétences. C'est donc répondre à un besoin par une activité pour laquelle on peut être rémunéré.