Le ballon de l'espoir - Marie-Christine Martens - E-Book

Le ballon de l'espoir E-Book

Marie-Christine Martens

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Beschreibung

La tête me tournait. Je n'aurais pas dû tant m'approcher du bord. De l'extrémité du pied, je heurtai un petit caillou ; il dévala la pente, rebondit de plus en plus fort contre les parois et s'évanouit littéralement dans le vide. Ce vide, cette étendue immense, fascinante, étourdissante. Ce serait si simple finalement. Tout oublier, sans se soucier de demain. Le fil qui relie à la vie s'avérait tellement ténu, comme la frontière entre le bien et le mal, l'amour et la haine. Un petit rien pouvait tout faire basculer en l'espace d'une seconde. Serait-ce si courageux ou simplement lâche de céder à la tentation ? Pendant un instant, je fermai les yeux. Un souffle, la main du destin pouvaient décider... Les rayons du soleil devinrent aveuglants, et il y eut cette tache rose qui s'agita mollement. Je ne l'avais pas remarqué plus tôt. Il n'était peut-être pas là, après tout. Un ballon de baudruche un rien fripé, à moitié dégonflé, usait de ses dernières forces pour se libérer de la branche qui l'emprisonnait. Bizarrement, il m'attira inexorablement, lui ou plutôt le petit carton qui se balançait au bout de la ficelle.

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Veröffentlichungsjahr: 2016

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Sommaire

Pages de titre

Du même auteur :

Épigraphe

1

2

3

4

Épilogue

Découvrez «  Et si tout était vraiment écrit… »

1

2

3

4

5

6

Page de copyright

Marie-Christine Martens

Le ballon de l’espoir

Du même auteur :

Juste un mot de toi, Éditions Édilivre, 2014

Une preuve d’innocence,Éditions Édilivre, 2014

Souvenirs perdus,Éditions Chapitre.com, 2014

Un subtil Goût de vengeance, Éditions Chapitre.com, 2014

Intime conviction, Éditions Chapitre.com, 2015

Passionnément fantôme, BoD, 2016

Et si tout était vraiment écrit..., BoD, 2016

Épigraphe

«  Je crois en la couleur rose. Je crois que rire est la meilleure façon de brûler des calories. Je crois aux baisers, beaucoup de baisers. Je crois qu’il faut être forte quand tout semble aller mal. Je crois que les filles joyeuses sont les plus jolies. Je crois que demain est un autre jour et je crois aux miracles. »

Audrey Hepburn

1

    Tout semblait si minuscule du haut de la falaise. Les maisons se ressemblaient étrangement, telles des boîtes à chaussures surplombées de couvercles de couleur. La rivière sinueuse n’était plus qu’un minuscule filet d’eau, un ruisseau insignifiant dans mon monde de géants.

Je me trouvais dans un désert avec sa terre aride, des rochers à perte de vue, des massifs d’arbres jaunis et secs. Il faisait incroyablement calme, seul le vent léger se frayant un passage entre les branches éveillait un doux bruissement. La douceur après la tempête. Bienfaisante, apaisante pour quelques instants. J’inspirai intensément cet air pur afin de purifier mes poumons et mon cerveau, pour les vider de toutes ces ondes négatives et perturbantes, de ces idées noires, de ces souvenirs amers…

La semaine avait mal commencé. Un lundi presque comme les autres. Et pourtant, ce n’était que les prémices d’une suite de catastrophes incontrôlables…

L’agitation était à son maximum, forcément, le mariage était prévu pour dans deux semaines. Mon mariage ! La robe serait prête à temps m’avait assuré la vendeuse. Une dernière retouche, un coup de fer et ce serait parfait. Je l’espérais ! Quelques détails à régler encore : l’horaire pour le traiteur, la coiffeuse, la fleuriste, les panneaux indicateurs à terminer, le parking pour les invités à réserver… Le gros stress, mais excitant, stimulant et synonyme de joie et bonheur.

Et puis, tout a basculé !

– Je ne peux pas… Je ne peux pas t’épouser.

Les mots de Gabriel résonnent encore dans ma tête. Quelques mots si simples et qui brisaient définitivement mon beau rêve.

– Tu plaisantes !

Non, il ne plaisantait pas !

– Ce n’est pas la vie telle que je me l’imaginais. Je me suis trompé. Nous nous sommes trompés.

– Ne dis pas de bêtises. Il est trop tard de toute façon pour reculer. Tu dois probablement…

Il m’interrompit. Son visage était grave. Je ne l’avais jamais vu ainsi.

– Allez plus loin serait une erreur que nous regretterions. Il vaut mieux le reconnaître avant de véritablement nous engager.

De véritablement nous engager !

Je pensais que nous l’avions déjà fait ! Je suis restée silencieuse. J’étais tellement stupéfaite que je l’ai laissé partir sans rien dire.

Je ne peux même pas lui en vouloir dans le fond. Lui reprocher de s’en aller ainsi, presque comme un voleur, sans se soucier du « qu’en dira-t-on » et de l’embarras causé, oui. Lui en vouloir, non.

Quand la nouvelle est tombée, je savais inconsciemment qu’il en serait ainsi. Nous n’en avions jamais sérieusement parlé après tout. Je savais juste qu’il n’était pas pressé d’avoir des enfants. Ne pas en avoir du tout, c’était autre chose…

Le choc avait été violent pour moi la première. Être enceinte, porter mon bébé, le sentir bouger et grandir en moi était ce que je souhaitais de plus cher depuis aussi longtemps que je m’en souvenais.

Gabriel s’était voulu rassurant, encourageant dans un premier temps. « Les médecins, ils se trompent tout le temps ! » m’avait-il affirmé confiant. J’étais heureuse qu’il me soutienne, qu’il me comprenne. Ce ne fut que pour un temps…

Et comme si ce n’était pas suffisant, il est parti. Ajoutant une douleur à une autre. Je croyais avoir déjà touché le fond. Et bien non, ce n’était que le début de la chute.

Pour Gabriel, j’avais tout quitté. Ma famille d’abord, car elle ne l’avait jamais accepté et réciproquement. Mes parents ne l’appréciaient pas et ne se gênaient pas pour le clamer haut et fort. Ils avaient eu raison de se méfier dans un sens. J’aurais dû en faire autant… Mais j’étais sourde à leurs conseils, à leurs avertissements, n’écoutant que mon cœur débordant d’amour. Mes sœurs leur avaient emboîté le pas, de peur de se brouiller avec eux, je suppose. Elles ont préféré le faire avec moi.

Je l’ai suivi à la frontière française, de l’autre côté du pays là où il avait décroché un emploi. J’en ai dégotté un assez rapidement également : secrétaire dans un cabinet d’assurances. Je n’étais pas même formée pour ! Un coup de bol ! Grâce à cette rentrée d’argent régulière, nous avons loué un superbe appartement. Nous n’aurions pas dû nous précipiter…

Alors que je m’étais persuadée d’arriver à en payer le loyer seule en me serrant un peu la ceinture, j’ai appris que mes patrons avaient mis la clé sous le paillasson et étaient en fuite après une arnaque monumentale. Je n’avais rien vu venir ! Rien du tout ! Je ne retournerais pas travailler le lendemain, ni les autres jours. J’ignorais même si mon dernier salaire serait réglé ou si j’avais droit à une quelconque indemnité.

J’ai tout perdu en un laps de temps très court : l’homme que j’aimais, les enfants que j’espérais, mon job et probablement mon logement. Que me restait-il ? Cette boule horrible qui m’étreignait la gorge à la constatation de ces évidences, m’empêchait de respirer. Elle me comprimait la poitrine à la rendre incroyablement douloureuse. La tête me tournait. Je n’aurais pas dû tant m’approcher du bord.

De l’extrémité du pied, je heurtai un petit caillou ; il dévala la pente, rebondit de plus en plus fort contre les parois et s’évanouit littéralement dans le vide. Ce vide, cette étendue immense, fascinante, étourdissante. Ce serait si simple finalement. Tout oublier, sans se soucier de demain. Le fil qui relie à la vie s’avérait tellement ténu, comme la frontière entre le bien et le mal, l’amour et la haine. Un petit rien pouvait tout faire basculer en l’espace d’une seconde. Serait-ce si courageux ou simplement lâche de céder à la tentation ?

Pendant un instant, je fermai les yeux. Un souffle, la main du destin pouvaient décider… La respiration haletante et les battements saccadés me les firent rouvrir rapidement, je fus stupéfaite de ce moment d’abandon.

Les rayons du soleil devinrent aveuglants, et il y eut cette tache rose qui s’agita mollement.

Je ne l’avais pas remarqué plus tôt. Il n’était peut-être pas là, après tout. Un ballon de baudruche un rien fripé, à moitié dégonflé, usait de ses dernières forces pour se libérer de la branche qui l’emprisonnait. Bizarrement, il m’attira inexorablement, lui ou plutôt le petit carton qui se balançait au bout de la ficelle.

J’espérais depuis très longtemps, des années, de trouver moi aussi mon ballon porteur de message. J’avais sept ans quand ma sœur était revenue avec le sien, tout rouge chargé de sa missive. Oh, ce n’était rien d’important, juste une indication concernant son origine : la Pologne. Mais il m’avait tant fait rêver ! Des jours durant, j’avais scruté avec une pointe de jalousie le ciel afin de pouvoir recueillir un de ces compagnons de voyage. En vain…

Je m’éloignai du bord, un peu honteuse de m’être laissé ainsi aller.

«  Parfois, le monde semble s’écrouler, il est alors si facile d’abandonner. Il suffit pourtant seulement d’y croire, de saisir la main qui se tend, de s’accrocher à ceux que l’on aime pour se relever.

Regarde autour de toi, vois cette fleur qui éclot, étalant sa corole colorée, et répand une douce senteur. Écoute le chant mélodieux de l’oiseau insouciant et heureux.

Apprends à te lever chaque matin et à le vivre comme si c’était le dernier, le plus beau.

Tu auras toi aussi trouvé le bonheur.

Lanie »

Je relus encore une fois ce joli texte plein d’espoir écrit par cette Lanie. Une parfaite inconnue qui par une étrange coïncidence avait saisi tout mon désarroi. Ma main se fit un peu tremblante. Les battements de mon cœur s’accélérèrent.

Si une plume blanche s’était posée sur le sol à cet instant précis, je ne m’en serais pas étonnée. Ce message venait sans nul doute tout droit de mon ange gardien.

Il n’y avait pas de duvet soyeux. Juste quelques pensées sauvages bleu pervenche, si délicates. Un papillon blanc emporté dans une valse folle.

Et s’il suffisait seulement d’y croire…

2

     Je ne l’avais pas immédiatement aperçue. J’étais bien trop accaparée par ces quelques phrases tombées du ciel à un moment si opportun, réfléchissant au sens profond qu’elles pouvaient dévoiler, éveiller dans mon esprit. Elle se trouvait à l’arrière, dans le coin supérieur droit, griffonné au crayon, à peine visible : [email protected].

Lanie… Quel curieux prénom ! Je ne connaissais même pas son existence avant. Il devait probablement être anglo-saxon. Quoi qu’il en soit, sa propriétaire, elle, était francophone.

J’ignorais alors si elle avait laissé ses coordonnées dans l’espoir de recevoir un retour de son billet, une indication sur le chemin parcouru par son messager. Si tel était le cas, je suppose qu’elle l’aurait expressément demandé.

Oh, il ne devait pas avoir dérivé sur un bien long trajet. Il était sans doute parti de Belgique, de France ou de Suisse peut-être, pas de Pologne assurément, mais il serait amusant d’en avoir une idée précise. C’est pour cette raison surtout que j’ai pris la décision de la contacter.

«  Lanie,

J’ai trouvé votre ballon rose. Vous ne pouvez vous imaginer combien lui et son message d’espoir ont été les bienvenus à un moment où j’en avais le plus besoin. Je vous remercie de l’avoir placé sur ma route.

Alizée »

Oh trop tard ! J’avais appuyé sur la touche enter !

J’en avais oublié le principal : lui préciser d’où je lui écrivais. J’en envoyai donc un second immédiatement.

« Où habitez-vous ? Moi en Belgique, à Freÿr dans la province de Namur. Cela me ferait très plaisir de connaître son itinéraire.

À bientôt, j’espère. »

Elle ne me répondrait peut-être jamais. Et pourtant, je le souhaitais profondément.

Mes messages sont restés lettre morte. Après tout, cette adresse ne faisait pas véritablement partie du texte. Existait-elle vraiment ? Probablement, puisque mes mails avaient été délivrés. Néanmoins, elle n’était plus forcément utilisée par sa propriétaire. Cela n’avait guère d’importance dans le fond.

Et puis, j’en ignore la raison, mais je me suis mise régulièrement à écrire à cette Lanie. Sans rien attendre, juste comme si je parlais à une amie. Mes amies, je les avais toutes perdues également en suivant Gabriel. Loin des yeux, loin du cœur, disait-on. À raison. Je n’avais pas été sensible à cet isolement avant, car nous étions deux, nous étions seuls au monde. Aujourd’hui, j’étais seule tout court. Je suppose que c’est ce manque qui m’a mené sur cette voie.

Il n’était pas question que je rentre à la maison. Réintégrer le cocon familial aurait été un signe d’échec. Je ne voulais certainement pas non plus essuyer un flot de récriminations, de « Nous t’avions prévenue ! » Non, j’avais saisi mon indépendance, ce ne serait pas pour la rendre. Écrire me permit alors de rompre avec cet isolement sans contrainte.

Adolescente, je m’adressais à une Charlotte imaginaire, un nom en haut de chaque page de mon journal intime, histoire de pouvoir avoir la sensation de confier mes bonheurs et mes malheurs à quelqu’un et non pas à un stupide carnet anonyme. J’ai en quelque sorte troqué Charlotte pour Lanie.

Cette démarche me fit du bien, me rassurant quelque part, m’aidant à me libérer de mes craintes et de mes angoisses, à mettre à plat mes idées désordonnées. Je pouvais y aller de mes lamentations avec Lanie, apparemment, je ne craignais pas de lui bousiller le moral. Je l’imaginais forte pour avoir surmonté des épreuves tout en atteignant un état de plénitude, de joie au point d’envoyer des paroles d’encouragement à des inconnus. Pas la peine de me cacher derrière un mur de bonne humeur et d’optimisme non plus avec elle, elle ne me jugeait pas.

Sans ce ballon et cette interlocutrice virtuelle, je ne suis pas certaine que j’aurais été capable de me sortir de ce mauvais pas sans une aide extérieure.

3

   Les jours, les semaines se suivent et ne se ressemblent pas…

– Vous pouvez commencer dès demain !

S’il n’avait pas été mon nouveau patron, je l’aurais embrassé sur-le-champ. Il aurait peut-être apprécié, qui sait… Il valait tout de même mieux que je fasse preuve d’une certaine réserve. Je n’étais pas restée bien longtemps au chômage finalement, et je n’avais surtout pas envie d’y retourner de sitôt. Il est vrai que j’avais postulé tout azimut. Ma nouvelle boîte était bien mieux que la précédente. L’événementiel me changerait des assurances ! Je devais juste être disponible pour voyager. Quelle aubaine ! J’étais libre comme l’air, sans aucune attache, ce point avait joué en ma faveur. Contrairement à ce que j’aurais pu croire, la chance pouvait parfois être de mon côté. Ma propriétaire s’était avérée conciliante, un rien à contrecœur, mais elle avait fait preuve de patience, le temps de me retourner avait-elle dit. Elle n’aurait pas à le regretter.

Comme d’habitude, c’est à Lanie que j’ai fait part de ma joie en premier. Ce serait mon dernier mail pour elle. J’avais bouclé la boucle. Je prenais un nouveau départ, forte, décidée, confiante.

« Merci pour tout, j’ai trouvé le bonheur. » avais-je même noté avant de laisser ma signature.

Bonheur est un bien grand mot, pensez-vous, un rien excessif. Et pourtant, si, j’avais changé. Chaque matin, je l’abordais comme si c’était le dernier, le plus beau, comme me l’avait conseillé Lanie. Elle avait raison, les choses me paraissaient tellement plus faciles, plus agréables à vivre. En bref, je me sentais bien. Croire en l’avenir, le rendait accessible.

***

«  C’est une grande émotion pour moi que de savoir que quelques mots et des pensées sincères ont pu apporter réconfort et courage.

C’est moi qui vous remercie. »