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L'entonnoir de la vie ? Quel rapport peut-il y avoir entre la vie et un entonnoir ? La vie serait-elle comme un entonnoir ? Quand on entre dans la vie, l'univers des possibles est déjà limité, comme avec un entonnoir. Puis, avec les années qui passent, cet univers se rétrécit, et l'on glisse inexorablement vers sa fin, tout comme avec un entonnoir l'on glisse vers son bout. Mais tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir ! Ce livre joue alors au jeu de la vie, au jeu des sept familles ramenées à deux, pour simplifier : il raconte l'histoire des membres de deux familles, avec leurs multiples personnalités et destins, où chaque individu est comme un entonnoir qui peut déboucher à son tour sur un nouvel entonnoir, et la vie se prolonger ainsi indéfiniment. Cela fait au final tout un tas d'histoires qui témoignent de la vie de tous ces émigrés et Français de souche qui ont fait la France actuelle. D'un entonnoir à l'autre, c'est l'histoire de plusieurs vies, c'est l'histoire de la France d'hier et d'aujourd'hui.
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Seitenzahl: 134
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Image de couverture :
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À l'entonnoir de la vie
I Introduction
II Famille Bortoluzzi : le grand-père paternel
III Famille Bortoluzzi : la grand-mère paternelle
IV Famille Bortoluzzi : le grand-père maternel
IVa Famille Bortoluzzi : la grand-mère maternelle
V Famille Bortoluzzi : le père
VI Famille Bortoluzzi : la mère
VII Famille Bortoluzzi : l'enfant
VIII Famille Moreno : le grand-père paternel
IX Famille Moreno : la grand-mère paternelle
X Famille Moreno : le grand-père maternel
XI Famille Moreno : la grand-mère maternelle
XII Famille Moreno : le père
XIII Famille Moreno : la mère
XIV Famille Moreno : l'enfant
XV Épilogue
L'entonnoir de la vie ? Pourquoi ce titre ?
Pourquoi, en quoi, comment la vie serait-elle un entonnoir ?
Tout le monde sait ce qu'est un entonnoir : un ustensile en forme de cône utilisé pour transvaser des liquides. Grâce à l'entonnoir, les liquides peuvent être facilement et proprement transvasés d'un récipient à un autre, parce que l'entonnoir a une grande ouverture pour les recevoir, et une petite en forme de tuyau pour les canaliser vers leur nouvelle destination.
Par sa forme et par l'usage qui en est fait, l'entonnoir peut être une analogie de la vie elle-même, et notamment de la vie humaine.
Au départ, les possibilités que chacun a dans la vie sont grandes, même si elles ne sont pas illimitées. Tous les entonnoirs ne sont pas non plus de la même taille. Les chances ne sont pas égales pour tous. Un enfant d'une famille pauvre a ainsi devant lui un avenir moins ouvert qu'un enfant d'une famille riche. Mais pour tous, plus les années passent, plus les perspectives se rétrécissent avec l'âge, comme l'on passe de la grandeouverture de l'entonnoir vers la plus petite et, au final, au bout c'est le trou : la mort.
La vie : un entonnoir qui finit en trou noir.
Vrai ou faux ?
Les deux !
Il est vrai que plus les années passent, plus les jeux semblent faits. Quand on s'installe dans la vie, la vie devient routine. Chacun est pris par ses engagements professionnels, familiaux ou sociaux, ses relations, voire ses crédits immobiliers ou autres, tous ses choix de vie dont il est difficile de sortir. Chacun est comme prisonnier de la vie elle-même, de sa propre vie. L'horizon des possibles semble se rétrécir sans cesse. En outre, plus on vieillit, plus le corps humain impose ses limites et, à la fin, l'issue ne peut être que fatale, au cimetière ou au crématorium.
Cependant, l'analogie avec l'entonnoir n'est pas entièrement exacte. À la naissance, l'horizon des possibles est, en fait, quasi nul. Un bébé ne peut guère que dormir et s'alimenter. Ce n'est qu'après plusieurs mois qu'il peut marcher et parler, découvrir son petit univers et commencer à s'exprimer, à s'imposer au monde. Son horizon des possibles ne cesse de s'élargir, jusqu'à l'âge adulte. Ce n'est que lors de celui-ci que son horizon des possibles s'inverse et se rétrécit. Encore cela dépend-il des personnes et des circonstances, ce n'est pas une fatalité. À tout âge, il est possible d'élargir son horizon, d'une façon ou d'une autre. Certains peuvent avoir la chance d'élargir leur horizon jusqu'au bout de leur vie, ou presque. Même si, à la fin, le trou de l'entonnoir est la seule issue.
En outre, au cours des années, si à cause de nos engagements volontaires ou subis, notre liberté d'agir peut sembler de plus en plus limitée, on peut par contre élargir notre liberté intérieure en combattant nos croyances erronées, nos préjugés, et toutes les pensées et attitudes néfastes qui nuisent à notre bien-être et à celui des autres.
En somme, si l'entonnoir va bien vers un trou noir, rien n'interdit ou n'empêche de refuser de se laisser aller vers lui. Ce n'est pas parce que la pente est glissante qu'il faut forcément glisser. L'image de l'entonnoir ne doit donc pas être vue de façon forcément négative. Au lieu de se laisser glisser, on peut toujours lutter pour remonter la pente et élargir son horizon. Là est d'ailleurs le sens de la vie, dans cette lutte contre le laisser-aller, le laisser-mourir, sans but et sans espoir d'en sortir, dans cette lutte pour retarder le plus possible l'échéance fatale.
Du reste, l'analogie de l'entonnoir est utilisée en matière de vente de façon positive, en tant que méthode pour inciter un acheteur potentiel à passer à l'acte. On appelle cela l'entonnoir de vente, qui comporte plusieurs étapes : faire découvrir le produit, susciter l'intérêt pour celui-ci, puis la décision d'achat et la fidélisation du nouveau client. Mais on parle aussi de questionnaire en entonnoir s'il s'agit de manipuler un interlocuteur pour l'amener à adopter un point de vue et une conclusion. Au Parlement, la règle dite del'entonnoir vise à restreindre la discussion sur les dispositions encore en question, en excluant les dispositions déjà adoptées ou rejetées. Dans tous les cas, tout est canalisé vers le bout de l'entonnoir, son fameux trou. Un trou noir, a-t-on dit. Mais pourquoi un trou noir ?
En astrophysique, un trou noir est un objet céleste tellement compact que l'intensité de son champ gravitationnel empêche toute matière et tout rayonnement, toute lumière, de s'en échapper. Un trou noir est donc invisible.
La fin de l'entonnoir n'est certes pas un trou noir, mais un simple trou, bien visible, lui. Quant à la vie, elle se termine souvent dans un trou creusé dans la terre, aménagé en tombe. C'est moins spectaculaire que le trou noir de l'astrophysique, mais on peut quand même le qualifier de noir, ne serait-ce que pour la rime avec entonnoir, et parce que la couleur noire est assimilée au deuil en Occident.
Mais tout s'arrête-t-il vraiment avec la mort ?
D'une certaine façon, non. La vie continue toujours. Les atomes du défunt poursuivent la vie dans d'autres corps, humains ou non. L'image du défunt lui survit même en cheminant dans l'espace. Peut-être des extraterrestres, ou des terriens ayant émigré sur une autre planète, la verront-ils un jour. En outre, dans le monde quantique, l'information ne disparaît pas : c'est encore une autre façon de survivre. Et un trou noir retient tout, toute l'information de tout ce qui a été englouti par lui.
Mais tout cela reste bien abstrait quand on est confronté à la mort d'un proche. Dans ce cas, la mort reste la mort, sans espoir d'un au revoir, à moins d'en avoir la foi, mais la foi n'a aucune garantie contractuelle, et n'est pas de nature scientifique. Elle défie plutôt les probabilités, voire, si l'on ne croit pas, le simple bon sens.
Le trou de l'entonnoir peut donc nous paraître bien sombre, bien noir. Ce serait oublier qu'avant, il y a la vie, et que la vie est pleine de surprises de toutes sortes, de multiples entonnoirs. De multiples chemins variés qui convergent à chaque fois vers une seule issue. Cela montre que notre présent eût pu être différent, mais qu'une fois que les évènements qui l'ont précédé se sont enchaînés, il ne pouvait plus l'être. Le présent n'est alors plus qu'à accepter : c'est toute la philosophie de l'entonnoir. Ce qui n'empêche pas d'essayer de le changer, s'il est encore possible de remonter sa pente glissante.
Dans les temps anciens, chez les alchimistes, l'entonnoir représentait l'acquisition de la connaissance. Renversé, le tuyau en haut, il représentait au contraire l'ignorance, la tromperie et la déraison, c'est pourquoi les fous sont parfois dessinés avec un entonnoir renversé sur la tête. L'entonnoir était aussi un moyen de torture : on l'enfonçait dans la gorge du supplicié, puis on y versait un liquide. L'estomac de la victime se dilatait et compressait ses poumons, causant ainsi un début d'asphyxie dans d'horribles souffrances. Pas très gai que tout cela ! Alors, laissons choir l'entonnoir, et jouons aux cartes !
Plaît-il ?
Oui, aux cartes ! Pourquoi pas ? Et plus particulièrement au jeu des sept familles. Car grâce à ce jeu, nous allons pouvoir découvrir l'entonnoir de la vie en action. Mais qui a dit que la vie était un jeu ? Elle ne l'est pas particulièrement, elle oscille plutôt entre la comédie et la tragédie. En tout cas, elle se termine toujours mal (le trou de l'entonnoir, la mort !). Mais la famille, est-elle un entonnoir ? Non, c'est plutôt chaque individu qui la compose qui est un entonnoir.
En effet, nous sommes l'aboutissement de tous nos ancêtres. Ils sont tous entrés dans l'entonnoir qui a conduit jusqu'à nous ‒ un entonnoir pour chaque personne qui existe. Cela fait énormément de personnes pour finir jusqu'à nous. Elles sont toutes entrées dans l'entonnoir par sa grande ouverture. Chacun d'entre nous est alors tout au bout de la petite ouverture. Mais si nous avons une descendance qui en a une à son tour, et ainsi de suite, c'est un autre entonnoir qui se crée, un entonnoir inversé dont la grande ouverture est en bas. Cet entonnoir prolonge le précédent, et la vie se poursuit ainsi d'un entonnoir à l'autre.
Le jeu des sept familles nous plonge dans ce monde d'entonnoirs. Mais nous allons simplifier quelque peu le jeu ! Sept familles, ce serait en effet beaucoup trop ! Nous n'allons retenir que deux familles, appelées ici les Bortoluzzi et les Moreno. Ces familles sont inspirées de familles réelles. Elles racontent l'histoire de la France et du monde, du XIXe siècle à nous jours. Elles permettent de comprendre les mentalités de leur époque, leur évolution et la vie elle-même. Elles permettent de comprendre l'entonnoir de la vie.
Dans le jeu traditionnel, chaque famille se compose de six personnes : le grand-père (appelé aussi l'aïeul), la grand-mère (appelée aussi l'aïeule), le père, la mère, le fils et la fille. Sauf que la réalité n'est pas aussi simple ! Une personne a un père et une mère, soit deux parents, issus de deux familles. Chacun d'eux a eu aussi deux parents, ce qui donne quatre grands-parents. Dans notre nouveau jeu, nous aurons donc une carte pour chaque grand-parent, soit quatre cartes, plus deux cartes pour les parents, et la carte pour l'enfant ‒ nous n'en retiendrons qu'un par famille, un fils pour l'une, une fille pour l'autre. Chaque famille a alors sept cartes. Le jeu des sept familles devient alors le jeu des deux familles à sept cartes chacune, soit quatorze cartes en tout. La règle du jeu doit être adaptée pour jouer avec seulement deux familles : par exemple, après avoir créé les cartes, chaque joueur en prend trois, et toutes les autres cartes constituent la pioche. Dans celle-ci, il faut ajouter des cartes blanches – sans rien. Plus il y aura de cartes blanches, plus le jeu pourra se prolonger. Celui qui gagne une famille doit ensuite lire tout ce qui se rapporte sur elle dans ce livre. Désolé !
Êtes-vous prêts à jouer ? Avant de jouer au jeu des deux familles, il faut cependant, pour plus de clarté, préciser qui est qui. Le plus simple, pour les deux familles de notre jeu, est de prendre un des petits-enfants comme point de référence pour définir les liens de filiation. Les deux pages suivantes vous les présentent.
Pour la famille Bortoluzzi, le point de référence sera Jean Bortoluzzi – l'enfant, dans notre jeu.
Ses parents étaient Giovanni Bortoluzzi et Teresa Pezzuti.
Ses grands-parents paternels, les parents de Giovanni Bortoluzzi, étaient Candido Bortoluzzi et Guiseppina Somera.
Ses grands-parents maternels, les parents de Teresa Pezzuti, étaient Alessandro Pezzuti et Catterina Martino.
Cela fait donc sept cartes pour la famille Bortoluzzi.
Passons maintenant à la famille Moreno.
Comme point de référence pour les liens de filiation, nous prendrons Marie Moreno – l'enfant, dans notre jeu.
Ses parents étaient Juan Moreno et Rachel Calvo.
Ses grands-parents paternels, les parents de Juan Moreno, étaient Antonio Moreno et Carmen Castro.
Ses grands-parents maternels, les parents de Rachel Calvo, étaient Benjamin Calvo et Judith Attias.
Cela fait donc au final sept personnes qui se retrouvent englobées sous le nom de Bortoluzzi et sept autres sous le nom de Moreno. Nous les présenterons en partant des grands-parents, puis viendront les parents, et enfin le fils ou la fille.
Notre jeu se compose ainsi d'au moins quatorze cartes, plus les cartes blanches ajoutées dans la pioche. Qu'il y ait deux ou trois joueurs, chacun ne prend que trois cartes. Chaque joueur demande une carte à un autre. S'il reçoit la carte demandée, il rejoue. Sinon, il pioche. Si la pioche est bonne, il rejoue, et ainsi de suite.
Alors, jouons !
« Dans la famille Bortoluzzi, je demande... »
Notons cependant au passage que chaque nom de famille – Bortoluzzi ou Moreno – englobe en fait d'autres familles. La famille Bortoluzzi englobe ainsi les Somera, Pezzuti et Martino. La famille Moreno englobe aussi les Castro, Calvo et Attias.
Les enfants en bout de ligne – Jean Bortoluzzi et Marie Moreno – n'ont au final du grand-parent dont ils portent le nom – Candido Bortoluzzi et Antonio Moreno – qu'un quart de leur patrimoine génétique. Et un huitième de celui du père de Candido et d'Antonio. Puis un seizième pour la génération antérieure, et ainsi de suite.
Comme quoi le nom que l'on porte ne représente au final que fort peu qui nous sommes. Notre patrimoine génétique est beaucoup plus grand et varié. Il englobe, en fait, de multiples familles. C'est pourquoi, au final, nous sommes tous de lointains cousins.
Mi chiamo Candido Bertoluzzi e sono nato a Santa Maria di Feletto, nel Veneto nel 1871.
Mi scusi ! J'oubliais que ce livre est en français ! Adieu l'italien ! Tant pis ! Encore faut-il rappeler que dans ma région, on parlait alors un dialecte qui n'était pas de l'italien académique. Mais passons ! De toute façon, je pense que vous avez compris que je suis originaire d'un village de Vénétie, au nord de Venise. À l'époque, ce n'était pas comme maintenant. La région était très pauvre et, pour les pauvres, il était même difficile de manger à sa faim. C'était toute une vie de misère, difficile à imaginer pour vous qui vivez beaucoup plus tard, dans une société d'opulence. Pensez ! Il y a même maintenant un restaurant Mac Donald's du côté de Cordignano, non loin de là ! Comme le monde a changé ! La polenta n'y est même pas au menu !
Comment le sais-je, moi qui suis né en 1871 ? Rassurez-vous, je ne prétends pas être encore en vie ! En fait, je suis mort en 1946. Je mourus cette année-là tout à fait normalement, comme on meurt toujours, pour une cause ou une autre. Mais pourquoi ne vous parlerais-je pas quand même ? Non pas d'outre-tombe, mais simplement par la magie de la fiction, ou plutôt de votre propre imagination. Car ne l'oubliez pas, vous êtes là avec votre carte, marquée « Famille Bortoluzzi, le grand-père paternel ». Et vous êtes là à vous imaginer tout ce qu'il a pu vivre, ce grand-père. Je ne suis qu'une carte qui vit grâce à vous.
Quand le bruit se répandit que le gouvernement du Brésil, un pays jeune et fertile, offrait du travail à ceux qui viendraient travailler ses terres, cela tomba donc en Italie comme la pluie après la sécheresse. Le Brésil, l'Amérique, la terre promise ! En tant qu'Italiens, on avait certes entendu parler de l'Amérique, des États-Unis et de l'Argentine. Et maintenant, il y avait aussi le Brésil ! Et, de plus, les autorités brésiliennes payaient le voyage jusqu'à Santos, dans l'État de São Paulo, puis même jusqu'aux « fazendas » (des grandes propriétés agricoles), et cela pour toutes les familles de paysans européens ! C'est que la production de café avait besoin de beaucoup de bras ! Tous étaient les bienvenus ! La chasse aux bras faisait l'objet d'un véritable commerce, avec son agence de propagande pour attirer du monde, et des contrats passés avec des entreprises pour assurer le transport et l'emploi. Le succès fut tel que, il y a à peu près un siècle, la ville de São Paulo était composée presque pour moitié d'Italiens et de descendants d'Italiens.
En 1897, ma famille et moi, nous embarquâmes donc pour le Brésil. Il y avait là mes parents, mes frères et sœurs, mon épouse et d'autres personnes que nous