Histoire(s) des chemins de Compostelle - Christian Sambin - E-Book

Histoire(s) des chemins de Compostelle E-Book

Christian Sambin

0,0

Beschreibung

Vivre ailleurs, s'installer durablement et changer de perspectives : des récits d’écrivains contemporains sur cette expérience fantasmée et vécue, faite d'émotions et de résonances.

Les pèlerins modernes reproduisent à leur manière les désirs, les intentions et les gestes séculaires accomplis par des centaines de milliers d’autres pèlerins avant eux sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle. Ces itinéraires convergents vers le tombeau supposé d’un disciple du Christ, au bout du Finisterre espagnol, permettent à toutes les nationalités, toutes les envies et toutes les motivations de se côtoyer pendant l’effort. La marche ou la recherche du dépassement de soi sont physiques autant que spirituelles, et il est probable qu’il en était de même dans les siècles passés.
Entre légendes et réalité, l’histoire de ces chemins parcourus par des foules de plus en plus nombreuses permet de mieux comprendre ce qu’ils représentent pour les consciences d’aujourd’hui. Elle nous rappelle également les traces profondes laissées par la période médiévale, au cœur des paysages traversés comme au plus intime de notre culture européenne commune.

« Le but du chemin, c’est le chemin lui-même. »

EXTRAIT

Il est six heures du matin dans la grand-rue d’Arzúa. Quelques ombres silencieuses et déterminées, vêtues de leurs capes de pluie, marchent sous la bruine galicienne, le chili mili. Elles croisent de rares voitures roulant à faible allure, phares allumés. Personne ne parle, car chacun sait qu’il a choisi la difficulté afin de rejoindre sans tarder le but du voyage. Ce sera une longue étape, la plus grande jamais parcourue. Ils iront dès aujourd’hui, et directement, à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Raisonnablement, deux étapes seraient nécessaires. Mais ils ne veulent pas attendre demain. Bien avant leur départ, puis chaque jour durant leur pérégrination, ils avaient cet objectif.
Tout à l’heure, ils y seront !

A PROPOS DE L’AUTEUR

Christian Sambin, marcheur et voyageur, a parcouru plusieurs fois les itinéraires de Compostelle. Loin des témoignages à la mode, son texte présente les faits, l’histoire et la légende de cette route mythique qui séduit toutes les générations. Il a par ailleurs publié avec Didier Destremau Le Roman de la Syrie aux éditions du Rocher (2012).

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 133

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



À mon ami Luis Espiga, qui m’a initié aux chemins de Compostelle, à Mila, Jude, Adam et Gabriel

CHEMINS DE SAINT-JACQUES

Toi qui chemines, ce sont tes traces qui font le chemin, et rien d’autre ;

Toi qui chemines, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant.

En marchant se fait le chemin, et en se retournant,

on voit le sentier que plus jamais on n’empruntera.

Toi qui chemines, il n’y a pas de chemin, sinon des sillages dans la mer.

Antonio Machado

Pèlerin de Saint-Jacques, gravure, 1568.

Introduction

Il est six heures du matin dans la grand-rue d’Arzúa. Quelques ombres silencieuses et déterminées, vêtues de leurs capes de pluie, marchent sous la bruine galicienne, le chili mili. Elles croisent de rares voitures roulant à faible allure, phares allumés. Personne ne parle, car chacun sait qu’il a choisi la difficulté afin de rejoindre sans tarder le but du voyage. Ce sera une longue étape, la plus grande jamais parcourue. Ils iront dès aujourd’hui, et directement, à Saint-Jacques-de-Compostelle. Raisonnablement, deux étapes seraient nécessaires. Mais ils ne veulent pas attendre demain. Bien avant leur départ, puis chaque jour durant leur pérégrination, ils avaient cet objectif.

Tout à l’heure, ils y seront !

Ces pèlerins modernes ne font que reproduire, à leur manière, les désirs, les intentions et les gestes séculaires accomplis par des centaines de milliers d’autres avant eux sur les chemins de Compostelle.

Cet itinéraire, physique autant que spirituel, permet à toutes les nationalités, toutes les envies et toutes les motivations de se côtoyer. Il est probable qu’il en fut de même dans les siècles passés.

Que vont chercher les pèlerins en Galice ? Adorer des reliques ? Non, car il est clair pour tous, y compris au Vatican, que ce ne sont pas celles de saint Jacques. « Le but du chemin, c’est le chemin lui-même. » Cette courte phrase concentre les motivations anciennes et actuelles, à la fois des chrétiens et de ceux qui le sont peu ou pas. Ce chemin légendaire rassemble la plus grande diversité.

Pour les chrétiens, aller vers un tombeau vide n’est pas l’élément essentiel, puisqu’il s’agit de foi, et que celle-ci ne repose pas sur l’adoration de reliques. Les autres recherchent probablement un sens vis-à-vis d’eux-mêmes et du monde dans lequel ils vivent. Ils ont peut-être le désir de prendre de la distance avec la vie quotidienne. Ou bien celui de se surpasser, physiquement ou mentalement. On ne peut pas dénier à ces ossements une valeur spirituelle propre aux besoins de chacun. Il peut y avoir encore un sens rituel, correspondant davantage à une tradition qu’à une croyance dans la réalité des reliques, mais autorisant néanmoins à solliciter protection ou guérison.

Durant l’époque médiévale, les autorités religieuses et temporelles ont organisé et coordonné leurs domaines respectifs, si intimement liés. Leurs actions conjointes ont élaboré la société occidentale et sa culture fondée sur cette identité collective profonde qu’est le christianisme. La reconquête des terres espagnoles envahies par les armées musulmanes était un objectif aux yeux de l’Histoire, le culte de saint Jacques en fut un des moyens aux conséquences durables. Le vaste brassage des pèlerins et de tous ceux venus s’établir en nombre le long de la route a participé activement à l’élaboration des bases de l’identité européenne.

L’histoire restituée des chemins de Compostelle permet d’essayer de comprendre ce que représente cette route mythique pour les consciences d’aujourd’hui. Elle nous rappelle également les traces profondes laissées par la période médiévale, au cœur des paysages traversés comme au plus profond de notre culture européenne commune.

Stone Henge, gravure de R.Wallis, Londres, 1838, d’après un tableau de William Turner (1775-1851).

– 1 – Les pèlerinages

Les pèlerinages ont toujours existé, quelles que soient leur forme ou les motivations des participants. On en trouve à toutes les époques, au sein des religions de toutes les sociétés : égyptienne, grecque ou romaine, précolombienne, shintoïste, bouddhiste, jaïniste, sikhe, sunnite, chiite, juive, chrétienne, et beaucoup d’autres. Un archéologue britannique avance que, il y a quatre mille quatre cents ans, Stonehenge (près de Salisbury, en Angleterre) aurait été un de ces lieux de rassemblement, doté de pouvoirs de guérison. De manière générale, un pèlerinage est un « voyage individuel ou collectif effectué dans un lieu saint à des fins religieuses et dans un esprit de dévotion ». La définition de l’Église catholique est identique, seul le mot dévotion est remplacé par celui de foi. Un pèlerinage serait donc la dévotion ou la foi par les pieds. Ce besoin de marcher vers le sacré est intemporel. Rompre le quotidien à l’épreuve de l’espace et du temps, cet acte de purification pour se rendre au loin sur « le » lieu désiré, permet d’aller à la rencontre de soi-même et de s’intégrer à une collectivité différente, pourtant unie dans le même objectif.

Ces caractéristiques se retrouvaient dans les pèlerinages païens au sanctuaire grec d’Épidaure dès l’Antiquité. Elles existent aujourd’hui dans celui de La Mecque, le hajj (pèlerinage) étant l’un des cinq piliers de l’Islam, ou dans celui de Shikoku, l’île nord du Japon, avec ses quatre-vingt-huit temples à parcourir sur mille cent soixante-dix kilomètres, et ce depuis le VIIIe siècle. Il en est de même sur les traces de Bouddha, du Christ, des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, ou aux sources du Gange, le fleuve sacré, et encore à Teotihuacán au Mexique précolombien.

Pèlerinage à la grotte sacrée de Benzaiten, Hiroshige, 1850.

Sur le plan strictement physique et rationnel, on marche vers nulle part, ou du moins vers un lieu qui pourrait être ailleurs, et pour ne rien obtenir de concret. Mais un pèlerinage n’est pas matériel, même s’il n’est pas toujours animé d’une foi ou d’une dévotion bien arrimées. Cette démarche correspond à « quelque chose » d’universel qui transcende les religions et les époques, quelque chose auquel chaque humain peut être sensible, qui pousse à réaliser des actions apparemment inutiles, mais si profondes qu’elles ne peuvent pas ne pas exister. Le pèlerinage est une manifestation fondamentale de l’anthropologie religieuse. C’est une rencontre avec le sacré, le merveilleux qui emporte au-delà de la réalité quotidienne. Le voyageur recherche, consciemment ou non, le surnaturel en un lieu qu’il a choisi et où il participe à une autre réalité.

Le mot pèlerin, selon le bon vieux dictionnaire Gaffiot, vient de peregrinus qui signifie « étranger » ou « de l’étranger ». Il est donc un expatrié, celui que l’on ne connaît pas. On doit alors l’hospitalité à ce marcheur vers le sacré. C’est pour répondre à cette obligation que s’est créé à l’époque médiévale un solide réseau de monastères chargés d’offrir gîte, couvert et soins.

Mosaïque représentant l’empereur Constantin à Sainte-Sophie, à Istanbul.

Méliton, évêque de Sardes en Asie Mineure, est venu en Palestine dès 160, mais ce n’est qu’en 326, après la découverte de la « Vraie Croix », que débuta réellement la vénération des principaux lieux saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, et particulièrement ceux de la vie du Christ. En effet, tous les témoignages de son passage à Jérusalem avaient disparu suite à la seconde révolte juive en 132, après laquelle l’empereur romain Hadrien a fait raser la ville pour en reconstruire une nouvelle sur les ruines. On doit cette « investigation » et ce « lancement » à sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin, initiateur de l’édit révolutionnaire de tolérance, autorisant chacun désormais à « adorer à sa manière la divinité qui se trouve dans le ciel ». L’Anonyme de Bordeaux, en l’an 333, décrit les routes et les haltes que le fidèle doit connaître durant son parcours. Quelques décennies plus tard, Égérie, femme originaire du nord de l’Espagne, relate en latin le pèlerinage qu’elle fit en Terre sainte en 380 après J.-C. (son manuscrit a été retrouvé en 1884 dans une bibliothèque d’Arezzo en Italie).

Plat en argent représentant Siméon le Stylite, VIe siècle après J.-C.

Au Moyen-Orient, au cours du Ve siècle, un autre pèlerinage important s’est développé autour de la colonne de saint Siméon (392-459). La vie de cet ermite, fils de sainte Martha, est connue par de nombreux textes et paraît tout à fait incroyable d’ascétisme. Siméon a, dit-on, quitté sa communauté car elle se permettait de manger une fois par semaine, signe de relâchement intolérable à ses yeux. Il passa trente-neuf ans sur la petite plate-forme d’un pilier où il ne pouvait pas s’allonger mais seulement se tenir debout ou assis. Ce pilier, dont la hauteur s’est accrue avec l’ardeur envahissante des nombreux pèlerins, est monté jusqu’à quinze mètres. Dans le silence, Siméon adoptait des postures fléchies successives de prière et de méditation. Les foules se rassemblaient à ses pieds ; des évêques et même les empereurs byzantins Théodose et Léon sollicitaient ses conseils. Sa colonne était déjà de son vivant un très important lieu de pèlerinage et ce mouvement s’est amplifié après sa mort. Une dispute est même survenue entre le patriarche d’Antioche et l’empereur Léon de Constantinople pour la possession de ses restes. En son honneur, en rase campagne, la plus grande église de l’époque a été érigée autour de sa colonne. À la suite de tremblements de terre, ce bel ensemble architectural d’une réelle élégance, l’une des merveilles de la Syrie byzantine, a subi de gros dégâts. On pourrait encore en admirer les ruines entre Alep et la frontière turque, si le lieu n’était pas actuellement une zone de combat et de désolation.

Ruines de l’église de Saint-Siméon, photographie prise en 2005.

Les lieux de l’exécution des premiers chrétiens martyrs, et particulièrement ceux de saint Pierre et saint Paul à Rome, ont attiré eux aussi de nombreux baptisés. La première relation parvenue à notre connaissance est celle que fit Sigéric, l’archevêque de Cantorbéry, lorsqu’il se rendit à Rome devant le pape en 990. Ses quatre-vingts étapes sont précisément décrites et forment ce que l’on dénomme encore aujourd’hui la via francigena, toujours empruntée par les « romieux », ceux qui marchent jusqu’à Rome.

Les nombreux pèlerinages chrétiens, locaux ou au long cours, étaient essentiellement liés au culte des premiers martyrs, ceux qui n’ont pas voulu abjurer leur foi et ont accepté de mourir pour en témoigner. Ce sont les « saints » originels de l’Église. L’expression s’est élargie ultérieurement aux hommes et aux femmes ayant une conduite remarquable et une grande élévation spirituelle. Cette pratique éminente des vertus chrétiennes leur a permis d’être proposés aux fidèles comme modèles exemplaires de vie.

Initialement, les autorités de l’Église se sont pourtant opposées aux pèlerinages car elles craignaient que cette démarche soit empreinte d’une influence néfaste, issue des fêtes de l’Antiquité. La célébration de Bacchus, par exemple, le dieu du vin des Romains, impliquait des beuveries et des excès divers, notamment sexuels. Avec un tel parrainage, sulfureux et si peu conforme au christianisme, on peut comprendre leur réticence. Ces rassemblements pouvaient être sources de distractions, de gourmandise, voire davantage. Le commerce des reliques se développant, il a introduit une inquiétude complémentaire : les fausses, fabriquées pour abuser le dévot, devenant bien plus nombreuses que les originales. Cette vente de parties du corps et d’objets supposés avoir appartenu à une personne vénérée, déjà pratiquée sous l’Antiquité, ajoutait lucre, convoitise et cupidité, et ruinait les aspirations à la spiritualité.

Pourtant, la démarche de la grande majorité des pèlerins est sincère, dépourvue par essence de ce matérialisme dont chacun souhaite se défaire, au moins pour un temps. Le pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle est considéré comme l’un des trois grands de la chrétienté, avec ceux de Rome et de Jérusalem.

L’Entrée des Croisés à Jérusalem en 1204, huile sur toile de Eugène Delacroix (1798-1863), Paris, 1840.

– 2 – Le contexte historique des chemins

Afin de comprendre ce que furent ces déplacements importants vers Saint-Jacques, comment ils se sont constitués et pourquoi ils ont acquis une telle importance religieuse et européenne, il est intéressant de prendre connaissance d’abord du contexte de l’époque avec les Wisigoths, puis l’Islam conquérant, et enfin la Reconquista. Il faut aussi se rappeler que, d’une part, le périple à Jérusalem est alors impossible malgré la parenthèse des croisades (1095-1291), et que, d’autre part, le schisme partage désormais la chrétienté entre orthodoxes et catholiques.

LA « VOLONTÉ » DE DIEU

La riche histoire de l’Espagne chrétienne wisigothique du VIIe siècle se trouve brusquement interrompue en 711 par l’arrivée massive et victorieuse des armées musulmanes venues du Moyen-Orient, enrichies au passage par les redoutables guerriers berbères.

Cette irruption perturbe le monde catholique mais permet au royaume chrétien des Asturies d’émerger au nord de l’Espagne. Durant deux siècles, il fédère l’opposition à l’envahisseur, avant d’absorber le royaume de León alors souverain sur la Castille. L’énergie des musulmans est amplifiée par l’obligation religieuse, imposée à ses fidèles, de se conformer aux exigences du Coran, en combattant ceux qui refusent de se soumettre à ses lois divines. C’est le djihad, l’effort, la guerre sainte.

Face à ce conflit exigé par Allah, il était indispensable d’opposer la volonté du dieu des chrétiens. Le moteur essentiel de la récupération des territoires perdus ne pouvait être que la foi chrétienne. Le support d’une figure religieuse forte était nécessaire, légitimant et liant les efforts des différents peuples ibériques, indépendants et parfois opposés.

Saint Jacques, celui à qui la légende attribue l’évangélisation de l’Espagne, se devait d’aider les chrétiens à libérer leur territoire de l’occupation et de l’emprise musulmane, considérées comme impies. Compagnon proche du Christ, il était seul légitime face à la gloire et la puissance d’al-Andalus, le royaume musulman. En Espagne médiévale, Jacques se disait couramment Iago, d’où Sant Iago, et par contraction Santiago. Mais les conflits entre l’Église d’Orient, orthodoxe à Byzance, et celle d’Occident, catholique à Rome, jusqu’à la rupture consommée en 1054, ne rendaient pas la chose facile. Le christianisme, initialement oriental, s’est déchiré sur des contentieux théologiques, cachant à peine les enjeux d’une géopolitique complexe de tous ceux qui, nombreux, contestaient l’hégémonie décroissante des empereurs byzantins. L’œcuménisme de Paul VI, neuf siècles plus tard, permettra enfin de lever les anathèmes réciproques.

Au Moyen-Âge, la politique, sous le couvert de la foi, se devait de reprendre la main. Il fallait entreprendre des actions d’éclat afin de recentrer la chrétienté, consolider ses positions à l’ouest et montrer sa force et sa munificence. Le pape était certes un souverain spirituel, mais davantage encore un acteur temporel de premier plan.

LES WISIGOTHS

Après la fin de l’occupation romaine, au Ve siècle, de grands mouvements migratoires poussent vers l’ouest d’importants groupes nomades du nord et de l’est de l’Europe à la recherche de nouvelles terres. Ils sont dénommés les Barbares, appellation désignant des populations hors de l’autorité de l’Empire romain. Vandales, Suèves et Alains s’installent alors dans la péninsule ibérique.

Après un passage en Italie, les Wisigoths, les « Goths de l’ouest », peuple d’origine germanique et le plus prestigieux d’entre eux, s’établissent en Aquitaine et prennent Toulouse pour capitale. Leur défaite lors de la bataille de Vouillé en 507 contre les Francs de Clovis les oblige à se replier en Hispanie. Ils fondent le royaume chrétien de Tolède (554-711) et s’étendent sur un vaste territoire. Ce peuple dynamique, fort de son héritage romain, inaugure une période de grande prospérité économique et culturelle. Il en reste une belle production artistique composée de bijoux et de parures, et surtout d’églises datant du début du VIIIe siècle. Quelques exemplaires de cette architecture préromane subsistent en bon état de conservation dans les Asturies, en Catalogne et en Septimanie, l’actuel Languedoc-Roussillon français.

LA DÉFERLANTE MUSULMANE

Menacés par les Byzantins et affaiblis par leurs divisions internes, les Wisigoths sont emportés par l’expansion arabe. Elle englobe toute la péninsule ibérique et passe même les Pyrénées, dévastant la vallée du Rhône et poussant jusqu’à Autun au pied du Morvan. Charles Martel arrête leur progression dans l’ouest en 732 lors de la fameuse bataille de Poitiers, laquelle s’est déroulée en réalité près de Tours, soit à environ quatre-vingt-dix kilomètres plus au nord !