Histoire en queue de poisson - Gaëtan Bodet - E-Book

Histoire en queue de poisson E-Book

Gaëtan Bodet

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Beschreibung

Dans une petite ville portuaire, Colin éprouve des sentiments envers Lola, une jeune fille au charme exceptionnel. Cependant, tout bascule après un tragique accident, privant Lola de l'usage de ses jambes.Mais dans cette ville trop parfaite les gens différents ne sont pas les bienvenus…Une aventure pleine de défis et de découvertes les attend à chaque coin de rue !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gaëtan Bodet - Né en 1996 en Loire-Atlantique, Gaëtan a fait ses études à l’école de cinéma CinéCréatis à Nantes. Diplômé en Conception Réalisation Audiovisuelle, il aime partager des histoires touchantes avec des personnages uniques et attachants, marginaux et inspirants, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs.

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Gaëtan Bodet

 

 

 

 

Jeunesse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet ouvrage a été composé par les éditions La Grande Vague

et imprimé en France par ICN Imprimerie Orthez.

Graphisme : ©Leandra Design Sandra

Illustration de Gaëtan Bodet

Image libre de droit

Photographe : ©Eddy Lamazzi

Loi N°49-956 du 16 Juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse

ISBN numérique : 978-2-38460-081-6

Dépôt légal : Février 2024

 

Les Éditions La Grande Vague

3 Allée des Coteaux, 64340 Boucau

Site : www.editions-lagrandevague.fr

 

CHAPITRE I

 

Bienvenue à Nantard-sur-Mer

 

 

Avant l’accident, Colin avait toujours eu du mal à trouver sa place dans cette petite ville portuaire qui pourtant paraissait si agréable. Ici, à Nantard-sur-Mer, le mot d’ordre était : sois parfait. Tout devait être propre, beau et rangé. Tous devaient être irréprochables, normaux et souriants. Il n’y avait pas de place pour les marginaux, il n’y avait pas de place pour Colin.

Nantard-sur-Mer avait tout pour être un véritable petit paradis sur terre. C’était d’ailleurs écrit en grand sur leur panneau de bienvenue, à l’entrée de la presqu’île. Lieu prisé des vacanciers en été, cette petite ville de l’ouest de la France était connue pour son port de pêche. D’énormes poissons aux écailles dorées peuplaient les eaux de la région et faisaient la prospérité des pêcheurs locaux. Il n’était pas rare de voir sur les étals des monstres dépassant les deux mètres et demi. Au bord de la côte, les poissons étaient généralement plus petits, autour d’un mètre de long, ce qui était déjà remarquable.

Mais Nantard-sur-Mer ne se résumait pas qu’à son port. Le Maire, Monsieur Dubel, faisait tout son possible pour rendre sa ville la plus belle possible. La perfection était pour cet homme une obsession maladive. Colin était trop jeune pour se souvenir de ce à quoi cette ville ressemblait avant que Monsieur Dubel arrive au pouvoir. Les maisons avaient-elles toujours eu ces couleurs vives ? Les poissons avaient-ils toujours été aussi gros ?

 

La ville était parfaitement entretenue et très peu de voitures y circulaient. On aimait prendre son temps en flânant dans les rues piétonnes. L’odeur salée de la mer envoutait les narines. Les gens étaient exagérément souriants et courtois. Il y avait du travail pour tout le monde. Et pour couronner le tout, un magnifique soleil illuminait la ville toute l’année. En bref, il faisait bon vivre ici.

Colin n’était cependant pas de cet avis. Ce cadre idyllique était pour lui une cage dorée dans laquelle il se sentait terriblement seul. C’était un enfant renfermé, timide, qui passait son temps la tête baissée, le visage caché par ses grosses lunettes rondes, bien trop grandes pour lui.

Il était très discret, espérant ainsi éviter certaines moqueries de ses camarades de classe qui le trouvaient bizarre, différent, particulier. Il n’avait jamais réussi à s’intégrer, et à l’approche des vacances d’été, ses espoirs de finir l’année avec un groupe d’amis avaient disparu. Pendant que tous les enfants de son âge jouaient au football, Colin restait assis, seul, sur un petit banc en bois dans un coin isolé de la cour de récréation. La tête penchée sur son carnet à dessin, il prenait plaisir à esquisser les portraits de ses camarades à leur insu.

« Je n’ai pas un nez comme ça. »

« C’est quoi ces grosses oreilles tordues que tu m’as faites, là ? »

 

En réalité, Colin dessinait remarquablement bien, mais ses dessins déplaisaient à ses camarades qui se complaisaient à se croire parfaits. C’était un jeune garçon calme, réservé, ayant un regard aiguisé sur ce qui l’entourait. Il aimait regarder les détails des veines d’une feuille morte. Il prenait le temps d’admirer une fleur onduler au gré du vent. Alors ses camarades, il les avait bien observés. Il les représentait parfaitement dans ses dessins. Il savait dessiner la beauté mais n’oubliait pas les détails et les petits défauts que chacun voulait cacher. Nul ne voulait entendre parler de ses mèches rebelles, de ses oreilles décollées, ou de son nez en patate. Tous refusaient d’accepter leurs défauts.

Colin préférait ainsi garder son carnet à dessin pour lui-même afin d’éviter toute confrontation. Ses camarades se pensaient supérieurs à lui et, avec le temps, il avait fini par se dire qu’ils avaient peut-être raison, qu’il y avait peut-être quelque chose qui n’allait pas chez lui, quelque chose qui expliquerait pourquoi il n’avait aucun ami.

 

Dans la salle de sciences de l’école, Madame Legall faisait la leçon à sa classe de quatrième. Peu d’élèves étaient attentifs. L’année touchait à sa fin, plus aucun contrôle n’allait avoir lieu, mais Madame Legall était le genre de professeur assidu qui faisait la classe jusqu’à la dernière seconde du dernier cours. Son monologue soporifique poussait Colin à rêvasser en regardant par la fenêtre. Dehors, des employés de la mairie s’affairaient à planter des fleurs jaunes, bleues et roses pour remplacer celles qui faisaient grise mine. Il faisait beau, il faisait chaud. Même à travers la fenêtre, Colin pouvait entendre les oiseaux chanter. Il aurait alors tout donné pour pouvoir s’échapper de cette prison, se promener puis rentrer chez lui et être tranquille. La sonnette retentit, comme répondant à ses prières, mais non, ce n’était qu’une pause de plus où il devait rester entre les grilles.

Il s’assit alors sur son banc habituel. Il sortit de son sac son carnet à dessin, ainsi que son crayon de bois qui était ridiculement petit tellement il l’avait utilisé et usé. C’est alors qu’il vit deux jambes avancer vers lui. Il leva la tête et vit Lola.

 

C’était la plus belle fille de sa classe. Colin l’avait dessinée plus de fois que n’importe quel autre élève. Il aimait la représenter le plus fidèlement possible mais il avait beau chercher, il ne lui trouvait aucun défaut. Certes, elle portait un pull en laine bleu marine, pas vraiment à la mode et certainement un peu trop grand pour elle, mais tout lui allait si bien. Sa peau lisse, parsemée de taches de rousseur, lui donnait l’air d’une poupée de porcelaine. Ses cheveux d’un blanc pur volaient au gré d’une douce brise qui diffusait son parfum de fruits des bois. Colin était envoûté. Cette fille semblait parfaite sur tous les aspects. On aurait dit un ange.

Cette vision divine fut perturbée par Mallorie Dubel qui se planta devant Colin aux côtés de Lola. Mallorie était la fille du Maire. Elle avait aussi un certain charme, en quelque sorte, mais c’était beaucoup moins naturel. Une frange et deux petites couettes blondes encadraient ses grosses joues roses qu'elle pinçait sans doute tous les matins pour leur donner cette couleur. Sa robe était assortie à cette teinte, comme ses petites ballerines toutes neuves. Elle était bien coiffée et bien habillée pour être la plus mignonne possible. Tant d’efforts pour être la plus belle, pourtant Mallorie était incapable d’égaler la beauté naturelle de Lola. Colin ne lui prêta d’ailleurs pas un seul regard.

— Salut Colin, dans deux semaines a lieu la fête annuelle de la ville. Avec Mallorie, on fait le tour des élèves pour présenter les diverses animations, commença Lola avec sa voix douce et apaisante, avant que Mallorie ne la coupe avec sa voix stridente.
— Mon père a prévu…

Colin ne l’écouta pas. À vrai dire, il ne suivait plus leur discours depuis quelques secondes déjà. La voix de Lola l’avait envoûté. Son cerveau ne fonctionnait plus, laissant place au cœur. Jamais une autre fille ne lui avait fait cet effet auparavant. Mallorie cessa de parler, et Colin sortit de sa transe lorsque Lola lui tendit une brochure. Il la prit timidement.

— Ton père est pêcheur il me semble, tente ta chance au concours de pêche, ajouta Lola en tournant les talons.

Colin la regardait s’éloigner et disparaître au milieu de la cour. Il sourit. Il était amoureux.

Pourquoi se mettait-il dans cet état ? Il n’y avait aucune chance qu’il lui plaise, se disait-il. Elle était si parfaite. Et il était si… différent.

Colin se pencha à nouveau vers son seul compagnon, son carnet à dessin. Il passa le reste de la récréation à dessiner Lola. Il la cherchait du regard pour la dessiner sous de nouveaux angles. Jamais il ne s’en lasserait. C’était la seule fille qui n’avait aucun défaut. Ou alors peut être en avait-elle, comme tout le monde, mais contrairement aux autres, elle semblait s’assumer et ne rien cacher. Elle était elle-même et cela était terriblement séduisant.

 

Colin rentra chez lui en se perdant dans ses pensées. Il aurait pu traverser le centre-ville et arriver en moins de cinq minutes, mais il préférait faire un détour pour se promener au bord de mer. Le vent faisait chanter les vagues et répandait une douce odeur salée. Colin prit une profonde inspiration et se détendit immédiatement. C’était son petit havre de paix. Il aimait venir ici, le long de la côte sauvage, isolé du reste de la ville grâce à la forêt qui l’encerclait. La plage était tapissée de rochers. Si quelqu’un voulait se baigner ici, il risquait de se heurter à l’un de ces blocs aiguisés qui étaient aussi fourbes que des icebergs. Ceci expliquait pourquoi les habitants et vacanciers préféraient se prélasser sur le sable doré de la grande plage principale de l’autre côté de la ville ou se promener le long du port. Colin était donc seul.

Une petite route longeait la côte mais elle était peu empruntée car il n’y avait rien ici, excepté une modeste maison. Cette dernière ne possédait pas de numéro de rue, car elle se tenait seule le long du chemin. Elle avait un aspect vieilli et négligé, la distinguant ainsi du reste de la ville. Une certaine tristesse en émanait, avec des murs dépourvus de couleur et quelques ardoises manquantes sur son toit. Personne n’avait tondu la pelouse depuis très longtemps, et des ronces rendaient l’endroit encore plus inhospitalier. Des chats tournaient souvent autour de la maison. Ils n’osaient jamais s’en approcher mais s’asseyaient devant et se léchaient les moustaches en fixant la porte d’entrée. Ils semblaient à la fois attirés et effrayés par ce qui se trouvait de l’autre côté de cette épaisse porte en bois. Les enfants de la ville racontaient même qu’une sorcière vivait ici, mais ce n’était qu’une rumeur. Personne ne savait vraiment, les volets restant perpétuellement clos.

 

Colin rentra chez lui, au 15 rue des Pêcheurs. La maison était modeste. Elle ressemblait à toutes les habitations de la rue qui étaient collées les unes aux autres et dépourvues de jardin. Elles avaient le même nombre de fenêtres et une porte d'entrée en bois massif, seule la couleur de la façade permettait de les différencier, chacune étant d'une teinte distincte. Colin vivait dans la maison bleue avec son père, mais en passant la porte d’entrée, le jeune garçon savait qu’il serait seul.

La plupart des marins-pêcheurs de la ville profitaient de la taille des gros poissons dorés pour pouvoir pêcher non loin de la côte et ainsi rentrer tous les soirs au port pour profiter de leur famille. Mais le père de Colin préférait s’éloigner au large, pendant des jours. Il aimait la mer, il aimait pêcher différentes espèces pour apporter un peu de variété sur les étals du marché. Il ne revenait que rarement à la maison et ne restait jamais très longtemps. Fort heureusement, les services de protection de l’enfance n’avaient pas été informés de la situation. La garde de Colin lui aurait été très certainement retirée. Pour ne pas avoir à déménager, le jeune garçon se contentait donc de cette vie solitaire.

Colin posa son sac de cours au pied de l’escalier et alluma la petite télévision de la cuisine pour combler le silence qu’il ne supportait pas. Le réfrigérateur paraissait bien grand face à la petite taille du jeune garçon. Pourtant, il n’y avait presque rien à manger. Un reste de la pizza commandée la veille ferait l’affaire. Il s’installa à table et prit une part.

L’émission diffusée à la télévision était particulièrement inintéressante, et pour s’occuper l’esprit, Colin sortit de la poche de son jean la brochure que Lola lui avait donnée. Il y était inscrit toutes les informations qu’il n’avait pas écoutées. En réalité, il n’y avait pas grand-chose de très nouveau. Cette fête était presque identique chaque année. Elle permettait de lancer la saison touristique grâce à des animations dans toute la ville, avec comme temps fort un concours de pêche à la ligne sur le port. Colin fut d’ailleurs surpris en découvrant qu’il y avait bien un changement par rapport aux années précédentes : le concours de pêche était désormais ouvert aux enfants.

 

Colin n’était pas un passionné de pêche comme son père, mais Lola avait raison en lui disant de tenter sa chance. Étant fils de pêcheur, il avait appris les bons gestes dès le plus jeune âge. Il n’aimait pas vraiment l’idée de concourir devant la ville entière, mais il avait des compétences certaines qui pouvaient peut-être attirer l’attention de Lola.

Colin ne pouvait s’empêcher de penser à cette fille. Ce soir-là, tout ce qu’il souhaitait, c’était de passer du temps avec elle. Il ne voulait pas gagner le concours de pêche, il voulait juste apprendre à connaître celle qui ne quittait plus ses pensées. Colin savait qu’il avait une carte à jouer et une idée lui vint. En avalant la dernière bouchée de pizza, il prit sa décision : le lendemain, il irait voir Lola.

 

Lola rentra aussi chez elle et, tout comme Colin, ses parents n’étaient pas là pour l’accueillir. Ils n’étaient plus là depuis six ans. Depuis leur mort, Lola vivait avec sa grand-mère, Mamie Christine. Mamie Christine était une vieille femme, petite et fripée par le temps. Elle portait un gilet rose qu’elle avait tricoté elle-même et des lunettes rondes grossissant la taille de ses yeux comme des loupes. Elle avait les cheveux courts, bouclés et blonds selon elle, mais la teinture virait plutôt vers le roux. La vieille femme passait son temps sur son canapé à tricoter, en regardant des vieux feuilletons policiers à la télévision.

— Coucou mamie ! cria Lola depuis l’entrée. C’est moi !

Lola utilisait volontairement le mot « moi » pour vérifier si sa grand-mère se rappelait de son prénom. Mamie Christine avait beaucoup d’énergie pour son âge ainsi qu’une santé qui lui garantissait encore un bon nombre d’années à vivre. Mais sa mémoire lui faisait défaut et elle pouvait parfois oublier sa propre petite-fille. Certains jours, elle avait toute sa tête et se souvenait de Lola, mais d’autres jours…

— Corine ? appela Mamie Christine.
— Non mamie… répondit calmement la jeune fille. Je suis la fille de Corine, Lola. Maman n’est plus là depuis longtemps. 

Mamie Christine s’arrêta de tricoter. Elle regardait le vide, perdue dans ses pensées. Dans ces moments-là, Lola savait qu’il fallait juste laisser sa grand-mère se reposer.

— Je fais un pull, déclara la vieille femme, comme si elle avait déjà oublié de quoi elles parlaient.

Le pull qu’elle tricotait, était identique à celui que Lola portait, mais cette fois-ci il était orange. La jeune fille sourit en voyant les yeux brillants de sa grand-mère qui semblait fière de faire ces pulls. C’était sans doute une manière pour elle de se rendre utile, de faire plaisir. C’était un cadeau qu’elle aimait offrir régulièrement et en toutes saisons.

 

Lola passa la soirée à ses côtés sur le canapé jusqu’à ce que la fatigue l’envahisse tout naturellement. La jeune fille monta alors dans sa chambre, prépara son sac de cours pour le lendemain, puis elle passa un bref coup de brosse dans ses cheveux pour les démêler comme tous les soirs avant de dormir. Elle devait en prendre soin car ils étaient beaux et uniques, certes, mais très fragiles. Ils n’avaient aussi pas toujours eu cette couleur blanche. Lola avait jadis des cheveux châtains comme la plupart des habitants de cette ville. Puis, lorsque ses parents moururent, la vie de la jeune fille bascula. Cette expérience traumatisante blanchit en quelques jours l’intégralité de sa chevelure. Ce drame l’avait profondément marquée, mais avait aussi fait d’elle une jeune fille forte et courageuse, assez mature pour veiller sur sa grand-mère et faire face aux dures épreuves que la vie lui réservait.

Comme chaque soir, Lola posa donc un regard sur la photo de ses parents qu’elle avait disposée sur sa coiffeuse, puis elle se coucha afin d’être en pleine forme pour le dernier jour de cours avant les vacances d’été.

 

Le lendemain était encore une magnifique journée à Nantard-sur-Mer. La température était douce et agréable. La brise maritime transportait l’odeur des fleurs à travers toute la ville mais Colin n’avait pas le temps de flâner pour en profiter. Il avançait vers l’école d’un pas déterminé et pressé car il était en retard.

Colin devait maintenant trouver le bon moment pour aller parler à Lola. Hésitant plusieurs fois, il fit un pas vers elle avant de prendre la fuite. Il aurait aimé remettre cela à plus tard mais c’était le dernier jour de cours avant les vacances d’été et il n’avait pas vraiment le choix. S’il voulait faire connaissance avec Lola, il devait lui parler sans tarder.

 

À la récréation, il passa à l’action. Lola était là, de l’autre côté de la cour. Le jeune garçon prit une grande inspiration et avança timidement vers elle. Il marchait très lentement, tête baissée, presque paralysé. Puis il prit une démarche plus affirmée et releva la tête pour avoir l’air plus sûr de lui. Il voulait cacher sa peur et, par-dessus tout, éviter de bégayer.

— Sa… Sa… Salut Lola.

Il ne pouvait pas plus mal démarrer. Colin se sentait ridicule et avait envie de faire demi-tour, mais il était trop tard. Lola se tenait devant lui, entourée par Mallorie et d'autres filles qui le dévisageaient. Il devait aller jusqu'au bout, alors il se précipita en lançant d'une traite :

— Ça te dirait de venir t’entrainer à pêcher avec moi ce week-end ? Demain ? Peut-être ? Enfin, je ne sais pas…

Les amies de Lola éclatèrent de rire. Le jeune garçon voyait bien le mépris dans les yeux de Mallorie. Elle le trouvait pathétique. Colin évitait de la regarder pour ne pas être touché par son venin, car pour lui, un seul avis comptait.

— Ce serait avec plaisir, répondit Lola. 

Colin resta muet, il était aux anges. Elle avait dit « oui » ! Le rendez-vous était pris, et il allait pouvoir passer du temps avec elle. Il allait apprendre à la connaître et il allait pouvoir montrer ses talents de pêcheur.

Ainsi, l’année scolaire s’achevait, Dieu merci. Colin était heureux de quitter cette prison où il s’ennuyait. Il était heureux d’avoir osé parler à la fille qu’il aimait et il était heureux de la revoir dès le lendemain.

 

 

CHAPITRE II

 

Un samedi romantique

 

Dès les premières lueurs du jour, Colin se leva. Il tenait à être parfait pour son rendez-vous. Il passa vingt minutes à essayer de choisir quels vêtements porter, mais finit par s’habiller comme la veille. Il se coiffa comme il put, mais ses cheveux ondulés ne se laissaient pas facilement dompter.

Sous son lit, reposait sa canne à pêche qu’il n’avait pas sortie depuis des années. Il la posa sur la table de la cuisine, juste à côté d’un petit panier en osier. Colin voulut préparer un bon pique-nique lorsqu’il se souvint qu’il n’avait rien d’appétissant dans la maison. Un petit tour à la supérette s’imposait. Avec l’argent que lui laissait son père, il acheta tout ce qu’il fallait pour remplir généreusement ce panier : une baguette de pain, des fruits, un peu de charcuterie, et des chips. Pour parfaire le cliché du pique-nique romantique il ajouta enfin une nappe rouge à carreaux, un classique.

 

Le rendez-vous était fixé à dix heures trente sur la côte sauvage, loin de l’agitation de la plage principale. La côte était déserte comme d’habitude. Seuls le bruit des vagues et deux ou trois mouettes venaient troubler le silence. Colin était évidemment le premier arrivé, il était en avance. Il étendit sa nappe sur un coin de sable entre les mauvaises herbes et les rochers, posa son panier, puis installa sa canne pour être prêt à pêcher dès que Lola arriverait. Tout était parfait. Il n’avait plus qu’à s’assoir et attendre. Pour patienter, il sortit d’abord son carnet à dessin. La lumière, les formes, les ombres et les couleurs du paysage l’inspiraient. Il avait sûrement dessiné cette vue du large des dizaines de fois, mais Colin ne s’en lassait jamais.

Il était concentré sur son œuvre lorsqu’une brise vint tourner les pages de son carnet. Elles s’agitèrent, défilèrent, et s’arrêtèrent sur un portrait de Lola qui semblait le regarder droit dans les yeux. Colin