Intrication infernale - Iris Rivaldi - E-Book

Intrication infernale E-Book

Iris Rivaldi

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Beschreibung

Une simple randonnée sur de vertigineuses falaises ? Pas du tout. Encore un crime mystérieux sur le chemin du valeureux commissaire principal Paul Berger, surnommé le Grogneux, qui peine à trouver le repos d'une retraite bien méritée. Cette nouvelle affaire le conduit sur la majestueuse Côte d'Albâtre. Cette fois, il sera en prise avec le monde scientifique, en particulier celui des chercheurs peu classiques de la physique quantique, et affrontera donc tant l'Esprit que les esprits. Sa tendre épouse et son incroyable grand-mère ne seront pas de trop pour l'aider à faire face à d'inextricables énigmes. En effet, cette enquête riche en rebondissements aborde la question de la conscience dans un monde qui en manque cruellement. Chaque volume des aventures du commissaire Paul Berger décrit une histoire inédite. Si vous connaissez déjà ce super flic, vous aurez donc le plaisir de le retrouver, autrement vous le découvrirez avec autant d'intérêt dans cet épisode !

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Ce récit est une fiction, toute ressemblance avec des personnages ou des situations existants ou ayant existé serait comme d’hab complètement fortuite.

À mon mari

Le vide me fait horreur

Alors devant cet abîme aujourd’hui

Mes jambes tremblent de peur

J’en frémis.

Elles ne me portent plus guère.

Heureusement qu’épaulé

Par ma chère et tendre, ici comme hier,

Les solutions sont à ma portée.

Je me demande encore

Sans elle, comment

J’ai bien pu échapper aux sournois coups du sort

Et résoudre tant de dossiers saignants.

Dans la même série policière Le Grogneux, vous pouvez lire :

- Le tome 1, Le Grogneux, là où tout a commencé...

- Le tome 2, Le Grogneux rempile.

- Le tome 3, Le Grogneux face à l’inexplicable.

- Le tome 4, La mare au faon.

- Le tome 5, Vilaine petite grenouille.

- Et le tome 6, que vous avez entre les mains.

Les différents policiers :

- Paul Berger, commissaire principal, surnommé le Grogneux par ses collègues. En mission pour la Direction régionale de la police judiciaire.

- Jules Robert, le commissaire de Dieppe.

- Sandra, lieutenante de police à Dieppe.

- Fabrice Descart, le substitut du procureur.

Autres personnages :

- Émilie, l’épouse de Paul Berger.

- Lucie, la grand-mère d’Émilie devenue chamane lors de son long séjour en Amazonie.

Sommaire

Le grand plongeon

L’hôtel de police

Les jeunes randonneurs

On se pose

La physique quantique avec deux Q

Dimanche matin

Dimanche après-midi

Dimanche soir

Lundi matin

Lundi midi

Lundi après-midi

Itinéraire d’un meurtrier

Lucie

Mardi matin

Mardi après-midi

Sandra

Mercredi matin, le jour où j’allais voir clair

Mercredi après-midi

Jeudi matin

Enfin

Le grand plongeon

— Il a glissé, c’est sûr.

— Non madame, il a été poussé, nuance. Chez moi, on appelle ça un meurtre. C’est pourquoi, vous êtes tous suspects et serez entendus séparément au commissariat de Dieppe. Alors restez groupés !

Ah oui, peut-être n’êtes-vous pas au courant du pourquoi du comment du début de cette histoire. Alors attendez que je vous raconte. J’avais décidé de faire une petite randonnée, ou plutôt Émilie, ma tendre épouse, avait estimé qu’une marche d’une vingtaine de kilomètres sur le GR 21, entre Dieppe et Quiberville-sur-mer, ne pourrait pas me faire de mal. Ce devait être un parcours agréable et tonique, loin du tracas du boulot. En effet, je suis commissaire principal de police, employé par la Direction régionale pour apporter ma précieuse expertise à la résolution d’enquêtes ardues, pour ne pas dire inextricables, mais j’ai pris le parti de rester simple question vocabulaire. Donc l’air iodé, le vol tournoyant des oiseaux de mer dans l’azur du ciel, les falaises grandioses qui, de par leur majesté, incitent à relativiser tant de choses, y a rien de mieux pour se refaire une santé.

Seulement voilà, au détour du chemin côtier surplombant la Manche vers Pourville, un cri perçant est venu s’échouer dans les pavillons de mes pauvres oreilles. Mouettes et goélands continuaient à faire des ronds dans le ciel sans s’émouvoir. Personne ne pouvait donc les accuser d’avoir rompu la quiétude de l’instant. On a soudain vu un attroupement observer le vide. Selon toute apparence, quelqu’un avait trouvé la « marche » bien haute. De fait, un corps gisait maintenant au pied de la falaise, sur les éboulis léchés par les vagues de la marée montante. Il s’agissait de loin et, à première vue, d’un bête accident ; du reste, les façons intelligentes de mourir, jusqu’ici, je n’en ai pas encore vu. Mais après de plus amples investigations de ma part, et même si, sur ce sentier étroit au-dessus de l’abîme, mon trouillomètre atteignait son niveau maximum – ben ouais, j’ai le vertige et les meilleurs ont aussi leurs faiblesses… – j’en avais déduit qu’on avait donné une belle chiquenaude au destin en aidant la gravité. Deux traces parallèles de semelles étaient littéralement gravées sur le sol et la victime avait donc, en pure perte, freiné des quatre fers. Les circonstances et le décor ambiant laissaient donc peu de place au doute. Émilie avait alerté les collègues dieppois sur son mobile à clapet, et moi, j’avais smartphoné ma Direction pour prévenir, qu’étant déjà sur les lieux, je poursuivais l’enquête. En effet, à mon âge et compte tenu de ma longue expérience du terrain, j’ai le sens pratique chevillé au corps et à l’âme. Voilà, à ce stade du récit, vous en savez autant que moi.

Donc, quand les pompiers sont arrivés en fanfare afin de se lancer à l’assaut de l’à-pic et s’approcher du corps, de mon côté, je me livrais à de plus amples investigations. Je comptais un total de quatorze marcheurs, tous figés sur place puisque sommés de ne pas s’éloigner. Sait-on jamais, l’assassin pouvait se trouver dans le lot. Secondé par Émilie, j’avais déjà consigné toutes les dépositions sur mon inséparable calepin, quand les collègues se sont pointés. Les randonneurs à la bonne humeur pour le moins entamée ont alors été emmenés au poste dans le plus grand silence. Toute la troupe devait être entendue sur les circonstances du drame. Je comptais attendre le procureur pour lui rendre compte de l’événement. Émilie louait le travail des experts de la police technique et scientifique qu’elle voyait œuvrer sur cette terre escarpée et tout autour des galets en contrebas. Elle tentait d’accuser le coup avec ses démonstrations d’enthousiasme mais je la savais toute remuée d’occuper involontairement les premières loges d’une scène de crime, aussi grandiose soit-elle.

Que l’un des quidams salués sur le chemin passe de l’état de marcheur insouciant à celui de cadavre, franchement si on s’attendait… Comment se douter que le sol à peine foulé par nos Pataugas se serait dérobé sous les pieds d’un pauvre gars ?

La seule évocation de cette chute vertigineuse suffisait à me faire dresser les cheveux sur le crâne. Je préférais ne pas trop m’attarder sur ce qu’avait pu ressentir le malheureux pendant les plus longues secondes de sa vie avant de s’écraser sur la grève. En plus, d’après la description des pompiers, son corps désarticulé aurait même pu inspirer bien des maîtres de l’horreur.

Le substitut du procureur, arrivé sur les lieux une demi-heure plus tard, serra la main d’Émilie avec mille prévenances. À l’instar de bien des hommes, lui aussi, semblait envoûté par le charme de ma douce épouse. Je lui fis donc un topo express de la situation en assurant que, parmi les marcheurs, devait sûrement se trouver l’individu qui s’était débarrassé de son compagnon de marche de manière radicale. Il m’écouta attentivement puis me chargea de continuer à enquêter, ayant été éclairé par les grands manitous de la région de mes exceptionnelles aptitudes de détective. Ensuite il proposa de nous ramener à Dieppe. Le temps de ce court trajet, alors qu’il conversait avec Émilie assise à l’avant du véhicule, il cherchait à comprendre comment l’on s’était retrouvés là. Dans un sourire enjôleur, ma tendre moitié lui répondit que son mari, l’éminent commissaire principal Paul Berger qu’il voyait en chair et en os, avait du nez pour dénicher toutes sortes d’affaires aux contours un peu flous. Devant l’étonnement du jeune magistrat, elle s’empressa de pondérer ses propos, ajoutant que notre présence au sommet résultait en réalité du plus fortuit des concours de circonstances ; ayant en effet décidé, sans préméditation aucune, de nous délasser suite aux affaires harassantes de ces derniers jours...

« Sacrée nana, voilà qu’elle parlait en mon nom sans complexe. Elle se bombardait « Adjointe du commissaire principal » à présent. Mais bon, après tout, ce n’était pas un si gros mensonge. En effet jusqu’ici, elle m’avait bien aidé dans mon travail d’enquêteur, tout comme dans la vie quotidienne. Je dois reconnaître que, sans elle, Dieu sait combien de temps j’aurais ramé dans la cancoillotte. »

Encore tout absorbé dans mes pensées, je m’aperçus qu’on avait franchi l’entrée de la ville, au moment où le substitut nous demandait où il devait s’arrêter.

— Eh bien, déposez-nous à l’hôtel Bonsecours, s’il vous plaît. On a grand besoin de se rafraîchir, dis-je. Ensuite j’irai au commissariat interroger les suspects. Ne les laissons pas se morfondre. J’ai vu pas mal de gens âgés dans la bande, ils n’ont pas la touche de grands criminels. Ceci dit, ce n’est pas forcément un indice. L’exploration de l’âme humaine m’a maintes fois démontré que les eaux calmes sont aussi les plus profondes.

— Pas faux commissaire, on tombe souvent de haut dans notre métier, répliqua le substitut, s’apercevant trop tard avoir parlé plus vite que son ombre. Il bégaya aussitôt des excuses.

Émilie rattrapa le pauvre bougre qui avait rougi d’émotion :

— Ne vous excusez pas, vous faite une analyse pertinente de la situation. Qui mieux que la justice est en première ligne pour tout savoir de la nature humaine ? N’est-ce pas chéri ?

— Euh oui, exact Émilie. On en voit des vertes et des pas mûres au contact de la délinquance ; la réalité est pirissime que la fiction.

— Voilà, vous êtes arrivés. Vous allez certainement séjourner ici quelques jours, alors avant que nos routes ne se séparent, j’aimerais vous inviter à dîner.

— Eh bien, demain dimanche, ce serait avec plaisir, hein Paul ? s’enthousiasma Émilie.

— Euh oui... bien sûr !

— Alors vendu ! Je passerai vous prendre à votre hôtel, demain à 19 heures 30. Je connais un bon p’tit resto, tout proche. Vous ne serez pas déçus du détour… il se trouve dans le centre près de l’église Saint-Jacques. Vous connaissez peut-être ?

— Pas encore non, mais ce sera l’occasion, opinai-je en descendant de voiture.

— À demain alors, dit Émilie en serrant la main du jeune homme.

En prenant la clé au concierge, je fis un léger reproche à ma belle :

— Chérie, n’est-ce pas un peu prématuré de copiner avec le substitut ? On ne le connaît ni d’Ève ni d’Adam après tout.

— Mon amour, ça peut être un plus de l’avoir de notre côté. Et puis ce n’est qu’un repas, espérons qu’il paie l’addition… ce serait la moindre des choses, avec tous les services que tu rends à la vraie justice. Toi, tu ne te contentes pas d’appliquer aveuglément la Loi, au moins, tu fais pencher la balance du bon côté...

— OK, alors profitons un peu de notre séjour à Dieppe. Pour l’instant, prépare-toi vite qu’on puisse aller au commissariat, ne faisons pas languir les collègues.

Si vous ne connaissez pas encore ma petite femme, alors sachez que lorsque je lui dis de ne pas attendre le dégel, mieux vaut s’armer de patience, s’allonger sur le lit en les fleurs du papier peint, méditer, s’inspirer de l’enseignement des plus grands maîtres zen car les délais risquent de traîner en longueur un certain temps.

Eh bien figurez-vous que non, contre toute attente…, ce coup-ci, Émilie avait vraiment fait diligence. Elle s’était changée en un temps record pour se parer de ses atours les plus féminins. Elle tenait à porter la robe longue sombre qui soulignait sa taille fine et sublimait son allure élancée. Mais était-ce de bon ton pour une halte au commissariat ? Pas le temps d’approfondir cette question qu’elle me tirait déjà par les pieds pour m’obliger à me lever du lit.

— Très bien ma chérie, on est partis !

L’hôtel de police

Grâce au GPS de la voiture, on avait pu trouver sans s’égarer le commissariat de Dieppe, qui me surprenait par son architecture. « Un peu trop carrée à mon goût, cette bâtisse », mais le sort ne m’avait pas placé sur cette route pour jouer les critiques d’art. Il fallait bosser, les frivolités attendraient.

Arrivés à l’accueil, j’exhibais ma carte tricolore devant le gardien de la paix en demandant après le commissaire. Un coup de bigo plus tard, on vit rappliquer un gaillard à la cinquantaine fatiguée, pas bien grand, la silhouette empâtée presque rondouillarde, le crâne dégarni avec de grosses lunettes en écaille qui lui tombaient sur le nez.

— Bonjour Monsieur Berger, j’ai ouïe dire que vous allez prendre en main l’affaire de Pourville. Veuillez bien me suivre, les randonneurs patientent en salle de conférence. Je peux même dire qu’ils trépignent, vous avez mis le temps !...

« C’est le comble ça, je travaille pendant mes vacances et voilà qu’on me reproche mon retard. Non mais, il se prend pour qui, ce commissaire ?! »

Émilie lui avait décoché un sourire rempli de gracieuseté, qui ne l’avait pas le moins du monde fait bigler. Étonnant. D’habitude, c’est tout l’inverse qui se produisait sur la gent masculine. Ce commissaire était-il trop croulant pour succomber au charme de ma tendre épouse ? Bah qu’importe !

— Ah oui, j’oubliais. Je me présente, je suis le commissaire Jules Robert. Et permettez-moi de vous dire que je n’apprécie pas qu’on me retire cette affaire. Je ne comprends pas, la Direction régionale devrait me faire confiance, que diable ! C’est à n’y rien comprendre, on marche vraiment sur la tête. Qu’est-ce que vous avez de plus, vous ?! me jaugea-t-il du haut de son mètre 68.

À quoi bon lui détailler mes fulgurants états de service ? Sans m’étendre sur ce sujet, je me dis qu’il fallait plutôt la jouer diplomate :

— Allons, allons commissaire, calmez-vous, vos compétences n’ont rien à voir dans tout ça. C’est juste qu’on était sur place le jour du meurtre, ou si vous préférez, au mauvais endroit au mauvais moment.

— Oh ! oh ! oh ! contre-attaqua-t-il sur un ton bien éloigné de la bonhomie du père Noël. Un meurtre, comme vous y allez… En l’état de l’enquête, ça a tout de l’accident con… rien de plus, comme il en arrive hélas sur nos belles falaises. C’est quand même pas de ma faute, si les gens sont imprudents. En plus, à cause de leur inconséquence, ils mettent la vie des secouristes en danger. En tout cas, c’est pas moi qui irais m’aventurer sur ces corniches pour dépenser inutilement l’argent du contribuable... Voilà, c’est ici, entrez.

Les quatorze randonneurs, hommes et femmes confondus, attendaient avec anxiété. Leur nervosité se sentait dans l’atmosphère électrique surchauffée de la salle. Tout commençait dans les lamentations d’un vieux ronchon revenu de tout, pétri de rancœur et de frustrations... j’avais bien la confirmation que cette enquête ne s’annonçait pas comme une promenade de santé.

Tout le monde s’était levé à notre entrée.

— Mesdames, messieurs, asseyez-vous. Vous êtes là pour répondre à quelques questions.

— On doit appeler un avocat ? s’inquiéta un jeune homme en tenue de cycliste.

Drôle d’accoutrement pour un marcheur.

— Ne vous donnez pas cette peine. Je dois tous vous entendre comme témoins, aucune charge n’est retenue contre vous. Puisque vous avez manifesté l’envie de vous exprimer, alors monsieur, je vous interrogerai le premier. Que les autres attendent dans le couloir, merci.

Tout le monde sortit sauf le cycliste.

— Pourquoi s’habiller en coureur pour une randonnée, jeune homme ?

— Simplement parce que j’avais rejoint ma copine Alexandra à vélo. Elle avait oublié son portable chez moi, je voulais juste le lui rapporter.

« C’est plus que de la distraction », me mis-je alors à cogiter. Un portable, de nos jours, ça en dit plus long que le sac à main d’une femme, ça transporte la vie de tout un chacun ; le meilleur des flics n’en saura jamais autant qu’un cellulaire...

— Elle, c’est une vraie randonneuse, poursuivit le type. J’ai laissé ma bécane en bas de la colline. J’espère qu’on ne me l’a pas barbotée par votre faute.

— Vous verrez bien… bon, dites-nous ce que vous avez vu au moment du drame.

— Pas grand-chose, je marchais derrière Alexandra, c’est elle qui ouvrait le cortège.

— Connaissiez-vous la victime ?

— Alexandra sûrement, mais moi non, pas du tout.

— Bon ce sera tout, mais avant, veuillez décliner au commissaire ici présent votre identité.

— J’ai déjà tout décliné à un flic tout à l’heure, je crois même que c’était un OPJ, un lieutenant, un truc comme ça… Mais bon, si vous y tenez, je suis Clément Landry.

— J’y tiens oui… merci, alors commissaire qu’on entende à présent cette Alexandra, s’il vous plaît.

Les jeunes randonneurs

Je sentais que la jeune fille serait un témoin capital. Oui, mon insurpassable flair, encore lui, allait se distinguer.

— Entrez mademoiselle, asseyez-vous. J’ai des questions à vous poser sur la mort de Ludovic Merryl, un membre de votre club de rando. Vous le connaissiez ?

— Oui, c’est moi qui l’avais incité à s’inscrire au club pour qu’on marche ensemble. J’étudie à l’université et on s’est connus là-bas. Il était chercheur. Après son doctorat, il avait obtenu une Habilitation pour Diriger des Recherches, ce qu’on désigne dans notre jargon universitaire par trois lettres magiques : « HDR ». D’ailleurs, c’est aussi le cursus que je veux suivre, j’adorerais me lancer dans la recherche. Ludovic était excellent, il s’était spécialisé dans l’optique et la mécanique quantique.

« Allons bon ! Optique et Cantique sont les deux mamelles de problèmes que je vois se profiler comme moutonne à l’horizon d’un ciel orageux l’enclume noire d’un cumulonimbus. C’est bien ma veine ! Déjà, chez les jésuites, quand j’ai voulu percer le mystère du Cantique des cantiques, un religieux m’avait surpris dans ma lecture. En posant une main onctueuse sur mon épaule, il m’avait susurré que la vie m’en apprendrait suffisamment et bien assez tôt… Je n’avais rien cerné de ses allusions à l’époque. Il m’encouragea alors à rejoindre la chorale du lycée, affirmant que j’avais une voix de ténor et que, des cantiques, j’en chanterais tout mon saoul. Je me doutais bien qu’il me baladait et ma sagacité innée me commandait déjà de me tenir à bonne distance de ce pieux mélomane. J’avais compris très tôt que j’avais peu de chance de mettre un jour le Stade de France à mes pieds. Certes, je chante encore aujourd’hui, le plus souvent sous la douche. Émilie est donc ma première fan. À présent, ma petite femme devra donc encore m’éclairer de ses lumières sur cette mécanique infernale. »

— Bien, alors j’ai une autre question importante, avez-vous fréquenté Ludovic ?

— Vous me demandez si on couchait ensemble, c’est ça ? Non, absolument pas, ce n’était qu’un pote. D’ailleurs, je n’avais pas l’air de l’intéresser plus que ça. Sinon, why not ? C’était un beau mec, intelligent avec ça.

— Vous êtes amie avec Clément Landry. Quand il vous a rejoint sur la falaise, où étiez-vous placés, par rapport à Ludovic ? Je veux dire dans la file des marcheurs.

— Je ne sais plus trop, ça change tout le temps pendant le parcours, vous savez. Certains s’arrêtent pour regarder le paysage et alors ils se font doubler.

— Je veux dire au moment du drame ?

— Clément et moi, on bavardait en tête. Je pense qu’on avait vraiment bien avancé par rapport aux autres car on n’entendait personne parler. Pris dans le mouvement, on traçait. On voulait garder le rythme pour ne pas s’épuiser avec trop de ralentissements. Vous savez, il y a toujours des traînards, Ludovic en particulier, je sais qu’il aimait prendre des photos avec son super appareil.

Je me retournais vers le commissaire Robert pour savoir si le matériel du marcheur-chercheur avait été retrouvé quelque part. Il m’a répondu qu’il se renseignerait et quitta la pièce sans dire un mot. J’avais écopé d’un râleur premier choix, jamais content. Un Grogneux puissance mille. Je faisais figure de gai luron à côté… Émilie s’approcha doucement de moi et m’attrapa le coude pour me chuchoter à l’oreille :

— Demande-lui si elle ou son copain possède un appareil photo.

Bien qu’Émilie ait parlé mezza voce, la jeune fille avait tout entendu.

— Ben moi non, je ne suis pas très photos. Et puis, on était d’abord là pour marcher. Mais Clément m’avait ramené mon portable. Je crois me souvenir qu’il faisait l’idiot en cherchant à prendre un selfie de nous deux. Par contre, je ne situe pas précisément le moment, je ne sais pas si c’était juste avant l’accident ou sur le sentier pendant qu’on marchait.

La porte s’ouvrit en cet instant précis. Le commissaire venait me dire que l’appareil photo, coincé dans les éboulis, avait été retrouvé.

— A-t-il subi des dégâts ?

— Oui, comme on peut l’imaginer après une chute pareille, mais je pense qu’au labo, les gars pourront en tirer quelque chose. Je leur ai demandé de faire vite.

— Alors faites aussi entrer Clément.

Le commissaire entrebâilla la porte et appela le jeune homme.

— Voilà Clément, Alexandra vient de nous dire que vous étiez en pleine séance de clowneries devant l’objectif de son portable pour prendre des photos. Était-ce juste avant le drame ?

— J’en sais rien, mais vos policiers nous ont pris nos téléphones, z’avez qu’à leur demander. Vous pourrez visionner tout ça.