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Si un capitaine de frégate sortait d’un tableau pour venir vous taquiner une nuit d’orage… Penseriez-vous être victime de votre imagination ? D’une farce ? D’un abus de tisane hallucinogène ? Probablement les trois à la fois. ! C’est effectivement ce que croit Florane, la seule à voir Hugo, la première à l’entendre, à percevoir son contact. Il est impressionnant, arrogant, insolent, mais terriblement attachant et si séduisant…. Il éveille en elle la passion et de bien curieux sentiments. Que peut-elle espérer d’une relation avec un revenant ? Ils n’ont aucun avenir ensemble, mais déjà elle le sait, jamais elle ne pourra l’oublier. Hugo est mort par amour dans de tragiques circonstances. Il ne veut pas qu’elle subisse le même sort. Elle doit s’en aller. Et pourtant…
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Seitenzahl: 250
Veröffentlichungsjahr: 2016
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Du même auteur
Juste un mot de toi, Éditions Édilivre, 2014
Une preuve d’innocence, Éditions Édilivre, 2014
Souvenirs perdus, Éditions Chapitre.com, 2014
Un subtil Goût de vengeance, Éditions Chapitre.com, 2014
Intime conviction, Éditions Chapitre.com, 2015
Et si tout était vraiment écrit…, Éditions Chapitre.com,2016
« Il faut croire à la magie. Lorsque le monde ne cesse d'empirer, on a besoin de magie. »
Steven Spielberg
CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
CHAPITRE 17
ÉPILOGUE
La réunion du mercredi matin était un rituel. Florane s’installait invariablement à côté de la porte, pas pour pouvoir s’échapper la première, mais plutôt parce qu’elle avait une fâcheuse tendance à arriver à la dernière minute. Elle entra discrètement pour éviter toute remarque désagréable et se glissa silencieusement sur SA chaise. Théodora ne manqua pourtant pas de lui décocher une flèche empoisonnée.
– Tiens donc ! Devinez qui est encore en retard !
Derrière son petit sourire et son ton mielleux, il était facile d’entrevoir la peste qui sommeillait en elle.
Gérald répondit niaisement à sa réplique par un rictus complice. Il se pâmait tellement devant elle à la moindre occasion, qu’elle aurait pu chanter « La Madelon » en robe de chambre, chaussée de bottes en caoutchouc, qu’il l’aurait trouvée plus qu’admirable !
Le grand patron, entendez par là le G (pour Gambier François) de G&B se racla la gorge. C’était sa façon d’annoncer que la séance allait débuter. D’un point de vue légal, le B (pour Barel) était son homologue, quoiqu’au départ la maison se nommait simplement Gambier Éditions. En prenant de l’ampleur, il s’était adjoint un associé : Philippe Barel, dont le fils Kévin avait naturellement pris la suite au décès du père. Conclusion : Kévin était plus ou moins une pièce rapportée, relativement incompétent, imbu de sa personne et de son succès (qu’il devait principalement à son argent) auprès des femmes, faisant du fondateur le grand patron.
Elle était de parti pris, mais elle avait l’honnêteté de le reconnaître. Depuis son arrivée, elle avait dû tellement refuser les avances du jeune Barel, que son attitude était compréhensible et justifiée. La promotion canapé, merci, mais non merci. Il n’était pas foncièrement laid. Ni beau. C’était juste son attitude qui était dérangeante, comme si tout lui était dû.
Florane, stylo et carnet en main, étudiait l’assemblée. C’était un jeu particulièrement amusant auquel elle s’adonnait fréquemment. Un jour, elle serait, elle aussi, une auteure à succès. Ils étaient tous candidats pour figurer en bonne place dans un de ses romans. Théodora la première ! Théodora ! N’était-ce pas un prénom absurde ? Pompeux à souhait. À l’image de sa propriétaire. Il y avait Gérald, le petit toutou docile et dévoué. Corian, l’apollon de ces dames. (Mais lui l’était réellement !) Joshua, l’intello, roi de la doc, le plus gentil et le plus serviable du lot. Fanny, la super copine, incorrigible bavarde, pétillante à souhait, sa plus fidèle alliée et amie. Louisa, la timide, si douce et fragile, rougissant à la moindre remarque. Et puis tous les autres… Son descriptif pouvait paraître un rien exagéré, mais ils étaient devenus à présent héros de son bouquin, donc un rien caricaturés et hauts en couleur.
Et elle bien sûr ! Comment aurait-elle pu se définir ? Florane, l’incurable maladroite, sympa, mais un peu soupe au lait, végétarienne et fière de l’être. Ce n’était pas si mal que ça comme portrait !
Elle avait la passion de l’écriture depuis sa plus tendre enfance. C’était probablement pour cette raison qu’elle aimait épier les gens, saisissant leurs traits de caractère, leurs qualités et leurs défauts assez rapidement. Elle manquait encore de confiance pour divulguer ses écrits. En attendant, elle se contentait de rédiger, corriger et mettre en forme ceux des autres. C’était un exercice enrichissant. Très enrichissant ! Les subtilités du métier, elle les connaissait à présent comme sa poche.
Mais ce ne serait pas chez G&B qu’elle tenterait de se faire éditer. Elle n’appréciait guère leurs méthodes. La maison se voulait soi-disant à compte d’éditeur, mais le nombre d’options payantes, parfois très chères, en faisait plutôt une espèce de piège à gogo, une arnaque monumentale. Déjà, elle trouvait bien triste de voir pas mal d’ouvrages, ceux dont les géniteurs n’avaient pas choisi la correction – trop onéreuse – publiés avec bon nombre de fautes. Ou un livre était d’une grammaire et d’une orthographe irréprochable, ou il n’avait pas à être sur le marché ! Ensuite, si les auteurs voulaient se faire connaître, et c’était forcément le cas, ils devaient se débrouiller par eux-mêmes s’ils ne desserraient pas de nouveau les cordons de la bourse. Dans les deux cas, ils étaient perdants. La publicité faite par G&B ne valait pas grand-chose !
– Florane ? Cela vous pose-t-il un problème ?
C’était à elle que s’adressait Gambier ? Elle ajouterait distraite et rêveuse à sa liste.
– Non. Évidemment que non.
– C’est parfait alors ! Nous en parlerons plus tard.
Un problème ? Parfait ? Mais de quoi s’agissait-il ? Elle n’avait pas écouté un traître mot des attributions à venir.
Chaque mercredi matin, s’ils étaient réunis, c’étaient pour se voir confier une série d’écrivains en herbe, ou d’autres plus aguerris, afin de les accompagner à bon port.
Florane se pencha vers sa voisine.
– J’ai raté un épisode ?
Fanny réprima un gloussement.
– Tu viens d’accepter de t’enterrer dans un vieux château au milieu de nulle part pour un bon moment ma belle ! lui murmura-telle.
Florane en resta quelques instants la bouche entrouverte de stupéfaction.
Elle avait l’habitude des plans foireux. C’était toujours à elle qu’on tentait de les refiler. Forcément, elle était la dernière arrivée ! Elle n’avait pourtant pas l’intention d’accepter ! Mince ! N’était-ce pas ce qu’elle venait de faire ?
Tout le monde se retirait en discutant, plus ou moins satisfait, mais prêt à relever de nouveaux défis.
– Vous restez un instant Florane.
Tiens Kévin s’en était également allé. Probablement à la suite de cette jeune secrétaire peu farouche, récemment arrivée. Il devait certainement lui expliquer, de très, très près, pour la dixième fois au moins le fonctionnement de l’imprimante. Ce projet devait être celui de Gambier en personne.
– Monsieur, je ne sais pas si…
– Mais si mon petit. Vous en êtes très capable.
Il se voulait rassurant. Il l’était de moins en moins…
– Le comte de Marmont est quelqu’un de vraiment charmant. Je le connais de longue date. Son plus grand rêve serait de fixer sa mémoire sur le papier pour gagner une forme d’immortalité. Voyez-vous ce que je veux dire ?
Elle voyait très bien ! Comte rimait sans nul doute avec pas mal de pognon !
– Il veut léguer au grand public son histoire et celle de sa demeure, mais ne sait pas trop comment s’y prendre. Vous devrez l’écouter, rédiger son discours pour nous pondre un travail génial.
Génial ! C’était tout de même agréable à entendre ! Ce n’était pas la première fois qu’on lui proposait un thème de ce genre. C’était un peu sa faute aussi. Sur son CV, elle avait noté agrégation en français-histoire. Si la première option lui avait permis de briguer un poste de correctrice, la seconde qui n’était pas vraiment un choix, mais une obligation, l’emmenait souvent sur des voies ennuyeuses à mourir.
Qu’avait donc dit Fanny ? S’enterrer dans un coin perdu ?
– Je devrais donc le rencontrer chez lui ?
Le patron marqua sa surprise. N’était-ce pas ce qu’il lui avait expliqué avant qu’elle ne décrète qu’il n’y avait aucun souci ?
– Forcément. Il faudra même y séjourner le temps de faire le travail. Je pensais avoir été clair.
Il avait légèrement haussé le ton. Elle n’allait tout de même pas se défiler à présent ! Il était un peu tard pour refiler le cadeau à quelqu’un d’autre !
Florane hésita brièvement. Son CDD touchait à sa fin. Elle avait besoin de faire bouillir la marmite ou en tout cas de payer le loyer de son loft.
– Pendant combien de temps à votre avis ?
Gambier soupira de soulagement et se radoucit.
– Quelques semaines au moins. Mais tous les frais sont à la charge du client. Vous n’aurez à vous soucier de rien. Juste écouter, écrire… Il va de soi que votre salaire tiendra également compte de votre investissement.
Finalement, le calcul fut vite fait. Et elle n’était de toute façon pas en position de refuser.
– D’accord. Je commence quand ?
La procédure était inhabituelle. La plupart du temps, non tout le temps, les rédacteurs dont elle faisait partie, devenaient les interlocuteurs privilégiés des auteurs. Ceux-ci expédiaient leur œuvre à G&B, qui après lecture, décidait de la publier ou pas. Il était rare qu’un contact plus personnel ne s’établisse. Les mails étaient le mode de communication le plus courant. Parfois certains appels téléphoniques étaient établis. Les rencontrer s’avérait assez exceptionnelles, à moins que de son propre chef, un employé consciencieux ne décide de se rendre à une invitation pour une séance de dédicaces. Une façon finalement de récolter un peu de gloire. Il leur arrivait occasionnellement, moyennant bien sûr l’option financière, de réécrire entièrement le travail. À partir de ce moment-là, même s’il ne s’agissait pas de leur histoire, ils apposaient forcément leur style et elle devenait un peu leur œuvre.
S’installer dans un manoir ? Pourquoi pas. L’idée n’était pas si désagréable que ça. À condition, évidemment, qu’il offre tout le confort nécessaire. Elle n’était pas très exigeante, mais elle espérait au moins un endroit suffisamment chauffé, des draps propres et une cuisine convenable.
Elle se faisait probablement trop vite un scénario catastrophe, s’imaginant dans une vieille bâtisse exposée à tous les vents, tant dehors que dedans, avec des champignons sur les murs, une installation électrique brinquebalante et une alimentation en eau chaude aléatoire. Bon, d’accord, c’était son tempérament, mais mieux valait prévenir que guérir, se répétait-elle souvent, anticipant les problèmes avant qu’ils ne se présentent.
D’après Gambier, l’homme, pardon, Monsieur le Comte vivait seul, mis à part un personnel de maison. Ce qui en lui-même était déjà un signe positif ! Il était âgé de la septantaine, donc en théorie, elle ne risquait pas qu’il lui fasse des avances. Ce n’était pas forcément pour lui déplaire, mais à condition qu’il ait été plus jeune. Beaucoup plus jeune ! Beau et quant à faire, intelligent et drôle ! Se retrouver coincée en tête-à-tête avec un coureur de jupons du style de Kévin l’aurait bien plus rebutée !
Après tout, l’expérience pouvait se révéler amusante. Elle n’avait aucune attache. Plus depuis sa rupture avec Thomas. Mais même quand ils étaient ensemble, elle n’en avait pas réellement. À vingt-huit ans, elle n’avait pas encore trouvé le prince charmant, ou il était si bien déguisé, qu’elle ne l’avait pas reconnu !
Elle devait juste trouver un pet-sitter pour Bobino son lapin nain et Gorbi le hamster. Il aurait été beaucoup plus difficile de placer une ménagerie plus imposante. Ce qu’elle posséderait vraisemblablement dès que ses finances lui permettraient de déménager. Elle ne jouissait actuellement pas d’un jardin, et le comble, son proprio avait stipulé dans le bail : Ni chien ni chat ! Était-ce légalement autorisé ? Elle n’en était pas certaine.
Son rêve à elle, c’était au moins un berger allemand, comme celui qui avait partagé son enfance, et quelques félins. En espérant que tout ce petit monde s’entende ! Elle ne pouvait envisager la vie sans compagnon à quatre pattes, d’où l’acquisition de ses petits rongeurs dès qu’elle avait quitté le cocon familial.
Tout en rejoignant son appartement, elle s’établit mentalement la liste de choses à faire avant son départ. Elle aurait très bien pu prendre le train chaque jour pour parcourir les cent soixante kilomètres qui la séparaient de son nouveau travail, mais cela lui paressait moins commode et plus fatigant. Elle reviendrait chaque week-end, histoire de reprendre son courrier, arroser les fleurs, et remplir ses menues obligations quotidiennes, tout en se consacrant pleinement à son job.
Elle ne devait pas oublier de mettre dans sa valise les chargeurs de son ordinateur et de son GSM. Cette mésaventure, elle l’avait déjà connue. Et bonjour la galère ! Elle espérait que là où elle allait, il y aurait du réseau ! Du Wi-Fi aussi ! Sans être cyberdépendante, du moins lui semblait-il, la simple idée d’être privée d’un outil et d’un moyen de communication aussi précieux lui donnait froid dans le dos !
Quelques bouquins seraient également les bienvenus. Elle en était friande. Ce loisir lui avait permis de se construire un style. Pour devenir écrivain, il était essentiel de beaucoup lire ! Elle avait une liseuse toute neuve, mais ne pouvait se résoudre à l’utiliser. C’était un achat stupide, juste dans le but de gagner de la place, mais devant le petit écran, elle ne parvenait pas à retrouver le plaisir de ses doigts sur le papier ou simplement l’odeur propre à celui-ci. Conclusion, elle se retrouvait obligée d’embarquer les nouveaux Nora Roberts, Mhairi McFarlane, Guillaume Musso et les autres qui avaient grevé son budget du mois.
Elle devait se faire bien évidemment une réserve de sachets bio. Son thé vert à la badiane, le tchaï aux épices, et surtout des infusions en tous genres, dont la privation la rendrait irascible et improductive. Cette passion pour les végétaux et leurs vertus, l’avait amenée à s’inscrire depuis peu dans un groupe de balade-découverte des plantes sauvages comestibles. Chaque dimanche matin, elle arpentait sous la houlette d’un herboriste, la belle campagne de sa région en quête de spécimens destinés, entre autres, à de si délicieux breuvages.
Florane, toujours perdue dans ses pensées, se débarrassa de ses chaussures avec le peu d’élégance qui lui était coutumier. Les projeter négligemment quelques mètres plus loin semblait être davantage approprié à la situation.
La sonnette retentit avec insistance.
– J’arrive ! J’arrive ! grogna-t-elle. Pas la peine de s’énerver !
– Florane chérie, il faut que tu m’aides !
Stacy laissa tomber ses imposants sacs sur le plancher, de part et d’autre de ses pieds.
Tante Margot lui avait certainement appris à saluer les gens de la sorte ! Ce n’était pas possible autrement ! Sa première phrase était toujours : « Il faut que tu m’aides ! »
– Que t’arrive-t-il donc encore, soupira-t-elle en embrassant sa jeune cousine.
Perchée sur des hauts-talons surplombés par une très mini-jupe, Stacy secoua ses mains parfaitement manucurées et laquées devant elle.
– J’ai quitté Romain. Je ne sais pas où aller.
« J’ai quitté… » était sans aucun doute sa seconde phrase fétiche.
– Allez, viens t’asseoir et raconte-moi tout !
Florane et Stacy n’avaient rien en commun, autre que les liens du sang bien sûr, et pourtant, une réelle complicité les unissait depuis toujours.
La première aimait les vêtements plus confortables que beaux. Un pantalon de toile valait bien une jupe fendue et était tout aussi seyant. De toute façon, elle détestait les jupes ! Une blouse ne devait pas être décolletée jusqu’au nombril pour mettre une poitrine en valeur. Surtout qu’elle était sensible de la gorge. Cela ne l’empêchait pas d’être très sexy avec sa coupe courte et moderne faisant ressortir ses jolis traits et sa taille élancée. Être jolie ne devait pas forcément rimer avec souffrir, pensait-elle. Son apparence lui importait peu finalement ; elle adorait simplement vivre au milieu de la nature, affectionnant les petits bonheurs de l’existence.
La seconde, de cinq ans sa cadette, était aussi blonde que l’autre n’était châtain. Elle ne portait un jean que s’il était super « fashion » et taille basse, évidemment, épousant à merveille ses fines hanches. Elle ne pouvait dormir qu’à proximité d’une route hautement fréquentée ; l’air vicié de la ville lui était plus indispensable que l’oxygène. Et surtout, elle ne pouvait vivre sans homme ! D’où la valse incessante de « J’ai quitté… Il faut que tu m’aides ! »
Il n’y avait pas de quoi s’affoler. En attendant la rupture définitive, il y aurait encore au moins deux réconciliations. Romain et elle en était à leur première vraie dispute ; Florane avait le temps de voir venir avant d’essuyer les dernières larmes.
– Il a été odieux ! Il me reproche d’être trop superficielle et égoïste ! Tu te rends compte ! Osez me jeter de telles inepties à la figure ! J’hallucine, quoi !
Florane réprima un sourire. L’air horrifié de Stacy était impayable. Mais elle se serait mise encore davantage en colère si elle s’était aperçue de cette absence de compassion.
Pouvait-on réellement blâmer Romain ?
– Il avait peut-être de bonnes raisons. Enfin, je veux dire qu’il pensait en avoir, ajouta-t-elle rapidement pour ne pas s’attirer les foudres de la jeune fille.
– C’est toujours la même chose avec lui. Il me reproche de dépenser trop. De me moquer complètement de ses envies. Je ne sais pas si tu peux imaginer ; il veut la nouvelle PS4 et il faudrait que je renonce à ma commande mensuelle chez Zalando !
Oh oui ! Dur à avaler !
– Parfois, il faut faire des concessions dans un couple.
– Et c’est toi qui me dis ça !
Sur ce coup, elle n’avait pas tort ! Dans un sens, Florane n’avait pas vraiment mieux réussi.
– Non, cette fois, c’est décidé ! affirma-t-elle catégoriquement. On se sépare pour de bon ! Peux-tu m’héberger quelques jours afin que je me retourne ?
Généralement, les quelques jours se transformaient en quelques semaines !
– Tu es certaine ? Ne prends pas de décision à la hâte que tu pourrais regretter !
Stacy se releva promptement du canapé.
– Tu ne veux pas que je reste ? C’est ça ?
– Ne dis pas de bêtises ! T’ai-je déjà refusé l’hospitalité ?
La jeune fille se radoucit.
– Tu es d’accord alors ?
– Bien sûr. Il y a juste un petit souci ; je dois m’absenter pour mon travail ; tu devras t’occuper du ménage, de la cuisine…
Florane était réaliste. Sa cousine était bien gentille, mais elle avait la fâcheuse habitude de se délester des tâches ménagères. Et la maîtresse de maison, elle en l’occurrence, ne serait pas là pour l’assister.
– No problem !
– Ainsi que de Bobino et de Gorbi…
Stacy grimaça. Florane avait beau répéter qu’un hamster n’était pas une souris, ça y ressemblait grandement ! C’était pourtant la moindre des choses de lui rendre ce petit service.
– Très bien. Je reste.
Au volant de sa petite japonaise qui avait connu des jours meilleurs, Florane baissa la tête comme pour mieux distinguer le paysage monotone. Depuis quelques minutes maintenant, des arbres se succédaient inlassablement. En bas du sentier, la voix de son GPS s’était subitement tue. Elle s’en était doutée que le signal finirait par disparaitre quand Gertrude, comme elle la nommait, lui avait ordonné de tourner à droite au rond-point ! Il n’y avait aucun rond-point à cet endroit ! Pourtant, elle était sur la bonne voie. À la sortie du village, elle avait bien suivi le panneau indicateur.
Enfin, le château de Nejonc laissa apparaitre ses hautes tours. Elle le savait de dimensions importantes pour l’avoir admiré sur des photos, mais perdu au milieu de la végétation, il se révélait particulièrement impressionnant.
Ce genre de bâtisse la charmait déjà autrefois, une des raisons finalement aussi pour laquelle elle avait accepté si rapidement le travail proposé. Contrairement à la majorité des petites filles, ce n’était pas le côté princesse et conte de fées qui la faisait rêver ; elle préférait nettement Robin des Bois et Davy Crockett à ces nunuches en longues robes. Dans le village voisin de celui de son enfance, se dressait l’authentique château de Saint-Nicolas. Du moins, voilà ce que lui racontaient ses parents à chaque fois qu’ils l’apercevaient lors de leurs balades dominicales. Son imagination débordante l’emmenait alors de l’autre côté des murs, à la rencontre du grand Saint.
Il lui sembla malgré sa magnificence, particulièrement… gris ! Cette masse obscure et austère plantée au milieu de ce ciel bleu l’assombrissait honteusement. Autour, un vaste parc délimité par de grandes barrières en fer forgé le protégeait des intrusions extérieures.
La grille était pourtant entrouverte en guise d’invitation. Pas suffisamment, cependant, pour lui accorder le passage. Elle s’arrêta, prête à mettre pied à terre pour l’ouvrir davantage et lui permettre l’accès, quand un jardinier déjà âgé endossant un tablier de toile couleur bleu de travail la devança, la saluant à l’aide de son chapeau de paille.
Elle adressa un large sourire à ce brave homme et continua sur le chemin de gravier. Il était fort probable que l’on attendît sa visite, mais un tel accueil lui donna l’impression d’être un hôte de marque.
De l’intérieur, le spectacle laissait poindre quelques défauts. Bâti au dix-neuvième siècle, dans un style Renaissance, le bâtiment avait subi le poids des ans et des intempéries pas toujours avec panache. Les pierres érodées et desserties par endroits auraient bien mérité d’être rejointoyées et sérieusement rafraîchies. Des coulées brunes se marquaient sous les fenêtres, et les gargouilles faisaient peine à voir.
Les pelouses et les parterres ne valaient guère mieux. Seuls les magnifiques rosiers et les buis taillés de façon artistique avaient reçu un traitement de faveur. Pas étonnant dans un sens, si la seule personne employée à cette tâche était celle aperçue devant l’entrée. Elle devait forcément être débordée par l’ampleur de la besogne.
Elle se trouva minuscule en appuyant sur la sonnette réveillant un carillon tonitruant. Minuscule, elle l’était, telle une fourmi au pied d’un arbre centenaire.
Un petit homme dégarni, en livrée de velours vert foncé, fit grincer la lourde porte. Elle ne s’était peut-être pas trompée en emportant deux chandails en cette saison de l’année si les vêtements des employés de maison étaient fabriqués dans un tissu aussi épais.
Décidément, le personnel semble bien proche de l’âge de la retraite, pensa-t-elle.
– Bonjour Monsieur. Je m’appelle Florane Pasquier. Je suis attendue par Monsieur le Comte.
Mon Dieu ! Jamais elle ne se serait imaginée prononcer cette phrase un jour !
– Bonjour Mademoiselle. Entrez, je vous prie.
Il s’inclina pour saisir le grand sac de voyage qu’elle avait laissé sur le perron, mais Florane, peu habituée et un rien gênée, tenta de le devancer. Peine inutile, il fut plus prompt. Lui vivant, il était hors de question qu’une jeune femme porte ses bagages dans cette demeure !
– Monsieur n’est pas encore arrivé. Vous êtes un peu en avance sur l’horaire, je crois.
Consciente de son défaut pouvant parfois mener à de réelles déconvenues, elle avait effectivement préféré prendre la route avec beaucoup d’avance.
Dans le vaste hall, elle leva la tête pour un long regard circulaire admiratif. Certes, on était bien loin du faste de Downton Abbey, mais tout de même…
Juste en face d’elle, se dressait une tapisserie représentant une scène de chasse, qui aurait pu provoquer la mort d’un asthmatique ou simplement d’un allergique à la poussière en moins d’une minute ! Elle fit quelques pas qui résonnèrent sur le carrelage en damier noir et blanc comme si elle était munie de chaussures de danseuse de claquettes. Un immense escalier en marbre blanc surplombé par une galerie de portraits invitait à l’étage.
– Je suis désolée, balbutia-t-elle. Je craignais d’être en retard.
– Cela n’a pas d’importance. Je vais vous conduire à votre chambre.
Un grand labrador noir se jeta sur elle. Surprise, elle eut un mouvement de recul.
– Gaspard ! Couché !
Aussitôt, l’animal obtempéra, en gardant toutefois l’arrière-train légèrement relevé et en agitant la queue.
Le serviteur sourit imperceptiblement.
– N’ayez pas peur Mademoiselle. Il n’est pas méchant ! Juste un peu jeune et foufou.
– S’il vous plaît, appelez-moi Florane. Et j’adore les chiens ! répliqua-t-elle.
Comme si ce petit malin l’avait compris, il revint à la charge en quête de jeu.
Elle s’était fait un nouvel ami !
Florane suivit son guide dans un dédale de couloirs, les sens en alerte, s’extasiant d’une foule de détails malgré Gaspard tentant sans cesse d’accaparer son attention.
– Voilà. C’est la pièce que vous a réservée Monsieur le Comte.
Elle réprima une exclamation de surprise. La chambre était lumineuse et très vaste. Les lourdes tentures bois de rose étaient assorties au baldaquin du lit. Si les décors de princesse ne l’avaient jamais particulièrement émue, celui-ci, tout droit venu d’un autre temps, la ravit.
L’homme fit quelques pas et ouvrit une porte.
– La salle de bains est attenante.
« Waouh », eut-elle envie de s’exclamer.
S’il n’y avait pas de trace de douche, la baignoire à pieds trônant en son centre semblait des plus agréables à tester. La robinetterie, contrairement à ses craintes, paraissait quant à elle assez moderne.
Comme s’il devançait ses pensées, Fernand lui apporta quelques précisions.
– Si vous le souhaitez, vous trouverez une douche au bout du couloir. Cette partie du château a été rénovée il y a quelques années. Seule cette aile est occupée, reconnut-il avec une pointe de tristesse.
Il regrettait « la belle époque », celle de sa jeunesse, lorsque le château résonnait de cris d’enfants, de musique provenant de la grande salle, ou des pas des nombreux invités déambulant dans les couloirs.
Il soupira discrètement.
Le labrador s’était couché de tout son long sur la carpette de laine épaisse.
– Méfiez-vous Mademoiselle, si vous le laissez entrer, vous ne pourrez plus vous en débarrasser ! Cette chambre est sa préférée ; il ne manque jamais une occasion de s’y faufiler !
Tant mieux dans un sens, elle se sentirait moins seule ! Il faisait si calme, que le silence pouvait certainement vite devenir oppressant.
– Vous aurez tout le loisir de vous installer et de vous rafraîchir avant le repas. Il est servi à dix-huit heures. Monsieur le Comte n’aime pas manger trop tard.
Une légère vague de panique enveloppa Florane. Elle pensait faire partie du personnel en quelque sorte, et n’avait certainement pas envisagé de partager la table de son employeur.
– Dites-moi Monsieur…
– Appelez-moi Fernand, Mademoiselle.
Interpeller par son prénom un homme qu’elle connaissait à peine et qui de plus avait sans doute l’âge d’être son grand-père la gênait fortement. Elle afficha pourtant un petit sourire malicieux.
– D’accord. Si vous laissez tomber le Mademoiselle pour Florane.
Fernand haussa les sourcils. Quelle curieuse demande ! Ce n’était pas d’usage !
– Je ne peux pas, Mademoiselle ! répondit-il sur un ton presque outragé.
Elle haussa les épaules et fit une moue désolée. Elle ferait en sorte de tergiverser, évitant de lui servir ainsi du Monsieur ou du Fernand.
– Tant pis alors. Mais dites-moi, que dois-je porter ce soir ? J’ai bien peur de n’avoir emporté aucune robe.
Et pour cause ! Elle n’en possédait pas !
Décidément, cette jeune femme est bien singulière ! pensa-t-il.
– Monsieur ne s’en formalisera pas, je pense.
Elle l’espérait…
***
Florane descendait lentement les marches. Elle avait enfilé un pantalon noir des plus classiques et un top blanc surmonté d’un pull à manches trois quarts couleur lavande. Elle avait pris des repères à l’allée. Heureusement, sinon elle se serait forcément égarée. Elle laissa glisser ses mains un peu moites sur le mur chaulé. Même si elle n’avait aucune raison d’être inquiète, cette rencontre la stressait un peu.
Plusieurs paires d’yeux l’observaient. La première appartenait à une noble dame vêtue d’une « robe à la française » écru et saumon, la silhouette bien modelée par un corset et des paniers.
Mon Dieu ! Comme elle aurait détesté cette époque ! Être obligée de s’affubler de la sorte faisait peine à voir. Elle aurait sans nul doute fait partie des précurseurs du mouvement féministe !
La femme avait un sourire tendre et le regard bienveillant d’une mère sur son enfant. 1794, lut-elle en bas à droite.
Elle s’extasiait souvent du savoir-faire des artistes d’antan, reproduisant les moindres détails avec finesse et talent.
Le second personnage était bien loin de l’autre. Non pas physiquement, un mètre à peine les séparait. Le style, les distinguait. Celui-ci évoquait la tempête, une forme de colère. Les couleurs n’en étaient pas uniquement la cause ; le sujet se trouvait être le principal responsable. Un pied sur un rocher en signe de domination, le torse fièrement bombé, la tête haute et le menton orgueilleux. Il devait s’agir d’un corsaire ou d’un capitaine de frégate. Un pirate peut-être... La chemise ouverte prenant le vent du large, la fine moustache et le collier de barbe noire qu’il arborait renforçaient encore cette idée.
Il était signé : H.Verlet. 1822
Illustre inconnu resté anonyme, pensa-t-elle.
Les portraits suivaient-ils le fil chronologique ? Les parents au sommet de l’édifice et les enfants en ramification comme sur un arbre généalogique ? Tous ces gens étaient-ils les aïeux du comte ? Elle ne tarderait pas à le découvrir. Elle était curieuse de connaître son histoire finalement et y prendrait certainement beaucoup de plaisir.
Elle n’eut pas l’occasion d’admirer le gentilhomme suivant dans sa redingote, monsieur Fernand venait à sa rencontre pour la guider là où on l’attendait.
La salle à manger était éclairée par un grand lustre à huit branches avec pampilles en cristal. Si l’objet semblait aujourd’hui complètement démodé, il s’inscrivait bien dans le cadre. Il avait certainement brillé d’un tout autre éclat autrefois. On aurait pu faire croire à un certain luxe si les différents objets de mobilier et autres, un rien ternis, n’avaient perdu de leur brillance.
Dans un coin retiré un peu plus obscur, se détachaient deux fauteuils crapauds à côté d’une petite desserte couverte de bouteilles. Là où chaque soir, Monsieur le Comte prenait son verre de Porto en apéritif. Invité ou pas. Sa tête dépassait d’un dossier, il se leva promptement malgré son âge en entendant le bruit de pas.
– Mademoiselle Pasquier ! Je suis enchanté de faire votre connaissance !
Florane reconnut avec étonnement le jardinier qui l’avait saluée à son arrivée.
– Je n’ai pas pu me libérer plus tôt. J’avais rendez-vous avec mes roses. « Mes filles » sont très strictes sur l’horaire. J’espère que vous êtes bien installée.
Si Florane fut à nouveau surprise, elle n’en laissa rien paraître. Appeler « mes filles » des fleurs aussi belles soient-elles, pouvait quelque part interpeller. Mais après tout, n’avait-il pas droit, lui aussi, à quelques originalités ?
– Oui, merci Monsieur. Je suis également heureuse de vous rencontrer.
– Vous prendre bien un petit Porto ?
Si elle avait cru avoir affaire à un individu guindé, supérieur, intimidant ou tout autre qualificatif négatif du genre, elle se serait lourdement trompée. L’homme s’avéra d’emblée sympathique, avenant, sans manières, chaleureux et spontané. Son costume était légèrement élimé aux articulations. Elle se sentit immédiatement à l’aise.
– Alors Mademoiselle, expliquez-moi comment une si jolie jeune fille a pu consentir à collaborer avec un vieux crocodile comme moi, demanda-t-il avec un large sourire.
– S’il vous plaît, appelez-moi Florane.