Le Grogneux rempile - Iris Rivaldi - E-Book

Le Grogneux rempile E-Book

Iris Rivaldi

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Beschreibung

Il n'aspirait qu'à la paix et à la tranquillité, mais voilà que de nouveaux soucis se pointent pour le commissaire principal Paul Berger dit le "Grogneux", et donc de nouveaux grognements en perspective ! Heureusement sa charmante épouse Émilie est là pour apaiser son esprit... Le voilà de nouveau confronté à un crime odieux dont il devra éclaircir le mystère et sa retraite tant attendue n'est plus à l'ordre du jour. Les lendemains ne s'annoncent pas de tout repos. Le petit commissariat de province de Sernon est en effet le théâtre de nombreuses péripéties. Les dossiers s'empilent au grand dam de notre fin limier, autour duquel gravitent amis et collègues, qui se serrent les coudes quand le sort s'acharne. En reprenant du service, notre Grogneux n'a pas laissé ses bons sentiments dans les classeurs métalliques de son bureau ; toujours aussi fleur bleue, sa douce Émilie lui communique sa joie de vivre et son amour qui l'aideront à supporter bien des tourments. Elle apportera aussi son aide pour réconforter les âmes en peine de passage. Ce récit est rythmé par une cascade d'événements intenses. Comment notre Grogneux va-t-il se sortir d'autant de chausse-trappes ?

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Toute ressemblance avec des personnes, des événements ou des lieux existants serait carrément incroyable. Vous l’aurez compris, ce que vous avez sous vos yeux est donc pure fiction...

Pourquoi tant de noirceur

En ce lieu, à cette heure ?

Alors qu’en amont un cygne erre

Majestueux sur l’onde claire

Cette douce apparition, dans la lumière du soleil

N’est-elle pas pure merveille ?

Dans la même série :

Le Grogneux, un premier roman qui pose le décor avec du rythme et de la sensualité – tome 1

Le Grogneux rempile – tome 2

Le Grogneux face à l’inexplicable – tome 3

La mare au faon – tome 5

Vilaine petite grenouille – tome 5

Toutes ces aventures du Grogneux sont inédites et peuvent être lues indépendamment.

Sommaire

Le mur de l’horreur

Du rab au menu

Quand le vin est tiré...

Pénible devoir

L’appel du devoir

Le Grogneux se réveille

Une ressemblance fatale

L’audition

La marche de protestation

Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois

Rien n’est jamais perdu

Un indice

Mon flair surpassé par la science ?

Une nouvelle criminalité

Une piste qui se perd dans le néant

Le mystère Théo Durand

N’en jetez plus

Au bord de l’eau

L’humanité me désespère

Émilie ma douce...

L’officier de police judiciaire

Aline

Certaines rencontres peuvent tout changer

Emilio

Surprises et confidences

Il y a de quoi rire

Julien

Une enquête relancée

De l’audition ne naît pas la lumière

Les appréhensions de Jean

Fait comme un rat

Le mur de l’horreur

Pourquoi autant de chahut dans les vestiaires du commissariat de Sernon ? Cette petite ville de province que vous connaissez peut-être. Deux pontes de la direction régionale de la police judiciaire, mes chefs directs, ont fait le déplacement et ont apporté avec eux une caisse d’un excellent champagne.

Eh oui... ce soir, c’est mon pot de départ. J’ai cinquante-huit ans et j’étais jusque-là commissaire principal. C’est donc mon dernier jour et, en cette fin d’après-midi, tous mes collègues sont réunis pour me souhaiter bon voyage sous les alizés d’une retraite anticipée. Bien méritée, je crois.

Émilie, ma jeune épouse, m’a écrit la petite bafouille que je m’apprête à prononcer devant l’assemblée. On n’attend plus que Louis, mon adjoint capitaine de police, ainsi que mon successeur, le nouveau commissaire Emmanuel Hermon. Mais parfois, les choses ne se déroulent pas comme prévu, voilà donc comment elles se sont passées. Je vais tout vous dire.

— Julie, savez-vous où sont Louis et Emmanuel ?

— Je pense que Louis est encore à l’étage, pour ce qui est du commissaire, je ne sais pas, il devrait déjà être là.

— Allez chercher Louis, car les grands chefs trépignent d’impatience. Ils ont de la route à faire... Il ne faut pas les retarder. Je vais devoir commencer mon discours sans Emmanuel. Il nous rejoindra.

Julie s’éclipsa et réapparut quelques minutes après en compagnie de Louis, tout sourire.

— Bon mes amis, il est temps de commencer même si mon remplaçant, Emmanuel, votre patron à présent, n’est pas encore arrivé. J’ignore pourquoi, il m’a pourtant assuré qu’il serait là, même si c’est son jour de congé. Comme nous ne pouvons plus attendre, je vais donc ouvrir les réjouissances et le commissaire Hermon nous rejoindra dès que possible. Il a dû être retenu par je ne sais quelle urgence imprévue.

L’assemblée se tut.

— Voilà, je voudrais d’abord remercier les commissaires Duval et Bernier de la direction régionale pour avoir fait le déplacement et nous avoir apporté, par la même occasion, de si bonnes bouteilles. Il fallait marquer le coup, n’est-ce pas ? – Rires dans les rangs – Ces petites bulles vont ravir nos palais, ça ne peut pas mieux tomber, puisque j’aimerais aussi remercier tous mes collègues, ici réunis, car j’ai été heureux et fier de travailler avec eux pendant toutes ces années, qu’ils soient administratifs ou policiers de terrain. Vous avez été de bons et loyaux collaborateurs et même des amis, pour certains. Nous avons fait du bon boulot et…

Tout à coup, quelques gardiens de la paix s’agitèrent au fond de la salle, puis le brigadier-chef disparut de mon champ de vision.

Je m’interrompis pour demander ce qu’il se passait. J’entendis de vagues bribes de phrases : « ...il y a eu... un malheur... c’est horrible... » Je me frayais alors difficilement un chemin parmi l’assistance. J’arrivais à la porte et je sortis jeter un œil dans le couloir.

Le brigadier-chef rappliqua tout pâle et terrifié :

— Patron, un drame vient de se produire... C’est Emmanuel... notre commissaire, sa femme nous a appelés affolée. Elle a donné l’alerte, j’ai envoyé les gars de la BAC1 sur place. Si j’ai bien tout compris, car elle était toute retournée la pauvre, Emmanuel sortait de son jardin, quand il a été fauché par une rafale d’arme automatique. Une voiture qui passait en trombe dans sa petite rue l’a mitraillé. À ce qu’on m’a dit, il est grièvement blessé. Je n’en sais pas plus.

— Bon sang ! Prévenez tout de suite Jean, notre expert de la police technique. Il doit aller là-bas sur-le-champ. J’y vais moi aussi. Dites aux collègues que la fête est finie. Malheureusement...

Je courus essoufflé jusqu’à ma bonne vieille Peugeot 203.

Une fois assis à l’intérieur, je laissais éclater ma colère. J’assenais quelques coups du plat de la main sur le volant en poussant un cri de désespoir : « C’est pas Dieu possible, c’est la cata... je suis maudit, et ma petite Émilie qui m’attend pour partir en voyage de noces. Je lui avais promis... Bon réfléchissons, si Emmanuel n’est pas trop amoché, tout n’est peut-être pas perdu, mais je serais quand même obligé de rempiler quelques jours. Dans le cas contraire, j’en ai au moins pour un mois, voire plus. »

Encore un petit aparté, permettez-moi de préciser, si vous l’ignorez encore, que je suis, certes, un fin limier, mais que tous mes collègues ont pris l’habitude de me surnommer « Le Grogneux ».

Pourquoi ? Tout bonnement parce que je râle quelquefois... En réalité très souvent, cela était même devenu jusqu’ici une seconde nature dont je ne me rendais d’ailleurs plus compte. Mais avec l’arrivée de ma douce épouse dans ma vie d’ours solitaire, ce trait de caractère s’est quelque peu aplani. Enfin, Chassez le naturel... vous connaissez la suite. Toutefois, la seule évocation d’Émilie suffit toujours à me calmer. « Avant toute chose, mon vieux, tu devrais peut-être te préoccuper de l’état d’Emmanuel » me souffla une petite voix.

Je conduisais la voiture avec nervosité et passais les vitesses en les faisant grincer. J’étais assailli de questions : « Que s’était-il donc passé ? Pourquoi cette attaque ? En effet, Emmanuel était nouveau au commissariat, il n’avait pas eu le temps de se faire d’ennemis. Alors pourquoi lui, et justement aujourd’hui ? »

Voilà que, perdu dans mes pensées, je me trompais de rue, « Nom d’un chien bordel ! C’est vrai, il y a un sens unique ici, j’avais oublié, voilà que je conduis comme un manche... »

Je m’arrêtais, puis je reculais. « Ah, c’est le comble, j’ai droit à des coups de klaxons à présent. Bon sang, de bon sang ! » Le gyrophare bleu de ma voiture était allumé et la sirène faisait un boucan de tous les diables mais cela ne les impressionnait pas plus que ça, tous ces satanés chauffards.

« Punaise ! Je suis un officier de police judiciaire en mission... Alors quoi ?! Qu’est-ce qu’il leur faut de plus, nom de nom !... Voilà récapitulons, Emmanuel, sa femme et son fils ont loué une belle villa des années trente chez une vieille fille qui vit avec sa mère, les Vangère. C’est ce qu’il m’a dit au début. C’est une famille implantée à Sernon depuis des lustres et qui se confond dans le décor. Il y a des décennies, le père possédait une cidrerie dans les faubourgs de la ville et travaillait aussi comme producteur-récoltant. Son cidre et son vinaigre étaient renommés dans toute la région et bien au-delà. Alors ça doit être là, je suis enfin arrivé. »

Je vis au loin l’ambulance des pompiers. Un des policiers de la BAC avait déjà délimité la zone avec des rubalises jaunes et interrogeait consciencieusement le peu de témoins présents au moment du drame.

Je laissais la voiture en retrait, la portière ouverte, et je me précipitais vers les pompiers. Je voulais tout de suite prendre des nouvelles d’Emmanuel. Mais voilà que, dans le fourgon rouge, ce n’était pas mon collègue que je trouvais allongé sur une civière mais sa jeune épouse, Catherine. L’un des secouristes me signala qu’elle avait perdu connaissance pendant quelques instants, mais que maintenant elle reprenait le dessus. Je la vis tenter de se relever en demandant encore hébétée des nouvelles de son mari à l’ambulancier.

Le dos tourné, le jeune homme faisait mine de s’affairer, il tourna son visage vers moi et me jeta un regard désemparé sans dire un mot.

Je m’avançais et je pris la main de Catherine. J’essayais de la calmer car elle tremblait de tous ses membres et je la rallongeais en lui disant que « son mari avait été transporté à l’hôpital et qu’on n’avait pas encore d’informations à son sujet. »

Je ressortis du fourgon et je m’approchais de mon collègue au brassard de police.

— Alors Éric, comment va Emmanuel ?

Le policier en civil était un grand gaillard avec une barbe naissante, l’indice évident d’une ronde prolongée. Il leva ses yeux bleu clair vers moi et me fit :

— C’est moche ce qui est arrivé au commissaire.

Quand il vit ma mine déconfite, il essaya maladroitement de se rattraper en précisant qu’un nombre effarant d’impacts défiguraient le mur du jardin.

— Cela ne peut-être que le tir d’une ou plusieurs armes de guerre, personne n’aurait pu s’en tirer sans mal.

Tout en me fixant droit dans les yeux, il ajouta aussitôt :

— Les pompiers viennent de l’emmener à l’hôpital. Ils ne pouvaient pas laisser le corps sur le trottoir. Ils ont fait tout ce qu’ils ont pu, mais c’était trop tard. Patron, j’avoue n’avoir jamais rien vu d’aussi horrible. Son corps n’était pas beau à voir, je vous assure. Son thorax était déchiqueté, presque scié. Je suis vraiment désolé. Mes trois collègues se sont lancés à la poursuite de ces salauds. D’après les premières déclarations, surtout celle de ce monsieur qui revenait de promener son chien, il semble avoir vu deux hommes dans une berline noire aux vitres fumées. Il a vu la plaque, mais n’a retenu que le chiffre 31 sous une croix occitane jaune sur fond rouge. Ces types viennent sans doute de la région toulousaine.

1BAC : Brigade anti-criminalité

Du rab au menu

Pendant que j’interrogeais mon collègue de la BAC, une voiture banalisée arrivait toutes sirènes hurlantes. Il s’agissait des commissaires divisionnaires de la direction régionale. Ceux-là mêmes qui s’étaient déplacés pour mon pot de départ... « Allons bon ! » Ils s’approchèrent de moi avec une mine anéantie de circonstance. Je les informais aussitôt de ce que je savais. Ils me prirent par le bras pour m’emmener à part et me dirent :

— Paul, tu ne peux pas nous quitter maintenant, en l’état des choses, nous n’avons plus personne pour te remplacer. Il faut que tu restes le patron à Sernon, encore quelques semaines...

Devant l’inéluctable, je les rassurais à regret :

— Oui, j’ai bien conscience que je ne vais pas pouvoir faire autrement. Je suis vraiment peiné pour Emmanuel. C’est cruel, un brave gars comme lui. Je ferai tout pour retrouver les salopards qui ont fait le coup. Comptez sur moi.

Ils m’informèrent avoir fait le nécessaire pour qu’une équipe régionale vienne me seconder.

— Ils sont déjà en route, conclurent-ils.

Et voilà, c’était reparti pour un tour. Adieu retraite, adieu lune de miel. « Quelle poisse ! »

Sur ce, il me fallait avertir le procureur. Cela fut vite fait, ensuite j’appelais Louis sur son portable :

— Capitaine, peux-tu immédiatement lancer un avis de recherche pour une berline noire avec à bord deux individus armés. Ils ont des armes de guerre. Les collègues de la BAC se sont lancés à leurs trousses. Préviens le lieutenant Basel de la gendarmerie s’il te plaît. Qu’il se magne et qu’il fasse établir des barrages sur toutes les routes dans un rayon de trente kilomètres. Il me les faut, ces fumiers !

Je retournais près du policier.

— Éric, tu es toujours en contact avec la voiture de patrouille qui poursuit les fugitifs ?

— Bien sûr patron, avec mon talkie-walkie. Tenez !

— Allô la BAC, ici le patron, où en êtes-vous les gars ?

— Ici BAC 3, les saligauds nous tirent dessus. On a essuyé plusieurs rafales. Ils font du grabuge. Ils ont provoqué quelques carambolages dans les rues. Ils remontent la ruelle du cimetière à toute blinde et à contresens, on leur file au train. Euh... juste un instant patron…

Quelques longues secondes s’écoulèrent.

— Allô patron, ils viennent de se planter sur un plot en ciment. Ils abandonnent leur caisse. Mes deux collègues les poursuivent à pied. Attendez patron, ça chauffe… Envoyez-nous des renforts, les fuyards s’engagent dans la rue haute, on ne pourra pas les coincer à nous trois, ils risquent de nous filer entre les doigts…

— Éric, comment fait-on pour toucher les autres voitures ?

— Voilà patron, c’est bon, allez-y, vous pouvez parler.

— Autorité, à toutes les voitures, deux hommes armés et dangereux dans la rue haute, il faut des renforts immédiats aux gars de la BAC. Ils sont en difficulté.

— Ici BAC 1, nous sommes près du cimetière, on y va.

— Autorité à tous, attention, les truands ne rigolent pas... Tentez de les coincer entre les rues de la Forêt et des Trois Pommiers. Faites vite...

Après un silence pesant.

— BAC 1 à BAC 3, ça y est, tout est en place. On les attend de pied ferme.

— Ici BAC 3, merci collègues, faites gaffe on a du mal à les suivre, ils tirent sur tout ce qui bouge...

— BAC 1, on a un visuel sur eux, j’en vois même un qui boitille. Ils sont armés de kalachnikovs et d’armes de poing... Attendez que je me planque... voilà, je suis sous un porche... Ils n’ont pas l’air de nous avoir repérés. On va les cueillir en beauté...

Encore deux minutes interminables.

— BAC 1, les mecs sont à terre, prévenez les secours, l’un de nos gars est touché. Il pisse le sang, ça m’a l’air sérieux…

— Ici autorité, les ambulances arrivent. Encore un peu de patience. Et les deux fugitifs ?

— Ils ne bougent plus, je ne sais pas, ils ont pris plusieurs balles.

— J’envoie les experts. Le lieutenant Julie Lagarde arrive aussi, faites-lui votre rapport sur place.

— Autorité, je libère la fréquence. Bon boulot les gars.

J’étais vanné, il fallait que j’appelle Émilie qui devait se faire du mouron. Je devais la rejoindre après le pot. Cela faisait plus de trois heures déjà.

— Louis, c’est Paul, je rentre à la maison, tiens-moi au courant et occupe-toi de Catherine, la femme d’Emmanuel. Elle vient de partir à l’hôpital.

— Je vous donne des nouvelles dès que possible. Bonsoir patron. Dure journée n’est-ce pas ?

— Bonsoir Louis, oui ça a été délirant. Ah oui pendant que j’y pense, n’oublie pas de prévenir la gendarmerie pour lever les barrages.

En voiture, je songeais avec un peu d’appréhension à la réaction d’Émilie pour mon retard, mais surtout pour le report de ma retraite.

Quand j’arrivais, toutes les lumières de la maison étaient allumées. Ma douce se croyait-elle à Versailles ? Que pouvait donc faire Émilie ? Je n’allais pas tarder à le savoir.

J’ouvris le garage et j’entrais la voiture. À peine eus-je fermé la porte enroulable que je l’entendis approcher. Je me retournais et aperçus ma tendre épouse dans une longue robe noire fendue de chaque côté et échancrée sur le devant. Elle s’était apprêtée avec soin pour mon retour et s’était promenée dans toutes les pièces en faisant les cent pas, tout en laissant brûler les ampoules. Inutile d’imaginer la prochaine facture d’électricité... N’y tenant plus, elle se précipita dans mes bras et me couvrit de baisers. J’eus un mal fou à l’entraîner à l’intérieur du salon. Elle s’accrochait à mon épaule en me murmurant à l’oreille que le temps lui avait paru interminable. On s’écroula tous les deux sur le canapé. Je sentis ses deux petits seins effleurer ma joue. Elle devait être nue sous sa robe, cela ne faisait aucun doute. Mon flair était, comme à l’accoutumée, infaillible... La question que je redoutais tant finit par sortir de sa jolie bouche :

— Alors chéri, comment s’est passé ton pot de départ ?

Quand le vin est tiré...

— Euh, eh bien…

Elle me coupa la parole en s’étirant comme un chat. Puis elle me fixa droit dans les yeux. Instinctivement, je baissai mon regard comme un enfant pris en défaut.

— Quand j’ai vu les heures passer, je me suis dit, cela s’est sûrement prolongé. Mais maintenant que je te vois, il me semble que tu es d’humeur sombre ? Qu’y a-t-il, chéri ? Je te connais bien, quelque chose te chiffonne... dis-moi.

Je ne savais pas trop par où commencer, je jouais donc cartes sur table :

— Il n’y a pas eu de pot de départ, Émilie chérie. Si tu étais venue, tu aurais vu pourquoi...

Elle fronça les sourcils, mais ne dit rien.

— Je vais tout t’expliquer, ne sois pas fâchée, mon doux trésor, tu vas tout comprendre. Voilà, j’étais en train de lire le début du speech que tu m’avais préparé, quand soudain un mouvement de panique au fond des vestiaires m’a intrigué et m’a obligé à tout arrêter. Je suis sorti pour voir ce qui se passait et j’ai alors appris l’horrible nouvelle. Emmanuel, tu sais, mon remplaçant... eh bien, il lui est arrivé malheur…

Elle sentit, à mes mots, que c’était grave, elle s’approcha de moi avec douceur et apposa un baiser humide sur ma joue. Des larmes montèrent à mes yeux. Je n’avais rien éprouvé pendant les événements, mais maintenant je pleurais. Elle essuya doucement ma pommette et le coin de mes yeux. Je vis à son regard contrit qu’elle avait compris.

— Il est mort, c’est ça ?

— Oui, ma chérie. Il devait nous rejoindre. Quand il est sorti de chez lui, il a été abattu comme un chien.

— Des terroristes ?

— Je n’en sais encore rien, l’enquête démarre à peine. Voilà, je voulais te dire…

— Que tu n’es pas encore en retraite, n’est-ce pas ?

— En effet, les grands chefs m’ont demandé de rester un peu en attendant un autre remplaçant... Je ne pouvais pas faire autrement, tu comprends ?

— Évidemment, mon cœur, ne t’inquiète pas. Je peux attendre.

— Merci mon ange, tu me soulages d’un grand poids. Je ne savais pas trop quelle serait ta réaction. Mais tu sais, nous avons coincé ces pourris. Ils ont payé. C’est pour cela que je suis en retard. Mes hommes les ont descendus après une chasse à l’homme rocambolesque, tu aurais vu le rodéo... Maintenant, je dois comprendre pourquoi Emmanuel a été assassiné. J’y pense, pourrais-tu venir avec moi, demain, pour rendre visite à sa femme Catherine ? Après le meurtre de Gilles, c’est la deuxième fois, en si peu de temps, que je suis obligé d’aller voir une femme endeuillée. J’ai l’impression d’accomplir un sinistre travail à la chaîne. Je me sens dans la peau d’un ange de la mort. Tu sais, elle reste seule avec un petit garçon de quatre ans. Quel drame ! Ton aide sera précieuse, j’ai été nul de chez nul l’autre fois en face de Karen, l’épouse de Gilles. Je n’ai pu sortir que des mots vides de sens. Je m’en veux encore.

Elle me serra dans ses bras et je sentis la chaleur de sa peau faire monter en moi un désir immense malgré le chagrin qui m’affligeait. On s’allongea sur le canapé tendrement enlacés. Elle me caressa le torse tout doucement. Au bout d’un moment, elle enleva sa robe et se blottit contre moi dans toute sa nudité. Elle déboutonna lentement ma chemise sous ma cravate. Entre sourires et larmes, je lui succombais.

Pénible devoir