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Elle était belle. Elle ressemblait à un ange. Elle avait vingt ans et était promise à un bel avenir. Son destin s'est brisé au pied d'un pont un soir d'octobre. Qui était vraiment Carole ? Que s'est-il donc réellement passé ? Suicide ? Accident ? Meurtre ? Sous la houlette d'une commissaire acariâtre , Matt et Alex, en quête de vérité et de justice, vont tout faire pour résoudre cette énigme. Le premier a deux passions dans la vie : son métier, pour lequel il se dévoue corps et âme, et surtout Charline, sa petite fille paralysée suite à un accident de voiture. La seconde, sa coéquipière et meilleure amie, est une flic au coeur tendre, si tendre, qu'elle refuse qu'on le lui égratigne encore. Chantage. Trafic. Tentations. Amour. Passion. Amitié... L'existence est pavée d'embûches, et les sentiments parfois bien difficiles à désenchevêtrer...
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Seitenzahl: 220
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Juste un mot de toi
Une preuve d’innocence
Souvenirs perdus
Un subtil Goût de vengeance
Et si tout était vraiment écrit…
Passionnément Fantôme
Le ballon de l’espoir (Nouvelle)
Souviens-toi… Nous étions deux
Vivre mieux sans STRESS
Coloration végétale et henné
Sucré-Salé
Un amour de père Noël (Nouvelle)
Pastel Rouge Vif (La couleur des sentiments)
McCormack & Co. Panique au Mauna Bay Hôtel
A la recherche du passé
Un auteur se nourrit de tout ce qui l'entoure : de souvenirs, d'une ambiance, d'une sensation...
Il s'imprègne telle une éponge.
Chacun de mes romans a, à mes yeux, une saveur particulière. Il est associé à un parfum, une chanson, un être aimé…
Celui-ci gardera toujours un goût amer.
En fin d’écriture le 13 novembre 2015, il sera à jamais lié aux événements tragiques dont Paris a été la scène.
À tous ces innocents,
Aux victimes des attentats,
À mes parents.
CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
CHAPITRE 17
– Suspicion d'effraction, 12, avenue du Parc.
Le message entrecoupé de grésillements avait bien été reçu par les deux passagers de la voiture 3.
Derrière le volant, l'inspecteur Ravel fit demi-tour en débordant largement sur le trottoir bien heureusement désert à cette heure tardive.
– Accroche-toi Alex ! Nous sommes juste à côté. Je n'ai pas envie de les laisser à nouveau filer !
Sa jeune équipière boucla sa ceinture, trop au fait en ce genre d'occasion de la conduite quelque peu imprévisible de Mattéo. Adolescent, il devait probablement rêver être aux côtés de Starsky et Hutch dans leur célèbre Gran Torino rouge, à poursuivre les méchants pour leur passer les menottes. Ses souhaits étaient exaucés. Enfin, en partie seulement…
Depuis plus d'une semaine, le service était aux aguets. Une bande bien organisée de malfrats sévissait dans les beaux quartiers. En quelques minutes à peine, un luxueux appartement se retrouvait dépouillé de tous ses biens. Le dernier cambriolage en date, particulièrement violent, s'était soldé par un décès. La victime, un pauvre septuagénaire, avait péri sous les coups de ses assaillants, d’où la mobilisation générale de tous les services. Et le comble, malgré ce déploiement d’hommes et de moyens, était de ne toujours pas avoir un seul témoin ni aucune information pour venir étayer une quelconque piste.
Quelques nuits de planque n'avaient nullement égrené l'enthousiasme de la brigade. Au contraire, elles n'avaient que renforcé leur désir de résoudre au plus vite ces fâcheuses affaires.
L'avenue du Parc n'était plus très animée. Elle ne le serait probablement plus jamais. Les flonflons d'antan avaient laissé place à un triste silence. Cette partie de la ville n'avait désormais plus la cote auprès des noctambules prisant davantage le centre illuminé, regorgeant de restaurants, cafés et autres lieux de perdition. Même le cinéma d’Art et Essai avait renoncé, ne trouvant plus suffisamment de spectateurs pour faire salle comble. Salle pourtant déjà assez exiguë !
D'un regard circulaire, Alex fit rapidement le tour de la situation et sentit comme une vague de déception l'envahir.
– Nous arrivons trop tard ! Ou il ne s'agissait que d'une fausse alerte. Il n'y a pas un chat dans la rue, constata-t-elle désappointée.
Mattéo ne l'entendait pas de cette oreille. Il ne fallait jamais se fier aux apparences. Un vieil adage qu'il appliquait toujours avec rigueur.
– Viens, allons jeter un œil.
Avec ses bâtisses bourgeoises d'inspiration néoclassique au style ostentatoire, le quartier était une cible idéale pour les malfaiteurs. Il suffisait souvent de quelques heures d’absence répétées pour que des voleurs à la petite semaine organisent leur coup.
Sous le porche donnant accès à l'avant du bâtiment, le duo fut interrompu dans leur élan par une dame d'un âge certain. De prime abord, elle avait hésité à venir à leur rencontre, inquiète par l'arrivée de ces inconnus en blouson de cuir débarquant d'un véhicule somme toute très ordinaire. Totalement rassurée à la vue des brassards orangés, elle s'encourut et devint rapidement volubile.
– Ils sont entrés par là. Je ne les ai pas vus ressortir.
Elle désigna une petite entrée adjacente, tout en resserrant son gilet de laine sur sa frêle poitrine.
– Ils ont une drôle d'allure ! Le professeur et sa femme sont absents. Ils sont à la campagne avec leur fils.
Gentiment, la policière glissa la main sous le coude de la vieille dame l'engageant ainsi à réintégrer sa demeure.
– C’est vous qui avez appelé le poste ? Merci de vos renseignements, Madame. Mais maintenant, rentrez chez vous. C'est plus raisonnable. Nous nous occupons de tout.
Elle serait bien restée, juste pour satisfaire sa curiosité, mais si danger il y avait, mieux valait effectivement faire preuve de prudence !
Mattéo entra le premier, se faufilant dans la pénombre en longeant le mur de pierres de Savonnières.
D'un signe du doigt, dans un silence des plus complets, il indiqua à Alex une porte dérobée restée entrebâillée. Un des carreaux de celle-ci était brisé. Des individus malintentionnés étaient, sans nul doute, passés par là.
À pas feutrés, ils se glissèrent à l'intérieur. Pas un son ni une lueur n'attestaient encore d'une éventuelle présence. L'épaisse moquette étouffait le bruit de leurs pas, et le clignotement du lampadaire extérieur défaillant leur permit d'éviter l’utilisation de lampes torches.
Dans une pièce de l'étage, à la lueur bleutée d'un écran d'ordinateur encore allumé, le spectacle était plus qu’éloquent. Tiroirs arrachés, liasses de documents, ainsi que des fragments de vases ou de bustes très certainement de valeur jonchaient le sol.
Sur ses gardes, Alex inspecta consciencieusement les lieux, tandis que son collègue continuait sa pérégrination.
Soudain, une lueur vive aveugla ce dernier, puis un objet compact lui heurta violemment le haut du visage. Un claquement sourd, celui produit par sa chute, un grand fracas et des cris furent les dernières choses dont il eut encore conscience.
– Matt ! Réponds-moi !
Ah ! Enfin ! Il reprenait connaissance.
Mattéo se frotta le front à l’endroit du puissant impact.
– Bon sang ! Quel coup ! grogna-t-il. Tu les as vus ?
– Ils étaient deux et masqués. Ils ont filé sans demander leur reste. J’ai tenté de les poursuivre ; je les ai perdus, admit-elle avec regret. Les renforts sont en route.
La jeune femme l'aida tant bien que mal à se relever. Elle n'était pas spécialement petite ni gracile, mais l'effort qu'elle dut fournir lui procura cette sensation. Son coéquipier frisait le mètre nonante, tout en muscle, et à l’instant présent, il lui faisait l’effet d’être un poids mort.
– Tu n'es pas beau à voir !
Un peu étourdi, il essuya du revers de la main le filet visqueux glissant de son arcade sourcilière. Il était pourtant déjà de nouveau opérationnel. L'esprit clair et en alerte. Il reprit donc sa fouille minutieuse.
– L'appartement est occupé par un certain professeur Lange et sa famille.
Du moins, le courrier le lui laissait à penser.
– Lange ! C'est une pointure dans son domaine. J'ai déjà lu des articles qu’il avait rédigés concernant un chantier notamment au Mexique, répliqua Alex.
Mattéo, quant à lui, n'en avait jamais ouï dire.
– Un chantier ? Il est professeur ou entrepreneur ?
Alex s’esclaffa.
– Professeur. C’est un archéologue bien connu.
– Tu t'intéresses à l'archéologie, toi ? s'étonna-t-il.
Une voix tonitruante, bien que féminine, interrompit leur conversation.
– Perazza ! Que s'est-il passé ?
Alex, alors dans le couloir, se retourna vers les nouveaux arrivants.
– Nous avons été surpris par les cambrioleurs, Commissaire. Tout est sens dessus dessous. Nous ignorons s'ils ont eu le temps d’emporter quelque chose.
– Vous êtes blessé, Ravel ? lança-t-elle à son inspecteur venant de les rejoindre.
– Rien de grave, la rassura-t-il en portant machinalement la main au front.
Déjà, leur supérieure, une femme dynamique et efficace, gravit les marches à la volée et examina le terrain.
– Ces tableaux valent une fortune ! Les ordinateurs et les appareils multimédias sont toujours bien en vue. Ils me semblaient surtout très intéressés par les dossiers.
Elle s'accroupit pour étudier de plus près un débris provenant probablement d'une pièce en verre soufflé de grande finesse. Elle pouvait encore distinguer ce doigt délicatement ciselé, orné d'une bague aussi ténue que de la dentelle.
– Nous avons affaire à des vandales !
Le spectacle était affligeant.
Rapidement, elle prit les choses en main.
– Gabert, vous me contactez les propriétaires au plus vite ! Perazza, vous restez avec moi. Fogiez, vous accompagnez Ravel aux urgences.
En entendant son nom, Mattéo protesta.
– Ce n'est pas la peine, je...
– Ce n'était pas une question, Ravel. C'est un ordre !
Le ton se voulait autoritaire et sans équivoque.
– Bien Madame la Commissaire !
Il avait lâché cette phrase en appuyant fortement sur chaque mot, frustré de se sentir ainsi écarté et désireux de le faire savoir à qui de droit.
Contrariée par ce qu'elle avait cru être l'aboutissement d'une enquête bouclée sur un flagrant délit, elle admit difficilement ce manque de respect si minime fût-il.
– Je mettrai cela sur le compte du choc, Inspecteur !
Sur ce, elle retourna à sa méticuleuse inspection.
*
Assis côté passager, le policier blessé restait silencieux. Rien à voir avec le contrecoup de son agression, non, il ruminait.
Pierre Larieux, lui au moins c'était un chef ! Un ami même. Il les avait quittés inopinément deux mois plus tôt et avait été remplacé par cette mégère.
Granier était le plus exécrable commissaire qu'il ait eu à supporter en plus de vingt ans de carrière. Depuis son arrivée, l'ambiance au sein du commissariat avait changé. Le fait qu'il s'agisse d'une femme ne le gênait nullement ; il n'avait aucun problème relationnel avec l'autre sexe dans la profession. Ni dans aucun autre domaine du reste. Bon d'accord, jusqu'à présent, il n'avait jamais été sous les ordres d’un chef féminin, une cheffe aurait-il dû dire même si cela sonnait à son avis un peu faux, mais il n'était parti avec aucun a priori. Elle n'avait tout simplement pas à ses yeux le charisme d'une meneuse. Despote, autoritaire, quoique droite et apparemment loyale, elle ne forçait pourtant pas son respect.
De plus, en toute honnêteté, il lui semblait trahir Pierre d'une certaine façon, en obéissant aveuglément à son successeur. En y réfléchissant un tout petit peu, il se serait rendu compte à quel point pour cette femme, il avait certainement été tout aussi compliqué de quitter son ancienne vie, ses amis et son boulot pour une promotion empoisonnée. Il aurait alors pu faire preuve d'un peu plus de compassion. Elle avait été obligée de prendre cette place de leader, de pilier avant même de tenter de la gagner.
– Vous allez bien, Inspecteur ?
La voiture était parquée depuis quelques instants déjà devant le Centre Hospitalier Provincial, mais son passager restait toujours prostré dans un mutisme étrange. La jeune recrue ne le connaissait que peu, cependant il semblait généralement assez bavard, enjoué, et rarement à court de plaisanteries. Cette curieuse attitude avait de quoi le perturber.
– Oui. Excuse-moi. J'avais la tête ailleurs.
Aux urgences, l'agitation ne connaissait pas de trêve. Mattéo regretta d'autant plus sa venue. Patientaient là des personnes vraiment en détresse ; il ne souhaitait surtout pas prendre le tour de quelqu’un en ayant réellement besoin. Cette minuscule entaille ne saignait même plus. Contraint et forcé, il attendit pourtant avec résignation.
– Tu peux t’en aller Fogiez, proposa-t-il à son chauffeur occasionnel toujours présent à ses côtés.
Il allait probablement s'ennuyer tout seul ; ce n’était pas une raison pour accaparer ce brave garçon qui avait certainement mieux à faire de sa soirée. L'aspirant était d'agréable compagnie, mais les regards incessants qu'il jetait au cadran de la grande horloge métallique fixée au mur immaculé commençaient à l'agacer.
– Je peux encore rester avec vous si vous le souhaitez.
– C'est inutile.
– Mais la commissaire a dit...
– De m'accompagner aux urgences. Pas de m'y tenir la main ! Voilà, c'est fait !
Le jeune homme hésita bien qu'il ait déjà, en théorie, terminé sa garde depuis un certain temps.
Alors, Mattéo décida, contrairement à ses habitudes, d'utiliser ce qui semblait dorénavant être la méthode de la maison.
– Tu rentres chez toi ! C'est un ordre !
– Merci Inspecteur, répondit-il avec enthousiasme.
– Mais pour la voiture ?
– Ne t'inquiète pas ; j'habite à deux pas. File !
Il n’insista pas, trop heureux d’être libéré.
Après une heure d'attente dans le hall lumineux, rythmée par le bruit des sirènes et le va-et-vient incessant des ambulanciers, un médecin, ou du moins quelqu'un y ressemblant, le reçut enfin.
L’homme trapu, affublé d’une imposante moustache, l’ausculta en émettant quelques grognements. Il délivra son diagnostic tout en astiquant ses lunettes, ne prenant pas même la peine de regarder son patient.
– Une radio ne me paraît pas nécessaire. À moins que vous ne ressentiez des maux de tête ou des malaises dans les jours qui viennent. Alors, il vous faudra revenir sans tarder.
– Je n'y manquerai pas, rétorqua Mattéo plutôt content de pouvoir s'échapper au plus vite.
– Je vous prescris des antalgiques et je vous envoie quelqu'un pour les soins.
Il grimaça. C'eût été un leurre que d'espérer s'enfuir si promptement de cet endroit mal famé ! Les hôpitaux étaient certainement, à son sens, le plus gros nid à microbes de la planète. Pour rester en bonne santé, mieux valait les éviter, ou à défaut, ne pas trop y traîner.
Par chance, une jeune infirmière très avenante, aux longs cheveux blonds noués en catogan, pénétra rapidement dans la salle. Chargée d'un plateau de suture, elle lui adressa un timide sourire en le saluant. Maladroitement, elle le posa sur la table, renversant au passage les flacons de désinfectant et autres liquides nauséabonds. Ce fut ensuite d'une main légèrement tremblante qu'elle passa un tampon imbibé sur la blessure.
Il épiait chacun de ses gestes, ce qui eut pour résultat de la décontenancer un peu plus.
Elle ressentait cette même impression désagréable tout comme quand à l’École Provinciale d’Infirmiers, son professeur lisait par-dessus son épaule ce qu'elle notait sur sa feuille d'examen.
– Ne me dites pas que je suis votre premier client, plaisanta Mattéo ayant subitement retrouvé toute sa verve.
Elle se détendit un peu, tout en le rassurant. Elle n'était plus ni étudiante ni stagiaire. Pas depuis longtemps, mais cela, il n'était pas censé le savoir.
Il ne peut pas être un mauvais bougre avec des yeux pareils, pensa-t-elle.
Et il n’y avait pas que ses yeux, pourtant d’un grisbleu évoquant la tempête, qui étaient remarquables. Il devait certainement avoir la quarantaine, même si aucun fil argenté ne pointait dans l’opulente chevelure châtain clair, et les quelques rides d’expressions, tout comme cette petite fossette au creux du menton, probablement marquées par son insolent sourire, le rendaient particulièrement séduisant.
Aucun détail de cet homme ne lui échappait. Elle semblait pourtant concentrée sur sa tâche, mais son visage était particulièrement proche du sien.
Ses collègues lui avaient indubitablement fait une mauvaise farce, en lui affirmant qu'il s'agissait d'un criminel placé sous surveillance. Cela arrivait sans doute parfois de devoir soigner des détenus ; jamais encore cette situation ne s'était présentée à elle. D'une imagination des plus débordantes, elle avait directement craint le pire. Elle allait rencontrer un individu à la mine patibulaire, qui sait, un assassin peut-être...
Non, ce n'était pas possible. Il semblait tout à fait « normal » et paraissait totalement libre. De plus, elle n'avait remarqué nulle part la présence d'un quelconque uniforme. Ce job, était son premier. Elle n'était pas encore rodée aux blagues de potache, dont elle faisait encore trop souvent les frais de la part de ses nouveaux collègues pratiquant une forme de bizutage.
– Thalia, lut-il sur la nominette épinglée à la bouse blanche. Vous avez un bien joli prénom !
– Merci, répondit-elle en rosissant légèrement, faisant oublier quelque peu son teint diaphane.
Mattéo trouva son attitude très amusante et particulièrement charmante. Il ignorait que les jeunes filles pouvaient, à ce jour, encore rougir d'un si maigre compliment.
– Ce n'est pas évident de travailler la nuit, n'est-ce pas ?
Elle lui faisait quelque peu pitié. Son apparente fragilité était touchante.
– Disons qu'ici aux urgences, les permanences ne sont pas toujours de tout repos.
Être de garde ne la dérangeait pas en général, mais à ce poste de front, il fallait avoir des nerfs solides et souvent un estomac bien accroché.
– Voilà, j’ai terminé !
Il s'était montré très docile, mais ne souhaitait à présent plus qu'une seule chose : s'en aller dans les plus brefs délais.
– Si vous ressentez un trouble quelconque dans les heures qui viennent, n'hésitez pas à consulter sans attendre.
– J'aurai peut-être ainsi la chance de vous revoir, lança-t-il avant de franchir le seuil.
Thalia rangea pensivement son matériel. Elle aurait très apprécié de le rencontrer dans d'autres circonstances. Au cours d’une soirée, par exemple. Elle aurait certainement directement remarqué sa grande taille et sa belle carrure. Il dégageait comme un sentiment de force et de protection, mélange d'une virilité troublante et attirante, affichant une aisance naturelle et une insolente assurance. Ce genre d’homme, les femmes aimaient dès le premier regard. Ou détestaient… Elle faisait partie de la première catégorie.
– Alex ? As-tu tenté de m'appeler ? J'avais coupé mon GSM. De toute façon, il n’y a aucun réseau !
– Tu es enfin sorti ! Veux-tu que je passe te chercher ?
– Je vais rentrer à pied ; le grand air me fera le plus grand bien.
Cette odeur âcre, mélange d'antiseptique et de désinfectant, était incrustée dans ses narines et lui donnait la nausée. Le passage obligé par la case hôpital lui avait été encore plus néfaste que la blessure en elle-même.
– Et de votre côté, quoi de neuf ?
– Figure-toi que le bureau du professeur aux Facultés à lui aussi été visité. Nous héritons de l'affaire.
– Tant mieux, j'ai un compte à régler avec celui qui a voulu me fracasser le crâne !
– Le recteur est une connaissance du commissaire principal. Je te répète les termes de Granier : « Vous et Ravel avez intérêt à vous distinguer ! »
Alex avait pris un ton bourru et une voix grave proche de celle de leur patronne. L'imitation se révéla particulièrement réussie faisant oublier les rancœurs de Mattéo à son encontre.
– Tu bosses demain ou tu as gagné un congé maladie ?
– Certainement pas ! Je serai à mon poste. On ne m'a posé que quelques Steri-Strips. Je suis un gars solide !
– Pas trop mal au crâne ?
– Pas plus que pour une gueule de bois !
– Tout va bien alors. Nous avons rendez-vous à onze heures au département d’histoire de l’art et d’archéologie.
– Professeur Lange ? Inspecteurs Ravel et Perazza.
– Je suis à vous dans un instant.
L'universitaire disparut quelques minutes, les laissant dans la salle restée telle après le passage d'une tempête. L'homme à la petite cinquantaine, assez sec, une paire de lunettes jonchée sur le bout du nez, ressurgit subitement. Il paraissait très agité. Et pour cause, lui si minutieux et organisé, se trouvait particulièrement déstabilisé par les récents événements.
– Je suis désolé. Je ne retrouve plus rien dans ce fouillis !
– Vous a-t-on dérobé quelque chose ?
– Ici ? Je ne crois pas. Mais comment savoir ?
Pour ce qui était de son domicile, Alex avait fait un compte rendu au préalable à Mattéo. Seules quelques centaines d'euros avaient disparu.
Le professeur ne s'en formalisait même pas. Il s'estimait être le seul responsable. Ce n'était pas malin, pensait-il, à raison, de garder de l'argent dans une vulgaire boîte à biscuits abandonnée dans le fond d'un tiroir. Bien sûr, il trouvait gênant que l'on ait ainsi pénétré dans son intimité, encore plus pour ses proches d'ailleurs. Mais tout ce remue-ménage valait-il vraiment la peine de ces déploiements de forces et de ces entretiens à répétition ?
– Y a-t-il des caméras de surveillance dans cette zone ?
– Pas dans ce couloir, mais pour les pièces importantes, fruits de découvertes récentes, elles, sont entreposées dans une salle sous bonne garde.
Il tressaillit ; la seule idée de perdre ses trésors l'avait fait blêmir.
– Sommes-nous en période d'examens en ce moment ? le questionna cette fille qui ne ressemblait en rien à l'image qu'il se faisait d'une policière.
Avec ses longs cheveux bouclés couleur ébène noués en queue-de-cheval et ses vêtements en jean, elle ressemblait davantage à une étudiante. Même pas, à une élève de secondaire plutôt.
– Je vois où vous voulez en venir. Je peux d'ores et déjà vous affirmer que vous faites fausse route. Les jeunes qui ont opté pour cette voie sont des passionnés. Ils aiment apprendre, découvrir...
– Nous ne voulons juste écarter aucune piste.
– Papa, je...
Un jeune homme s'arrêta sur le pas de la porte à la vue des deux étrangers. Il ne voulait surtout pas les interrompre en pleine discussion.
– Mon fils, Bastien. Mon digne successeur.
Tout le portrait de son père ! Père qui semblait tout particulièrement fier de sa progéniture.
– Je repasserai plus tard, s'excusa-t-il un brin embarrassé.
Le professeur reprit naturellement le cours de la conversation comme s'ils n'avaient pas été interrompus.
– Je n'aurais pas même pris la peine de porter plainte. Le rectorat en a décidé autrement.
– Il y a quand même eu effraction. Et ce, à deux reprises ! Avez-vous reçu des menaces ?
Ces policiers l'embêtaient à le sonder de la sorte. Il avait bien mieux à faire ! Commencer à ranger par exemple. Il soupira de lassitude.
– Je n'ai aucun problème. Avec personne. Il marqua une pause. Il y avait bien un petit souci avec la ville, concernant les aménagements de la place du Marché, mais tout ceci est résolu aujourd'hui.
– C'est en chantier depuis plusieurs mois à présent, déclara Mattéo. Faites-vous des fouilles à cet endroit ? demanda-t-il naïvement.
Alex pouffa en sourdine à la vue effarée du professeur.
Lui, était visiblement ulcéré. Quel ignare pouvait ne pas apprécier à leur juste valeur ses travaux !
Mattéo tenta de récupérer le coup. Il s'était mal exprimé. Il savait bien sûr ce qui se passait dans le quartier, on en parlait suffisamment, et surtout, il en subissait les conséquences désagréables comme tous les usagers de la route bien obligés de prendre patience dans des files interminables. Il n’était simplement pas au fait de qui était en charge des opérations.
– La majorité des élus voulait y construire un parking, n'est-ce pas. Le projet a été, je pense postposé.
– Nuance ! Le projet a été annulé !
C'était là une de ses grandes fiertés. Un site de cette valeur historique couvert de béton et d'asphalte aurait été un sacrilège incommensurable.
– Est-ce réellement une mesure définitive ? continua Mattéo.
– Le conseil communal a abandonné l'idée initiale, bien conscient d'un manque à gagner. Ils espèrent exploiter mes recherches. Non, ils ne feront pas marche arrière.
Peut-être avait-il raison. Ou pas… Quoi qu'il en soit, les inspecteurs restaient bien décidés à investiguer dans toutes les directions.
– Qu'en penses-tu, Matt ? demanda Alex une fois qu’ils eurent franchi la porte principale du bâtiment.
Celui-ci se frotta dubitativement le menton.
– Il me semble peu probable que nous ayons affaire à des étudiants. Ils n'auraient pas pris autant de risques. Pas celui de se rendre chez lui en tout cas.
– C'est embêtant, nous ignorions toujours l'ordre dans lequel les effractions ont eu lieu. En fait, nous ne sommes même pas certains qu'il s'agisse des mêmes individus.
– Les chances sont grandes malgré tout.
– Et la piste « des fouilles qui dérangent » ? En lui posant cette question, Alex riait encore sous cape. Tu as mis les pieds dans le plat en beauté !
– Mais attends, je ne pouvais pas savoir qu'il était de la partie ! Tu étais au courant toi ?
– Et comment ! Évidemment ! ajouta-t-elle en feignant d'être choquée.
De retour au commissariat, ils s'adonnèrent à leur technique préférée : un petit jeu de rôle leur permettant de se mettre à la place des voyous, mimant leur façon de penser et d’agir. Leur duo fonctionnait bien en général, et souvent, se couronnait de succès.
– Je suis surprise par ton arrivée alors que je cherche quelque chose chez les Lange. Je te cogne et je m'enfuis.
– Tu ne vas certainement pas commettre les mêmes méfaits plus loin. Ou tu es complètement stupide.
– Mais j'ignore alors qu'il s'agit de policiers en patrouille.
– Tu n'as pas vu les brassards ? Ni entendu les sommations ?
– O.K., je fais fausse route. Note, la petite visite aux Facs a peut-être déjà eu lieu avant. Ça, nous n’en savons rien ! Bon, essayons autre chose. Je ne cherche rien de spécial. J'ai choisi ma cible au hasard.
– Tu chamboules le bureau privé, puis tu t'acharnes sur le second. Dans quel but ?
– Je suis contrariée.
– Tu veux te venger ? Le professeur prétend n’avoir aucun problème avec qui que ce soit !
– L'intimider alors.
Ils inversèrent les rôles.
– Je viens des Facultés. Je n'ai pas trouvé ce que je cherche.
– Comment as-tu eu l'adresse privée de Lange ?
– Je la connais parce qu’il est mon objectif.
– Il a des questions d'examen ?
– Il n'y a aucun test de prévu. Je veux dérober des antiquités.
– Tu évites de les briser et tu n'éparpilles pas les documents dans ce cas.
– Qu'est-ce que je cherche alors ?
– Un rapport ? Un exposé ? Quelque chose en relation avec son travail.
– On en revient peut-être à la place du Marché. En tout cas, cela mérite bien que l'on s'y attarde.
Le reste de la journée fut centré sur ce fameux projet de parking. Du lancement de l'idée, en passant par l'appel d'offres. Tout était déjà en bonne voie jusqu'aux premières excavations. Sans les indiscrétions d'un ouvrier, des dizaines de voitures seraient probablement aujourd'hui bien rangées sur un site moyenâgeux.
Lange s'était immédiatement interposé au prolongement des travaux. À force d'appuis et de persuasion, il avait obtenu le gel total de toute activité. Par la suite, des subsides lui avaient même été accordés pour entreprendre et poursuivre des fouilles. Son obstination avait probablement coûté à certains.
Aux dernières nouvelles, mais de source non officielle, les conseillers communaux envisageaient d'ériger une espèce de musée à ciel ouvert afin de faire découvrir la vie citadine d'autrefois. Cependant, aucune confirmation ne semblait venir concrètement corroborer ces rumeurs.
Dès le lendemain, ils rencontreraient un membre du service de l'urbanisme pour de plus amples renseignements. Ils tenteraient, de cette manière, de vérifier ou d’exclure simplement une hypothèse, sans plus de conviction. L'intimidation dans cette affaire épineuse restait momentanément leur premier mobile.
*
Mattéo Ravel était généralement un des premiers arrivés au poste de police. Ses collègues le taquinaient même quelquefois en lui proposant de lui installer un lit de camp dans un débarras. Certains y voyaient là, à tort, comme un parfum d'excès de zèle. Ils étaient loin du compte. Il vivait seul, alors s'il ne se réveillait pas en charmante compagnie, rejoignait le boulot sans tarder.